Intervention de Charles Gautier

Réunion du 7 septembre 2010 à 21h45
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo de Charles GautierCharles Gautier :

La « protection » se vendrait mieux que la « surveillance » ! Je vous rappelle que les plus réticents s’appuient justement sur la revendication d’une présence humaine accrue, donc d’une surveillance…

Vouloir changer les mots pour une même signification, c’est montrer un manque de confiance dans ce que vous énoncez. Vidéosurveillance et vidéoprotection ne sont qu’une seule et même chose ! Ni l’une ni l’autre ne sont d’ailleurs dans le dictionnaire. Un seul mot existe : la vidéo, et c’est bien de cela qu’il s’agit.

Monsieur le rapporteur, vous avez rompu l’équilibre droite-gauche qui ressortait du rapport parlementaire auquel je viens de faire allusion.

Alors que nous affichions, dans la recommandation n°1, celle que nous avions jugée ensemble comme étant la plus importante, la volonté de réunir sous une seule autorité, celle de la CNIL, les compétences d’autorisation et de contrôle, vous vous en détournez aujourd’hui, laissant au seul préfet le pouvoir d’autoriser, après avis de la commission départementale, l’installation de tout nouveau système.

Par cette proposition, vous dénaturez complètement notre « production commune », pourtant approuvée à l’unanimité par la commission des lois de notre assemblée.

Concernant la vidéo, je dois ajouter, monsieur le secrétaire d'État, qu’il y a souvent désaccord entre nous quant au mode de financement de l’investissement.

Selon moi, celui qui décide, paie ! Si vous souhaitez développer ce dispositif, il est alors normal que vous le preniez en charge, et pas seulement en « confisquant » le Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, qui a précisément dans ce domaine bien d’autres choses à financer !

Mais, mes chers collègues, il y a plus grave à mes yeux ! Tout le volet relatif aux fichiers ne manque pas de nous inquiéter. Nous allons devenir les champions hors catégorie d’un « flicage » qui tend à se généraliser. Les fichiers se multiplient constamment. Le Conseil constitutionnel a même dû s’en mêler à propos du fichier Edvige. Le champ des personnes concernées ne cesse de s’étendre. Les connections inter-fichiers sont en route. S’il y a un domaine dans lequel les libertés publiques sont menacées, c’est bien celui-là !

Puisque vous aimez les néologismes, monsieur le secrétaire d'État, alors, oui, nous pouvons parler de la mise en place d’un système de « fichéo-surveillance ». Mais nous ne vous suivrons pas sur ce chemin-là.

Mes chers collègues, de nombreuses autres mesures proposées dans ce texte soulèvent dans l’opinion des réactions diverses tant l’objet qu’elles visent ou les circonstances qui les ont inspirées suscitent chez beaucoup de nos concitoyens critiques et interrogations.

Que dire, par exemple, des couvre-feux pour mineurs, des confiscations automatiques de véhicules, des captages à distance des données informatiques ? Nous serons amenés à en reparler au cours des prochains jours, et vous savez bien qu’il y aura un blocage.

Mais, comme souvent, il y a le texte et le contexte. Du texte, je viens de parler ; du contexte, je dirai deux mots.

Rarement un texte sera venu ici en débat précédé d’autant de mois de polémiques.

Tout l’été a été émaillé de propos émanant des uns et des autres, mais surtout du Président de la République, des propos de nature à monter les unes contre les autres des communautés entières.

La stigmatisation des gens du voyage et des Roms a été le parachèvement d’une méthode tendant à masquer l’échec d’une politique suivie uniformément depuis longtemps.

M. Sarkozy, premier flic de France depuis près de dix ans, ne sait pas tirer les leçons de l’échec de son action. Alors, il désigne des coupables. Le fait que, depuis 2002, ce soit, selon le mode de comptage retenu, le dix-septième ou le vingt-quatrième texte sécuritaire est bien la preuve de l’inefficacité de cette politique constante.

Et que dire des propos de M. Estrosi qui, suivant sans doute en cela la même méthode, étend cette fois la stigmatisation aux maires, qu’il rend coupables de ne pas agir dans un domaine qui relève pourtant de la compétence régalienne de l’État ?

De telles attaques sont inadmissibles, mais constituent aussi une offense à la République, car elles émanent d’un homme à la fois maire et ministre : maire, il sait que les élus relèvent de leurs électeurs ; ministre, il s’immisce dans un domaine qui n’est pas le sien.

Je comptais sur la présence de M. le ministre de l’intérieur ce soir.

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