Intervention de Jean-Claude Danglot

Réunion du 10 juillet 2008 à 11h00
Installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation — Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Jean-Claude DanglotJean-Claude Danglot :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 15 avril 2005, un incendie à l’hôtel Paris-Opéra tuait vingt-cinq personnes dont onze enfants. Trois ans après ce drame, la situation n’a pas changé. La crise du logement s’est même aggravée et la demande d’hébergement précaire est encore alimentée par les difficultés économiques des familles.

Comme l’indiquait M. le rapporteur, un incendie s’est déclaré hier soir dans ma région, plongeant toute une famille dans la douleur : deux enfants sont morts et deux autres luttent contre la mort. Ces quatre enfants, âgés de deux à neuf ans, dormaient dans la même chambre, d’une surface de vingt mètres carrés, dans une maison qui appartient au parc des anciennes houillères. Rien n’a été fait, en dépit des demandes de relogement des parents depuis trois ans. Ce fait n’est bien évidemment pas la cause de l’incendie, mais le bilan est sans doute plus élevé du fait de la précarité.

Des milliers de familles sont encore hébergées dans des hôtels peu sûrs, en situation de surpeuplement. Elles vivent sous la menace constante d’un incendie, d’une mise à la rue.

Le grave accident que j’ai évoqué montre l’urgence qu’il y a à agir afin de lutter contre le logement indigne. Aussi, sans contester l’objectif de la proposition de loi, nous tenons à rappeler qu’il est de la responsabilité du législateur de prendre les mesures les plus pertinentes au service de nos concitoyens.

Or, il nous semble que la sécurité des personnes dans les logements ne saurait se résumer à l’installation de détecteurs de fumée. Il est nécessaire que le Gouvernement prenne ses responsabilités et mette en œuvre une politique volontaire pour éradiquer les causes évidentes d’incendie et d’intoxication des personnes dans leur habitation.

Comme nous l’avons déjà indiqué en première lecture, cette proposition de loi visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation ne nous satisfait pas. Elle nous satisfait encore moins après son passage à l’Assemblée nationale, pour des raisons similaires à celles qu’a développées M. le rapporteur.

La raison de l’obstination des députés pour retenir une seule catégorie de matériel, les détecteurs avertisseurs autonomes de fumée, nous échappe complètement. En revanche, les raisons de ne pas céder à cette obstination relèvent du bon sens : ces équipements ne sont pas fiables, durent moins longtemps que les détecteurs sur secteur et demandent plus d’entretien.

Les députés ont décidé que les personnes qui installeraient des matériels plus performants ne satisferaient pas aux exigences légales. Sur ce point, nous partageons également l’avis de M. le rapporteur.

Quant à la charge de l’installation et de l’entretien des appareils, elle n’est pas anodine pour nos concitoyens qui ne voient pas leur pouvoir d’achat augmenter mais qui doivent supporter des charges fixes toujours plus lourdes ! Le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Damien Meslot, s’est voulu rassurant en résumant la question à la pose de deux vis, au changement de deux piles tous les ans et au déboursement de quinze à vingt euros pour l’achat de l’appareil. Si cette somme peut paraître dérisoire à certaines personnes, pour d’autres, elles représentent un coût non négligeable, d’autant que les unités à installer augmentent avec le nombre de pièces.

Et vous n’abordez pas la question de l’équipement des logements types HLM ! L’installation de détecteurs de fumée représente, pour 4 millions de logements, un investissement minimum de 280 millions d’euros. Comment va-t-on financer cette dépense ? Il sera nécessaire de répercuter le coût de cet équipement sur les loyers.

Par ailleurs, la maintenance ne se limite pas au changement des piles, comme l’a très justement établi notre rapporteur : il faut veiller à la sensibilité de l’appareil et au bon fonctionnement du système de détection optique. Comment feront les personnes âgées et les personnes à mobilité réduite ?

Confier aux occupants du logement cette responsabilité pose la question du coût, mais également celle de la responsabilité en cas d’incendie non détecté.

Mme Boutin a rappelé qu’il s’agissait de protéger les personnes avant les biens, mais on aperçoit en toile de fond les assureurs qui ne manqueront pas, à l’occasion de litiges, d’essayer de faire valoir les manquements des personnes auxquelles il incombait d’entretenir les appareils. Les velléités manifestées par les députés en première lecture de permettre aux assureurs d’appliquer une franchise supplémentaire si le logement sinistré ne possède pas de détecteurs de fumée donne un avant-goût des pratiques à venir.

La rédaction de l’article 2, qui précise que l’occupant doit « veiller » à l’entretien et au fonctionnement de ce dispositif, n’est pas très claire.

Mais, surtout, nous demeurons opposés à cette proposition de loi, bien qu’elle ait été améliorée par le Sénat, principalement à cause de l’absence d’information et de formation du public.

MM. Doutreligne et Pelletier, dans le rapport que leur avait commandé M. Borloo, précisaient qu’il serait « vain, voire imprudent de rendre obligatoire dès à présent l’installation de tels équipements avant la mise en œuvre d’une campagne massive d’information du public ».

Lors d’un incendie, en octobre dernier, dans un immeuble à la Courneuve, incendie dont le bilan humain fut tragique, vous-même, madame la ministre du logement et de la ville, avez lancé un appel aux Français confrontés à un incendie, leur demandant de demeurer chez eux en attendant les secours et l’évacuation. Et, de fait, les personnes décédées lors de ce sinistre furent celles qui avaient quitté leur appartement.

Tout le monde est d’accord pour constater les carences de l’information. On nous annonce depuis des mois que le Gouvernement doit lancer une grande campagne pour apprendre à nos concitoyens comment réagir lorsqu’un détecteur de fumée signale un incendie. Mais, jusqu’à présent, rien n’a été fait, à l’exception peut-être de la parution de quelques brochures.

Pourtant, on ne saurait reprocher au Gouvernement de ne pas maîtriser les outils de communication ! Quand on voit le matraquage qui est fait pour expliquer aux Français qu’ils ont raison d’être impatients car leur pouvoir d’achat ne s’améliore pas, on ne peut que saluer l’œuvre d’un grand communicant !

On aurait bien sûr préféré que les 4 millions d’euros ainsi dépensés soient consacrés à une action utile, qu’ils servent à diffuser des informations qui peuvent se révéler vitales pour les personnes confrontées à un incendie. Une telle campagne d’information n’a pas eu lieu. Elle est pourtant capitale, car le détecteur n’est qu’un outil dont l’efficacité dépend de la manière dont il est utilisé.

Au demeurant, nous avons pris acte des avancées significatives du texte du Sénat par rapport à celui de l’Assemblée nationale. Aussi, en dépit de ses réserves et de ses désaccords, soucieux de donner plus de poids à la position de notre collègue René Beaumont dans les négociations à venir, plutôt que de voter contre ce texte, le groupe CRC a décidé de s’abstenir.

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