Même le président Larcher ne partage pas votre point de vue. Selon lui, les indemnités des élus ne représentent que 28 millions d’euros chaque année, alors que la dépense publique locale s’élève à 220 milliards d’euros. Ces indemnités ne représentent ainsi que 0, 04 % du budget des collectivités territoriales. C’est donc un argument qui tombe.
Vous affirmez, ensuite, que le regroupement des élections cantonales et régionales va permettre une plus forte participation des citoyens aux élections.
Ainsi donc, nous apprenons que l’abstention serait simplement due à un mécontentement portant sur l’empilement des structures institutionnelles. J’avoue que je n’avais pas donné ce sens à l’abstention ! Comme beaucoup, je croyais que cet acte était plutôt l’expression d’une colère, fondée le plus souvent sur le non-respect de promesses électorales, ou encore sur une défiance vis-à-vis de ceux qui méprisent les résultats sortis des urnes, à l’instar du sort réservé à la victoire du « non » au traité constitutionnel européen, ou encore que cette abstention était une façon de dire que les politiques mises en œuvre ne répondaient pas aux attentes, aux besoins, voire aux espoirs populaires.
Enfin, selon vous, cette concomitance rapprocherait les élus des citoyens.
Sincèrement, j’avoue ne pas comprendre cet argument. Je l’ai dit, Nicolas Sarkozy veut en finir avec ce particularisme français qu’est la proximité entre élus et citoyens. Il vous faut donc distendre ces liens. La proximité vous est insupportable, car elle représente aussi la possibilité de construire des poches de résistance, des poches de propositions alternatives aux choix politiques qui sont les vôtres et qui sont contraires à l’intérêt des gens, à l’intérêt des territoires, au développement et à la modernisation des services publics. Vous profitez également, pour mener à bien ce projet, d’une période particulière, durant laquelle nos concitoyens sont préoccupés davantage par la crise, qui les frappe de plein fouet, que par une réforme que vous ne vous efforcez pas vraiment, par ailleurs, de rendre visible et lisible.
De plus, sans doute par peur, vous usez d’arguments populistes et manipulez l’opinion publique, en renvoyant aux seuls élus la responsabilité de la situation catastrophique dans laquelle vous avez plongé notre pays.
La réduction des mandats des conseillers généraux et régionaux que vous nous demandez de voter va paralyser les collectivités territoriales jusqu’à leur probable disparition, annoncée par la réforme des collectivités territoriales, avec des spécificités concernant celles de la région parisienne.
En effet, ces élus ne prendront pas le risque de se lancer dans de grands projets, puisqu’ils n’ont aucune certitude concernant leur avenir. Avec cette réduction de mandat et les incertitudes qui pèsent sur les finances et les compétences, nous allons ouvrir une période d’immobilisme. Les élus vont se contenter de gérer les affaires courantes, alors même que nous avons besoin, plus que jamais, de collectivités locales réactives pour répondre aux attentes de nos concitoyens.
Votre projet, qui laisse d’ailleurs planer le doute sur les compétences des collectivités territoriales, complique encore plus leur travail. C’est là que réside le risque de voir s’éloigner les citoyens des urnes. En effet, quelle crédibilité auront ces élus lorsque les citoyens prendront conscience qu’ils ne seront sûrement pas en mesure de faire ce qu’ils disent ou ce qu’ils promettent ?
Si ce projet de loi est adopté, les conseillers territoriaux cumuleront donc, en 2014, les fonctions de conseillers généraux et régionaux. Êtes-vous conscients de la charge de travail que représentent ces fonctions ? Il semble ainsi peu crédible de confier à une seule et même personne le soin d’exercer deux fonctions aussi prenantes, sauf à vouloir, comme je l’ai déjà dit, les éloigner des citoyens.
Par ailleurs, comme vous êtes friands de révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP, je signale que la construction ou la reconstruction de bâtiments destinés à accueillir les nouvelles assemblées entraîneront des dépenses qui, bien sûr, ne sont pas contenues dans l’étude d’impact.
Ainsi, tout ce dispositif ne tendra pas à réaliser des économies, mais augmentera considérablement les coûts. Comprenne qui pourra !
On peut signaler, en outre, que nous ne sommes toujours pas informés du nombre de conseillers territoriaux attribués à chaque département. Cela me semble renforcer le peu de visibilité que nous avons de cette réforme.
Tout démontre, en fait, que nous nous engageons vers une professionnalisation de l’activité des élus qui, pour exercer correctement leur mandat, devront y consacrer un temps plein. Ce mandat leur laissera peu de temps pour être proches de la vie quotidienne des citoyens, ce qui portera, là encore, un coup fatal à la démocratie représentative. Ce recul est proprement sidérant !
Votre projet de loi est en parfaite contradiction avec l’idée que nous nous faisons de la démocratie et qui, au contraire de la vôtre, est basée sur une plus grande participation des citoyens à la vie politique, voire sur un partage du pouvoir.
Il faut conserver les conseillers généraux et les conseillers régionaux, tout en leur permettant de travailler en plus étroite collaboration. Cela participera inévitablement à l’amélioration de l’exercice de leurs compétences, sans parler des substantielles économies qu’il sera possible de réaliser.
Quant au mode de scrutin que vous avez imaginé pour l’élection des conseillers territoriaux, il démontre, si c’était encore nécessaire, votre peu d’attachement à la diversité, à la place et au rôle des minorités.
En effet, le mode de scrutin uninominal à un tour, à l’instar de ce qui se passe chez nos voisins anglais, va réduire au silence les petites formations politiques, la « dosette » de proportionnelle que vous injectez – et que, bien sûr, vous mettez en avant ! – ne servant qu’à cautionner votre système. Ainsi, des candidats pourront être élus sans jamais avoir été majoritaires. Nous n’avons décidément pas la même définition du mot démocratie !