Séance en hémicycle du 15 décembre 2009 à 15h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • concomitance
  • conseillers territoriaux
  • parité
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  • territorial

La séance

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La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, je voudrais brièvement vous rendre compte de la conférence des présidents exceptionnelle qui, réunie à la demande des présidents des groupes de l’Union centriste et de l’Union pour un mouvement populaire, avait pour objet d’examiner, au titre de l’article 29, alinéa 2, de notre règlement, les conditions dans lesquelles se sont déroulés la séance d’hier après-midi et le scrutin d’hier soir, sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.

La conférence a entendu MM. les présidents, ainsi qu’un rapport du président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, M. Jean-Jacques Hyest, saisi par moi-même, sur les conditions de déroulement et l’appréciation de la sincérité du vote qui s’est exprimé.

La conférence a constaté que le Gouvernement ne demandait pas de nouvelle délibération. De manière consensuelle, elle a toutefois estimé que les votes devaient être mieux éclairés, notamment en cas de vote sur article unique ou par division, afin que nos collègues puissent mieux se repérer dans les débats complexes. Elle a également jugé qu’une attention particulière devait être portée à la préparation de ces votes, notamment lors des scrutins publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation :

- du sénateur appelé à siéger au sein du Comité d’évaluation de l’impact du revenu de solidarité active, créé en application de l’article 2 du décret n° 2009-1112 du 11 septembre 2009 ;

- du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil d’orientation du service des achats de l’État, créé en application de l’article 5 du décret n° 2009-300 du 17 mars 2009.

La commission des affaires sociales et la commission des finances ont respectivement fait connaître qu’elles proposent les candidatures de Mme Annie Jarraud-Vergnolle et de M. Bernard Angels pour siéger au sein de ces organismes extraparlementaires.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Nicolas About, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tout en gardant la sérénité que nous imposent ces lieux, j’appelle simplement ceux qui s’intéressent à l’histoire de la séance d’hier à visionner l’ensemble de la séquence filmée par Public Sénat.

Chacun verra que ce qui s’est passé correspond exactement, au mot près, à ce que le groupe de l’Union centriste a dénoncé, pendant la séance, pendant l’interruption de séance lorsque je me suis rendu auprès de la présidence de séance au Cabinet de départ, et ensuite à la reprise.

L’erreur commise a été faite avant que le scrutin ne soit ouvert. Perturbé, le sénateur a ensuite demandé à pouvoir la corriger, mais ceux vers lesquels il s’est tourné lui ont répondu qu’il n’en était pas question, qu’il n’y avait aucun moyen de la réparer. Il est dommage que celui en particulier vers lequel il s’est tourné se trouve être l’un des grands réformateurs de notre règlement : il sait très bien que lorsqu’une erreur s’est produite avant même l’ouverture du scrutin, il suffit d’enlever les bulletins et d’attendre l’ouverture du scrutin pour mettre les bons.

Ensuite, tout a été fait pour essayer de profiter de cette confusion. Les vidéos montrent même que, alors que les urnes sont encore au pied de la tribune, la présidente de séance se réjouit à l’avance et dit : « On va se marrer, ça va passer ! »

Protestations indignées sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

M. Nicolas About. La vérité est toujours très pénible à entendre, monsieur Lagauche !

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Mais qui parmi vous oserait vraiment contredire ma version des faits ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

M. Nicolas About. En tout cas, puisque vous le prenez sur ce ton, j’espère que, à l’avenir, la présidence fera preuve de plus de dignité !

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, n’ayant pas été présente en séance hier soir, je ne porterai aucun jugement sur ce qui s’est passé.

Néanmoins, cette « affaire » m’incite à reprendre une idée à laquelle je crois profondément. Si ce vote qui a lieu au Sénat par paquets déposés par une seule personne n’existait pas, de tels incidents ne pourraient pas se produire.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Alors que j’étais dans les bouchons sur l’A10 ce matin, j’ai entendu, sur une grande radio nationale, dire que les sénateurs du groupe centriste s’étaient tous trompés de bouton au moment du vote… Pour qui passons-nous ?

Si la personne qui vote ne pouvait recueillir qu’un seul pouvoir, comme dans toutes les assemblées qui se respectent, ces choses n’arriveraient pas.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Encore faudrait-il que la majorité soit présente !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je rappelle que les conditions de votation ont été examinées par notre groupe de travail, et qu’elles pourront l’être de nouveau à partir de la fin janvier, puisque, comme nous l’avions annoncé, nous ferons le bilan de la réforme de notre règlement un an après son adoption.

La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

J’approuve les propos de notre collègue. Ce matin, j’ai déjà fait un rappel au règlement : si un sénateur n’avait pas la possibilité de voter en même temps pour cent collègues absents et ne disposait que d’une seule procuration, comme à l’Assemblée nationale, nous n’aurions pas connu ce problème.

J’étais présent hier soir, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. … et je suis profondément choqué par la mise en cause de la présidente de séance. Je n’ai aucune action au parti socialiste, mais je considère que la présidente a été parfaitement honnête.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

À mon avis, elle a même un peu trop hésité, sans doute par peur des procès d’intention qu’on pourrait lui faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. Nicolas About affirme que son collègue s’est rendu compte de son erreur avant l’ouverture du scrutin. Je ne comprends pas son raisonnement : si le sénateur membre de son groupe a effectivement compris son erreur avant de mettre les bulletins dans l’urne, personne ne l’obligeait à le faire !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que je ne souhaite pas de mise en cause personnelle de la présidence de séance, quelle qu’elle soit.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Il faut dire cela aux sénateurs de l’UMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Par ailleurs, je n’ai pas vocation, comme je l’ai parfois lu, à venir dans cet hémicycle comme sapeur-pompier. Il revient à chacun d’exercer pleinement la fonction pour laquelle il a été élu.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

J’étais en séance hier soir ; je sais donc à peu près ce qui s’est passé.

Tout le monde peut commettre une erreur. Dans ce cas, deux solutions sont possibles : soit on reconnaît cette erreur, on l’accepte, et on passe à autre chose, soit on cherche à en rendre les autres responsables…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mais la terre ne va pas s’arrêter de tourner parce qu’un texte qu’on voulait voter conforme est renvoyé à l'Assemblée nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je ne veux pas alimenter la polémique, mais, en matière de dignité, je ne sais pas si vous êtes bien placé pour donner des leçons, cher collègue Nicolas About. Vous êtes arrivé furieux – je dirais même « furibard » si j’étais dans une autre enceinte – et, au lieu d’apaiser les choses, vous les avez plutôt envenimées.

La présidente a essayé de trouver une solution, sans succès. Le texte a finalement été renvoyé. Point final. On ne va pas discuter de cette question pendant cent ans, sous une pluie de quolibets !

Surveillez mieux le déroulement des votes au sein de votre groupe, et tout ira bien ! C’est tout ce que nous demandons !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Je me sens dans l’obligation d’intervenir, même si je partage les propos que vient de tenir Pierre-Yves Collombat.

Au fond, plusieurs d’entre nous, dont la présidente Catherine Tasca, ont été mis en cause dans la nouvelle interpellation de Nicolas About. Quel est donc ce psychodrame que l’on nous joue depuis hier soir ?

En l’occurrence, il se peut que nous soyons victimes d’un phénomène que nous connaissons bien, l’impossibilité d’alternance au Sénat.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Voilà des décennies que cette assemblée n’a pas changé de majorité.

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Voilà des décennies que, sur tous les votes, cette majorité a l’habitude de voir ses textes systématiquement approuvés. Or, hier soir, en raison d’une erreur humaine, un vote n’a pas été conforme aux désirs de la majorité et du Gouvernement. Diable !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Il ne s’agit pas d’une erreur humaine ! C’est la présidente de séance qui en a décidé ainsi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

J’ai même entendu évoquer une nouvelle catégorie juridique, inventée pour l’occasion : nous aurions assisté à un vote « paradoxal » !

Dans ce contexte, vous auriez voulu que les sénateurs et sénatrices membres de l’opposition proclament que ce vote n’avait jamais existé car, comme il n’allait pas dans le sens de la pensée unique sénatoriale, il fallait revenir dessus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Ce n’est pas l’idée que nous nous faisons du Sénat, monsieur le président ! Ce n’est pas ainsi que nous souhaitons voir évoluer le bicamérisme, même si nous appelons de nos vœux sa rénovation.

Je ne supporte pas que l’on puisse mettre en accusation l’une de vos vice-présidentes qui, courageusement, a fait face au problème qu’elle a rencontré hier soir. Elle a procédé, à de multiples reprises, à des suspensions de séance, lesquelles ont duré presque trois heures au total, pour permettre au Gouvernement et à sa majorité de s’organiser et de trouver des solutions.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Surtout pour consulter ses amis socialistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. Jean-Pierre Bel. Nous savons ce qu’il en est advenu. Nous devons tous, unanimement, rendre hommage à Catherine Tasca

Rires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

, qui a simplement permis que les règles de notre Sénat soient respectées dans ce débat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Je répète : « On va se marrer, ça va passer ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Errare humanum est… Vous connaissez la suite !

M. About, président du groupe de l’Union centriste, n’était pas là au moment du vote. Moi non plus d’ailleurs, je dois l’avouer.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

J’étais là tout le reste de la journée, et je sais exactement ce qui s’est passé !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il devrait donc s’abstenir de multiplier les commentaires.

D’une manière générale, la majorité se trompe rarement lorsqu’elle vote sur les amendements du groupe CRC-SPG.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pourquoi avez-vous demandé un scrutin public hier soir ? Simplement parce que tout en étant majoritaires, vous êtes incapables de vous assurer une majorité physique dans l’hémicycle !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réglez donc vos problèmes de majorité ! Pour ma part, je ne conteste pas le fait que vous formiez une majorité, et que nous soyons très minoritaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

En déposant des amendements, nous sommes dans notre rôle. De votre côté, débrouillez-vous pour réunir une majorité dans l’hémicycle ; vous en avez parfaitement les moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Surtout, n’envenimez pas les choses ! Vous avez fait une erreur, vous savez très bien qu’elle n’ira pas très loin.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Restez donc sereins et dignes, et évitez que ceux qui n’étaient pas présents fassent des commentaires sur ce qui s’est passé hier soir.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

J’étais présent au moment du dépouillement et j’ai vu les enregistrements !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, de l’ensemble de ces rappels au règlement, je tire plusieurs conclusions.

D’abord, le scrutin public d’hier a bien été entaché d’une erreur, laquelle a altéré la sincérité des résultats annoncés.

Ensuite, il n’a pas été fait de demande de nouvelle délibération lors de la conférence des présidents, qui n’a d’ailleurs pas été réunie dans cette intention.

Enfin, dorénavant, lors de chaque scrutin public, l’objet de celui-ci sera systématiquement rappelé, au-delà même de la référence à l’article 56 du règlement, de manière que chacun soit éclairé avant de se prononcer. Je rappelle que, en 2005, dans un cas similaire à celui que nous avons connu hier soir, le Conseil constitutionnel avait estimé que le point principal était de s’assurer de la sincérité des débats.

Mes chers collègues, nous débattrons une nouvelle fois de ces questions lors de la révision annuelle de notre règlement, mais, dans cette attente, sachons retrouver toute la sérénité qui doit s’attacher à nos travaux.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la discussion en procédure accélérée du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (nos 63, 131 et 132).

Je salue la présence de quatre ministres au banc du Gouvernement, M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement, M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. Hortefeux devra nous quitter, car il va se rendre à Lyon, aux côtés de la famille de ce jeune qui a été assassiné dans des conditions dramatiques. Nous nous inclinons devant la douleur de la famille et des proches. Monsieur le ministre, je souhaite que vous les assuriez de la pensée émue du Sénat.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie également d’excuser l’absence de Brice Hortefeux, qui doit en effet se rendre à Lyon sur les lieux où a été tué le jeune Amar.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes aujourd’hui saisis du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux pour mars 2014.

Ce texte est l’un des trois projets de loi qui complètent, dans le domaine électoral, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales et qui vous ont été transmis, ensemble, le 21 octobre dernier. Ces trois textes concernent tous les modalités d’élection des membres des assemblées délibérantes des communes et de leurs intercommunalités, des départements et des régions, dont le régime électoral relève de la loi, en application de l’article 34 de la Constitution.

Bien que ce ne soit pas obligatoire, nous avons estimé qu’ils devaient, au même titre que le projet institutionnel dont il vient d’être question, être soumis en premier lieu à votre assemblée, parce qu’ils concernent de très près l’organisation des collectivités territoriales dont vous assurez la représentation ; ils ont d’ailleurs fait l’objet d’une présentation et de discussions communes au sein de votre commission des lois.

Le projet de loi que Brice Hortefeux et moi-même avons l’honneur de vous présenter aujourd’hui, au nom du Gouvernement, prépare la création du conseiller territorial, dans le cadre de cette réforme des collectivités territoriales. En outre, il organise, indépendamment de ce que vous déciderez le moment venu sur cette réforme, une fusion souhaitable des deux renouvellements partiels des conseils généraux et un regroupement de l’élection de ces derniers avec celle des conseils régionaux.

Premier point de mon intervention, le comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par M. Balladur, invitait le Gouvernement, dans son rapport intitulé Il est temps de décider, publié au Journal officiel du 6 mars 2009, à prévoir la désignation, « par une même élection, à partir de 2014, des conseillers régionaux et départementaux ».

Les conclusions de ce rapport ont été enrichies par plusieurs initiatives parlementaires ; je pense, en particulier, au travail remarquable de la mission temporaire du Sénat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par M. Belot, mais aussi au rapport de MM. Perben et Courtois.

Après une phase d’élaboration des textes et de consultation qui nous a conduits, Brice Hortefeux, Michel Mercier et moi-même, à recevoir l’ensemble des associations nationales d’élus, ainsi que toutes les formations politiques, le Gouvernement a présenté les quatre projets de loi que j’évoquais voilà un instant.

Je me réjouis que la Haute Assemblée ait, conformément à sa mission constitutionnelle, commencé à travailler sur ces textes. Les deux débats généraux en commission des lois élargie, les 28 octobre et 2 décembre derniers, ont donné lieu à des échanges de grande qualité.

Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales reprend, dans son article 1er, l’idée forte du comité pour la réforme des collectivités locales d’un élu unique siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional, à savoir le conseiller territorial.

Par cette réforme ambitieuse, le Gouvernement propose de donner encore plus de souffle à la décentralisation, de l’adapter aux défis de notre temps et de conférer aux assemblées locales une plus grande légitimité pour exercer leurs responsabilités, en rapprochant les élus de nos concitoyens, en leur apportant plus de notoriété – ils en ont besoin – et plus d’efficacité.

Facteur de simplification de notre vie locale, le conseiller territorial sera attaché à un territoire bien identifié et aura ainsi une vision globale de son département comme de sa région.

Vous avez déjà tenu, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, une première séance sur la réforme des collectivités territoriales mercredi dernier et vous vous apprêtez à poursuivre vos travaux demain. Ceux-ci vous ont déjà permis d’examiner et de valider, avec l’article 1er du projet de loi relatif à la réforme des collectivités territoriales, le principe de la création du conseiller territorial.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Permettez-moi de m’en réjouir.

Le texte soumis à votre examen est très court : il se compose de deux articles, qui prévoient le raccourcissement de six ans à quatre ans du mandat des conseillers régionaux qui seront élus les 14 et 21 mars prochains et le raccourcissement de six ans à trois ans du mandat des conseillers généraux qui seront élus en mars 2011.

Je précise que le texte prévoit une réduction des durées des mandats identique pour la Corse, ce qui rétablira la concomitance entre le renouvellement intégral des deux conseils généraux et l’élection des membres de l’assemblée de la collectivité territoriale de Corse qui existait jusqu’en 2004. Consultée sur ce point, l’Assemblée de Corse a rendu un avis favorable le 19 octobre dernier, et le ministre de l’intérieur s’est personnellement assuré, lors d’un récent déplacement en Corse, de l’accord des grands élus sur ce point.

Une telle réduction de la durée de mandats futurs a déjà été opérée, de façon exceptionnelle, par le législateur, notamment en 1990 lorsque le mandat d’une série de conseillers généraux a été prorogé d’un an et le mandat de l’autre série réduit de deux ans. Cette réduction doit être adoptée d’urgence, avant la convocation des électeurs pour les élections régionales de l’an prochain.

Second point de mon intervention, l’organisation de la concomitance en 2014 des renouvellements des assemblées départementales et régionales présente, indépendamment de ce que vous déciderez le moment venu sur la réforme des collectivités territoriales, notamment sur le mode d’élection des conseillers territoriaux, cinq avantages.

Premier avantage, elle n’affecte aucunement l’exercice et la durée des mandats locaux en cours : les conseillers généraux qui viennent d’être élus en mars 2008 accompliront leurs mandats de six ans comme cela était prévu. Le mandat des conseillers généraux élus en mars 2004, qui ont déjà bénéficié d’une prolongation de leur mandat de six ans à sept ans en vertu de la loi du 15 décembre 2005, ne sera pas prolongé une nouvelle fois. Un allongement de six ans à dix ans de leur mandat aurait très certainement été contraire à la Constitution

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Deuxième avantage, la concomitance constitue un facteur de simplification puisqu’elle permettra de mettre un terme, à l’avenir, au renouvellement triennal par moitié des conseillers généraux. Cette mesure devrait, me semble-t-il, recueillir un large consensus, puisqu’elle avait été proposée en 1990 par M. Joxe, au nom du gouvernement alors dirigé par Michel Rocard, dans des termes et des modalités strictement identiques à celles qui vous sont proposées aujourd’hui.

Protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Relisez les textes ! Il ne faut pas avoir la mémoire courte !

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

En application de la loi du 11 décembre 1990 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux – c’est exactement le titre du projet de loi que je vous présente aujourd’hui –, les élections cantonales et régionales de 1992 ont eu lieu le même jour pour l’ensemble des conseillers généraux.

Les motivations qui avaient guidé, à l’époque, les initiateurs de cette concomitance étaient essentiellement liées à la lutte contre l’abstentionnisme, le corps électoral ayant manifesté une certaine lassitude – c’est le moins qu’on puisse dire ! –, notamment en 1988, du fait d’un trop grand nombre d’échéances électorales. Notre projet de loi, parce qu’il permet de passer de trois scrutins différents à un seul, contribue à cet objectif, qui me paraît être au cœur même de notre vie démocratique.

M. François Rebsamen s’exclame.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

La fusion des renouvellements par moitié, qui avaient été rétablis par la loi du 18 janvier 1994, est, en outre, réclamée par l’Assemblée des départements de France, l’ADF, présidée par Claudy Lebreton, et elle figurait dans les conclusions du rapport Belot.

Ainsi, et quel que soit finalement votre vote, le moment venu, sur la création et les modalités d’élection du conseiller territorial, la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, ainsi que la synchronisation de la durée de leurs mandats, seront acquises.

Troisième avantage, l’organisation simultanée en 2014 des élections locales permettra aux électeurs de s’exprimer de manière cohérente sur l’ensemble des enjeux locaux. La fusion des deux renouvellements par moitié des conseils généraux leur offrira en particulier l’occasion, à l’échelle de chaque département, de se prononcer sur la gestion et les réalisations de l’assemblée départementale tout entière. Quelle que soit la date retenue pour les élections municipales, également prévues en 2014, on peut en attendre un renforcement de l’intérêt et de la participation électorale et donc, au final, de la démocratie locale.

Quatrième avantage, le choix qui vous est proposé maintient un décalage entre le calendrier des élections locales, d’une part, et celui des élections nationales, législatives et présidentielle, d’autre part. Un tel décalage est recommandé par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État au nom du respect du principe constitutionnel de sincérité du scrutin, qui a pour finalité la clarté des enjeux électoraux. Il permettra donc de dissocier très clairement les débats locaux des grands choix qui, à l’échelon national, engagent l’avenir de notre pays.

Enfin, cinquième avantage, la concomitance permettra d’harmoniser le calendrier électoral avec les échéances propres au Sénat, conformément à sa mission constitutionnelle de représentation des collectivités territoriales. Les années de renouvellement des conseils généraux et des conseils régionaux correspondront, à partir de 2014, à celles du renouvellement de la première série des sénateurs, qui interviendra six mois plus tard.

Les sénateurs de la seconde série seront élus par les mêmes élus, qui seront alors à mi-mandat.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le voyez, le projet de loi qu’il vous est proposé d’adopter organise une fusion souhaitable des deux renouvellements partiels des conseils généraux et leur regroupement avec l’élection des conseils régionaux.

Bien entendu, c’est au moment de la discussion du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, et à ce moment-là seulement, que nous débattrons en détail du conseiller territorial, et en particulier des modalités de son élection.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Pour l’instant, le Gouvernement demande au Parlement, et en premier lieu au Sénat, de permettre l’élection simultanée en 2014 de tous les conseillers généraux et des conseillers régionaux.

Il vous le demande sous le régime de la procédure accélérée, qui est une nécessité technique justifiée par la proximité des élections régionales qui se tiendront les 14 et 21 mars prochains. Il convient, en effet, pour respecter l’exigence constitutionnelle de sincérité du scrutin, de voter la réduction des futurs mandats avant la tenue des élections destinées à y pourvoir : les électeurs qui seront convoqués aux urnes en mars 2010 doivent être pleinement informés, au moment de leur vote, de la durée du mandat des personnes qu’ils s’apprêtent à élire. Pour cela, la loi organisant la concomitance doit être promulguée avant les élections régionales du mois de mars prochain.

Ce projet de loi a fait l’objet d’un avis favorable du Conseil d’État et la commission des lois du Sénat l’a adopté sans modification. Je propose donc à votre assemblée de faire de même.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, malgré son apparente modestie, est partie intégrante de la réforme des collectivités territoriales engagée par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

En effet, il vise à réduire de deux ans les mandats des conseillers régionaux et des membres de l’assemblée de Corse qui seront élus en mars 2010, et de trois ans les mandats des conseillers généraux qui seront élus mars en 2011. Il constitue donc un préalable indispensable à la création des conseillers territoriaux.

Ces nouveaux élus, qui siégeront à la fois au département et à la région, ne sont toutefois pas directement institués par le présent projet de loi. Leur création est contenue dans un autre projet de loi : le projet de loi, n° 60, de réforme des collectivités territoriales, qui viendra en discussion devant le Sénat au cours du mois de janvier.

Avant d’aborder le fond de ce projet de loi, permettez-moi d’évoquer le contexte dans lequel il est présenté.

Tout d’abord, il est important de rappeler que ce texte est le seul des quatre projets déposés devant le Sénat à être soumis à la procédure accélérée.

Le recours à cette procédure est justifié par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En effet, bien que l’article 34 de la Constitution donne au législateur toute compétence pour déterminer le « régime électoral des assemblées locales », et bien que le Conseil se refuse à contrôler l’opportunité des choix qui sont à l’origine d’une modification de la durée des mandats, ce pouvoir est doublement limité.

Premièrement, il ne saurait être utilisé de manière arbitraire. Dans ce cadre, le respect du principe de sincérité du scrutin impose au Parlement de décider d’une éventuelle réduction de la durée d’un mandat électif avant que celui-ci ne soit confié à un élu. Il s’agit de garantir que les électeurs connaissent, au moment de leur vote, les caractéristiques des mandats sur lesquels ils se prononcent.

Il est donc impératif que la réduction des mandats des conseillers régionaux désignés lors des prochaines élections soit décidée avant le déclenchement des opérations électorales, c’est-à-dire avant le mois de février 2010.

Deuxièmement, le pouvoir du législateur de modifier la durée des mandats des élus locaux se heurte au principe de libre administration des collectivités territoriales. La réduction de la durée de mandats locaux en cours s’apparenterait en effet à l’exercice, par le Parlement, d’un pouvoir de dissolution des organes délibérants des collectivités. On peut légitimement douter de la constitutionnalité d’un tel procédé.

Il y a donc une urgence objective à l’adoption de ce texte, puisque la loi ne pourra être considérée comme conforme à la Constitution que si le processus législatif est assez rapide pour permettre sa promulgation dans moins de trois mois.

Ensuite, je tiens à préciser que ce n’est pas la première fois que le Parlement est invité à modifier la durée des mandats électifs pour répondre à des objectifs d’intérêt général. Ainsi, le législateur a déjà été amené à proroger ou à réduire la durée de certains mandats à neuf reprises sous la Ve République.

Je vous rappelle d’ailleurs que, avec la loi du 11 décembre 1990, le Parlement avait modifié la durée des mandats des conseillers généraux et des conseillers régionaux afin d’instaurer, pour les élections de 1992, un renouvellement simultané des assemblées délibérantes départementales et régionales.

Toujours à titre liminaire, je tiens à préciser que, même si ce projet de loi est, comme je l’ai déjà dit, le « préalable indispensable » à la création des conseillers territoriaux, il n’implique pas nécessairement cette création. Il s’agit d’une condition nécessaire, mais non suffisante. Les termes de « conseiller territorial » ne figurent d’ailleurs dans aucun des articles du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Il n’est pas non plus question ici du mode de scrutin des conseillers territoriaux. Les modalités concrètes de leur élection figurent, en effet, dans un troisième texte, le projet de loi n° 61, relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, qui devrait être soumis au Sénat dans le courant de l’année 2010.

Il va sans dire que, là encore, le législateur aura toute latitude pour modifier ce texte et pour prévoir, s’il le souhaite, un mode de scrutin différent de celui qui est proposé, en l’état, par le projet de loi déposé par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je rappelle donc que le Parlement ne saurait être lié par des textes qui ne sont encore que de simples projets loi. Adopter le texte sur la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux n’implique pas de faire un vote conforme sur les trois autres projets de loi qui ont été déposés devant le Sénat.

Dès lors, ce texte n’est pas un blanc-seing donné au pouvoir exécutif. Ce que la loi a fait, elle peut le défaire. Voter le présent projet de loi ne préjuge en rien de nos débats futurs.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Si les deux assemblées décidaient finalement de renoncer à créer des conseillers territoriaux, aucun de leurs travaux préalables ne pourrait être invoqué pour les y contraindre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous ne parlez que pour le Conseil constitutionnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le Parlement conservera donc, en tout état de cause, une entière souveraineté et pourra se prononcer librement sur le reste de la réforme territoriale.

J’estime que l’adoption du présent projet de loi est de nature à préserver la pleine souveraineté des assemblées. En effet, si nous adoptons ce texte, nous ne serons pas pour autant obligés, dans quelques semaines, d’avaliser la mise en place des conseillers territoriaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

À l’inverse, si ce texte n’était pas approuvé dans les plus brefs délais, il serait de facto impossible que les conseillers territoriaux soient effectivement créés en mars 2014. Nous nous priverions ainsi de la possibilité d’adopter l’article 1er du projet de loi de réforme des collectivités territoriales dans sa rédaction actuelle, ce qui reviendrait à nous lier les mains nous-mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous parlez toujours pour le Conseil constitutionnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Après ces observations générales, j’en viens au contenu du texte qui nous est soumis aujourd’hui.

L’objet principal de ce projet de loi est de permettre l’expiration simultanée, en mars 2014, des mandats de l’ensemble des conseillers généraux, c'est-à-dire de ceux qui ont été élus en mars 2008, dont le mandat arrive naturellement à son terme en mars 2014, et de ceux qui seront élus en mars 2011, et naturellement des mandats des conseillers régionaux. Par cohérence, il réduit également de deux ans la durée des mandats des membres de l’Assemblée de Corse élus en mars 2010.

Conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales, l’Assemblée de Corse a été consultée par le Gouvernement et a rendu un avis favorable sur le présent projet de loi par une délibération du 12 octobre dernier.

On voit donc que le texte se borne, comme son titre l’indique, à organiser la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Comme en 1992, les conseillers généraux et les conseillers régionaux seraient donc élus simultanément. Le précédent de 1992 a bien démontré que la concomitance des élections locales, même détachée de toute réforme annexe, présentait en elle-même des avantages considérables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Premièrement, la concomitance des élections cantonales et régionales permettra de dynamiser la démocratie locale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En effet, les élections territoriales sont actuellement éclatées en trois opérations séparées, c'est-à-dire une pour chaque série de conseillers généraux et une pour les conseillers régionaux, qui s’enchaînent à un rythme irrégulier. Cette situation n’est pas lisible pour les électrices et les électeurs et nuit à la bonne identification des enjeux locaux.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La concomitance apparaît également comme un facteur de renforcement de la visibilité et de la légitimité des élus locaux, dans la mesure où elle favorise la participation électorale.

Ce constat est étayé par les statistiques : des records de mobilisation ont été atteints lors des élections de 1992, où le taux d’abstention au premier tour des élections cantonales est passé sous la barre des 30 %, ce qui correspond à une chute de plus de 20 points par rapport aux élections cantonales de 1988.

Deuxièmement, la mise en place de la concomitance sera l’occasion de mettre fin au renouvellement triennal par moitié des conseils généraux.

Il est en effet nécessaire, au vu des larges compétences qui sont aujourd’hui dévolues aux départements, de renforcer la continuité de l’action publique à leur niveau et de donner aux présidents de conseils généraux la stabilité et la longévité dont ils ont besoin pour conduire leur programme.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

C’est vous qui avez changé les textes ! Avant, leur mandat était de six ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Cette réforme fait l’objet d’un consensus parmi les élus locaux. Elle est soutenue, notamment, par l’Assemblée des départements de France et a été préconisée par la mission présidée par notre collègue Claude Belot.

Troisièmement, même en l’absence de conseillers territoriaux exerçant à la fois les fonctions de conseillers généraux et celles de conseillers régionaux, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

… la mise en place d’élections territoriales concomitantes renforcera la complémentarité et la solidarité entre les élus locaux.

En effet, les élus départementaux et les élus régionaux sont actuellement désignés pour une même durée de six ans, mais selon une périodicité désynchronisée. Dans ce contexte, il est naturellement difficile d’articuler efficacement les politiques publiques de chaque niveau de collectivités.

La suppression de ce décalage temporel favorisera le renforcement des liens entre les départements et les régions et, en conséquence, leur permettra de mieux coordonner leurs actions.

Quatrièmement, ce projet de loi favorise la mise en place d’une déconnexion des enjeux électoraux locaux par rapport aux enjeux électoraux nationaux. En effet, si ce nouveau calendrier était mis en œuvre, il éviterait, pendant près de vingt ans, c’est-à-dire jusqu’en 2032, tout « télescopage » entre des échéances locales et des échéances nationales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le Président de la République se mêle aussi des élections locales !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Cette nécessité avait déjà été rappelée par la commission des lois en 2005, à l’occasion des discussions sur le texte prorogeant la durée des mandats des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables en 2007, et qui visait à éviter que les élus locaux ne soient désignés pendant les campagnes présidentielles et législatives.

M. Jean-Jacques Hyest, en qualité de rapporteur de ce texte, avait alors souligné que la confusion provoquée par une trop grande proximité dans le temps de scrutins nationaux et de scrutins locaux était « susceptible de favoriser l’abstention électorale » et de « brouiller les enjeux respectifs de chaque élection ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Enfin, cette réforme est en cohérence avec la mission constitutionnelle du Sénat. Ce nouveau calendrier électoral permettra en effet aux sénateurs de continuer à être, comme ils le sont depuis 1963, désignés par des conseillers municipaux, généraux et régionaux nouvellement élus. Ce faisant, il conforte la légitimité de la Haute Assemblée et réaffirme sa vocation de représentation des collectivités territoriales.

En conclusion, ce texte peut légitimement être adopté tant par ceux qui s’opposent à la création des conseillers territoriaux que par ceux qui la soutiennent. Dans les deux cas, il est un gage de modernisation de la vie publique locale.

Compte tenu de ces observations, la commission des lois vous propose d’adopter le présent projet de loi sans modification.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Votre intervention manque d’enthousiasme, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est important à plus d’un titre.

D’abord, il est symbolique. C’est le premier texte portant réforme des collectivités territoriales dont est saisie notre Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Même si la réflexion a déjà été engagée, notamment lors du débat d’orientation générale organisé sur l’initiative de la commission des lois, ou encore lors de la deuxième séance de questions cribles du Sénat, c’est la première fois que nous somme réunis dans cet hémicycle pour l’examen et le vote d’un texte de la réforme.

Mais ce projet de loi n’a évidemment pas seulement un aspect symbolique, car outre le fait qu’il est le premier texte de la réforme, il en est aussi un maillon essentiel.

En effet, il va au-delà d’une simple modification du calendrier électoral, puisque, sans lui, il n’y a pas de concomitance entre les élections cantonales et régionales, donc pas de mise en place possible des futurs conseillers territoriaux.

Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Mes chers collègues, veillons à ne pas donner à ce texte un objet qu’il n’a pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Certes, il s’agit d’un des textes de la réforme des collectivités, mais, dans ces deux articles, aucune disposition portant sur le fond de la réforme n’est prévue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Il n’est question ici, mes chers collègues, ni de la création des conseillers territoriaux ou de leur mode d’élection ni de la création des métropoles.

Il est important de rappeler que l’acceptation de ce texte ne nous engage pas sur le fond, puisque rien n’empêcherait que, en mars 2014, on élise à nouveau des conseillers généraux et régionaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La modification opérée par le texte serait simplement devenue sans objet.

Je suis donc favorable au principe même de la concomitance d’élections qui nous est proposé aujourd’hui et donc au futur renouvellement en une seule fois de l’ensemble des élus gérant le département.

En revanche, sur les moyens mis en œuvre pour parvenir à cette concomitance, je souhaite émettre une réserve importante.

Le projet de loi prévoit, en 2011, d’élire de nouveaux conseillers généraux pour seulement trois ans. Cette disposition mérite d’être examinée attentivement, car elle aura des conséquences importantes.

En effet, le renouvellement prévu en 2011 ne constitue pas une simplification au regard des évolutions fondamentales introduites par le projet de réforme des collectivités territoriales, notamment en ce qui concerne la réduction du nombre d’élus locaux.

De jeunes élus désignés en 2011 auront légitimement à l’esprit de continuer leur parcours d’élus et seront particulièrement confrontés aux difficultés liées à la réduction du nombre d’élus résultant de la création des conseillers territoriaux.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Ce constat étant fait, on peut en conclure que les modalités prévues par le projet de loi ne feront qu’accentuer les difficultés liées à la réduction annoncée du nombre d’élus siégeant au conseil général.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

M. Jean-Léonce Dupont. C’est pour ces raisons que j’ai déposé un amendement visant à prolonger jusqu’en 2014 le mandat des conseillers généraux actuellement en exercice.

Ah ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

M. Jean-Léonce Dupont. Le changement de paradigme électoral justifie cette mesure exceptionnelle, qui n’est pas plus illégitime qu’un mandat réduit de trois ans. Je ne suis pas convaincu, monsieur le secrétaire d’État, par l’avis « très probable » – je vous cite – du Conseil constitutionnel. Rappelons que, lors du passage de neuf à six ans du mandat sénatorial, une partie de nos collègues ont fait un mandat de six ans, plus trois ans.

Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Mon amendement vise à préparer au mieux la transition importante qui sera opérée lors de l’entrée en vigueur du projet de réforme des collectivités territoriales.

Enfin, permettez-moi de conclure ces propos avec quelques considérations générales sur la réforme des collectivités, même si j’ai parfaitement conscience, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, que ce n’est pas strictement l’objet du présent projet de loi.

Je ferai une première remarque sur le mode de scrutin prévu pour l’élection des conseillers territoriaux.

Ce point est particulièrement sensible, surtout pour l’ensemble des formations centristes ! Ce qui nous est proposé aujourd’hui, le scrutin uninominal à un tour, est à ma connaissance désapprouvé par la quasi-totalité des sénateurs de mon groupe

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

… et la « dose de proportionnelle » qui nous est proposée s’apparente plus à une « dosette » !

Les critiques seront tout aussi vives concernant le principe de la réutilisation des voix à l’échelon départemental.

Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Il faudra, monsieur le secrétaire d’État, que des modifications importantes soient trouvées sur ces points.

Ma seconde remarque concerne le risque, très important à mon sens, de « professionnalisation » du futur conseiller territorial.

Nul n’ignore, surtout au sein de notre Haute Assemblée, les contraintes et le volume de travail qui seront ceux de cet élu qui siégera au sein de deux assemblées locales.

Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Le risque est le suivant : ce mandat ne sera-t-il pas, dans les faits, réservé à des personnes n’exerçant pas, ou plus, d’activité professionnelle ou à celles qui bénéficient d’un statut leur garantissant un retour à l’emploi à l’issue de leur mandat ?

Cette réforme soulèvera de vraies questions en termes non seulement d’accessibilité au mandat électif, mais surtout de sociologie de la représentation au sein des conseils régionaux et généraux ! Il y a donc lieu de réfléchir dès maintenant à l’approfondissement du statut des futurs élus territoriaux.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à quoi donc a bien pu servir la « mission sénatoriale temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales », dite mission Belot, créée sous l’impulsion de notre président et qui devait être le mécano dans lequel le Sénat devait puiser pour établir sa doctrine en toute indépendance par rapport à la mission Balladur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Vous avez raison, mes chers collègues, même s’il faut attendre, pour faire un bilan complet, que nous traitions des compétences, cette mission ne sert à rien, sinon à entretenir pendant des mois la fausse illusion d’un possible consensus qui faisait fi de la logique majoritaire.

Il fallait d’ailleurs une forte dose de naïveté pour croire que, en dehors des propositions mineures soutenues par les associations d’élus – je pense, notamment, à la disparition du panachage pour les élections municipales dans les petites communes, au fléchage, à l’achèvement de l’intercommunalité, à l’élection des conseillers généraux en une seule fois –, les sénateurs ne se diviseraient pas sur l’essentiel, l’essentiel étant ce qu’a voulu le Président de la République, autrement dit la création du conseiller territorial.

C’est le sujet quasi unique du débat qui commence aujourd’hui. On ne le dirait pas, puisque le projet de loi, dit de « concomitance », est un OLNI, un objet législatif non identifié, qui réussit le tour de force d’aborder la question du conseiller territorial sans le nommer, sauf dans l’exposé des motifs.

Mme Odette Herviaux et M. Jean-Jacques Mirassou applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

On a ainsi une illustration de la procédure contournée et baroque, dont la constitutionnalité est à démontrer et qui consiste à nous faire voter les ressources avant les compétences, décider des conseillers territoriaux sans en connaître le nombre et même sans les avoir formellement créés, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

… et prétendre simplifier la pyramide administrative sans rien supprimer, mais au contraire en créant de nouvelles institutions comme les métropoles ou les pôles métropolitains.

C’est la même procédure obscure qui saucissonne la réforme en quatre projets de loi, tous assortis de la même étude d’impact, celui que nous examinons aujourd’hui se voyant attribuer trois heures de discussion générale, alors que, pour un texte comportant seulement deux articles, une heure aurait dû suffire. C’est une invitation à parler de l’ensemble, et c’est ce que nous allons faire !

Monsieur le rapporteur, vous pouvez bien jouer, vous aussi, les naïfs…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

… et dire que, même sans un vote positif sur la création des conseillers territoriaux, le présent projet de loi pourrait s’appliquer aux conseillers généraux et régionaux maintenus. Pour autant, le conseiller territorial, tout masqué qu’il soit, est présent partout ; c’est comme l’Arlésienne, que l’on ne voit pas, mais qui est omniprésente !

Premier élément, on a commencé par la réforme fiscale. Le résultat est lumineux. Au motif, exposé à de nombreuses reprises, de limiter leurs dépenses, on réduit de façon drastique l’autonomie fiscale des collectivités : autour de 30 % pour les communes, 12 % pour les départements et moins de 10 % pour les régions.

Outre le fait que les dotations d’État ne seront jamais assurées dans leur volume, c’est désormais le Parlement, c’est-à-dire l’État central, qui décidera de l’ampleur des investissements des collectivités.

Ce n’est pas une réforme, c’est la Restauration ! Sarkozy-Louis XVIII rétablit l’ordre ancien, disparu depuis près de trente ans, celui qui existait avant la décentralisation ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Tout en conservant l’apparence d’assemblées autonomes, les conseils régionaux et généraux retombent sous la tutelle de l’État central, et cette nouvelle forme de centralisation sera beaucoup plus contraignante pour elles qu’avant 1982, car l’État ne dispose plus, et sans doute pour longtemps, de la marge financière qu’il avait alors, ce qui interdira toute générosité dans l’attribution des dotations.

Par ailleurs, à l’époque, les assemblées locales avaient une aisance qu’elles trouvaient dans le vote des taux – d’autant que c’était une période d’inflation –, ce qui ne sera plus possible désormais.

Ce retour en arrière est l’élément premier de ce qui est présenté comme une réforme et qui n’est en réalité qu’un recul. Les effets désastreux de cette recentralisation sur le confort de vie de nos concitoyens s’en feront très vite sentir.

Le second élément est la création du conseiller territorial.

Il résulte, là encore, d’une rupture et d’une autre logique que celle qui prévalait depuis 1982 et qui avait vu s’établir deux couples fonctionnels : le couple département et communes et le couple État et régions.

Désormais, ce qui est privilégié, ce sont les couples communes et communautés de communes, avec une forte volonté d’absorption des premières par les secondes, et le couple départements et régions, avec une tout aussi forte volonté d’absorption des premiers par les secondes.

Le lien entre communes et communautés de communes est tellement évident qu’il est inutile d’y insister. Le lien entre le département et la région fait fi des différences majeures consubstantielles à ces deux assemblées, la première étant une instance de proximité, la seconde, de programmation.

Le but inavoué, mais qui transpire en permanence dans les discours, de cette évolution constitutionnelle, c’est la disparition des communes et des départements ou, pour employer les termes délicats d’Édouard Balladur, leur « évaporation ».

Certes, le projet gouvernemental, s’il donne au préfet des pouvoirs temporaires mais exorbitants, établit des garde-fous, tels que le référendum, qui rendent a priori la fusion des communes difficiles.

Mais observons ce qui s’est passé pour la loi de 1999 : une forte incitation financière, appuyée sur le coefficient d’intégration fiscale, le CIF, que nous connaissons tous, a conduit massivement les conseils municipaux à déléguer leurs compétences aux établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI.

Rien n’indique qu’il n’en sera pas de même avec ce projet. Les communes financièrement exsangues, privées de l’aide des conseils généraux et régionaux, eux-mêmes dépouillés de la compétence générale et financièrement asphyxiés, ne devront-elles pas, contraintes et forcées, voter leur propre disparition ?

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Non, les départements continueront d’aider les communes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Le scénario que je décris est machiavélique, monsieur le secrétaire d'État, mais il est tout à fait plausible.

Il est cependant évident que la collectivité la plus menacée est le département.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Cette réforme apparaît à un moment où les conseils généraux se trouvent en grand péril financier. Certains, dit-on, passeraient bientôt sous tutelle financière. Et pourquoi ?

Ce n’est pas, comme cela a été dit, à cause de politiques dépensières inconsidérées ou de créations non contrôlées de postes de fonctionnaires. Je rappelle que c’est d’abord l’État qui est épinglé par la Cour des comptes pour avoir créé 351 000 emplois entre 1980 et 2006, malgré le délestage de ses compétences vers les collectivités.

Ce n’est pas non plus à cause de recours trop facile à l’emprunt. Je le rappelle, la dette des collectivités ne représente que 10 % de l’endettement de la nation. En outre, cet emprunt, obligatoirement gagé sur des recettes, est affecté uniquement à l’investissement. Enfin, contrairement à l’État, les collectivités remboursent toute leur dette, capital et intérêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

En réalité, les raisons de cette asphyxie tiennent pour l’essentiel à l’État, qui leur a confié la responsabilité de la mise en œuvre de grandes politiques nationales sans leur en donner les moyens et même sans respecter ses engagements.

Dans mon département, la dette de l’État s’établit à 35 millions d’euros, soit 39 points de fiscalité avant la réforme de la taxe professionnelle, et 49 points ensuite !

La conséquence immédiate, c’est que la plupart des départements, même ceux qui ne sont pas encore dans le trou, réduisent la voilure.

D’abord, ils limitent leurs investissements, ce qui aura évidemment des effets catastrophiques.

Ensuite, ils rognent les dépenses en direction des tiers, et, d’une façon générale, ils suppriment des dépenses non obligatoires. Ainsi, dans mon département, la simple suppression de fonctionnaires affectés à des missions d’État, comme par exemple une assistante sociale affectée au commissariat central, permet de récupérer un point de fiscalité. Il n’y a pas de petit profit !

Les plus atteints par cette situation seront, bien sûr, les petites communes et, dans une moindre mesure, les communes moyennes.

Je parle ici des routes, des bâtiments communaux, en particulier cultuels, qui vont forcément se dégrader.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Je parle aussi des aides aux associations culturelles, sportives, c'est-à-dire de tout ce que Mme Lagarde appelle de façon scandaleuse les « féodalités ». Ce sont précisément ces dernières qui assuraient la vie dans une immense partie du territoire, au-delà du périphérique s’entend !!

On le voit, casser le couple communes et département, c’est pratiquer une politique dangereuse, à moins, comme je le crois, qu’elle ne soit volontaire. C’est la situation actuelle.

Le conseiller territorial accélérera ce processus de délitement de l’institution départementale. On garde le lien avec le territoire, et c’est bien. Mais les circonscriptions, par la volonté de réduction du nombre d’élus, seront trois ou quatre fois plus grandes en moyenne que les actuels cantons. Or l’espace est l’ennemi de la proximité.

Ce qui crée du lien social, c’est la présence, l’écoute, la participation aux conseils d’administration du collège, des établissements sanitaires et sociaux, aux assemblées générales des associations professionnelles, sportives, culturelles.

Le conseiller territorial représentera le département dans un espace beaucoup plus vaste qu’actuellement. Mais il représentera aussi la région.

Pour peu qu’il ait une ou plusieurs délégations – et il le faudra bien, vu le petit nombre de conseillers territoriaux dans chaque département –, il sera appelé au-delà de son canton dans le département, voire dans la région entière, à représenter les deux institutions.

Comment imaginer qu’il puisse avoir, en outre, une activité professionnelle, pourtant essentielle à son ancrage dans la réalité sociale ? À cet égard, je rejoins les propos de M. Dupont.

Cet être hybride sera nécessairement un professionnel, pour lequel il faudra prévoir une indemnité raisonnable et une retraite.

Non, en organisant ainsi une nouvelle forme de cumul des mandats, on ne fera pas d’économies, bien au contraire !

Reste la question du mode de scrutin. Je ne l’évoquerai que pour mémoire, en soulignant que cette nouveauté électoraliste d’un scrutin uninominal à un tour, qui suscite bien des interrogations sur sa constitutionnalité, est fondamentalement contraire à la tradition, et même à l’esprit français, ce qui sera amplement démontré ultérieurement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

À vrai dire, cette innovation n’est que l’un des éléments d’une attaque frontale contre l’identité républicaine de la France. Car s’attaquer à l’intégrité des communes, des départements, c’est rompre avec tout ce qui fait l’originalité de l’administration locale et, surtout, quoi qu’il ait été dit, son efficacité.

Ce sont là quelques-unes des raisons qui nous amèneront à une opposition formelle sur l’ensemble de ces textes, et en particulier sur le premier qui est relatif à la concomitance des renouvellements des conseils généraux et régionaux que nous examinons aujourd’hui.

Monsieur le président, nous ne nous tromperons pas, nous, de vote !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la semaine dernière, lors de l’adoption du projet de loi de finances pour 2010, le Sénat a malheureusement approuvé la disparition de la taxe professionnelle et son remplacement par un nouveau dispositif qui est loin de rassurer les élus locaux.

J’ai déjà eu l’occasion, à cette tribune, de m’exprimer sur les raisons qui ont motivé mon opposition et celle des radicaux de gauche à cette réforme. Je voudrais néanmoins en rappeler une, qui est fondamentale, car elle s’invite de nouveau aujourd’hui dans le débat : je veux parler de l’entêtement du Gouvernement à maintenir un calendrier d’une incohérence sidérante.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Nous sommes nombreux, jusque dans les rangs de la majorité, à avoir très tôt demandé que l’on discute d’abord de la clarification des compétences, avant de réformer la fiscalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Nous n’avons malheureusement pas été entendus. Malgré la colère généralisée des élus – vous avez eu tout loisir de l’entendre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, lors des différents congrès qui viennent de se tenir ! –, le Parlement a été mis au pied du mur : le projet de loi qui lui a été présenté était tellement indéfendable et inintelligible que nos collègues de la commission des finances ont dû totalement le récrire.

Pourtant, messieurs les ministres, vous persistez à nous demander de mettre la charrue avant les bœufs. En effet, vous nous proposez d’adopter le premier d’une série de trois textes destinés, vous le savez bien, à inventer les conseillers territoriaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Certes, les articles du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux n’évoquent pas l’appellation « conseillers territoriaux » et, à nous en tenir strictement à l’exposé des motifs, nous pourrions même penser – il y faudrait tout de même quelque naïveté ! – qu’il s’agirait simplement de renforcer la démocratie locale. La mise en place d’échéances regroupées favoriserait, paraît-il, la clarté des choix démocratiques…

À ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, vous avez établi un parallèle entre le texte que vous nous présentez ce soir et celui que Pierre Joxe et moi-même – j’étais alors secrétaire d’État à l’intérieur : j’ai fait cela, moi aussi ! – avions préparé en 1990. Mais rien dans la réalité ne vient le justifier ! D’abord, nous n’avions pas raccourci la durée des mandats : nous avions proposé de la prolonger d’un an, ce qui n’est pas tout à fait la même chose !

Approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Qui plus est, la concomitance recherchée pour 1994 était liée à la décision que nous avions prise d’élire les conseillers généraux au scrutin départemental proportionnel de liste. C’était la volonté de renforcer le poids des départements qui nous animait, et non celle de voir s’évaporer le département et la région.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

M. Jean-Michel Baylet. Au demeurant, si vous tenez à aller au bout du parallèle, il ne faut pas omettre de rappeler que cette loi n’a jamais été appliquée puisqu’en 1993, quand vous êtes revenus au pouvoir, vous l’avez immédiatement abrogée, quand M. Pasqua était ministre de l’intérieur : gageons que, nous aussi, nous saurons, en 2012, abroger ce texte sur les conseillers territoriaux !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Bref, monsieur le secrétaire d’État, nous savons très bien – et vous aussi ! – que votre projet de loi est le préalable obligatoire à la création des fameux super-élus off-shore.

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

La représentativité d’une assemblée se fonde sur ses compétences, son périmètre géographique, son articulation avec les autres institutions. Or, tous ces aspects seront décidés au début de 2010, lors de l’examen du projet de loi n° 60. Pire, c’est seulement en 2011 que la question des compétences sera abordée, en vertu de l’article 35 du projet de loi précité, qui prévoit que, « dans un délai de douze mois […], une loi précisera la répartition des compétences des régions et des départements, ainsi que les règles d’encadrement des cofinancements » entre les différentes collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Comment, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous affirmer que vous créez un élu vraiment représentatif alors que rien n’est décidé, sur le fond, pour la répartition des compétences ? Je ne prendrai qu’un exemple : si, comme vous le souhaitez – et nous vous encourageons à évoluer sur ce sujet aussi –, la clause de compétence générale est supprimée et les collectivités spécialisées, est-il pertinent de créer un élu représentant deux assemblées aux fonctions très différentes ?

Aurons-nous là aussi des clauses de revoyure pour améliorer ce texte ?

J’ajouterai que ce projet de loi, présenté dans la précipitation, fait bien peu de cas du principe de sincérité du scrutin. Bientôt, les électeurs vont élire des conseillers régionaux, puis généraux, au mandat réduit : il va falloir leur expliquer que le mandat de leurs élus est raccourci pour que puisse être organisée la concomitance en 2014 et que, dans le cas où, entre-temps, les conseillers territoriaux auraient été créés, ce même texte s’appliquera ! Mais il faudra aussi leur dire, comme le souligne très justement notre collègue rapporteur, « que le Parlement pourrait, à l’issue de ses débats sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales et même dans l’hypothèse où il aurait préalablement adopté le projet de loi n° 63, renoncer à créer ces conseillers territoriaux » !

Il est tout de même assez original de modifier la durée des mandats en indiquant qu’il n’est pas exclu que, finalement, on y renonce ; même si c’est l’issue que nous souhaitons, nous n’en croyons pas un mot.

Nos concitoyens vont donc, au nom de ce principe, confier à des élus un mandat précaire, « au cas où » !

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

C’est pourtant le propre de la fonction !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Par ailleurs, si l’article 34 de la Constitution consacre la compétence du Parlement pour fixer les règles qui concernent « le régime électoral des assemblées parlementaires [et] des assemblées locales », le Conseil constitutionnel n’en exige pas moins que le législateur justifie la réduction des mandats par un motif d’intérêt général. Si demain le motif principal, toujours non avoué – la création d’une nouvelle catégorie d’élus –, disparaissait, le Parlement aurait donc voté un projet de loi potentiellement inconstitutionnel !

Il est clair que toutes ces contradictions témoignent bien – le mot est fort, mais je vais le prononcer – de l’hypocrisie qui sous-tend l’ensemble de ces réformes. Au fond, derrière tout cela se cache une manipulation électoraliste visant à reprendre à la gauche les départements et les régions perdus par la droite.

C’est évident ! sur les travées du groupe socialistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Depuis le mois dernier, les projets de loi concernant les collectivités locales qui se succèdent présentent une même constante : il s’agit, je le crains, de détruire des collectivités qui ne sont peut-être pas assez dociles. Avec la réforme de la taxe professionnelle, le Gouvernement va organiser un peu plus encore leur asphyxie financière ; avec le conseiller territorial, il va tenter de les réorienter politiquement. En tous les cas, nous assistons à une véritable déstabilisation des collectivités, qui forment pourtant le dernier rempart contre la politique nationale aux conséquences économiques et sociales que l’on connaît.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, les radicaux de gauche ne voteront pas le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les projets de loi de réforme territoriale marquent à mon avis une évolution très positive pour l’organisation de nos collectivités.

Pour ma part, je pensais depuis très longtemps qu’il était plus qu’opportun de regrouper les élections locales. Aussi, j’estime très pertinent le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis. Il en va de même des conclusions du rapport Balladur, qui m’ont semblé constituer une avancée remarquable pour le fonctionnement et l’organisation de nos collectivités locales. Si j’émets des réserves sur les pouvoirs exorbitants accordés au préfet dans les départements, je trouve globalement satisfaisantes toutes les propositions concernant les rapports entre les communes et les intercommunalités.

Cela étant, il est absolument indispensable de bien préciser les compétences des départements et des régions : chaque niveau doit avoir ses attributions propres. Il est également tout à fait souhaitable de mettre un terme aux guérillas que nous constatons parfois entre conseils généraux et conseils régionaux et de mettre en place le conseiller territorial unique. Sur ce point, je considère que le comité Balladur a effectué un travail véritablement innovant et remarquable.

Pour autant, je suis scandalisé par un point, et l’on sait très bien que, lorsqu’on met une pomme pourrie dans un cageot de bonnes pommes, c’est tout le cageot qui pourrit. Je trouve donc absolument scandaleux le mode de scrutin qui est envisagé pour les conseillers territoriaux. C’est véritablement une honte, c’est invraisemblable, et je ne comprends pas que le Gouvernement puisse ne pas se sentir gêné d’avoir formulé une telle proposition. On nous dit que ce mode de scrutin existe dans différents pays, notamment en Allemagne. Mais ce n’est pas vrai ! Le système allemand n’a strictement rien à voir avec celui qui nous est présenté ici puisqu’il se traduit par la proportionnelle intégrale, alors que l’on voudrait, chez nous, déduire les voix de ceux qui auront été élus, et que sais-je encore ! C’est une gigantesque magouille !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Hier soir, déjà, nous baignions dans les opérations fumeuses de charcutages électoraux ; aujourd’hui, nous quittons le charcutage territorial pour le charcutage institutionnel des modes de scrutin. C’est vraiment dramatique ! La France avait besoin d’une bonne réforme, nous en prenions le chemin, et voilà que les arrière-pensées bassement politiciennes sont venues tout pervertir. Je le déplore véritablement, car, globalement, les autres dispositions du projet de loi auraient certainement recueilli ma totale approbation.

Si le projet de loi est adopté en l’état, les conseillers territoriaux assumeront les fonctions des conseillers généraux alors que leur élection dépendra du scrutin régional. En effet, ceux qui seront élus au scrutin proportionnel – et c’est là un point véritablement contraire à la Constitution – ne le seront que parce qu’ils seront affiliés à une liste ayant une représentativité régionale.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Mais non, précisément !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Les conseillers généraux seront donc élus dans les départements sur la base de clivages et de sélections qui se joueront à l’échelle régionale. C’est extraordinaire !

Enfin, on nous affirme que la proportionnelle concernera 20 % des sièges et qu’ainsi les petits partis seront représentés et la parité assurée. C’est une gigantesque hypocrisie !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

En clair, comment cela se traduira-t-il ? Lorsque cinq sièges seront pourvus à la proportionnelle, les petits partis politiques, ceux à qui l’on a fait miroiter ces 20 % de proportionnelle, ne seront toujours pas représentés, parce que ce sont les gros partis qui obtiendront les sièges en question !

Quant à la parité, n’en parlons pas ! Avec le système de proportionnelle qui nous est proposé, ce sont essentiellement les têtes de liste qui seront élues. Je me suis livré au calcul pour le département de la Moselle en retenant le nombre de femmes que l’on constate au sein du conseil général actuel pour les sièges pourvus au scrutin majoritaire et, pour les sièges pourvus au scrutin proportionnel, la proportion que l’on a constatée aux précédentes élections régionales, en faisant l’hypothèse que les futures listes respecteront ce principe de la parité. Eh bien, le résultat de mon calcul, alors que la Moselle est un grand département où dix conseillers seront élus à la proportionnelle, montre que le pourcentage de femmes n’atteindra que 30 %. Ce sera donc une parité pour le moins réduite ! Dans les autres départements lorrains, où la proportionnelle ne concernera que cinq ou six sièges, le pourcentage de femmes parmi les élus à la proportionnelle tomberait à 20 %.

Dernier élément, quand on fait le calcul global, pour l’ensemble de la Moselle, on constate que les femmes constitueraient 11 % des conseillers territoriaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je ne mentionnerai même pas les trois autres départements lorrains, où l’effet de la proportionnelle serait encore plus réduit puisque, au lieu de 11 % elles ne seraient plus que 8 %.

Dès lors, il ne faut pas s’étonner, mes chers collègues, que les trois présidentes des délégations aux droits des femmes se soient insurgées. Au Sénat, la présidente de la délégation est socialiste, mais, à l’Assemblée nationale, elle est UMP et, au Conseil économique et social, c’est la sœur de notre collègue Jean-Pierre Raffarin.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. On ne peut donc pas dire qu’elles sont toutes les trois dans l’opposition.

Murmures sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Il y a longtemps que vous ne nous dérangez plus ! Vous nous faites rire !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Demandez la parole pour intervenir, monsieur Braye !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Il y a là, me semble-t-il, une situation extrêmement affligeante et ce n’est pas en manipulant les chiffres ou en refusant de reconnaître la réalité que l’on en sortira.

Finalement, bien qu’il y ait globalement de très bonnes choses dans le rapport Balladur, mais, compte tenu des modalités de mise en œuvre qui nous sont proposées, je voterai contre ce projet de loi

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de par la volonté du Président de la République, vous voulez coûte que coûte faire adopter par le Parlement la réforme des collectivités locales dont nous parlons depuis déjà un certain temps, réforme pourtant largement contestée, y compris dans vos rangs.

Vous venez – pour mettre en route le processus – d’imposer, avec la suppression de la taxe professionnelle, une mise en cause de l’autonomie des collectivités locales, et ce contre l’avis de nombreux élus locaux de votre propre camp.

Aujourd’hui, vous voulez imposer dans l’urgence une réduction importante des mandats des conseillers régionaux qui seront élus en 2010 et des conseillers généraux qui le seront en 2011 pour être en situation, en 2014, d’appliquer la réforme dont le Parlement n’a pas encore débattu. C’est écrit dans l’exposé des motifs de ce projet de loi.

Monsieur le rapporteur de la commission des lois, vous êtes évidemment aux premières loges, puisque vous faites partie – selon une terminologie guerrière – de la task force du Président de la République pour justifier l’adoption des dispositions du projet de loi dont nous débattons aujourd'hui en invoquant l’exigence de sincérité du scrutin pour les électeurs et la démocratie, ce que l’ensemble de la réforme fait, au contraire, régresser.

Vous évoquez l’opportunité de supprimer le renouvellement triennal et l’intérêt de la concomitance des deux scrutins. Vous évoquez même la nécessité de découpler les scrutins nationaux et locaux, en pleine contradiction avec le Président de la République qui vient d’entrer directement dans la campagne pour les élections régionales en disant qu’il s’agit d’élections nationales.

Voilà de nombreuses contradictions, mais toutes ces propositions se discutent, alors discutons-en, mais dans le cadre de la réforme et ne les faites pas avaliser en douce avant !

Vous dites, à bout d’arguments, que ce que le législateur fait, il peut le défaire, mais c’est vrai pour tout. Nous l’avions dit pour La Poste, et vous nous avez affirmé contre toute évidence que les 100 % publics une fois votés seraient nécessairement immuables. Là aussi, vérité d’un côté, contre-vérité de l’autre !

La majorité vient précisément d’adopter en commission des lois – vite fait, bien fait – la création des conseillers territoriaux ! Preuve, s’il en était besoin, qu’elle entend à toute force aller de l’avant sur son projet.

La véritable raison d’être du projet de loi est bien ailleurs. Vous le dites vous-mêmes : ce texte « est le support d’enjeux institutionnels forts ».

Dès lors, mes chers collègues, ne tournons pas autour du pot : en posant les fondements de la création des conseillers territoriaux, ce projet de loi nous est soumis pour que nous anticipions sur nos choix à l’issue d’une discussion qui n’aura lieu que dans les prochains mois et qui durera assez longtemps.

C’est une atteinte franchement inacceptable aux droits des parlementaires que nous sommes. Et c’est d’autant plus imprudent que l’idée des conseillers territoriaux est contestée, y compris dans votre majorité, je viens de l’entendre ici.

Ce texte court n’est donc pas anodin. Il participe du bouleversement de nos institutions inscrit dans une réforme territoriale qui renie les principes fondamentaux de la décentralisation, puisque les collectivités territoriales, à tous les niveaux, perdent leur libre administration.

La réforme participe elle-même de la mise en œuvre du projet libéral du Président de la République et du Gouvernement, que vous défendez ici. Vous voulez revenir sur le rôle des collectivités territoriales, qui contribuent, je le rappelle, à 73 % de l’investissement public – Dieu sait si c’est important aujourd'hui ! – et à de nombreux services publics locaux, que vous souhaitez les voir abandonner.

Dans ces conditions, allons-nous, mes chers collègues, accepter une fois encore la mise en cause de nos propres droits ?

Le Président de République disait dans son discours d’Épinal, le 12 juillet 2007 : « Les institutions, ce sont les règles qui sont connues par avance qui permettent à chacun de savoir raisonnablement ce qu’il peut attendre de tous les autres. »

Or, ce texte contredit cette déclaration puisque, aujourd’hui, les règles ne sont pas dites.

Vous renvoyez à plus tard la définition des compétences qui seront attribuées aux deux assemblées, mais vous n’attendez pas pour leur retirer la compétence générale.

Vous renvoyez à plus tard le nombre des cantons par département et leur périmètre, lesquels seront fixés encore une fois par ordonnance, procédure peu démocratique s’il en est, et qui plus est après la promulgation du redécoupage des circonscriptions législatives dans lesquelles s’inscriront les nouveaux cantons.

Pour vous, monsieur le secrétaire d’État, la démographie ne serait pas déterminante. En conséquence, avec une réduction de moitié des élus, l’ensemble du territoire sera moins bien représenté ; et avec un minimum de quinze conseillers territoriaux par département, les zones urbaines le seront encore moins bien que les zones rurales.

Vous avez parlé d’économies avec le passage aux conseillers territoriaux. Mais vous en rajoutez en évoquant des « remplaçants » au rôle renforcé. Combien coûteront-ils ? Il est dit aussi qu’il faudra renforcer les moyens humains et financiers des institutions chargées de faire face à quatre, voire cinq élections la même année.

Avec ce texte, vous inventez un élu bicéphale, multicarte, pouvant cumuler des mandats, bref un professionnel de la politique, contrairement à ce qu’exige une juste représentation du peuple.

Ce que vous visez, en réalité, c’est, d’une part, la disparition des départements – nul ne l’ignore – et, d’autre part, une refonte, qui ne dit pas son nom, du système électif français.

La disparition des départements n’est certes pas explicite, puisque de nombreux élus la rejettent. Mais elle est implicite…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

… Elle sera la conséquence logique des divers regroupements et de la combinaison des transferts au sein du couple région-départements et des départements et régions vers les métropoles.

Vous avez commencé à configurer la réforme en transformant les services de l’État, puisque le pilotage des politiques publiques est confié à l’échelon régional, les départements devenant des sous-divisions, autrement dit des administrations transversales pilotées par des « managers », comme l’a dit le Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous sommes loin des grands commis de l’État qui avaient tout de même leurs avantages.

Vous inventez pour notre pays un scrutin uninominal à un tour à l’anglo-saxonne, totalement inconnu en France sous la République.

Ce n’était pas la proposition du comité Balladur – vous vous en éloignez quelquefois – lequel concluait à un scrutin de liste proportionnel à deux tours assorti d’une prime majoritaire – comme dans les régions actuelles – dans le cadre de circonscriptions infradépartementales tenant compte de la population de chaque département. C’est d’ailleurs l’une des rares propositions non retenues par le Gouvernement, c’est dommage…

Dans le document présentant les « propositions de l’UMP pour la réforme des collectivités locales », vous proposiez, monsieur le rapporteur, un scrutin uninominal à deux tours en milieu rural et proportionnel en milieu urbain. Pourquoi avez-vous changé d’avis depuis ? Vous êtes-vous livré à de savants calculs démontrant que le mode de scrutin uninominal à un tour était favorable à l’UMP ? De toute évidence, il donne la suprématie au parti majoritaire, mettant en cause le pluralisme.

Les 20 % de proportionnelle n’y changeront rien, cela vient d’être dit et je partage ce sentiment. Ils laisseront peu de place aux autres formations politiques, même à celles qui ont obtenu plus de 5 % des suffrages.

En supprimant la proportionnelle dans les régions, qui comptent aujourd’hui 47, 7 % de femmes, vous mettez en cause l’obligation de parité inscrite dans la Constitution.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le secrétaire d’État, vous vous dites ouvert à toute proposition permettant de sécuriser la parité. Mais la seule sécurisation qui vaille – on peut le regretter mais c’est ainsi –, c’est précisément la proportionnelle.

Derrière votre réforme se cache aussi une volonté de refondre notre système électif. Il est manifeste que votre objectif est de réduire les consultations à deux moments : un moment national et un moment local, en plus des élections européennes. C’est ce que confirme M. le rapporteur en évoquant une nécessaire déconnexion entre les enjeux locaux et nationaux.

Vous voulez éviter que les électeurs ne soient tentés d’élire des assemblées à majorités différentes et, à terme, vous entendez conforter votre majorité dans toutes les assemblées.

Votre prochaine étape sera-t-elle le scrutin à un tour pour les élections législatives, voire toutes les élections ? Ce serait un recul historique dans notre pays.

Je le disais, ce projet de loi n’est pas anodin. Il représente un véritable coup de force contre l’institution parlementaire, contre les départements et l’ensemble des collectivités territoriales, et contre nos concitoyens.

Vous escomptez rencontrer la faveur du peuple en mettant au ban les élus, en les accusant de coûter cher et d’être trop nombreux. Que je sache, aujourd'hui, nos concitoyens sont loin d’être convaincus.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi d’exprimer quelques mots, au nom du groupe UMP.

Chaque fois que l’on souhaite réformer, moderniser, modifier, en clair avancer, il y a toujours…

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet. … de bonnes raisons de ne pas le faire.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Il est vrai que la force des habitudes s’accommode mal de l’ivresse de l’action…

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet. … et que les conservatismes se trouvent là où on ne les attend pas.

Rires sur les travées du groupe socialiste

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Mes chers collègues, les propos que vous avez tenus aujourd’hui témoignent d’un grand conservatisme.

En 2008, le Président de la République a souhaité engager le pays dans la réforme des collectivités territoriales. Pour ce faire, plusieurs commissions ont été mises en place.

L’une d’elles, présidée par un ancien Premier ministre, M. Balladur, a compté parmi ses membres un ancien Premier ministre issu de vos rangs, mes chers collègues socialistes.

Une autre, ici-même, au Sénat, la mission Belot, …

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

… qui comprenait des représentants de tous les groupes, a travaillé sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales.

Enfin, le groupe UMP a étudié ce sujet avec les députés. Et j’ai entendu prétendre voilà quelques minutes que cette réforme serait faite dans la précipitation.

Que ne dit-on pas lorsque l’on veut s’opposer à tout crin à ce qui est attendu !

Nos concitoyens, quelle que soit leur tendance politique, souhaitent une organisation de notre territoire qui soit plus lisible, plus efficace, empreinte d’une légitimité mieux reconnue.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet. Qui peut prétendre que son conseiller régional est parfaitement connu ?

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Qui peut prétendre que, dans un milieu urbain, dense, le conseiller général est parfaitement connu ? Et pourtant nous savons – les débats l’ont montré – qu’en milieu rural le conseiller général est utile et nécessaire, et que des politiques intéressantes sont menées à l’échelon régional ?

M. le Président de la République a rappelé à ce sujet devant les maires, le 20 novembre dernier, …

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

… que, au regard du devenir du département et de la région, il serait absurde, voire impossible, de supprimer l’un des niveaux, mais que, au lieu de la concurrence, il devrait y avoir la complémentarité.

C’est de là et des débats qui ont suivi qu’est issue l’idée de créer le conseiller territorial, réunissant tous ces avantages : ancrage sur le terrain, légitimité évidente, lisibilité et responsabilité.

La clarification des compétences est absolument nécessaire, nous le savons tous ici. Les textes seront soumis à notre assemblée au mois de janvier. Dans cette perspective, nous devons aujourd’hui aborder le sujet de la réduction des mandats des futurs conseillers généraux et des futurs conseillers régionaux.

À quoi bon nous cacher derrière notre petit doigt ?

Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous sommes, mes chers collègues, dans l’acte I de la réforme, et il faut avancer. Or la règle veut que chaque année, en France, nous ayons des élections, ce qui fournit, chaque année, un excellent prétexte pour ne rien faire sur le sujet !

Eh bien, cette fois-ci, nous refusons l’inertie ! Parce que l’année prochaine, nous voterons pour élire les conseillers régionaux, parce que dans deux ans, nous voterons pour élire les conseillers généraux, c’est maintenant qu’il convient de délibérer. Ainsi, les choses seront claires et parfaitement transparentes.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Alors, nous délibérons maintenant. Nous délibérons pour pouvoir mettre en place un dispositif efficace en 2014, dispositif que nos concitoyens attendent.

Cessez cette polémique qui attise la peur des uns et des autres, qui joue sur l’inquiétude des élus locaux ! Ce procédé, que vous avez expérimenté sur la taxe professionnelle, vous voudriez l’utiliser sur les compétences respectives des départements et des régions. Cette méthode est scandaleuse !

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. -Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Parce qu’il la dénonce, c’est avec un vif enthousiasme, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que le groupe UMP votera ce texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mes chers collègues, comme un certain nombre d’entre vous, je pense que la discussion sur la réforme territoriale a commencé non aujourd’hui mais au moment du débat sur la suppression de la taxe professionnelle. Il est bon de le rappeler car, en dépit des améliorations apportées par le Sénat sur le sujet, le problème de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales demeure posé.

Certes, le bloc communal s’en sort moins mal, mais les départements et les régions perdent – elles totalement – leur autonomie fiscale. C’est un vrai problème qui marque, à mon sens, la première véritable étape de la réforme territoriale.

J’ai écouté attentivement M. le rapporteur : il a pris soin de nous démontrer que nous ne nous engagions que sur la concomitance des élections.

Mais ce qui me gêne, c’est justement la succession des textes : d’abord, cette loi sur la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, puis, la loi portant création du conseiller territorial, suivie de celle qui portera sur le mode d’élection, alors que les découpages des territoires se feront par décret !

La démarche suivie ne nous permet donc pas de maîtriser l’ensemble du problème. Elle me donne l’impression de signer une sorte de chèque en blanc, de mettre le doigt dans l’engrenage sans savoir jusqu’où cela va nous mener.

Je crois donc qu’il eût été préférable, sinon de tout regrouper dans une même loi, du moins de dégager préalablement un accord global sur l’ensemble d’une réforme dont le Président Larcher a dit qu’elle ne pourrait pas se faire contre le Sénat. C’est mon sentiment et je crois que le Gouvernement aurait été bien inspiré de ne déposer ce projet de loi qui, aux termes de la Constitution, doit être soumis en premier lieu au Sénat, qu’une fois actée la globalité des choses. La méthode aurait été à la fois plus subtile et plus sûre pour la réforme des collectivités territoriales.

Sur la création du conseiller territorial, je confirme ce que j’ai dit, ce matin même, devant Michel Mercier et devant le groupe de l’Union centriste : cette innovation me paraît poser un problème sur le plan constitutionnel. En effet, vont subsister deux collectivités territoriales, le département et la région, puisque le Président de la République a bien précisé que le cadre constitutionnel actuel serait maintenu. Pourtant, il n’y aura qu’un seul et même élu pour les deux échelons.

Comment concilier la création du conseiller territorial avec l’interdiction, posée par la Constitution, de la tutelle d’une collectivité sur une autre ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

J’ajoute que le système électoral tel qu’il est annoncé pour le conseiller territorial n’est évidemment pas acceptable. En effet, il est affecté de trois défauts.

D’abord, le mode de scrutin proposé, pratiqué au niveau exclusivement départemental, porte atteinte à l’existence même de la région. J’ai gardé de mes dix années d’exercice d’élue de la région Centre un profond attachement pour cette collectivité territoriale. Or ce mode d’élection ôte à la région, déjà privée d’autonomie fiscale, un système électoral à sa dimension.

Ensuite, ce système, dont on nous vante la mixité au motif qu’il associe le scrutin uninominal à un tour à la proportionnelle, n’est mixte que sur le papier : dans les départements faiblement peuplés, la représentation proportionnelle disparaît au profit du seul scrutin uninominal. Faute de correctif au système, le pluralisme ne pourra pas être respecté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault. Enfin, il sera incontestablement impossible de respecter la parité. Monsieur le ministre, je vous le dis gentiment parce que vous avez toujours été à mon écoute, cessez de faire du scrutin de liste aux élections municipales un label de parité ! Il ne saurait me faire oublier que vous sabrez la parité aux élections régionales ! Vous ne pouvez pas soutenir le contraire !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Par ailleurs, je tiens à dire à M. Buffet, qui m’a précédée à la tribune, que la défense de la parité ne me paraît pas relever du conservatisme ! (

J’appartiens à une famille politique qui a toujours défendu le scrutin mixte : un scrutin territorial pour représenter les territoires et un scrutin proportionnel pour représenter les différentes sensibilités politiques, y compris minoritaires. Encore faut-il procéder de façon équilibrée. Il ne s’agit pas d’instiller une petite dose de proportionnelle dans l’espoir d’attraper quelques voix !

Je pense, messieurs les ministres, qu’il faut donc que nous discutions longtemps encore, notamment sur le mode de scrutin. Sinon, je vois venir au-devant de vous des difficultés et, cette fois, comme je l’ai entendu dire, « on ne trompera pas mon vote ». §

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous nous soumettez un projet de loi en deux articles, qui prévoit de raccourcir deux mandats : celui de conseiller général à trois ans et celui de conseiller régional à quatre ans, pour élire tout le monde en 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Je voudrais tout d’abord m’interroger sur la remarquable absence de participation à ce débat de nos collègues de l’UMP. Où êtes-vous passés, messieurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Alors que cette discussion concerne l’ensemble des élus locaux, l’ensemble des territoires – les régions, les départements – la participation de l’UMP dans la discussion générale se limite au rapporteur et à un seul orateur inscrit !

Auriez-vous peur de tenir des propos qui contrediraient ceux du Gouvernement ? À moins que vous ne craigniez, en obéissant au Gouvernement, de mécontenter les élus des territoires, les grands électeurs, par exemple ?

Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai entendu appuyer votre argumentation sur quelques motifs. Et j’ai lu attentivement l’exposé des motifs du projet de loi qui nous est soumis.

D’abord, vous évoquez la création d’un ensemble unique d’élus, les conseillers territoriaux. C’est votre premier argument, inscrit au premier paragraphe de votre exposé des motifs.

Cette réforme qui, aujourd'hui, n’est pas votée, ne saurait avoir la moindre existence légale. Le premier motif que vous invoquez est donc dépourvu de fondement juridique, notamment d’un point de vue constitutionnel. C’est imparable ! Vous ne pouvez pas vous adosser à ce motif pour justifier le report ou le décalage des élections.

Le deuxième motif figure dans le deuxième paragraphe : c’est l’entrée en vigueur de cette réforme prévue en mars 2014. Or, comme la création des conseillers territoriaux, elle n’est pas davantage votée ; le motif est juridiquement toujours aussi infondé ! Les deux premiers motifs que vous avez évoqués ne tiennent pas juridiquement.

Ensuite, vous faites référence à la réintroduction de la concomitance de l’élection des conseillers généraux et des conseillers régionaux, prévue par la loi du 11 décembre 1990 – votée, il est vrai, sur proposition d’un gouvernement de gauche, on se le rappelle – qu’un certain nombre d’entre vous ont combattue et que vous avez supprimée par la loi du 18 janvier 1994, sur proposition d’un gouvernement que vous souteniez.

Le texte de 1990 avait pour motif de faire en sorte que les conseillers généraux soient élus en une seule fois tous les six ans. Un souhait que je ne renie pas ! Vous donnez satisfaction à une vieille revendication de notre part qui, depuis, a été reprise à l’unanimité par l’Assemblée des départements de France et qui figure dans la plateforme de cette association depuis plusieurs années.

Ce motif pourrait être fondé – nous aurions quelque peine à le contester ! – mais ce n’est pas celui qui est invoqué dans l’exposé des motifs du projet de loi.

Même si vous vous y êtes raccroché devant nous, lors de l’épreuve orale, les intentions qui vous animent sont tout autres ! Pour les comprendre, il faut lire le premier paragraphe de l’exposé des motifs, celui qui annonce la création des conseillers territoriaux.

Par ailleurs, on ne trouve aucune justification au raccourcissement du mandat des élus régionaux à quatre ans hors une hypothétique plus forte participation des électeurs au scrutin, justification dont le bien-fondé est lui-même bien difficile à démontrer !

Chaque scrutin, en effet, a lieu dans un contexte différent : ou c’est le premier de l’année, et les électeurs se déplacent, ou il y en a déjà eu plusieurs et, petit à petit, l’esprit civique s’effiloche… Bref, en matière de participation aux scrutins, on ne peut strictement rien prévoir, toute démonstration fondée sur une année et un calendrier électoral donnés pouvant être contredite par une démonstration fondée sur une autre année et un autre calendrier électoral.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, cet élément de votre démonstration ne convainc pas, et d’ailleurs l’ensemble des réformes que vous essayez de justifier – réformes qui ne sont pas encore adoptées – fait l’objet d’une très vive contestation dans la sphère des collectivités locales, toutes collectivités confondues, et même, depuis plusieurs mois, dans l’opinion.

Vous évoquez l’organisation simultanée des élections au conseil régional et au conseil général, mais vous savez que votre décision va surcharger électoralement l’année 2014, au cours de laquelle, avec cinq types d’assemblée à renouveler concomitamment et donc cinq élections, on atteindra un record absolu : le calendrier électoral 2014 risque d’être très complexe et, en préparation du débat parlementaire, le Gouvernement aurait donc dû présenter au Parlement une étude d’impact.

Au lieu de cela, vous nous présentez, en même temps que ce projet de loi qui compte six lignes pour deux articles, une longue démonstration complètement hors sujet puisque portant sur l’élection des délégués communautaires, celle des nouveaux conseillers municipaux et celle des conseillers territoriaux – sans d’ailleurs préciser combien ils seront dans chaque département –, ainsi que sur les effets du scrutin à la proportionnelle pour 20 % des sièges, ce qui n’est pas l’objet de ces six lignes pour deux articles que vous mettez en débat.

Alors qu’à ce stade nous ne savons ni si la réforme du conseiller territorial sera votée ni sous quelle forme celui-ci sera élu, il me semble que vous allez trop loin dans vos anticipations.

Je reviens au calendrier électoral pour 2014 auquel, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, il faut tout de même être attentif.

En 2014 en effet, sauf changement que vous n’auriez pas annoncé, nous aurons en France des élections municipales et, traditionnellement, ces élections – auxquelles nos concitoyens, vous le savez, sont très attachés – ont lieu en mars.

Je rappelle cependant qu’elles auront lieu après une réforme du mode de scrutin, sur laquelle, j’en conviens, il y a une certaine forme de consensus...

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

… puisque les communes de 500 à 3 500 habitants passeraient au scrutin de liste à la proportionnelle à deux tours avec prime majoritaire et que, pour toutes les communes de plus de 500 habitants, serait mis en œuvre le fléchage des délégués communautaires.

Nous assisterons donc en 2014 à la mise en place des nouveaux exécutifs communautaires et, si l’on s’en tient au texte que vous mettez aujourd'hui en débat, à un chamboulement de la représentation communale qui soulèvera tout de même un certain nombre de questions !

Peut-être ces exécutifs communautaires auront-ils de nouvelles compétences et il serait bon que l’on nous présente avant 2014 un texte à ce propos, texte par lequel on aurait dû commencer ! On nous dit maintenant que l’on finira par là, au point que l’on en vient à se demander s’il ne s’agit pas de l’Arlésienne et si ce texte nous sera bien présenté un jour…

Ces changements ne seront pas anodins et, comme toujours quand il s’agit des élections municipales, ils intéresseront beaucoup nos concitoyens, qui sont très attachés à ce qui passe dans leur commune et, de plus de plus, dans l’intercommunalité, notamment parce que les services publics de proximité sont en jeu.

En 2014, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous aurons aussi des élections au Parlement européen.

D’habitude, ces élections ont lieu en juin : comme elles ont lieu en même temps partout en Europe, il faut bien fixer une date… En outre, elles sont généralement précédées d’une campagne nationale spécifique, qui devra bien trouver sa place dans le calendrier électoral assez chargé en 2014…

Puis, toujours en 2014, nous aurons des élections sénatoriales, fin septembre ou début octobre, avant la session budgétaire…

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

C’est logique !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Elles concerneront la moitié des sièges au Sénat et pourraient avoir un effet déterminant sur la nature de la majorité de notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

On peut penser que ces élections seront serrées…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Les sénateurs, comme d’habitude, seront élus par les délégués des conseils municipaux, les conseillers régionaux et les conseillers généraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Des questions, à ce sujet aussi, restent en suspens – un mandat, deux mandats, deux fonctions, cumul ou non en termes de voix... –, mais, ce qui est certain, c’est que tous les étages des institutions locales seront bouleversés, ceux des conseils régionaux et des conseils généraux en particulier, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

… car nous aurons cet élu nouveau, le conseiller territorial, dans le cadre de grands cantons redécoupés avec votre adresse magique, monsieur le secrétaire d'État, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

… redécoupages que nos concitoyens découvriront d’ailleurs peut-être avec surprise : ces nouveaux cantons risquent de leur apparaître comme des « objets » électoraux particuliers, d’autant que s’y appliquera une règle électorale, nouvelle elle aussi, qui va certainement les éblouir si c’est celle que vous proposez qui est retenue, quoique j’aie cru comprendre qu’elle n’« emballait » pas tout le monde, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

… cette règle voulant que la ou le candidat arrivé en tête au premier tour soit élu quoi qu’il arrive, quel que soit le pourcentage de voix obtenu, ce qui me semble quelque peu en contradiction avec les principes fondamentaux qui sont les nôtres en matière électorale.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Je suis presqu’au bout de mon propos ; permettez-moi de le terminer !

Cette nouvelle règle électorale entraîne, je le dis, un recul choquant de la parité, dans les conseils régionaux en particulier, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

M. Yves Krattinger. … en contradiction avec la Constitution. La parité sera laminée, vous le savez et vous ne parviendrez pas à prouver le contraire !

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Cette règle électorale va avoir pour effet d’introduire une nouvelle catégorie d’élus, ceux qui figurent sur des listes ayant recueilli zéro voix mais qui pourtant comptent des élus, ce qui est franchement original – et assez difficilement explicable à nos concitoyens –, …

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Vous n’avez pas compris !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

… rien n’interdisant accessoirement à ces élus à zéro voix de devenir président de conseil régional ou général puisque, une fois élus, ils peuvent postuler !

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

C’est une caricature !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Et il le sait !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

L’année 2014 verrait se mettre en place des assemblées où le cumul serait la règle imposée.

Je veux tout de même aborder un point supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Les assemblées régionales seront sous la tutelle des assemblées départementales ou l’inverse, ne serait-ce, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que pour des raisons de calendrier, par exemple de dates de réunions ou de composition des exécutifs, …

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

… ce qui sera une innovation constitutionnelle également originale.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Vous êtes aujourd'hui pressés par le temps et condamnés, encore une fois, à mettre la charrue avant les bœufs, les élections régionales étant si proches…Vous prenez le risque de mettre en panne en 2014, pendant un an, l’ensemble des collectivités territoriales de notre pays.

Notre pays ne mérite pas cela ! Vous vous comportez, comme vous en avez d’ailleurs pris l’habitude, comme des apprentis sorciers et, bien sûr, nous ne vous suivrons pas : nous voterons contre le projet de loi.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le respect d’une assemblée commence par le respect de son temps de parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la fin précède le commencement…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le Sénat pourra-t-il faire en sorte que cela soit le commencement de la fin d’une réforme imposée à marche forcée en vertu du principe selon lequel qui veut la fin veut les moyens ?

Nombreux dans le groupe du RDSE, et même très nombreux, sont ceux qui souhaitent une évolution de l’administration territoriale, de l’organisation de nos collectivités autour d’une clarification et d’une simplification des compétences, cœur du débat au niveau tant financier qu’administratif, et il y a dans le discours présidentiel certains éléments qui pouvaient convenir à des sensibilités diverses.

Mais quel gouffre entre les discours et les actes ! Quelle déception sur la méthode utilisée et les objectifs réels des projets de loi qui nous sont soumis ! Et, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, si vous raccourcissez les mandats, je ne suis pas sûr que vous ayez élargi le débat…

Si j’ai bien entendu, le présent texte n’aurait pas tellement de liens avec la réforme relative aux conseillers territoriaux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous n’avons pas dû lire le Discours de la méthode de la même manière. Entre stratégie politique et loi fondatrice, il existe un immense fossé, incompatible avec la large adhésion que requiert une telle réforme.

Nous considérons, nous, que la logique eût été, d’abord, de clarifier et de simplifier les compétences, ensuite, de rationaliser l’organisation territoriale, puis, d’adapter la fiscalité locale et, enfin, le cas échéant, d’ajuster le calendrier électoral, le tout pouvant être appréhendé de manière globale.

Vous avez décidé d’opérer à l’inverse pour des raisons non de logique d’aménagement du territoire mais de stratégie autour de deux axes.

En premier lieu, il vous fallait supprimer la taxe professionnelle en priorité, dans des conditions sur lesquelles nous nous sommes déjà exprimés, et, en second lieu, créer le conseiller territorial avec un scrutin uninominal à tour unique, pour nous inique.

Par ces méthodes, vous désespérez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, ceux qui ne sont pas de votre sensibilité mais ne redoutent pourtant pas de voter des textes leur paraissant conformes à l’intérêt général et au respect de leur sensibilité.

La lecture de l’étude d’impact jointe au texte du projet de loi est révélatrice ; il s’agit en fait d’appliquer selon vous les conclusions du rapport du comité pour la réforme des collectivités locales, dit « comité Balladur », intitulé Il est temps de décider, rapport qui, je vous cite, « a conclu à la nécessité de renforcer le rôle des régions et des départements, d’une part, en rapprochant ces deux collectivités et, d’autre part, en modernisant le mode d’élection ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Pourtant, je note que les préconisations du comité Balladur sur le système électoral n’ont pas été suivies par vous, car vous reprochez à ce système quatre inconvénients dont le premier serait que l’identité souhaitée entre les deux catégories d’élus ne pourrait être satisfaite.

L’étude d’impact – au demeurant intéressante mais qui n’a pas forcément un lien direct avec le projet de loi sur la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, puisqu’il y est essentiellement question du projet de réforme des collectivités territoriales – repose principalement sur le rapport Balladur ; vous rappelez ensuite que « la préparation à cette réforme a fait l’objet d’échanges nombreux avec les associations d’élus locaux, les partis politiques et les parlementaires », mais il n’y a pas une ligne sur le contenu des déclarations desdits partis, des associations d’élus et des parlementaires.

Bien mieux, sauf erreur de ma part, ni dans l’exposé de motifs, ni dans l’étude d’impact, il n’y a point trace du rapport de la mission temporaire du Sénat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, dite « mission Belot », rapport intitulé Faire confiance à l’intelligence territoriale.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Qu’avez-vous fait de cette confiance ?

Certes, tout à l’heure, avec beaucoup de diplomatie, vous avez rappelé le travail de cette mission.

Comme d’autres nouveaux parlementaires, j’ai participé avec confiance à cette mission, où la liberté d’expression, les auditions, la volonté d’écouter l’autre et de rechercher un consensus – dans le bon sens du terme – furent exemplaires.

Plusieurs mois de réunions hebdomadaires, une volonté d’aboutir à des propositions concrètes, dynamiques : tout ce travail a été en grande partie balayé par l’arrivée impromptue et tardive du non-invité de la dernière heure, le conseiller territorial, et davantage encore par celle du scrutin relatif à son élection. Donc, feue la mission Belot, feu le conseil régional des exécutifs et, surtout, le sentiment que beaucoup d’énergie et de bonne volonté ont été piétinées...

Vous nous demandez aujourd’hui de raccourcir les mandats des conseillers régionaux à élire en 2010, pour une durée de quatre ans, et ceux des conseillers généraux à élire en 2011, pour une durée de trois ans. Reconnaissez que c’est tenter de faire avaler le plat de résistance avant l’entrée, ce qui, en tout état de cause, laissera un goût amer.

Au-delà de la forme, au travers de ce projet de loi, et concomitamment à la suppression de la taxe professionnelle, vous allez vraisemblablement figer l’action politique des départements et des régions pour les quatre ans qui viennent : celle des élus pour quatre ans au conseil régional et de la moitié des élus pour trois ans au conseil général avec, pour horizon, l’élimination mathématique de la moitié d’entre eux, avant l’élimination d’une bonne moitié de la moitié restante par les mécanismes habituels. Est-ce le moyen de mener une politique progressiste, dynamique, au moment où la France en a tant besoin ?

Il ne s’agit plus des constituants s’interdisant l’accès à l’Assemblée législative une fois leur mission accomplie, selon le vœu de Robespierre, qui déclarait : « Une loi prohibitive de réélection est le plus sûr moyen de conserver la liberté. » Il s’agit d’élus qui risquent d’expédier les affaires courantes. Ce sont quatre ans de stagnation qui peuvent se profiler pour la période 2010-2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Est-ce au nom de la logique et de la simplification ?

Le rapporteur a déclaré que ce texte sur la concomitance était sans influence sur les textes suivants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

C’est vrai en la forme, mais le Parlement a toujours autorité pour défaire ce qu’il a fait...

Ne nous leurrez pas en soutenant que ce projet de loi sur la concomitance se suffit en lui-même : c’est là une argumentation spécieuse, alors que tout le rapport et l’étude d’impact portent sur le conseiller territorial et le texte à venir.

Nous ne pouvons, par conséquent, approuver ce projet de loi, dont nous contestons avec force les modalités inacceptables de discussion. La grande majorité du groupe du RDSE s’y opposera et défendra deux amendements de suppression pour chacun des deux articles.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a dit justement ma collègue Nicole Borvo-Cohen Seat, votre réforme représente un véritable coup de force contre l’institution parlementaire, contre les départements et les régions, et contre les citoyens.

Vous avez décidé d’en finir avec ce particularisme français qu’est la proximité de centaines de milliers d’élus au service et au contact des citoyens.

Le texte qui nous est soumis, intitulé – pour ne pas froisser ! – « Projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux » vise à réduire les mandats des conseillers régionaux, qui seront élus en mars prochain, et des conseillers généraux, qui seront élus en mars 2011.

Mais personne n’est dupe : ce texte anticipe, au mépris du Parlement, la réforme des collectivités territoriales, qui prévoit, entre autres, la création de conseillers territoriaux. J’invite donc celles et ceux qui, sans état d’âme, osent encore nous dire qu’il n’y a là aucun lien, à faire preuve d’un peu plus d’honnêteté. Bien évidemment, ce lien existe ! Sinon, pourquoi proposer cette procédure accélérée, sauf à entériner par avance la création des conseillers territoriaux ?

Pour imposer votre projet de loi, vous usez aussi d’un certain nombre d’arguments, que je veux ici faire tomber.

Tout d’abord, les élus coûteraient trop cher, et il faudrait donc en réduire le nombre. Je ne reviendrai pas ici, à titre de comparaison, sur les cadeaux fiscaux offerts par votre majorité à ceux qui détiennent déjà beaucoup trop de richesses. De toute évidence, là encore, vous n’avez pas beaucoup d’états d’âme.

Soyons un peu sérieux ! L’énorme majorité des 500 000 élus sont des bénévoles, et il faut rendre hommage à la fois à leur dévouement et au rôle fondamental qu’ils jouent dans l’exercice de la démocratie.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Même le président Larcher ne partage pas votre point de vue. Selon lui, les indemnités des élus ne représentent que 28 millions d’euros chaque année, alors que la dépense publique locale s’élève à 220 milliards d’euros. Ces indemnités ne représentent ainsi que 0, 04 % du budget des collectivités territoriales. C’est donc un argument qui tombe.

Vous affirmez, ensuite, que le regroupement des élections cantonales et régionales va permettre une plus forte participation des citoyens aux élections.

Ainsi donc, nous apprenons que l’abstention serait simplement due à un mécontentement portant sur l’empilement des structures institutionnelles. J’avoue que je n’avais pas donné ce sens à l’abstention ! Comme beaucoup, je croyais que cet acte était plutôt l’expression d’une colère, fondée le plus souvent sur le non-respect de promesses électorales, ou encore sur une défiance vis-à-vis de ceux qui méprisent les résultats sortis des urnes, à l’instar du sort réservé à la victoire du « non » au traité constitutionnel européen, ou encore que cette abstention était une façon de dire que les politiques mises en œuvre ne répondaient pas aux attentes, aux besoins, voire aux espoirs populaires.

Enfin, selon vous, cette concomitance rapprocherait les élus des citoyens.

Sincèrement, j’avoue ne pas comprendre cet argument. Je l’ai dit, Nicolas Sarkozy veut en finir avec ce particularisme français qu’est la proximité entre élus et citoyens. Il vous faut donc distendre ces liens. La proximité vous est insupportable, car elle représente aussi la possibilité de construire des poches de résistance, des poches de propositions alternatives aux choix politiques qui sont les vôtres et qui sont contraires à l’intérêt des gens, à l’intérêt des territoires, au développement et à la modernisation des services publics. Vous profitez également, pour mener à bien ce projet, d’une période particulière, durant laquelle nos concitoyens sont préoccupés davantage par la crise, qui les frappe de plein fouet, que par une réforme que vous ne vous efforcez pas vraiment, par ailleurs, de rendre visible et lisible.

De plus, sans doute par peur, vous usez d’arguments populistes et manipulez l’opinion publique, en renvoyant aux seuls élus la responsabilité de la situation catastrophique dans laquelle vous avez plongé notre pays.

La réduction des mandats des conseillers généraux et régionaux que vous nous demandez de voter va paralyser les collectivités territoriales jusqu’à leur probable disparition, annoncée par la réforme des collectivités territoriales, avec des spécificités concernant celles de la région parisienne.

En effet, ces élus ne prendront pas le risque de se lancer dans de grands projets, puisqu’ils n’ont aucune certitude concernant leur avenir. Avec cette réduction de mandat et les incertitudes qui pèsent sur les finances et les compétences, nous allons ouvrir une période d’immobilisme. Les élus vont se contenter de gérer les affaires courantes, alors même que nous avons besoin, plus que jamais, de collectivités locales réactives pour répondre aux attentes de nos concitoyens.

Votre projet, qui laisse d’ailleurs planer le doute sur les compétences des collectivités territoriales, complique encore plus leur travail. C’est là que réside le risque de voir s’éloigner les citoyens des urnes. En effet, quelle crédibilité auront ces élus lorsque les citoyens prendront conscience qu’ils ne seront sûrement pas en mesure de faire ce qu’ils disent ou ce qu’ils promettent ?

Si ce projet de loi est adopté, les conseillers territoriaux cumuleront donc, en 2014, les fonctions de conseillers généraux et régionaux. Êtes-vous conscients de la charge de travail que représentent ces fonctions ? Il semble ainsi peu crédible de confier à une seule et même personne le soin d’exercer deux fonctions aussi prenantes, sauf à vouloir, comme je l’ai déjà dit, les éloigner des citoyens.

Par ailleurs, comme vous êtes friands de révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP, je signale que la construction ou la reconstruction de bâtiments destinés à accueillir les nouvelles assemblées entraîneront des dépenses qui, bien sûr, ne sont pas contenues dans l’étude d’impact.

Ainsi, tout ce dispositif ne tendra pas à réaliser des économies, mais augmentera considérablement les coûts. Comprenne qui pourra !

On peut signaler, en outre, que nous ne sommes toujours pas informés du nombre de conseillers territoriaux attribués à chaque département. Cela me semble renforcer le peu de visibilité que nous avons de cette réforme.

Tout démontre, en fait, que nous nous engageons vers une professionnalisation de l’activité des élus qui, pour exercer correctement leur mandat, devront y consacrer un temps plein. Ce mandat leur laissera peu de temps pour être proches de la vie quotidienne des citoyens, ce qui portera, là encore, un coup fatal à la démocratie représentative. Ce recul est proprement sidérant !

Votre projet de loi est en parfaite contradiction avec l’idée que nous nous faisons de la démocratie et qui, au contraire de la vôtre, est basée sur une plus grande participation des citoyens à la vie politique, voire sur un partage du pouvoir.

Il faut conserver les conseillers généraux et les conseillers régionaux, tout en leur permettant de travailler en plus étroite collaboration. Cela participera inévitablement à l’amélioration de l’exercice de leurs compétences, sans parler des substantielles économies qu’il sera possible de réaliser.

Quant au mode de scrutin que vous avez imaginé pour l’élection des conseillers territoriaux, il démontre, si c’était encore nécessaire, votre peu d’attachement à la diversité, à la place et au rôle des minorités.

En effet, le mode de scrutin uninominal à un tour, à l’instar de ce qui se passe chez nos voisins anglais, va réduire au silence les petites formations politiques, la « dosette » de proportionnelle que vous injectez – et que, bien sûr, vous mettez en avant ! – ne servant qu’à cautionner votre système. Ainsi, des candidats pourront être élus sans jamais avoir été majoritaires. Nous n’avons décidément pas la même définition du mot démocratie !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Votre système conduit inévitablement à la disparition de la diversité culturelle et sociale, et met en place une vie politique bipartisane. Il remet également en cause le principe, pourtant constitutionnellement garanti, de l’égal accès des hommes et des femmes aux fonctions politiques. Nous savons pertinemment, en effet, que les premières victimes de ce mode d’élection sont et seront les femmes.

Mme Gisèle Printz applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Le projet porté par le Président de la République ne vise nullement à « renforcer la démocratie locale ». Nous y sommes donc fortement opposés car, sur le fond, il s’attaque aux valeurs de notre République.

Par conséquent, nous voterons contre ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mes collègues de l’Union centriste ont exprimé la position de notre groupe sur ce texte. Aussi vais-je directement évoquer ce qui m’indigne, même si ce n’est pas encore à l’ordre du jour : je veux parler du mode de scrutin de ces élections territoriales, qui a été conçu au mépris du respect de la parité.

Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Vous ne pourrez pas dire, messieurs les ministres, quand le sujet viendra en débat, que vous n’avez pas été informés de la révolte des femmes élues et aussi, sans doute, des autres. Je me permets de vous rappeler que l’article 1er de la Constitution dispose : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives [...] ».

Je dois vous féliciter pour toutes les dispositions qui concernent les élections municipales : enfin, dans les conseils municipaux et les exécutifs locaux, les femmes auront suffisamment de poids pour faire valoir et mettre en œuvre leurs compétences, différentes et complémentaires, dans la gestion de nos communes et de nos villes.

Il en va tout autrement des conseillers territoriaux qui vont gérer les départements et les régions. Je vous le dis tout net : les dispositions que vous envisagez sont scandaleuses.

Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Je rappelle quelques chiffres : on compte 986 femmes sur 1 880 conseillers régionaux et 571 femmes sur 4 152 conseillers généraux. Vous allez réduire le nombre des élus territoriaux, dont l’effectif est de 6 032, pour arriver à quelque 3 000 conseillers territoriaux. On peut imaginer la bagarre qui va s’ensuivre... On peut imaginer aussi que de nombreux conseillers généraux sortants, connus dans leur canton, voudront garder la main ; or ce sont des hommes à 87 %.

Restent 20 % des candidats élus à la proportionnelle : devinez qui sera tête de liste ? Des hommes, bien sûr !

Murmures d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

La projection optimiste pour 2014, qui donne 81 % d’hommes et 19 % de femmes élus, est donc totalement surréaliste.

Je fais le pari que, dans ces conditions, c’est 12 % à 15 % de femmes qui seront élues. Vous avez déclaré, monsieur le secrétaire d’État : « Personne n’est propriétaire de ses électeurs et il appartient aux partis de choisir des femmes ». Comment accepter une telle affirmation alors que l’UMP, votre parti, a présenté aux législatives de 2007, dans le Rhône, un homme dans chacune des 14 circonscriptions que compte ce département ?

On évoque aussi des sanctions financières accrues pour les partis qui ne présenteraient pas assez de femmes. Mais qu’est-ce que cela signifie « assez » ? Arrêtez, une bonne fois pour toutes, de nous prendre pour de la marchandise !

Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

La vérité, monsieur le secrétaire d’État, est que vous ne vous êtes pas donné les moyens de respecter la Constitution.

Ou bien, au moment de la rédaction de ce projet de loi, vous n’avez pas pensé que c’était un problème. Ou bien, vous vous êtes dit que cela n’avait pas d’importance, et je ne sais pas laquelle des deux positions est la plus grave.

Et pourtant, il y a certainement des solutions.

J’en avais suggéré une avec la mise en place du bulletin paritaire, dans une proposition de loi que j’avais déposée le 6 janvier 2006 sur la parité. Je proposais que soient présentés sur le même bulletin non pas un titulaire et un suppléant, mais un homme et une femme, les électeurs choisissant le titulaire et le suppléant en rayant le second.

Bien sûr, la parité ne serait peut-être pas assurée, mais au moins les électeurs auraient le choix et on verrait si nos concitoyens sont aussi misogynes que les partis politiques.

Cette solution, parfaitement réalisable d’un point de vue technique, semble poser problème aux partis politiques et aux candidats : nombre d’entre eux ont sûrement peur de se voir préférer la femme qui sera sur leur bulletin et ne sont pas d’accord pour prendre ce risque.

Peut-être cette solution est-elle anticonstitutionnelle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Mme Muguette Dini. … mais on peut modifier la Constitution, on le fait chaque année… Dans tous les cas, si ma solution du bulletin paritaire n’est pas la bonne, il y en a sûrement une autre que vous devrez trouver pour mettre fin à ce scandale.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous l’avez constaté, le vote conforme, autrement dit le refus d’exercer son pouvoir d’amendement est désormais la routine de notre assemblée, au point, comme on l’a vu hier, que même le destin ne saurait y faire obstacle sans scandale.

Aujourd’hui, le Sénat est prié non seulement de persévérer dans son conformisme, mais d’aller encore un peu plus loin dans la servitude volontaire en approuvant par le vote un projet qu’il ne connaît pas. Plus exactement, il s’agit du vote d’un texte créant les conditions d’application d’une réforme qui n’est pas votée, dont on ignore des pans essentiels et, pour ce que l’on en connaît, soulève des doutes quant à sa constitutionnalité.

Le Sénat s’est tellement modernisé ces derniers temps que le voici devenu une chambre virtuelle : pouvoir virtuel d’amender des textes réels, pouvoir réel de voter des textes virtuels ! Demain, il ne sera même plus nécessaire de voter, il suffira de constater en début de cession qu’existe une majorité soutenant le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Nous sommes déjà engagés dans cette voie.

Je passe sur les problèmes de constitutionnalité, déjà abordés par de nombreux orateurs, et qui seront développés lors de l’examen de l’exception d’irrecevabilité, pour m’arrêter un instant sur l’un des vices, à mon sens rédhibitoires, de ce projet de loi : l’absence d’indication quant au nombre de conseillers territoriaux et de « nouveaux cantons » par département.

Que l’on ne vienne pas me dire qu’il s’agit d’un problème mineur, réglé traditionnellement par voie d’ordonnance ou de règlement. Il s’agit d’une question majeure.

Pour un département de 150 000 habitants, conserver ses 30 conseillers généraux et ses 30 cantons actuels, les voir réduits à 20 et à 16 cantons, à 15 et 12 cantons, à 8 et 6 cantons, suivant le mode de calcul choisi, n’est pas un détail. En tous cas, cela devrait peser lourd dans le vote de ses représentants au Sénat.

En l’espèce, nous ignorons même les règles de calcul. Pour l’heure, on doit se contenter de bonnes paroles et du rappel de principes, incompatibles pour un certain nombre de régions : représentativité « essentiellement » démographique, prise en compte des territoires, réduction de moitié du nombre d’élus actuels, gouvernabilité des assemblées régionales.

Je vous fais la démonstration quand vous voulez que, dans les régions composées de départements démographiquement très hétérogènes, soit les conseils généraux des départements les moins peuplés seront squelettiques, soit les conseils régionaux et les conseils généraux des départements les plus peuplés seront pléthoriques.

En fait, avec ce texte s’ouvre et s’achève la discussion du projet de réforme des collectivités locales.

Les péripéties intermédiaires, qui débuteront en janvier et s’étaleront sur plusieurs mois, se dérouleront selon la dramaturgie désormais bien réglée, dont on a pu apprécier l’efficacité lors de l’examen du projet de loi de finances.

Acte I : le Sénat accepte l’essentiel. Hier, c’était la réduction du montant de l’impôt économique et l’idée que c’est sur la taxe professionnelle, plutôt que sur tout autre impôt - l’impôt sur les sociétés par exemple - qu’il faut faire porter cet effort. Aujourd’hui, c’est la consécration du principe de l’administration de la région et des départements par les mêmes élus. Voilà ce qui est en question aujourd’hui.

Actes II, III, IV… autant qu’il en faudra : on discute, on chipote les détails ; certains sont de taille, comme le mode de scrutin, mais beaucoup sont petits. Autant d’occasions de psychodrames politico-médiatiques où chaque composante de la majorité montre alternativement sa combativité ou sa bonne volonté. Je vous renvoie à ce qui vient de se passer avec la taxe professionnelle.

Pas besoin d’être devin pour imaginer les débats futurs sur la place laissée aux communes et à leur pouvoir de décision dans les intercommunalités, sur le mode de désignation des conseillers territoriaux, sur la taille et les compétences des métropoles, etc.

L’essentiel étant acquis aujourd’hui, si nous votons ce texte, le Gouvernement pourra se montrer compréhensif sur tout ce qui ne compromettra pas le bénéfice attendu de la réforme : la reconquête des départements et des régions.

Dernier acte : vote solennel du dernier projet gouvernemental. Le président du Sénat se félicite de la qualité d’un débat qui a pris tout le temps nécessaire, et de la place essentielle qu’y a tenue la Haute Assemblée, dont l’importance est ainsi soulignée. La majorité et le Gouvernement se félicitent mutuellement de leur bonne volonté, pour le plus grand bien de nos collectivités et la modernisation du pays. Les dissidents temporaires rentrent dans le rang.

Peu importe que le résultat soit cohérent ou qu’il ne le soit pas, qu’il soit un gage de dynamisme ou de paralysie pour nos collectivités, il est là : le projet de réforme est voté.

Voter ce projet de loi dit de « concordance », c’est accepter le cœur de la réforme. C’est donc réduire ce qui devrait être la substance du travail parlementaire à un spectacle dont on connaît déjà la fin, à quelques détails près. Ce travail a été fait, mes chers collègues, avec votre aide à tous, avec la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par M. Belot et dont Mme Gourault et M. Krattinger étaient les rapporteurs.

Ce qui en a été retenu dans ce projet, ce n’est pas l’esprit, ce sont simplement les quelques détails qui étaient « balladuro-compatibles », si vous me permettez l’expression.

Dans ces conditions, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous comprendrez que nous ne puissions nous associer à cette mystification.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je vais m’exprimer au nom des régions, qui sont les premières victimes des lois que nous venons de voter sur la réforme de la taxe professionnelle et sur leurs financements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est la France qui en est la première victime !

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Ces régions seront également les premières victimes des lois futures pour lesquelles on nous demande de satisfaire une réforme autour de textes qui n’ont pas encore été débattus, comme beaucoup d’entre vous viennent de le souligner.

Le Président de la République affiche un volontarisme dont il voudrait nous faire croire qu’il remplace l’action. Quelques orateurs viennent de se réapproprier certaines figures historiques. Je citerai, pour ma part, les mots de Jean Jaurès : « Qu’est-ce que l’action sans la pensée ? C’est la brutalité de l’inertie. »

Après le grand mouvement historique de décentralisation, auquel beaucoup d’entre vous ont participé, c’est bien l’inertie de la France que tend à instaurer cette réforme en cinq actes, qui s’articule autour de la suppression de l’autonomie fiscale des collectivités et de quatre projets de loi dont nous allons discuter dans une logique inversée.

Cette inertie, c’est la France des préfets contre la France des libertés, celle qui est représentée par les élus locaux, dont vous faites aujourd’hui les boucs émissaires des difficultés financières du Gouvernement.

Il y a deux cents ans, Napoléon déclarait : « Je veux que les Français datent leur bonheur de l’installation des préfets ». Pour des raisons idéologiques, il ne croyait pas à la République décentralisée, ni même à la République tout court. On se souvient d’ailleurs des critiques qui s’étaient élevées, dans les années 1981-1982 à l’Assemblée nationale, où je siégeais alors ainsi que M. Mermaz, à l’occasion de la discussion des lois de décentralisation, contre l’amoindrissement du rôle des préfets. §notamment ce qui concerne leurs fonctions économiques et sociales.

L’acte II de la décentralisation, conduit par Jean-Pierre Raffarin, qui est resté au milieu du gué en privilégiant la déconcentration à la décentralisation, avait justement déjà permis aux préfets de région de reprendre le pouvoir, comme le titrait le Figaro en 2004. Cela avait été fait sans que le principe de subsidiarité soit respecté, sans que les départements, les communes et les régions aient véritablement plus de pouvoir.

Voilà bien l’essence même d’une manœuvre que je qualifierai de politicienne. L’objectif est d’éradiquer les contre-pouvoirs, notamment ceux de la gauche qui s’est beaucoup investie dans les territoires. En fin de compte, le principal reproche qui est fait à la gauche est d’avoir gagné trop de régions en 2004, et on punit ces dernières par avance en anticipant, comme si la gauche devait renouveler ses succès l’année prochaine.

De ce point de vue, votre calendrier apparaît moins absurde, messieurs les ministres. Il ne s’agit pas pour vous de débattre sur le fond de ce que pourraient être les conseillers territoriaux, mais de faire adopter en accéléré une concomitance des renouvellements des conseillers généraux et régionaux afin de créer le cadre vous permettant d’imposer ces nouveaux élus hybrides, deux fois moins nombreux mais dotés de deux fois plus de fonctions obligatoires.

En retirant l’autonomie fiscale des collectivités, vous avez entamé le socle même de la démocratie locale, puisqu’elle permet aux élus locaux de voter le taux de l’impôt. Je ne reviens pas sur cette question. Ce droit de vote est pourtant le symbole de la responsabilité de l’élu local face à ses administrés.

En créant le conseiller territorial, vous déconsidérez l’ancrage de proximité, l’expérience et le travail, ainsi que la nature même de l’indépendance de l’élu, condition de sa responsabilité, liée à son élection.

En effet, 20 % des conseillers territoriaux seront finalement « désignés » parmi les membres des listes départementales en fonction du nombre de suffrages obtenus par les candidats élus. Ce mode de scrutin, j’en suis convaincu, n’ira pas très loin.

De surcroît, vous jetez l’opprobre sur les élus locaux. Leur rôle est pourtant essentiel au quotidien. J’évoquais hier, monsieur le rapporteur, devant l’assemblée régionale de Bourgogne dont vous faites partie, le coût d’un élu régional : il s’élève à seulement 1, 22 euro par an et par habitant. Quant au coût d’un conseiller économique et social, il s’élève à 0, 68 euro par an et par habitant. Imaginez les économies que vous allez faire !

Vraiment, quelle économie extraordinaire ! Il faudrait la comparer au coût des avions présidentiels, des voyages en hélicoptère…

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Populisme !

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Par là même, vous portez un coup fatal à l’échelon régional, l’échelon de la jeune France politique et administrative, qui a pourtant fait ses preuves, en l’espace d’une demi-génération.

Comme je l’avais dit il y a un an à Mme Alliot-Marie, nous allons revenir à l’établissement public régional, à un syndicat de cantons, sans vision stratégique, avec une finalité politique très ambiguë.

Après avoir fait les poches des régions, après les avoir asséchées financièrement, vous les clouez maintenant au pilori. C’est bien l’acte I de la recentralisation dont il s’agit, justifié pour l’essentiel par des motifs démagogiques, voire vulgaires, parfois même faux. Et, alors que nous avons fait en France un véritable effort pour instaurer la parité dans les communes, parité sur laquelle Mme Michèle André reviendra tout à l’heure, vous portez un mauvais coup contre un progrès démocratique devenu un acquis de notre République.

J’ai été, messieurs les ministres, le premier à créer une communauté de communes en France, le 12 juillet 1992, à Pouilly-en-Auxois. Notre collègue Jean-Pierre Sueur était venu l’inaugurer.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

J’ai été aussi parmi les premiers à demander qu’une réforme soit menée pour plus de clarification et plus de simplification. Or la réforme des collectivités territoriales qui débute avec ce texte n’introduit ni clarification, ni simplification.

La recentralisation, messieurs les ministres, est une erreur historique. Je ne suis pas là pour défendre la région, je suis là pour défendre les habitants de la région où j’habite, ainsi que ses acteurs économiques, au vu des relations efficaces que nous avons instaurées, dans une réelle proximité ; je pense au haut débit et à la santé.

Ces actions ont, certes, été menées sur la base de compétences optionnelles, mais celles-ci sont devenues obligatoires du fait de l’abandon total des actions en question par l’État. C’est ainsi que nous installons aujourd'hui, en collaboration avec les départements, des mammographes dans des zones reculées où le taux de cancers du sein est deux fois plus élevé qu’ailleurs, faute, jusqu’à présent, de dépistage de proximité. Voilà bien un cas où les régions et les départements suppléent la carence de l’État !

Le véritable enjeu de cette réforme aurait dû être : comment rendre nos collectivités encore plus efficaces pour nos administrés ? Au lieu d’une décentralisation accrue – l’histoire a montré que l’action de proximité était toujours plus préférable –, le Gouvernement a décidé une recentralisation punitive.

Cette réforme liée à la suppression de la taxe professionnelle, dont les ménages paieront, à terme, la lourde addition, relève de l’improvisation, de la précipitation et de la démolition. Avec des collectivités sans ressources propres aux budgets affectés, nous allons assister à un terrible retour en arrière : les responsables locaux ne seront plus que de simples exécutants du pouvoir central.

La décentralisation avait marqué le renforcement de la responsabilité des élus ; votre recentralisation renforcera l’irresponsabilité de l’État quand il sera nécessaire d’agir sur le terrain.

Il aurait fallu œuvrer à la sécurisation du financement des collectivités, à la péréquation entre les territoires riches et les territoires pauvres, ainsi qu’au renforcement de leur capacité d’action au profit des Français.

Permettez-moi de citer en cet instant le cardinal de Retz : « Il y a très loin de la velléité à la volonté, de la volonté à la résolution, de la résolution au choix des moyens, du choix des moyens à l’application. » Le présent projet de loi traduit l’application d’un choix de moyens résolument mis au service d’une velléité politicienne que vous voulez faire passer pour l’expression d’une bonne volonté.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui, bien qu’il ne comporte que deux articles, est loin d’être purement technique. Il est en effet le premier de quatre textes qui engagent une réforme de nos collectivités territoriales porteuse d’un formidable retour en arrière.

Je souligne, comme l’ont fait avant moi mes collègues du groupe socialiste, notamment, que ce premier texte est très audacieux puisqu’il parie sur l’adoption d’autres textes qui ne seront examinés, au mieux, qu’au mois de janvier. Or, si j’en crois les réactions négatives qu’ils suscitent, rien n’assure qu’ils seront adoptés.

Par ailleurs, le présent projet de loi fait suite à la suppression de la taxe professionnelle, qui va asphyxier financièrement les collectivités territoriales, suppression elle aussi décidée avant même le débat sur la réforme de ces collectivités et qui constitue un véritable hold-up à leurs dépens et au profit des entreprises.

Cette précipitation avec laquelle on s’attaque aux collectivités territoriales, pour injustifiée qu’elle soit, n’est en fait pas étonnante. Depuis son élection, le Président de la République a souvent dénoncé le bilan même de ces collectivités, les accusant d’être dispendieuses, alors qu’elles réalisent 73 % de l’investissement public et ne contribuent à la dette publique qu’à hauteur de 10 %.

Mes chers collègues, avec ces projets, nous devons faire face à un changement brutal de cap par rapport au relatif consensus qui s’était dégagé sur la nécessité d’approfondir la décentralisation et la régionalisation dans notre pays, après le vote des lois de 1982 et de 1983. Les gouvernements qui ont suivi ceux que j’ai dirigés se sont tous inscrits dans cette démarche décentralisatrice, y compris celui de Jean-Pierre Raffarin, qui a même tenu à inscrire dans la Constitution que la France était une République dont l’« organisation est décentralisée ».

Les projets actuels opèrent un retour vers le passé et tournent le dos à la modernité !

Cette orientation était déjà apparue vers la fin des travaux du comité Balladur, auxquels j’avais accepté de participer pour approfondir la décentralisation. En réalité, ces travaux ont préparé cette contre-réforme qui conduira inévitablement à une recentralisation et à un affaiblissement des assemblées locales face au pouvoir de l’État.

Abaisser le pouvoir des assemblées a toujours été la marque des princes. Ce n’était pas notre optique en 1982, et ce n’est pas davantage la nôtre aujourd’hui.

Cet affaiblissement concerne d’abord l’assemblée départementale, lointaine fille de la Révolution de 1789 et surtout des lois de la IIIe République, qui tient une place privilégiée dans l’organisation des territoires, notamment en milieu rural. Mais il concerne tout autant l’assemblée régionale, dernière née de nos institutions locales puisque sa création remonte à 1982, instance qui porte le développement économique et, surtout, la vision d’avenir d’un territoire.

Ce mauvais coup contre ces assemblées sera mal perçu par les Français, très attachés à la démarche décentralisatrice dont ils ont pu mesurer depuis près de trente ans les effets positifs sur leur vie quotidienne en termes de qualité des services publics et de proximité.

Qui peut croire, en effet, que le futur corps hybride des « conseillers territoriaux » censés remplacer les conseillers généraux et les conseillers régionaux pourra faire vivre correctement ces deux assemblées aux compétences et à l’esprit si différents ?

De plus, le mode de scrutin qu’on leur réserve – uninominal à un tour, pour l’essentiel – est non seulement contraire à la tradition du système politique français, mais aussi d’une grande complexité, et il va provoquer un redécoupage des cantons, exercice auquel vous semblez prendre beaucoup de plaisir, monsieur le secrétaire d'État !

Sourires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

Je sais que c’est effectivement un exercice difficile, car il prête toujours le flanc à la critique. C’est pourquoi je comprends mal que le Gouvernement s’y complaise.

En tout cas, ce redécoupage va engendrer de nouvelles inégalités, alors que les cantons actuels étaient déjà sources d’inégalités.

En outre, ce mode de scrutin porte un coup d’arrêt sans appel à la mise en œuvre de la parité, si chèrement acquise et encore largement inachevée. Une oratrice ayant déjà traité ce point très important, je n’ai rien à ajouter à ce qu’elle a excellemment dit.

Bref, les débats sur ces projets de réforme des collectivités territoriales, auxquels les sénateurs socialistes s’opposeront avec vigueur, promettent d’être vifs. Je ne nie pourtant pas l’existence de certains aspects positifs – raison pour laquelle j’avais accepté de participer aux travaux du comité Balladur –, comme l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel ou encore la création de grandes métropoles, à laquelle je suis très attaché. Mais, même sur ce dernier point, que j’ai toujours approuvé dans son principe, les propositions avancées mériteront d’être discutées le moment venu.

Pour l’heure, quand je me pose la question de savoir à quoi correspond vraiment cette attaque contre les assemblées locales que représente la création du conseiller territorial, je ne peux m’empêcher de penser qu’elle a été aussi inspirée par la volonté de prendre une revanche sur la victoire de la gauche aux dernières élections régionales et cantonales.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

C’est un motif supplémentaire qui me conduit, comme mes collègues du groupe socialiste, à ne pas accepter le texte dont nous débattons aujourd’hui et qui engage une réforme à laquelle nous nous opposerons avec vigueur.

Applaudissements nourris sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à ce moment de notre débat, je ne rappellerai pas notre hostilité à la création du conseiller territorial ; plusieurs de mes collègues en ont déjà fort bien exposé les raisons. Je suis montée à cette tribune en qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat.

C’est à ce titre que, dès le mois d’octobre, avec Marie-Jo Zimmermannet Françoise Villain, présidentes des délégations homologues, respectivement, de l'Assemblée nationale et du Conseil économique et social environnemental, j’ai alerté l’opinion sur le mode d’élection annoncé pour les conseillers territoriaux.

En effet, ce mode d’élection présente un risque important de régression au regard de la parité telle qu’elle est prévue par de la Constitution puisque, depuis le 8 juillet 1999, celle-ci dispose que « la loi favorise l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives ». L’article 4 ajoute que les partis et groupements politiques contribuent à la mise en œuvre de ce principe.

Après deux auditions auxquelles a procédé la commission des lois, après de multiples échanges oraux et écrits, après deux réunions de travail, nous en sommes là ! Monsieur le secrétaire d'État, vous avez admis qu’il existait bien un grave problème en ce qui concerne le futur profil du virtuel conseiller territorial et le respect de la Constitution.

Vous avez récemment ouvert des pistes. À ce jour, aucune d’entre elles n’a reçu notre agrément. Mais il reste quelques mois de travail et vous pouvez compter sur notre très bonne volonté et sur notre engagement tenace pour analyser vos propositions.

En ce moment, nous préparons nos listes pour les élections régionales du mois de mars prochain. Vous avez tous remarqué, mes chers collègues, que figurent sur ces dernières autant de femmes que d’hommes présentant des profils – expérience, origines sociales ou professionnelles, âge – qui ressemblent à la population de nos régions, à la population de notre pays.

Résultat d’une volonté et d’un mode de scrutin, la composition de conseils régionaux comprenant 47, 6 % de femmes nous satisfait. Vous comprendrez donc que nul ne veuille revenir en arrière au moment où vont se constituer pour la première fois les exécutifs régionaux à parité issus de la loi du 31 janvier 2007.

Il est long le chemin des femmes françaises vers l’égalité citoyenne, depuis qu’elles sont devenues électrices, voilà soixante-cinq ans, cent ans après les hommes ! Ils ont été lents les progrès ! Et le travail n’est pas fini si l’on regarde les chiffres. À l’Assemblée nationale et au Sénat siègent respectivement 18 % et 23 % de femmes. Et dois-je rappeler qu’on ne compte que 12, 3 % de femmes exerçant un mandat de conseiller général ? Ce serait presque à pleurer !

La France se situe aux dernières places des pays démocratiques quant à la proportion de femmes élues. En Égypte, en Mauritanie, au Rwanda, par exemple, les femmes sont d’ailleurs plus nombreuses et plus présentes dans le débat démocratique.

Je voudrais, en cet instant, vous rapporter cette confidence que me faisait François Mitterrand en 1990, alors que j’étais secrétaire d’État chargée des droits des femmes : « Moi, je ne le verrai pas, je ne serai plus de ce monde, mais vous, à deux générations, vous verrez la vraie égalité des hommes et des femmes dans la société française… à condition de ne jamais changer de cap. »

Debut de section - Permalien
Une sénatrice socialiste

Et voilà !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Deux générations, cela nous amène à 2030.

Monsieur le secrétaire d'État, vous vous apprêtez à changer de cap. Je vous conseille plutôt de changer de mode de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux si vous voulez éviter que l’histoire ne vous juge trop cruellement.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Dominique Voynet, dernier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Mme Dominique Voynet. Et pourquoi ne nous risquerions-nous pas à parler d’« oratrice », monsieur le président ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le hasard du calendrier et les surprises de la vie parlementaire nous amènent à examiner ce texte au lendemain d’une mémorable « erreur humaine », une « bourde », écrit le journal Le Monde, qui a vu le Sénat rejeter un autre texte phare des réformes électorales voulues par le Gouvernement. On me suspectera de céder à la facilité, mais j’y vois un signe favorable quant au vote sur le texte que nous examinons aujourd’hui. Qu’on me permette d’encourager discrètement qui le voudra à, pour une fois, persister dans l’erreur...

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Que nous est-il, de fait, demandé aujourd’hui ? D’adopter par anticipation le résultat de la réforme des collectivités territoriales, qui ne sera débattue dans cet hémicycle que dans plusieurs semaines !

Même méthode, même punition : il y a moins d’un mois, il s’agissait de réformer la taxe professionnelle, ressource essentielle des collectivités territoriales, avant même de nous prononcer sur l’architecture future desdites collectivités. Beaucoup s’en sont émus à juste titre sur ces travées, y compris sur celles de la majorité.

La logique à l’œuvre aujourd’hui est identique : après tout, le texte sur lequel nous devons nous prononcer n’a en lui-même guère de sens, chacun ici le sait pertinemment ; il ne vaut que comme la première étape d’une plus vaste entreprise de démolition des collectivités locales.

Cette entreprise ne vise pas – là encore, chacun le sait –, à clarifier ou simplifier le très complexe « millefeuille administratif », ce qui pourrait recueillir notre accord. Qui peut penser que la création d’un nouveau type d’élu, le « conseiller territorial », serait en quoi que ce soit de nature à rendre le processus électoral plus lisible pour les Français ? La vérité, c’est que cette entreprise ne vise qu’à permettre à la majorité, minoritaire dans les urnes, de reprendre plus aisément le contrôle des collectivités territoriales !

Le constat est simple : le Président de la République a compris que la force de son camp était au premier tour et sa faiblesse, au second. L’UMP est une machine à souder l’électorat de droite en arasant les différences, ce qui produit de très belles dynamiques de premier tour, mais ne suffit pas dans une élection à deux étapes, où la majorité est requise pour l’emporter.

Qu’en ont déduit le Président de la République, ses conseillers, les ministres du Gouvernement ? Qu’il suffit de supprimer le second tour ! « Si nous ne pouvons vaincre avec des règles qui conviennent à tout le monde depuis des décennies, changeons-les pour gagner tout de même. Et nous gouvernerons les régions, les départements – peut-être même, demain, les villes –, avec moins de 35 % des voix ! »

Telle est la vérité nue de la « réforme » portée par le Gouvernement : gagner en trafiquant les règles du jeu à son avantage, …

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

« Trafiquer » n’est pas un mot acceptable !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

… détourner la fonction d’arbitre qu’offre la présidence de la République afin de favoriser la position de ses propres joueurs, faire main basse sur les régions, organiser un hold-up, à partir du matelas électoral qu’offre la fusion de toutes les droites sous l’autorité d’un chef unique !

Je veux croire que, dans une assemblée qui, par le passé, a su honorer sa mission de gardienne de l’équilibre des institutions, une telle manœuvre, aussi grossière que scandaleuse, ne pourra être approuvée.

De nombreuses voix se sont élevées, déjà, pour rappeler le caractère profondément étranger à la tradition de la République de ce projet. D’autres ont relevé le recul que constituerait, pour la parité hommes-femmes, l’extension du suffrage uninominal. Mme Dini a évoqué la « révolte » des femmes élues. Elle aurait pu citer également la révolte de celles qui ne le sont pas encore, et celle de beaucoup d’hommes aussi.

Il est vrai que le système qui nous a été imposé pour aboutir à la parité, compte tenu du mode de scrutin applicable aux élections départementales, ne manque pas de sel ! Vous vous en souvenez, mes chers collègues : il prévoit la mise en place d’un suppléant de sexe opposé, quand près de 80 % des titulaires sont des hommes… Il reste aux femmes à espérer la mise en situation de cumul de « l’homme locomotive », ou son décès !

On nous a expliqué hier soir qu’une « erreur humaine » s’était produite, qui expliquait le rejet du texte présenté. Ce soir, j’en suis persuadée, l’erreur serait de ne pas repousser ce projet de loi. Car c’est se moquer du Parlement que d’imaginer qu’il pourrait décider de la date d’élections de conseillers territoriaux quand il n’aurait débattu ni de l’opportunité de créer ces derniers, ni de leur répartition par département, ni des modalités de leur élection ?

Pour notre part, nous ne prêterons pas la main à cette mascarade.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai brièvement à chacun des orateurs qui se sont exprimés.

Je remercie tout d’abord M. Jean-Patrick Courtois de la qualité de son rapport et de son intervention, ainsi que M. Jean-Jacques Hyest, qui a parfaitement dirigé les travaux de la commission des lois sur l’ensemble des textes liés à cette réforme.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme M. Courtois l’a affirmé à juste titre dans son rapport et dans son intervention, l’adoption de ce projet de loi ne préjugerait en rien votre position sur le reste de la réforme, alors que, à l’inverse, rejeter ce texte reviendrait à engager votre position future puisque la création du conseiller territorial serait alors impossible !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Monsieur le rapporteur, j’approuve également les nombreuses raisons que vous avez données pour justifier l’adoption de ce projet de loi, indépendamment des autres aspects de la réforme des collectivités territoriales.

M. Jean-Léonce Dupont a eu raison de dire que ce texte était un maillon important de la réforme des collectivités territoriales, dont il constitue même la première étape, et je le remercie de s’être déclaré favorable au principe de la concomitance.

Par ailleurs, il a émis le souhait de voir reporter jusqu’à 2014, donc de trois ans, la durée du mandat des conseillers généraux élus. Je crains qu’un tel ajournement ne soit pas acceptable au regard des exigences constitutionnelles en matière de droit des citoyens à l’expression du suffrage et de « périodicité raisonnable », selon la formule consacrée, des consultations électorales. En tout cas, à ma connaissance, il n’existe en la matière aucun précédent d’un report d’une durée de trois ans. Les précédents ajournements d’élections cantonales n’ont jamais dépassé une année, et encore avec des justifications extrêmement précises et rigoureuses.

Enfin, il a abordé la question importante du statut de l’élu. Il nous faudra la traiter, c’est vrai, dans le cadre de l’examen des trois autres textes, et, bien entendu, je serai attentif à ses propositions dans ce domaine.

Dans le présent projet de loi, nous avons d’ailleurs formulé des propositions sur la formation des élus, sur l’honorariat au terme de deux mandats successifs au lieu de trois, ainsi que sur un certain nombre de dispositions pratiques qui vont dans la bonne direction et sont souhaitées par l’Association des maires de France comme par l’Association des maires des petites villes de France.

Monsieur Peyronnet, vous avez émaillé votre intervention de références historiques, nous faisant remonter à Louis XVIII et même à Machiavel. Toutefois – pardonnez ma franchise –, je crois que vous vous trompez de débat. Contrairement à ce que vous affirmez, il n’est pas question de toucher à l’identité communale, pas plus d’ailleurs qu’à l’identité départementale. Au contraire, nous la renforçons

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Du reste, votre intervention a été très générale, et je ne pourrai donc vous répondre aujourd'hui sur les autres points que vous avez évoqués : ils seront abordés lors de la discussion des autres textes liés à la réforme des collectivités territoriales.

Le président Baylet a, lui aussi, évoqué des questions étrangères à l’objet de ce texte et sur lesquelles nous reviendrons donc plus tard.

Il nous accuse de « précipitation ». Or nous sommes en décembre 2009 et ces textes sont le fruit d’un intense travail de réflexion et de concertation

Même mouvement sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Par ailleurs, je maintiens mes propos sur la loi de 1990 : son article 11 prévoyait bien une durée de quatre ans pour le mandat des conseillers généraux élus en 1994. En outre, il n’était pas question de proportionnelle dans les conseils généraux.

La concomitance permettra également de renforcer la légitimité des collectivités territoriales en augmentant la participation électorale. Cette réforme participe donc à la satisfaction d’un motif d’intérêt général, comme l’exige d’ailleurs le Conseil constitutionnel.

Madame Borvo Cohen-Seat, contrairement à ce que vous avez affirmé, le texte du Gouvernement qui vous est soumis ne vise pas à créer le conseiller territorial, mais à organiser la concomitance du renouvellement des conseillers généraux et régionaux.

Notre réforme est cohérente : elle repose sur quatre textes qui viennent successivement devant votre assemblée pour être examinés et discutés ; c’est bien l’objet du débat parlementaire.

Madame la sénatrice, la présentation que vous avez faite de notre réforme est une caricature si outrancière qu’elle n’est pas crédible !

Permettez-moi aussi de vous indiquer que l’on peut être en même temps un grand commis de l’État et un manager.

Enfin, je tiens à vous rassurer : il n’est pas question, je le répète solennellement, de modifier le mode de scrutin pour les élections législatives.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Monsieur Buffet, vous avez rappelé avec pertinence la nécessité de lutter contre les conservatismes de tous ordres.

Je prends note du soutien de votre groupe à l’ensemble du processus de réforme engagé par le Gouvernement, et je m’en réjouis. Vous avez parfaitement compris les enjeux liés à la création du conseiller territorial, qui permettra de prendre en compte, de manière intégrée, les intérêts communs et convergents des départements et des régions, alors que, trop souvent, c’est la concurrence entre ces deux niveaux de collectivités qui domine, et qui coûte plus de 20 milliards d'euros chaque année à l’État…

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

C’est d’ailleurs l’une des raisons de cette réforme.

Monsieur Collombat, si vous doutez même des travaux de la Cour des comptes !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Les 20 milliards d'euros, ce sont les compétences croisées ! Cela n’a rien à voir !

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Ce chiffre apparaît dans des rapports intéressants et convergents, dont je vous conseille d'ailleurs la lecture !

Monsieur Buffet, je vous remercie d’avoir exprimé si clairement l’impératif qui s’attache à l’adoption de ce texte avant les prochaines élections régionales.

Mme Gourault doit savoir que je porte trop de respect à la Haute Assemblée pour penser un seul instant obtenir de sa part un « chèque en blanc ».

Je veux aussi l’assurer de ce que la réforme de la fiscalité locale n’est pas défavorable au bloc communal ; après une période où des propos de toute sorte ont été tenus sur ce sujet, chacun en convient à présent. Le Gouvernement s’est engagé à garantir le principe constitutionnel d’autonomie financière.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. La constitutionnalité même du conseiller territorial n’est pas susceptible d’être mise en cause : il n’y aura aucune tutelle d’une collectivité sur une autre.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Et qui peut sérieusement prétendre le contraire ? De tels propos n’ont aucun fondement juridique ! D'ailleurs, le Conseil d’État a validé le principe d’un élu unique, destiné à siéger dans les deux assemblées.

Pour répondre complètement à Mme Gourault, je rappelle que la réforme des collectivités territoriales se compose en effet d’un ensemble de quatre textes : un projet de loi électoral, un projet de loi organique, un projet de loi institutionnel et le présent projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.

Le respect du principe de sincérité du scrutin nous impose de présenter ce dernier projet de loi en priorité et, bien entendu, avant la tenue des élections régionales de mars 2010, afin que les électeurs puissent se prononcer en toute connaissance de cause.

Monsieur Krattinger, vous avez mal lu l’intitulé de notre projet de loi, me semble-t-il, et guère écouté M. le rapporteur.

Vous étiez rapporteur de la mission Belot, et vous savez combien j’apprécie votre modération. Néanmoins, permettez-moi de vous le dire, dans votre exposé vous avez poussé un peu loin la caricature de ce projet de loi !

Faire œuvre de réforme, ce n’est pas se comporter en « apprenti sorcier ». Au contraire, c’est savoir tirer les conséquences de la complexité de l’ensemble des échelons qui composent notre millefeuille territorial. C’est de cette démarche que découle l’institution du conseiller territorial.

Par ailleurs, de même que votre collègue Jacques Mézard, vous avez cru trouver une contradiction entre l’exposé des motifs du projet de loi et la présentation générale que j’en ai faite dans mon propos liminaire. J’ai simplement souligné qu’il y avait, indépendamment de la création des conseillers territoriaux, bien des justifications à la concomitance. J’ai donc fait référence à l’une et aux autres. Votre rapporteur a d’ailleurs adopté la même démarche dans son intervention.

Vous avez également abordé le calendrier de 2014 et les cinq élections qui sont programmées cette année-là. Mais c’est justement là un des motifs de notre projet ! Il en allait de même pour la loi d’origine socialiste du 11 décembre 1990, que vous avez évoquée, monsieur le sénateur, et que j’ai moi-même mentionnée tout à l'heure.

Avec notre projet, en 2014, se tiendront les élections dites « territoriales », les élections municipales et les élections européennes. Il va de soi que nous ne pouvons compter le renouvellement sénatorial, qui n’est pas une élection au suffrage universel direct. Ce sont donc trois scrutins, et non cinq, qui seront organisés, soit exactement la même situation qu’en 2004.

Monsieur le sénateur, nous n’avons pas de leçon à recevoir de votre part sur les modifications des conditions des scrutins. Avez-vous oublié les 134 découpages cantonaux effectués par Gaston Defferre et Pierre Joxe pendant les années quatre-vingt ?

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Certains départements ont été découpés en 1981, en 1982, en 1983, en 1984 et en 1985 ! C’est en particulier le cas du Cantal – je prends M. Mézard à témoin –, mais je pourrais citer de nombreux autres départements ! Il faut mettre en regard ces 134 découpages organisés par la gauche quand elle était au gouvernement et la douzaine de découpages, auxquels s’ajoutent quelques découpages partiels, décidés par la majorité.

Avez-vous également oublié les nombreux décrets publiés au mois de janvier 1982, moins de deux mois avant les élections cantonales ? Dois-je vous aussi rappeler – je m’adresse là également à M. Patriat, qui reproche au Gouvernement de faire preuve de « précipitation » – que c’est au mois de juillet 1985 qu’a été décidé un changement radical – historique, même ! – du mode de scrutin pour les élections législatives, alors que celles-ci étaient prévues moins de neuf mois plus tard ?

Monsieur Mézard, je note avec intérêt votre volonté d’approuver un certain nombre d’aspects de la réforme. Notre ambition est d’agir au profit des collectivités territoriales, et non contre elles, en mettant fin à l’enchevêtrement administratif dont elles souffrent aujourd’hui, afin qu’elles aient véritablement les moyens de leur politique. Notre intention n’est pas de « désespérer » – je reprends vos propres termes – le groupe du RDSE, bien au contraire.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

On passe la pommade ! C’est du racolage !

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Concernant l’étude d’impact, je vous rappelle que le cadre qui la régit est fixé par la loi organique du 15 avril 2009. Elle n’a pas vocation à être une compilation des avis et opinions des uns et des autres. Vous trouverez néanmoins dans les annexes 7 et 8 la liste des personnes auditionnées par la commission Balladur, puis par la mission Belot.

Enfin, vous avez critiqué la durée du mandat des prochains conseillers régionaux retenue dans le projet, car vous estimez que quatre ans, c’est trop court. Vous oubliez que c’est la durée du mandat du président des États-Unis et des parlementaires américains. Cela les empêche-t-il d’agir ?

Nouvelles exclamations ironiques sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Quatre ans, c’est long.

Madame Assassi, vous avez parlé de « coup de force » contre l’institution parlementaire. Permettez-moi de m’étonner de ces propos excessifs. Nous sommes ici pour débattre d’un projet de loi et il me semble que, depuis près de trois heures maintenant, nous avons entendu nombre d’interventions et d’opinions. Je suis l’un de ceux qui rendent régulièrement hommage au dévouement des élus locaux. Je suis fier de compter moi-même parmi les conseillers généraux de ce pays, et je connais le rôle ô combien indispensable qu’ils jouent auprès de nos concitoyens.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Ce n’est certainement pas nous qui achetons des pages de publicité dans les journaux nationaux pour proférer des contre-vérités sur la réforme !

Décidément, nous n’avons pas la même lecture des textes !

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Madame la sénatrice, nous sommes attachés autant que vous aux valeurs de la République !

Michel Mercier ayant souhaité répondre personnellement à Muguette Dini, je lui laisserai ce soin.

Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Monsieur Collombat, le projet du Gouvernement a fait l’objet de larges débats. Les quatre textes déposés ont donné lieu à de nombreuses consultations – vous le savez pour y avoir participé – et d’importantes auditions, notamment au sein de la commission de lois, qui a reçu quatre ministres pendant plus de quatre heures ; elle a d’ailleurs organisé deux séances élargies sur ce sujet.

L’article 14 du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale encadre l’habilitation donnée au Gouvernement de modifier les effectifs dans les cantons : « Dans chaque région, les effectifs des conseils généraux sont fixés dans le respect du principe d’égalité devant le suffrage tout en tenant compte notamment des impératifs de permettre la bonne administration du département et de la région par leur assemblée délibérante respective et d’assurer une représentation effective des territoires au sein des conseils régionaux. »

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Cela doit s’emboîter dans la réforme des élections législatives. C’est ce qu’ont demandé le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel.

Je ne pourrai vous communiquer les chiffres définitifs que lorsque le Conseil constitutionnel aura validé l’ordonnance du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Reconnaissez que, hier soir, vous n’avez pas vraiment fait avancer les choses. Il fallait voter la ratification de l’ordonnance relative aux circonscriptions des députés : cela nous aurait permis d’aller plus vite !

Je rappellerai à M. Patriat que, depuis 2003, grâce à l’impulsion donnée par M. Raffarin, alors Premier ministre, la Constitution dispose que l’organisation de la République est décentralisée. Déconcentration et décentralisation sont donc compatibles : c’est le principe même de la loi Defferre de 1982.

Il s’agit de mieux organiser et non de recentraliser. Non, ce que nous vous présentons n’est pas l’acte I de la recentralisation §; c’est bien plutôt l’acte I de la simplification. Il n’a jamais été question de jeter l’opprobre sur les élus locaux. Je l’ai déjà souligné, mais je le répète, car M. Patriat a beaucoup insisté sur ce point.

J’indique à Mme Michèle André que, pour les élections municipales, l’abaissement du seuil de 3 500 habitants à 500 habitants permettra une stricte parité puisque le mode de scrutin exigera une liste bloquée.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Cela fera entrer 40 000 femmes dans les conseils municipaux !

Mmes les sénatrices du groupe socialiste s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Oui, pour apporter le café, tourner les pages, faire la vaisselle !

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

De la même façon, 25 000 conseillères communautaires seront élues. La parité s’appliquera également au sein des exécutifs, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.

Toutefois, je ne suis pas entièrement satisfait des dispositions de ce projet sur ce point. Nous avons ouvert des discussions avec vous, Madame André, ainsi qu’avec Mmes Marie-Jo Zimmermann et Jacqueline Panis. Trois réunions de travail ont déjà eu lieu ; d’autres suivront. Je ne doute pas qu’elles contribueront à améliorer le dispositif. En tout cas, je le répète, le Gouvernement est ouvert à toutes les propositions, qu’elles viennent du Sénat ou de l’Assemblée nationale.

Madame Voynet, vous avez employé des mots extrêmement durs, à la limite du supportable : « en trafiquant les règles du jeu », « hold-up ». Ce n’est pas tolérable !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Nous ne faisons qu’appliquer la loi et suivre les recommandations du Conseil constitutionnel. Ce découpage électoral attend depuis vingt-six ans ! La France comptait alors à peine 60 millions d’habitants, contre 67 millions aujourd’hui. Ce découpage aurait dû avoir lieu quand vous étiez au gouvernement, en 1999, voire au début des années quatre-vingt !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Cela fait un certain temps que nous n’y sommes plus, au Gouvernement ! Vous allez utiliser cet argument longtemps ?

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Par deux fois, les gouvernements de gauche n’ont pas assumé leurs responsabilités. Aujourd'hui, le Gouvernement le fait, à la demande du Président de la République, et je suis fier de présenter ce texte devant le Parlement.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Monsieur Mauroy, l’instauration de conseillers territoriaux n’est pas une attaque contre les assemblées locales, bien au contraire ! Nous nous félicitons de la contribution que vous avez apportée au sein du comité Balladur et des propositions que vous avez formulées. Je ne doute pas que vous enrichirez les débats parlementaires qui viennent de commencer et qui se poursuivront l’année prochaine. Sachez que le Gouvernement sera particulièrement attentif à vos suggestions.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Vous m’avez égratigné sur le découpage électoral, ce que je n’apprécie guère. Mais, comme tout homme politique, j’ai déjà quelques cicatrices et, à soixante ans passés, je ne crains pas d’en avoir une de plus.

Le redécoupage des cantons se fera bien entendu sous contrôle.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

C’est prévu par les textes et j’appliquerai scrupuleusement la méthode qu’ont indiquée le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel.

D’autres débats auront lieu, notamment avec les présidents de conseils généraux, quelle que soit leur étiquette politique.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai à Mme Dini

Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Je tiens d’abord à féliciter Mme Dini de la qualité de son intervention et de son plaidoyer en faveur des femmes dans la vie publique.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

C’est pour elle le combat de toute une vie politique.

La question de la parité mérite que l’on s’y attarde et elle doit être étudiée avec sérénité. Je souhaite que nous parvenions à une solution acceptable pour tous.

Des progrès ont été accomplis pour assurer aux femmes une meilleure place dans la vie politique, ...

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

... même si elle n’est pas aussi grande qu’elle le devrait. Quoi qu'il en soit, il n’est pas question pour le Gouvernement de revenir sur les avancées qui ont été accomplies à cet égard.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

M. Michel Mercier, ministre. Mme Dini sait aussi bien que moi que la parité ne dépend pas du mode de scrutin.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Mesdames, messieurs, je vous ai écoutés avec attention. Peut-être pourriez-vous m’accorder quelques minutes pour que je vous réponde ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Mme Dini et moi avons une histoire politique commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Je ne suis pas sûre qu’elle en soit fière !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Madame Voynet, nous pouvons tout de même nous parler ! Nous ne sommes pas en guerre civile ! Ma conception de la vie publique n’est pas celle-là : je crois au dialogue et à l’échange. Certes, nous ne serons pas toujours tous d’accord, mais nous progresserons !

Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

M. Michel Mercier, ministre. D’ailleurs, vous n’êtes pas obligée de m’écouter !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Je le répète, sur cette question, le mode de scrutin n’est pas la clef de tout.

Madame Dini, nous avons commis tous deux une erreur dans le passé : lors d’une élection à la proportionnelle, vous avez présenté une liste sur laquelle ne figuraient que des femmes ; je n’ai guère été plus malin puisque la mienne était entièrement masculine ! Cela a eu pour conséquence l’élection de M. Fischer !

Rires. – Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Voilà qui n’est pas très élégant vis-à-vis de notre collègue !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Nous pouvons donc faire mieux. La solution se trouve certainement dans les modalités du scrutin.

Alain Marleix l’a rappelé, nous sommes tout prêts à travailler avec vous pour trouver la solution qui permettra aux femmes d’occuper une place normale au sein des instances représentatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Une place normale, c’est un siège sur deux !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Madame Voynet, je vous invite à venir travailler avec nous !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Vous et, bien sûr, toutes celles et ceux qui souhaitent que, ensemble, nous trouvions la solution. Sans coopération, nous n’y parviendrons pas. J’ai la certitude qu’il nous faut engager le dialogue.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Il n’est qu’un seul mode de scrutin qui ne permettra pas une meilleure parité, c’est le scrutin uninominal majoritaire à deux tours partout.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Tous les autres peuvent la faire progresser.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

M. Michel Mercier, ministre. Nous sommes prêts à travailler avec tous les parlementaires qui le souhaitent, car il nous faut continuer dans cette voie.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je suis saisi, par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (132, 2009-2010) (Procédure accélérée).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, je voudrais développer devant vous cinq arguments qui tendent à montrer que ce texte, tant par son objet que par ses conséquences, est manifestement contraire à notre Constitution.

Le premier argument est assez évident et a été beaucoup évoqué : ce texte n’existe que par rapport à des projets de loi qui n’existent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il n’a d’existence que rapport à des projets de loi futurs, qui, par définition, n’existent pas ! Et, par définition, monsieur le ministre, le Parlement a le droit de les rejeter. Nous espérons qu’il le fera.

Par conséquent, il n’y a pas de fondement à établir un changement des dates d’élection en vertu d’une loi qui est purement virtuelle.

Autrement dit, le motif pour changer la date des élections manque assurément. D’ailleurs, vous en êtes tellement convaincus que, tout à l’heure, vous avez répété que le présent projet de loi n’était pas lié à la création des conseillers territoriaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J’ai même entendu M. Marleix expliquer que, si le conseiller territorial n’était pas institué, on pourrait néanmoins sans inconvénient conserver la date prévue dans ce texte pour les élections régionales et cantonales ! Vous affirmez vouloir simplement le bien du peuple, qui n’aurait ainsi à se déplacer qu’une seule fois pour voter…

Mais, vous le savez, monsieur le ministre, ces précautions inutiles, comme eût dit Beaumarchais, tombent par terre dès la première phrase de l’exposé des motifs du présent texte, où il est précisé que celui-ci « prévoit qu’à l’avenir les conseillers généraux et les conseillers régionaux formeront un ensemble unique d’élus, les conseillers territoriaux… »

Vous faites effectivement cette loi pour les conseillers territoriaux, mais les conseillers territoriaux n’existant pas, il n’y a plus de raison de la faire !

Le deuxième argument découle du précédent. Vous ne voulez donc faire adopter cette loi que pour rendre possible le conseiller territorial. Or, comme cela a été très bien dit par beaucoup de collègues, cette confusion entre le département et la région – c'est-à-dire le fait que la même personne soit à la fois l’élu du département et de la région – pose un nouveau problème constitutionnel.

En effet, par cette confusion, monsieur le ministre, non seulement vous institutionnalisez le cumul des mandats, mais vous portez atteinte à l’autonomie des collectivités. Nous nous en souvenons tous, les grandes lois de décentralisation présentées par Pierre Mauroy et que nous avons votées imposaient un principe très fort : l’absence de tutelle d’un niveau de collectivité sur un autre. Cela suppose des assemblées et des élus distincts ; cela suppose que celui qui parle pour le département ne parle pas pour la région et inversement !

D’ailleurs, ce grand principe de non-tutelle et d’autonomie est maintenant inscrit dans notre Constitution. Or, avec la confusion des fonctions, c’est indubitable, vous institutionnalisez la tutelle d’un niveau de collectivité sur un autre.

Le Conseil constitutionnel ne s’y est pas trompé. Ainsi, selon sa décision du 6 juillet 1994, dans le cas d’un texte prévoyant la concomitance de deux scrutins – nous y sommes –, le principe de sincérité impose que le choix opéré par le législateur en faveur d’un regroupement dans le temps de consultations s’accompagne de modalités matérielles d’organisation destinées à éviter toute confusion dans l’esprit des électeurs.

Or, en l’espèce, vous n’évitez pas toute confusion : vous l’organisez, vous l’institutionnalisez !

À l’évidence, nous trouvons là, au regard des grands principes de la décentralisation qui figurent maintenant dans notre Constitution, un deuxième motif d’inconstitutionnalité.

J’en arrive au troisième argument. Mmes Dini, André et Voynet ont parlé avec éloquence de la parité. J’avoue avoir été quelque peu perplexe devant les propos de M. Mercier.

Si je comprends bien, le futur scrutin auquel on songe est un scrutin d’arrondissement, de canton et de territoire. Et M. Mercier nous assure que l’on va trouver un système tel que ce mode de scrutin respectera la parité. Mais comment ? Peut-être pense-t-il à cette forme de parité un peu funèbre qui existe dans les conseils généraux : la suppléante ne peut espérer devenir conseillère générale que s’il arrive malheur au titulaire ou s’il est promu au Gouvernement !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Certes, monsieur le président, mais l’inverse est beaucoup moins fréquent, vous me le concéderez.

Je dois le confesser, je n’ai rien compris aux propos de M. Mercier, et j’espère que notre amitié n’aura pas à en souffrir. En revanche, je comprends bien notre Constitution, qui prévoit, depuis 1999, « l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Voilà qui est clair !

Mon quatrième argument est tout à fait limpide. Après avoir lu l’excellent et lumineux article de notre ami Guy Carcassonne…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… paru dans le journal Libération et traitant du mode de scrutin que vous proposez, je m’étonne que vous persistiez !

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

C’est un tissu d’erreurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous verrons ce qu’en dira le Conseil constitutionnel !

Il est clair qu’un mode de scrutin permettant d’être élu avec 23 %, 22 % ou même 21 % des suffrages – puisque c’est le candidat ou la liste qui arrive en tête qui est élu – est profondément injuste. Il permet en effet à un représentant d’une minorité d’être élu et, éventuellement, de gouverner. Or, selon un principe constant dans notre République, les élus représentent la majorité du corps électoral.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Et avec la proportionnelle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est pourquoi, qu’il s’agisse de proportionnelle ou de scrutin uninominal, les deux tours garantissent la bonne représentation de la majorité des citoyens.

En 1873, le député Savary – un homonyme de notre ami Alain Savary, pour lequel nous avions aussi beaucoup de respect –, défendant à la tribune de l’Assemblée nationale le scrutin à deux tours, déclarait ceci : « Il me suffit aujourd’hui de constater, avec l’appui de presque tous les précédents législatifs, avec l’opinion de tous les publicistes, avec celle du public tout entier, que la règle fondamentale du Gouvernement représentatif est que les élus représentent la majorité du corps électoral, et que, s’ils ne représentent que la minorité, … » – ce que vous voudriez, monsieur le ministre ! – « …l’existence du Gouvernement représentatif, les droits des Assemblées délibérantes ont perdu leur raison d’être. Je dis que se contenter d’élections de minorité, … » – ce que vous voulez ! – « …c’est faire une œuvre contraire au but même du Gouvernement représentatif ; que les droits que nous apportons tous dans cette enceinte dérivent du mandat que nous a donné la majorité… » – et non pas une minorité ! – « …de nos concitoyens ; que les décisions des Assemblées n’ont de valeur que parce que ces Assemblées représentent l’opinion de la majorité du pays exprimée par des électeurs libres et non celle d’une fraction… » – ce que vous voulez ! – « …qui constituerait une minorité plus ou moins considérable. »

Voilà ce que disait un grand républicain. Avec beaucoup d’autres, il a fondé l’idée républicaine selon laquelle il n’y a de République que si c’est la majorité qui s’exprime !

Mme Odette Herviaux applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

(M Bernard Frimat applaudit.) J’espère vraiment que cette loi ne verra jamais le jour !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Votre texte est gravement inconstitutionnel ; il est contraire au principe d’égalité. Nous ne pouvons y souscrire. §

J’en viens enfin au comble de la bizarrerie : le mode de scrutin auquel vous pensez pour les éventuels conseillers territoriaux. Hier, Jean-Pierre Bel, Jean-Claude Peyronnet et moi-même avons exposé votre système à un ensemble de journalistes ; ils nous ont demandé de le réexpliquer une seconde fois tant il leur paraissait complexe !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ne sais pas, monsieur le ministre, si vous allez exposer ce système dans le département de l’Yonne, mais je vous assure qu’il est très difficile à comprendre.

À l’article 1er de l’éventuel futur projet de loi, au sein du chapitre II consacré au mode de scrutin, l’article L. 190-5 du code électoral fixerait ainsi la répartition des sièges entre les listes : 80 % des élus seraient désignés au suffrage uninominal et 20 %, au suffrage proportionnel. Comment seraient choisis ces 20 % élus au suffrage proportionnel ? La réponse nous est fournie à l’article L. 190–6 : « La répartition des sièges entre les listes s’effectue à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste, en fonction du nombre de suffrages obtenus dans chaque canton… » – écoutez bien, mes chers collègues, car c’est là que les choses se compliquent singulièrement – « … par ceux des candidats non élus au mandat de conseiller territorial. »

Autrement dit, il s’agit d’une proportionnelle totalement faussée puisque ne sont pris en compte que les votes exprimés en faveur de ceux qui n’auront pas été élus au scrutin uninominal.

Au début, je dois l’avouer, je n’arrivais pas à croire que vous pouviez proposer quelque chose d’aussi tordu ! J’ai lu, j’ai relu, j’ai essayé de comprendre. C’est très clair : les conseillers territoriaux qui seront élus à la proportionnelle le seront grâce aux suffrages qui ne se seront pas portés sur eux pour être élus au mandat de conseiller territorial !

Dans le vocabulaire gouvernemental, ces suffrages deviennent « utilement exprimés » – je vous renvoie à l’étude d’impact –, alors qu’ils n’ont pas été assez nombreux pour faire élire un candidat.

Inversement, les électeurs qui ont désigné un candidat au scrutin uninominal qui a été élu ne pourront pas prendre part au scrutin proportionnel : leurs votes ne seront pas comptabilisés ; leurs voix deviendront inutiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Si c’est pour simplifier, c’est très réussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le ministre, je mets au défi quiconque de défendre un tel système devant notre Haute Assemblée ou où que ce soit. Ce système est byzantin, biscornu et tarabiscoté !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le Conseil d'État précise d’ailleurs : « Le mode de scrutin retenu n’apparaît pas de nature à garantir l’établissement d’une majorité stable [et il] peut, en outre, permettre qu’une liste ayant recueilli au niveau régional moins de voix qu’une autre puisse néanmoins obtenir plus de sièges qu’elle… »

Mes chers collègues, voilà un système incompréhensible ! Mais peut-être produit-il, d’après les calculs de certains, notamment de M. Marleix, quelques résultats politiques intéressants… Eux seuls le savent ! Quoi qu’il en soit, le Conseil d'État a été très clair : tout cela est lourdement inconstitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Tels sont, mes chers collègues, les cinq motifs pour lesquels nous vous demandons de voter la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur Sueur, j’ai écouté votre exposé avec attention et je reconnais que, sur la forme, il fut brillant.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Cela étant, permettez-moi de vous le dire, vous vous trompez de débat et de texte. Vous m’avez fait penser à un acteur qui se croirait à une avant-première alors que la répétition générale serait prévue six mois plus tard ! Tout au long de votre propos, en effet, vous avez traité exclusivement du mode de scrutin retenu pour l’élection des conseillers territoriaux, ce dont il n’est nulle part question dans le présent projet de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le présent texte n’a qu’un objet : assurer la concomitance des élections aux conseils généraux et aux conseils régionaux.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je vous mets d’ailleurs au défi d’y trouver ne serait-ce qu’une seule fois les termes « conseiller territorial » !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Ne vous moquez pas de nous, monsieur le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Mais je ne moque pas de vous ! Laissez-moi finir mon propos !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Quel est le véritable objet du projet de loi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je l’ai expliqué tout à l’heure : s’il est vrai que la concomitance des élections cantonales et régionales est la condition nécessaire pour permettre la création des conseillers territoriaux et leur élection, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

… ce n’est pas pour autant une condition suffisante. Or, vous le savez comme moi, il faut une condition à la fois nécessaire et suffisante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Seule la première partie de l’équation est satisfaite. Il est effectivement nécessaire que le mandat des conseillers généraux et celui des conseillers régionaux s’achèvent tous deux en mars 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Évidemment ! Sinon, cela n’aurait aucun intérêt !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Posons la question à l’envers : que se passera-il si le Parlement, une fois qu’il aura adopté ce projet de loi, ne vote pas celui qui vise à instituer le conseiller territorial ? Eh bien, en 2014, auront lieu des élections cantonales et des élections régionales selon le mode de scrutin actuel.

Avec le texte qui nous est soumis aujourd'hui, le Gouvernement ne prévoit rien d’autre que la fin simultanée, à cette échéance, des mandats de conseillers généraux et régionaux, condition nécessaire, mais non suffisante, à la création des conseillers territoriaux. C’est pourquoi je le soutiens.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Ou alors il nous prend vraiment pour des demeurés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Telles sont les raisons pour lesquelles j’invite la Haute Assemblée à rejeter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

M. Robert del Picchia applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Quant aux autres arguments avancés, aussi légitimes soient-ils, il nous appartiendra de les examiner lorsque le projet de loi n° 61, relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, viendra en discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Mes chers collègues, le problème qui nous est posé aujourd'hui est on ne peut plus clair : assurer la concomitance des renouvellements des conseils généraux et régionaux. Par conséquent, je vous demande de rejeter massivement la motion présentée par M. Sueur !

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

C’est ce qu’on appelle le courage politique !

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai, comme tout un chacun, écouté avec la plus grande attention les interventions des différents orateurs lors de la discussion générale ainsi que les propos tenus à l’instant, avec son talent coutumier, par M. Jean-Pierre Sueur.

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, tout au long de cet après-midi, vous avez répété, comme un leitmotiv, la même critique : elle porte sur l’ordre dans lequel nous soumettons les quatre textes à la discussion parlementaire. Je vous reconnais ce droit.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Mais je vous demande d’accepter, en retour, que nous ayons notre propre cohérence, …

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

… qui justifie l’ordre que nous avons choisi.

Si chacun est libre de s’exprimer comme il l’entend, personne ne peut ignorer de quoi il sera question dans ces quatre projets de loi puisque le Gouvernement les a déposés sur le bureau du Parlement.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Nous avons décidé de procéder ainsi pour de simples raisons de calendrier, que je tiens à rappeler.

Au mois de janvier prochain, nous débattrons de l’architecture de la réforme proprement dite. C’est à ce moment-là que nous engagerons la réflexion sur la répartition des compétences, en associant étroitement les parlementaires, les associations d’élus et, bien évidemment, en nous inspirant très largement du travail accompli, ici même, par la mission Belot, à laquelle je veux, à mon tour, rendre hommage.

Avant l’été, viendra l'examen du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Il se trouve que, au même moment, nous aurons sans doute un autre rendez-vous, si, comme il n’est pas interdit de le penser, l’instauration d’une « clause de revoyure » relative aux conséquences de la suppression de la taxe professionnelle, dont le principe a été accepté dans le cadre de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2010, est entérinée par l’adoption définitive de ce texte, prévue dans les tout prochains jours.

Par conséquent, les choses sont parfaitement actées.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Tout se déroulera selon un calendrier cohérent, qui ménage, à chaque étape, la capacité pleine et entière du Parlement d’aller au bout de sa réflexion et de proposer toutes les modifications qu’il souhaite.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Monsieur Sueur, le présent projet de loi a justement été présenté dans le but de nous conformer aux exigences constitutionnelles de sincérité du scrutin.

Tout au long de votre propos, vous vous êtes quasiment érigé en juge constitutionnel. C’est votre droit le plus strict, mais force est de constater que vous vous êtes en permanence référé au Conseil constitutionnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

S’agissant d’une exception d’irrecevabilité, quoi de plus normal ?

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Laissez-le donc travailler tranquillement : il rendra, comme il en a l’habitude, ses décisions en toute indépendance, et je peux vous assurer que le Gouvernement, cela va de soi, s’y conformera.

Ce texte est en outre très proche de l’une des propositions contenues dans le rapport présenté par le comité présidé par l’ancien Premier ministre M. Balladur, auquel un certain nombre d’entre vous ont participé, en particulier M. Longuet. §

Il permettra également la tenue simultanée, en mars 2014, des élections municipales et des élections des conseillers territoriaux, ce qui, à nos yeux, sera un gage de simplification et de clarté pour les électeurs, de nature à renforcer le taux de participation.

Il aura aussi l’avantage de ne pas trop affecter l’exercice des mandats locaux et leur durée, de maintenir un décalage, selon nous nécessaire, entre les élections locales, d'une part, et les élections nationales, d'autre part, afin que les enjeux électoraux respectifs soient bien identifiés.

Il mettra fin au renouvellement triennal par moitié des conseils généraux, …

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

… conformément, me semble-t-il, au souhait exprimé, à droite comme à gauche, par de nombreux élus, notamment parlementaires.

Il permettra enfin d’harmoniser le calendrier électoral avec les échéances du Sénat.

J’ajoute que l’Assemblée des départements de France, dans une résolution publiée en décembre 2008, a proposé que les « conseillers généraux élus en 2011 le soient pour trois ans, …

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

…et qu’en 2014 intervienne un renouvellement intégral sur la base de cantons regroupés ».

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

M. Henri de Raincourt, ministre. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement invite le Sénat à rejeter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je n’ai pu manquer de relever dans vos propos respectifs, que j’ai écoutés attentivement, une contradiction manifeste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Monsieur le ministre, vous avez souhaité mettre en avant la volonté du Gouvernement d’agir dans la transparence, en insistant sur le fait que celui-ci avait transmis les quatre projets de loi au Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Je répète ce que j’ai déjà souligné lors de la discussion générale : comment ne pas voir qu’une discussion générale programmée, comme ce fut le cas cet après-midi, pour durer trois heures constitue une incitation évidente à parler du tout et non pas d’un seul texte ? C’est d’ailleurs ce que vous-même avez fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

C’est ce qu’a également fait M. Sueur, et il a eu raison !

Monsieur le rapporteur, vous avez donc eu tort de nous inviter à nous cantonner au présent projet de loi. En réfutant les arguments développés par M. Sueur, vous en avez d’ailleurs oublié un : la virtualité qui s’attache très précisément à ce texte. Nous aimerions donc avoir votre opinion sur ce point.

Les cinq arguments que mon collègue a développés sont très convaincants ; celui qui porte sur le mode de scrutin est même excellent, car il n’est tout de même pas acceptable que des élus soient désignés avec seulement 20 % des voix !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

C’est en outre contraire à la tradition républicaine, qui a pris un tel poids qu’elle en est devenue constitutionnelle, pour reprendre l’argument développé par Guy Carcassonne et auquel nous souscrivons totalement.

À vrai dire, il est difficile de faire plus baroque ! Avec un tel dispositif, les 20 % des sièges restants seront attribués à des candidats figurant sur certaines listes. Or il n’y aura pas eu un vote formel des électeurs, sauf à procéder de la façon envisagée dans l’étude d’impact : les bulletins de vote devront comprendre le nom du candidat, ainsi que celui de son suppléant ou de sa suppléante, et indiquer s’il est rattaché à une liste présentée par un parti au niveau régional. Cela semble totalement impraticable !

Il convient donc d’apprécier à leur juste valeur les arguments à la fois lumineux et pleins de poésie avancés par Jean-Pierre Sueur.

Reste la question de la parité. Sur ce point également, je souscris à l’argumentation de Jean-Pierre Sueur. M. Marleix, que j’ai bien écouté, nous a dit en substance que le nouveau scrutin prévu pour les petites communes, loin de remettre en cause la parité, allait au contraire multiplier le nombre de candidates et de femmes élues. Mais l’exigence de parité ne s’arrête pas là : cette dernière doit être respectée à chaque niveau de collectivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Ce système laisse une drôle d’impression : les femmes seraient compétentes pour s’occuper de l’aide sociale dans des communes de 600 habitants, mais pas pour figurer en nombre égal à celui des hommes dans des assemblées chargées d’établir la programmation des investissements ou de réfléchir aux problématiques de l'ensemble d’une région. Comme si elles n’en étaient pas dignes ou que ces sujets leur passaient au-dessus de la tête !

De ce point de vue, l’interprétation donnée par M. Marleix ne peut nous satisfaire.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons bien sûr la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la majorité du groupe du RDSE votera la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Certes, monsieur le ministre, vous nous avez fait un brillant exposé, ce qui ne nous étonne guère tant vous êtes rompu aux joutes oratoires. Le problème, c’est qu’il semble en relative contradiction avec le vôtre, monsieur le rapporteur. Pour employer une expression familière, j’ai envie de vous dire : « Accordez vos violons ! » §Pour le moment, cela n’a pas l’air d’être le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est une symphonie !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

En effet, avec ce texte, on va arriver à une situation totalement surréaliste, qualifiée de « baroque » par notre collègue Jean-Claude Peyronnet, puisque des conseillers territoriaux seront élus alors même qu’ils n’auront pas été désignés par un seul électeur !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. Avec un scrutin proportionnel ne prenant en compte que les voix des candidats battus au scrutin majoritaire, tel ou tel pourra siéger au conseil général ou au conseil régional, voire, comme cela a été dit, en être le président, sans jamais avoir vu un seul électeur pendant toute la campagne !

Rires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Cela, vous ne pouvez pas le passer par pertes et profits !

Voilà pourquoi nous voterons cette motion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je soutiendrai la motion défendue par notre collègue Jean-Pierre Sueur, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, les réponses qui nous ont été apportées par le Gouvernement ne sont pas convaincantes. Tout le monde s’accorde à le dire, ce projet de loi fait partie d’un ensemble de textes relatifs aux collectivités territoriales. Mais celui-ci, qui vient en amont, est présenté séparément et anticipe précisément le débat concernant la réforme des collectivités territoriales. Or ce projet de loi ne vaut que si les autres textes constitutifs de la réforme sont votés par le Parlement. Il est donc aberrant de nous demander de le voter, c’est-à-dire de considérer que nous allons procéder à cette réforme alors que nous sommes nombreux à ne pas en vouloir, tant parmi les élus que parmi nos concitoyens, qui estiment, si j’en crois les résultats des enquêtes réalisées, qu’elle ne va pas dans le bon sens et est, pour l’instant, absolument incompréhensible.

Ensuite, je veux parler du mode de scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le ministre, vous n’avez eu de cesse de souligner, tout comme les ministres présents tout à l'heure, que, contrairement à nos affirmations – ce qui n’est pas tout à fait vrai d’ailleurs ! –, cela faisait un an que nous débattions de la réforme des collectivités territoriales. Si nous l’avons fait, c’est de façon très éparpillée et sous des formes très diverses !

Il y a d’abord eu les propositions du comité Balladur, qui a d’ailleurs consulté les partis politiques. Ensuite, a été élaboré un projet de loi. Puis, a été instituée la mission sénatoriale temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, avec l’objectif de formuler des propositions, mais qui a été complètement occultée. Enfin, vont nous être soumis successivement, mais avec des intervalles assez longs, quatre projets de loi, celui-ci étant le premier.

En revanche, s’il est une question que nous n’avons pas du tout discutée, ni de manière formelle ni de manière informelle, c’est bien le mode de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux ! Cette question nous est tombée sur la tête comme une tuile, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

… une tuile venant en fait directement de l’Élysée, je suppose !

C’est absolument inacceptable parce que cela remet en cause la tradition républicaine – je dis bien « républicaine » ! – de ce pays ! Comme l’a indiqué M. Balladur, le scrutin uninominal à deux tours a été introduit en 1852. En tout cas, depuis l’instauration de la République, nous n’avons pas connu d’autre mode de scrutin, si ce n’est le scrutin à la proportionnelle, qui est plus démocratique ! Mais il n’y en a pas eu de moins démocratique ! En l’espèce, il s’agit donc d’une première dans la République ! Cela mérite donc tout de même discussion !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous aurions tous tort – vous aussi, chers collègues de la majorité ! – de nous laisser aller, sans en débattre de manière très approfondie, à accepter ce mode de scrutin qui est franchement antidémocratique !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Mes chers collègues, nous avons tous en commun un grand intérêt pour les collectivités locales, qui structurent notre pays et ont donné à la République cette résistance, cette plasticité, cette réactivité qui la rendent forte dans les moments d’épreuve.

Sans revenir sur la loi Tréveneuc, je voudrais simplement rappeler que la République est forte de ses collectivités locales. À droite comme à gauche, me semble-t-il, nous avons le sentiment qu’il ne serait pas inutile de simplifier et de clarifier leur fonctionnement.

En revanche, ce qui divise la majorité et l’opposition, c’est que, pour notre part, nous considérons qu’il ne s’agit plus d’un sujet de colloque. En effet, il convient désormais de décider et de proposer à nos compatriotes de nouvelles règles du jeu.

Cher Jean-Pierre Sueur, je vous ai écouté avec beaucoup d’intérêt défendre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité en invoquant l’inconstitutionnalité de ce texte.

Vous êtes universitaire, et si, en tant qu’universitaire, j’avais eu à juger votre copie – mais je m’en garderai bien, car je n’ai pas ce privilège ! –, j’aurais sans doute inscrit dans la marge : « Intéressant, mais hors sujet ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

La majorité sénatoriale a la conviction profonde de devoir réformer les collectivités locales selon deux grands systèmes : un système de proximité, le bloc communal et intercommunal, et un système d’aménagement et d’organisation du territoire, aux niveaux départemental et régional. Pour assurer à ce système territorial une certaine cohérence, nous voulons instituer un grand rendez-vous pour les élections locales, comme il en existe un, sur le plan national, avec l’élection présidentielle et les élections législatives. C’est tout ce que prévoit ce projet de loi, mon cher collègue !

Nous fixons un rendez-vous commun pour l’ensemble des collectivités locales, en laissant ouvert l’ensemble du dispositif, et ce pour une raison très simple. Contrairement à ce que vient d’affirmer Mme Borvo Cohen-Seat, nous construisons la loi ici même.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Certes, la majorité sénatoriale est solidaire du Président de la République, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. … et du Gouvernement. Mais je vous rappelle tout de même que c’est précisément dans cette enceinte qu’a été décidé le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Le texte issu de nos travaux n’est tout de même pas strictement identique à celui que Mme Lagarde, avec tout le respect que nous avons pour elle, nous avait présenté en septembre dernier.

De la même façon, pour ce qui concerne la réforme des collectivités territoriales, nous devrons réfléchir et apporter des réponses qui dépendront, pour certaines, du texte portant sur les compétences, en évitant le risque de tutelle et en prévoyant une certaine souplesse.

Marques d’ironies sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Naturellement, nous sommes attachés à la parité

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Pour avoir été président de région pendant douze ans, je sais que nous devrons œuvrer en faveur de la parité dans les assemblées territoriales que seront les assemblées des départements et des régions. En la matière, on peut apporter des réponses.

Faudra-t-il faire évoluer le mode de scrutin ? Sans doute.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Faudra-t-il innover ? Assurément.

Certains d’entre nous préconisent, par exemple, de sanctionner la parité dans un scrutin uninominal. Mais nous l’avons constaté lors des élections législatives, une sanction financière n’apporte pas grand-chose.

À l’instar de ce que suggère mon éminent collègue de l'Assemblée nationale Jean-François Copé pour les conseils d’administration des sociétés du CAC 40, rien ne nous interdit de prévoir dans la loi que les exécutifs devraient réserver un certain nombre de places à des femmes. Après tout, pourquoi pas ? C’est une hypothèse, qui pourra être évoquée durant le débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Le débat durera non pas quelques semaines, mais plusieurs mois, car nous devons reconstruire ensemble le système des collectivités locales.

Aujourd'hui, nous proposons simplement que tout soit prêt pour le rendez-vous de 2014. En cet instant, rien n’est définitivement vissé parce que l’exécutif respecte le Parlement, notamment la compétence du Sénat, première assemblée à être consultée sur ce sujet.

Il est tout à fait vraisemblable que nous trouverons ensemble – ou la majorité seule ! – les solutions de bon sens que réclame notre pays aux questions que vous avez posées.

Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Je demande la parole pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

À mon grand regret, mon cher collègue, je ne puis vous donner la parole pour explication de vote sur cette motion puisque, ainsi que je l’ai bien précisé tout à l'heure, en cette circonstance, la parole ne peut être accordée pour explication de vote qu’à un représentant de chaque groupe. Or vous faites partie de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe. J’en suis désolé, mais je ne fais qu’appliquer le règlement.

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je me dois d’être extrêmement précis afin d’éviter toute confusion.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur cette motion n° 1 tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement. Ceux qui souhaitent voter pour mettront dans l’urne un bulletin blanc ; ceux qui souhaitent voter contre, un bulletin bleu ; ceux qui souhaitent s’abstenir, un bulletin rouge.

Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.

Rires et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Si cela avait été présidé comme cela hier, il n’y aurait pas eu de problème !

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 108 :

Nombre de votants336Nombre de suffrages exprimés336Majorité absolue des suffrages exprimés169Pour l’adoption151Contre 185Le Sénat n'a pas adopté.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je rappelle que la commission des affaires sociales et la commission des finances ont proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame Mme Annie Jarraud-Vergnolle membre du Comité d’évaluation de l’impact du revenu de solidarité active, créé en application de l’article 2 du décret n° 2009-1112 du 11 septembre 2009, et M. Bernard Angels membre du Conseil d’orientation du service des achats de l’État, créé en application de l’article 5 du décret n° 2009-300 du 17 mars 2009.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.