Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 15 décembre 2009 à 15h30
Renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Nous sommes déjà engagés dans cette voie.

Je passe sur les problèmes de constitutionnalité, déjà abordés par de nombreux orateurs, et qui seront développés lors de l’examen de l’exception d’irrecevabilité, pour m’arrêter un instant sur l’un des vices, à mon sens rédhibitoires, de ce projet de loi : l’absence d’indication quant au nombre de conseillers territoriaux et de « nouveaux cantons » par département.

Que l’on ne vienne pas me dire qu’il s’agit d’un problème mineur, réglé traditionnellement par voie d’ordonnance ou de règlement. Il s’agit d’une question majeure.

Pour un département de 150 000 habitants, conserver ses 30 conseillers généraux et ses 30 cantons actuels, les voir réduits à 20 et à 16 cantons, à 15 et 12 cantons, à 8 et 6 cantons, suivant le mode de calcul choisi, n’est pas un détail. En tous cas, cela devrait peser lourd dans le vote de ses représentants au Sénat.

En l’espèce, nous ignorons même les règles de calcul. Pour l’heure, on doit se contenter de bonnes paroles et du rappel de principes, incompatibles pour un certain nombre de régions : représentativité « essentiellement » démographique, prise en compte des territoires, réduction de moitié du nombre d’élus actuels, gouvernabilité des assemblées régionales.

Je vous fais la démonstration quand vous voulez que, dans les régions composées de départements démographiquement très hétérogènes, soit les conseils généraux des départements les moins peuplés seront squelettiques, soit les conseils régionaux et les conseils généraux des départements les plus peuplés seront pléthoriques.

En fait, avec ce texte s’ouvre et s’achève la discussion du projet de réforme des collectivités locales.

Les péripéties intermédiaires, qui débuteront en janvier et s’étaleront sur plusieurs mois, se dérouleront selon la dramaturgie désormais bien réglée, dont on a pu apprécier l’efficacité lors de l’examen du projet de loi de finances.

Acte I : le Sénat accepte l’essentiel. Hier, c’était la réduction du montant de l’impôt économique et l’idée que c’est sur la taxe professionnelle, plutôt que sur tout autre impôt - l’impôt sur les sociétés par exemple - qu’il faut faire porter cet effort. Aujourd’hui, c’est la consécration du principe de l’administration de la région et des départements par les mêmes élus. Voilà ce qui est en question aujourd’hui.

Actes II, III, IV… autant qu’il en faudra : on discute, on chipote les détails ; certains sont de taille, comme le mode de scrutin, mais beaucoup sont petits. Autant d’occasions de psychodrames politico-médiatiques où chaque composante de la majorité montre alternativement sa combativité ou sa bonne volonté. Je vous renvoie à ce qui vient de se passer avec la taxe professionnelle.

Pas besoin d’être devin pour imaginer les débats futurs sur la place laissée aux communes et à leur pouvoir de décision dans les intercommunalités, sur le mode de désignation des conseillers territoriaux, sur la taille et les compétences des métropoles, etc.

L’essentiel étant acquis aujourd’hui, si nous votons ce texte, le Gouvernement pourra se montrer compréhensif sur tout ce qui ne compromettra pas le bénéfice attendu de la réforme : la reconquête des départements et des régions.

Dernier acte : vote solennel du dernier projet gouvernemental. Le président du Sénat se félicite de la qualité d’un débat qui a pris tout le temps nécessaire, et de la place essentielle qu’y a tenue la Haute Assemblée, dont l’importance est ainsi soulignée. La majorité et le Gouvernement se félicitent mutuellement de leur bonne volonté, pour le plus grand bien de nos collectivités et la modernisation du pays. Les dissidents temporaires rentrent dans le rang.

Peu importe que le résultat soit cohérent ou qu’il ne le soit pas, qu’il soit un gage de dynamisme ou de paralysie pour nos collectivités, il est là : le projet de réforme est voté.

Voter ce projet de loi dit de « concordance », c’est accepter le cœur de la réforme. C’est donc réduire ce qui devrait être la substance du travail parlementaire à un spectacle dont on connaît déjà la fin, à quelques détails près. Ce travail a été fait, mes chers collègues, avec votre aide à tous, avec la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par M. Belot et dont Mme Gourault et M. Krattinger étaient les rapporteurs.

Ce qui en a été retenu dans ce projet, ce n’est pas l’esprit, ce sont simplement les quelques détails qui étaient « balladuro-compatibles », si vous me permettez l’expression.

Dans ces conditions, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous comprendrez que nous ne puissions nous associer à cette mystification.

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