J’ai même entendu M. Marleix expliquer que, si le conseiller territorial n’était pas institué, on pourrait néanmoins sans inconvénient conserver la date prévue dans ce texte pour les élections régionales et cantonales ! Vous affirmez vouloir simplement le bien du peuple, qui n’aurait ainsi à se déplacer qu’une seule fois pour voter…
Mais, vous le savez, monsieur le ministre, ces précautions inutiles, comme eût dit Beaumarchais, tombent par terre dès la première phrase de l’exposé des motifs du présent texte, où il est précisé que celui-ci « prévoit qu’à l’avenir les conseillers généraux et les conseillers régionaux formeront un ensemble unique d’élus, les conseillers territoriaux… »
Vous faites effectivement cette loi pour les conseillers territoriaux, mais les conseillers territoriaux n’existant pas, il n’y a plus de raison de la faire !
Le deuxième argument découle du précédent. Vous ne voulez donc faire adopter cette loi que pour rendre possible le conseiller territorial. Or, comme cela a été très bien dit par beaucoup de collègues, cette confusion entre le département et la région – c'est-à-dire le fait que la même personne soit à la fois l’élu du département et de la région – pose un nouveau problème constitutionnel.
En effet, par cette confusion, monsieur le ministre, non seulement vous institutionnalisez le cumul des mandats, mais vous portez atteinte à l’autonomie des collectivités. Nous nous en souvenons tous, les grandes lois de décentralisation présentées par Pierre Mauroy et que nous avons votées imposaient un principe très fort : l’absence de tutelle d’un niveau de collectivité sur un autre. Cela suppose des assemblées et des élus distincts ; cela suppose que celui qui parle pour le département ne parle pas pour la région et inversement !
D’ailleurs, ce grand principe de non-tutelle et d’autonomie est maintenant inscrit dans notre Constitution. Or, avec la confusion des fonctions, c’est indubitable, vous institutionnalisez la tutelle d’un niveau de collectivité sur un autre.
Le Conseil constitutionnel ne s’y est pas trompé. Ainsi, selon sa décision du 6 juillet 1994, dans le cas d’un texte prévoyant la concomitance de deux scrutins – nous y sommes –, le principe de sincérité impose que le choix opéré par le législateur en faveur d’un regroupement dans le temps de consultations s’accompagne de modalités matérielles d’organisation destinées à éviter toute confusion dans l’esprit des électeurs.
Or, en l’espèce, vous n’évitez pas toute confusion : vous l’organisez, vous l’institutionnalisez !
À l’évidence, nous trouvons là, au regard des grands principes de la décentralisation qui figurent maintenant dans notre Constitution, un deuxième motif d’inconstitutionnalité.
J’en arrive au troisième argument. Mmes Dini, André et Voynet ont parlé avec éloquence de la parité. J’avoue avoir été quelque peu perplexe devant les propos de M. Mercier.
Si je comprends bien, le futur scrutin auquel on songe est un scrutin d’arrondissement, de canton et de territoire. Et M. Mercier nous assure que l’on va trouver un système tel que ce mode de scrutin respectera la parité. Mais comment ? Peut-être pense-t-il à cette forme de parité un peu funèbre qui existe dans les conseils généraux : la suppléante ne peut espérer devenir conseillère générale que s’il arrive malheur au titulaire ou s’il est promu au Gouvernement !