Cet amendement, relatif au temps de déplacement, vise à revenir sur une définition du temps de travail injustement restrictive, et ce à double titre, parce qu'elle est contraire à la réalité, à la vérité des faits, et parce qu'elle est contraire à l'équilibre entre les intérêts des employeurs et des salariés, et donc à la justice.
Cette définition, comme nombre de mauvais coups, est apparue au détour d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale, sans que bien entendu - et pour cause ! - les partenaires sociaux - tout au moins les organisations syndicales - aient été consultés ou même informés. Il est d'ailleurs intéressant - si l'on peut dire - que cet amendement ait été voté dans le cadre de l'examen d'un texte censé promouvoir la cohésion sociale.
Jusqu'à l'adoption de l'article 69 de la loi de programmation pour la cohésion sociale, les déplacements bénéficiaient d'une définition et d'un statut clairs.
Quand le salarié quitte son domicile pour se rendre au travail dans son entreprise, cela s'appelle le trajet, et ce n'est pas du temps de travail. En cas d'accident, il s'agit non pas d'un simple accident de la circulation, par exemple, mais d'un accident de trajet, soumis à une législation particulière. Mais, lorsque le salarié arrive à son entreprise, on entre dans le champ du temps de travail.
Si le salarié quitte son entreprise pour se rendre sur un chantier, ou si son employeur le prend à domicile pour aller directement sur un chantier, on est toujours dans le temps de travail, tel qu'il est défini par le code du travail. Le salarié est, en effet, à la disposition de son employeur sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles.
L'amendement qui a « opportunément » modifié cet état de fait ne concerne que les déplacements professionnels, dont je parlais à l'instant. Ainsi, les salariés itinérants ne se verront plus décompter ces déplacements dans le temps de travail, alors qu'il s'agit bien de déplacements strictement professionnels, et non de simples trajets entre le domicile et le lieu de travail.
Monsieur le ministre, vous avez obtenu la bénédiction du Conseil constitutionnel sur cet amendement. Vous avez déclaré à l'Assemblée nationale, le 3 février dernier, qu'une indemnisation spécifique devait être octroyée aux salariés amenés à se déplacer lors de leur activité professionnelle. Mais une indemnité n'est pas un salaire. Une indemnité n'est accordée que lorsque l'on sort du temps de travail effectif pour entrer dans cette zone des astreintes que vous assimilez à du repos, et des permanences qui connaîtront sans doute bientôt le même sort. Une indemnité n'atteint pas le niveau d'un salaire horaire.
Nous revoici en présence de ce rétrécissement programmé du temps de travail, où l'on s'efforce de sortir de la rémunération des salariés tout ce qui est considéré comme à la frontière du travail effectif.
Permettez-moi de vous citer, monsieur le ministre, le mensuel de l'UIMM, l'Union des industries métallurgiques et minières, de janvier 2005, qui souligne, avec la plus grande clarté, que cet amendement introduit dans la loi dite de cohésion sociale a pour objet de « ne pas faire entrer dans le décompte des heures supplémentaires le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail pour les salariés itinérants en déplacement chez un client ».
Ainsi, les salariés qui se rendent avec leur employeur sur un chantier, ou ceux qui se rendent directement sur une intervention dans un véhicule de l'entreprise, ne seront plus rémunérés pour ce temps que certains trouveront peut-être amusant de qualifier de « temps de loisir » !
Vous êtes en pleine contradiction, non pas avec le texte que vous nous présentez aujourd'hui, mais avec vos déclarations publiques.
Les salariés sont supposés pouvoir faire dorénavant des heures supplémentaires à tout-va pour gagner plus. Pourquoi, alors, commencer par diminuer le temps de travail effectif ? Pourquoi diminuer les heures de travail, éventuellement les heures supplémentaires que constituent les déplacements professionnels ?
Appliquez-vous aux salariés la théorie du handicap, comme dans les courses de chevaux ? Comment expliquez-vous cette contradiction entre vos propos publics et ce bricolage en forme de meccano sur les heures supplémentaires et, par voie de conséquence, sur le salaire versé ?