L'amendement n° 126 vise à supprimer une disposition insérée dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale par les députés de la majorité, sous l'oeil bienveillant du Gouvernement, et visant à créer, sur le modèle du contrat de chantier existant dans le secteur du bâtiment, un contrat spécifique pour les missions à l'exportation.
Cette mesure, dont l'importance ne saurait être sous-estimée, est passée quasiment inaperçue, noyée qu'elle était parmi les ajouts épars au volet « emploi » de la loi du 18 janvier 2005, lesquels étaient d'ailleurs sans lien direct avec l'objet de celle-ci.
Nous profitons de l'examen de la présente proposition de loi, qui concerne le droit du travail, pour revenir sur un sujet que l'urgence déclarée pour le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale nous avait empêchés d'aborder.
Nous ne sommes pas, pour autant, hors sujet.
En effet, qu'il s'agisse de ce contrat spécial dérogeant aux règles communes du code du travail applicables en cas de rupture d'un contrat de travail et venant concurrencer la norme de droit commun en matière de contrat de travail, à savoir le contrat à durée indéterminée, ou qu'il s'agisse des mesures déclinées notamment à l'article 3 de la présente proposition de loi et tendant à permettre à l'employeur et au salarié de se placer hors du champ du code du travail et de la convention collective, l'objectif visé est le même : il s'agit, pour faire écho aux souhaits du MEDEF, de flexibiliser l'organisation du travail en multipliant les statuts des salariés et en développant l'emploi atypique, ainsi que d'instiller plus de souplesse dans la relation de travail elle-même.
M. Jean-Michel Fourgous, plaidant en faveur de ce nouveau contrat de travail, qui est une forme déguisée du contrat de mission cher à M. de Virville, a argué de la « nécessité de favoriser l'emploi et la compétitivité des entreprises », d'un droit du travail « trop rigide pour convenir aux PME en matière d'exportation » et de « l'opportunité de montrer un peu d'audace, lorsque un milliard d'euros d'exportations génèrent 15 000 emplois nouveaux en France », bref du sempiternel besoin de souplesse et de sécurité pour les entreprises, synonyme de risques accrus pour les salariés.
Le Gouvernement, toujours prompt à adhérer à de telles propositions, sans aller toutefois jusqu'à en endosser la paternité, s'est bien sûr laissé convaincre par cette préconisation, qui n'est ni plus ni moins que la reprise de la proposition n° 19 du rapport de Michel de Virville intitulé Pour un droit du travail plus efficace. La boucle est bouclée !
Vous avez tout de même cru devoir préciser, monsieur le ministre, que des garanties pour les salariés entouraient ce contrat à l'exportation, en indiquant que sa mise en oeuvre passerait par la négociation collective et en vous référant à l'encadrement du champ du contrat par la loi. Excusez-moi d'insister, mais le nouvel article L. 321-12-1 du code du travail inséré par la loi du 18 janvier 2005 fait référence à la conclusion de ces contrats de travail « pour la réalisation d'une mission à l'exportation effectuée en majeure partie hors du territoire national ». Vous conviendrez que cette formulation est assez peu précise.
Quant à l'accord collectif de branche ou d'entreprise, il a notamment pour objet de déterminer quels sont les salariés et la nature des missions concernés, mais aussi de fixer le montant des indemnités de licenciement accordées, qui pourra donc ne plus être celui qui a été prévu par la convention collective.
Autant dire que la liberté sera totale, les entreprises bénéficiant d'une ample décentralisation. Le salarié, quant à lui, verra son contrat rompu sur l'initiative de l'employeur, en fin de mission, sans qu'il puisse pour autant bénéficier des dispositions relatives aux licenciements économiques, et alors qu'il aurait très bien pu être affecté à un autre poste !
Nous ne pouvons accepter, bien évidemment, de telles pratiques portant atteinte aux droits des salariés, qui ne sauraient devenir tous des salariés « jetables ». C'est pourquoi nous proposons la suppression des dispositions en cause.