Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici enfin parvenus au terme du long processus législatif voulu par le Gouvernement visant à moderniser l'outre-mer et à lui permettre de profiter de toutes les innovations et avancées instaurées par la réforme constitutionnelle de 2003.
Comme vous vous le rappelez, en octobre dernier, le Sénat s'est prononcé en première lecture sur ces dispositions contenues dans une loi organique et une loi ordinaire de grande ampleur, puisque ce n'est pas moins d'environ un millier d'articles de codes et de diverses lois qu'il lui incombait d'examiner.
Trois objectifs essentiels étaient affichés : l'attribution de pouvoirs normatifs aux départements et régions d'outre-mer, leur permettant, après habilitation par la loi, d'adapter les lois et règlements à leurs caractéristiques et contraintes particulières ; l'actualisation des statuts de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon et des adaptations ponctuelles pour les autres collectivités ; enfin, la création de deux nouvelles collectivités d'outre-mer, conformément au voeu des populations concernées, à savoir Saint-Barthélemy et Saint-Martin, ainsi détachées de la Guadeloupe.
Au cours de la première lecture, le Sénat, après de larges consultations et en accord avec le Gouvernement, a préconisé une nouvelle approche par rapport aux projets initiaux, visant à instaurer un nouvel équilibre, lequel a abouti à une meilleure prise en compte des attentes des citoyens. En particulier, il a accordé, dès le départ, l'autonomie à Saint-Martin et a réaffirmé de manière plus concrète, à l'aide d'un calendrier plus contraignant, le droit de Mayotte à la départementalisation.
Pragmatisme, proximité des institutions et responsabilité des élus ont servi de fils conducteurs à nos débats pour l'adoption de dispositions législatives alliant respect de l'intérêt général, adaptation au terrain et efficacité.
Au cours de sa première lecture, qui s'est déroulée à la fin de janvier, l'Assemblée nationale a conservé l'approche retenue par le Sénat, ce dont nous pouvons nous féliciter. Mis à part quelques points plus politiques, dont nous parlerons plus loin, l'Assemblée nationale s'est surtout attachée à améliorer la qualité juridique et rédactionnelle des textes, dont l'ampleur et la complexité méritaient cette double vérification de la part du Parlement. Un très gros travail de codification, que je tiens à saluer, a donc été entrepris, auquel la délégation du Sénat à la commission mixte paritaire a, bien entendu, apporté son appui.
Au total, ces textes ont fait l'objet de plus d'un millier d'amendements de la part des deux assemblées : 476 amendements au Sénat, dont 356 de la commission des lois, et 646 amendements à l'Assemblée nationale. La plupart des amendements adoptés par l'Assemblée nationale étant d'ordre technique ou rédactionnel et ne soulevant donc pas de difficultés particulières, les délibérations de la commission mixte paritaire purent se tenir dans d'excellentes conditions en se limitant aux quelques points de divergence, dont le nombre comme la portée restaient - il faut bien le reconnaître - tout relatifs. Ce sont ces points que je vais aborder à présent.
Les premiers portent sur l'application de la loi organique.
S'agissant de Mayotte, l'Assemblée nationale donnait à des conseillers généraux, sans autre précision, conjointement avec le représentant de l'État, le pouvoir d'initiative pour aménager ou modifier l'assiette fiscale. Un pouvoir identique d'initiative leur était également confié en matière douanière. La commission mixte paritaire est revenue au texte du Sénat, qui limite au seul représentant de l'État ce pouvoir d'initiative.
S'agissant de Saint-Barthélemy, les dispositions selon lesquelles une durée de résidence de cinq ans serait nécessaire pour pouvoir bénéficier du régime fiscal local n'apportaient aucune précision quant au régime fiscal applicable pendant cette période, ce qui était tout de même très regrettable. La commission mixte paritaire a donc complété le texte de la loi organique pour indiquer que les personnes physiques ou morales qui ne remplissent pas la condition de résidence des cinq ans sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en métropole, quelle que soit leur nationalité. Ainsi est évité tout risque d'évasion fiscale.
S'agissant du régime indemnitaire des conseillers territoriaux de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, la commission mixte paritaire a estimé, sur proposition du Sénat, que la solution la plus équilibrée, compte tenu des compétences nouvelles, de l'environnement et des conditions de vie de ces collectivités, était d'aligner les indemnités des conseillers territoriaux de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin sur celles des conseillers généraux de Guadeloupe. Ensuite, par cohérence, les indemnités des conseillers territoriaux de Saint-Pierre-et-Miquelon ont été alignées sur celles des deux nouvelles collectivités.
La collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, quant à elle, dispose déjà d'un Conseil économique et social. Comme était prévue à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin la création d'un Conseil économique, social et culturel, le Sénat, par souci de cohérence, avait étendu en première lecture cette appellation à Saint-Pierre-et-Miquelon. L'Assemblée nationale l'ayant par la suite complétée en étendant ses compétences en matière « éducative ou environnementale », il est apparu préférable à la commission mixte paritaire de revenir à la rédaction plus simple du Sénat, qui couvre déjà l'ensemble de ces questions, et de garder la cohérence qui avait été prévue en première lecture par la Haute Assemblée.
Au sujet du régime électoral, nous avons eu des discussions approfondies.
Pour Saint-Barthélemy, l'Assemblée nationale avait introduit une prime majoritaire de la moitié des sièges au lieu de la prime du tiers votée par le Sénat. La commission mixte paritaire est finalement revenue à la rédaction proposée par le Sénat et a donc réintroduit la prime du tiers. Il en a été exactement de même pour Saint-Martin : la commission mixte paritaire a réintroduit la prime du tiers.
En revanche, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, la question fut traitée différemment : dans la mesure où l'actuel conseil général, qui a été élu récemment avec une prime majoritaire de la moitié et qui doit se transformer en conseil territorial une fois que les lois auront été promulguées, et où il existe des communes - ce n'est pas le cas à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin -, à savoir Saint-Pierre et Miquelon, la commission mixte paritaire ne m'a pas suivi - c'est d'ailleurs la seule fois où elle ne l'a pas fait - et a préféré le maintien d'une prime de la moitié des sièges.
Ce choix est finalement intéressant sur le plan du droit, et c'est la raison pour laquelle je ne m'y suis pas opposé. En effet, il va permettre au Conseil constitutionnel de préciser sa jurisprudence en matière de prime majoritaire. Comme vous le savez, je m'étais déjà interrogé, lors de la première lecture, sur la question de la prime du tiers des sièges par rapport à celle qui, initialement, avait ma faveur, c'est-à-dire celle du quart des sièges. Nous saurons donc, dans l'avenir, puisque la loi organique doit obligatoirement être soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, jusqu'où il sera possible d'aller pour assurer une majorité stable sans contrevenir aux impératifs démocratiques. La respiration démocratique, chère à beaucoup d'entre nous, doit pouvoir s'exercer : le Conseil constitutionnel nous dira donc s'il estime qu'elle le peut dans ces conditions à Saint-Pierre-et-Miquelon ou si tel n'est pas le cas.
Pour la Polynésie, la commission mixte paritaire a validé l'amendement voté par l'Assemblée nationale supprimant la prime majoritaire du tiers pour les élections à l'Assemblée de Polynésie.
S'agissant de la création d'un siège de député pour Saint-Barthélemy et d'un siège de député pour Saint-Martin, la commission mixte paritaire a validé les dispositions arrêtées par l'Assemblée nationale visant à procéder à cette création lors du renouvellement qui suivra celui de 2007. Ce n'est donc pas tout de suite qu'il y aura des députés spécifiques à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy !
Pour ce qui est de la création de sièges de sénateur à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, compte tenu du choix de l'Assemblée nationale de ne pas recourir à des élections partielles pour les sièges de députés des deux nouvelles collectivités et de renvoyer l'élection de députés aux élections législatives qui suivront celles de juin 2007, le Sénat a dû s'aligner, par cohérence, sur ce dispositif et a donc présenté en commission mixte paritaire un amendement, qui a été adopté : cette dernière a renoncé à la rédaction initiale, fondée sur une élection partielle dans le courant de 2007, pour adopter un dispositif selon lequel les sénateurs des deux nouvelles collectivités seront élus lors du renouvellement normal de 2008 et rattachés à la série ainsi renouvelée.
Monsieur le Président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que vous pouvez le constater, un seul point, à savoir la prime majoritaire de la moitié des sièges à Saint-Pierre-et-Miquelon, a fait l'objet d'une divergence de vue - et encore était-elle limitée ! - entre les délégations du Sénat et de l'Assemblée nationale au sein de la commission mixte paritaire. Pour tout le reste, y compris la loi ordinaire, comme nous allons le voir maintenant, l'accord fut total, ce qui mérite d'autant plus d'être souligné que ces dispositions créent ou modifient plus d'un millier d'articles législatifs.
Il me faut ajouter que cet accord fut d'autant plus facile à obtenir que les deux rapporteurs partageaient le même point de vue. À cet égard, je tiens à rendre hommage aux qualités d'écoute, de compréhension et d'ouverture que j'ai trouvées auprès du rapporteur pour l'Assemblée nationale, M. Didier Quentin.
Je terminerai donc mon propos en évoquant la loi ordinaire.
Monsieur le ministre, le seul problème qui appelle quelques commentaires a trait aux amendements fort longs qui ont été déposés en dernière minute par le Gouvernement sur Mayotte. Loin d'être des amendements de simple rédaction, ils sont d'une grande complexité et, vu les conditions de leur dépôt, ils n'ont pu faire l'objet d'un examen approfondi par le Parlement. Certes, nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, à vous et au Gouvernement.