Pourquoi avait-on établi la prime majoritaire du tiers ? Pour permettre la mise en place d'une majorité stable. Et pourquoi propose-t-on, aujourd'hui, d'abandonner ce système ? Pour la même raison !
Il nous faut saluer cette performance, mes chers collègues : le même argument a servi, à la fois, à mettre en place la prime majoritaire et sert aujourd'hui à la supprimer. Peut-être, adoptera-t-on, demain, un système de demi-prime...
Ce qui me paraît important, en l'occurrence, c'est que nous légiférons sur mesure, à la demande d'une formation politique, représentée hier par M. Flosse, aujourd'hui par M Gaston Tong Sang, le nouveau président de la Polynésie. Celui-ci, profitant de sa présence le 14 janvier dernier dans la région parisienne, a en effet expliqué qu'il fallait de toute urgence saisir ce véhicule législatif pour supprimer la prime majoritaire, cause de tous les maux.
Cette méthode n'est pas admissible. La fonction du Parlement n'est pas de confectionner, à la demande, des systèmes électoraux sur mesure.
Je vous rassure : nous ne sommes, en aucune façon, attachés au système qui a été supprimé. Celui-ci avait d'ailleurs été établi dans des conditions détestables. Mais le système que l'on nous propose aujourd'hui, et qui diffère quelque peu du précédent, car des découpages ont eu lieu entre-temps, est mis en place dans des conditions tout aussi détestables.
Vous avez rappelé, monsieur le ministre, que l'article 24 de la Constitution conférait au Sénat la mission de représenter les collectivités territoriales de la République, responsabilité renforcée par le droit de priorité du Sénat dans l'examen des textes sur les collectivités territoriales. Ces pouvoirs sont si étendus que notre assemblée n'a pas discuté une seule minute, ni en commission nien séance publique, du mode de scrutin présenté pour cette collectivité territoriale qu'est la Polynésie française ! Le Sénat s'est contenté, ou plutôt la majorité sénatoriale s'est contentée de prendre acte, en commission mixte paritaire, du système fabriqué par les députés.
Ce fut alors « embrassons-nous, Follevile », et la farce était jouée : M. Tong Sang est donc reparti avec le mode de scrutin qu'il était venu chercher !
Ce n'est pas une façon de travailler ! Le Sénat, habituellement jaloux de ses prérogatives de représentant des collectivités locales, se montre, en l'espèce, bien complaisant.
Une telle situation vous semble-t-elle normale ? Les assemblées parlementaires doivent-elles se transformer en tailleurs de costumes électoraux sur mesure ? C'est là un jeu éminemment dangereux !
Peut-être nous expliquera-t-on que, certes, il n'aurait pas fallu procéder ainsi. Et un autre véhicule législatif permettra de tout recommencer !
Ma deuxième interrogation porte sur la « prime sur mesure », dont nous avons déjà eu l'occasion de discuter, et je la formule, elle aussi, à l'usage du Conseil constitutionnel.
Ce dernier avait considéré qu'une telle prime majoritaire, aboutissant à modifier le résultat que donnerait une proportionnelle intégrale, était admissible à condition qu'elle permette d'assurer une majorité stable aux exécutifs locaux. Ce principe avait d'ailleurs inspiré la loi régionale, qui avait établi une prime majoritaire du quart.
Le Sénat, j'en donne acte à M. le rapporteur, avait essayé de mettre de l'ordre dans le système - quelle ambition, ou quelle témérité ! - et de traiter toutes les collectivités d'outre-mer selon le même mode, en retenant la prime majoritaire d'un tiers déjà en vigueur en Polynésie et en l'étendant à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cela semblait cohérent. Cela l'était même tellement que cela ne pouvait pas durer !