Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviendrai à la fois au nom de la commission des affaires étrangères et en tant que membre du groupe socialiste, afin de ne pas allonger le débat.
Je tiens tout d’abord à remercier à mon tour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et particulièrement son président, de l’honneur qu’ils nous ont fait en nous confiant cette mission.
Celle-ci a pu être consensuelle parce que nous recherchions ensemble les faits. Nous espérions présenter un rapport transversal, mais la diversité des situations nous en a empêchés.
Je suis néanmoins heureuse que M. Jean François-Poncet ait repris dans son exposé l’essentiel des grands thèmes qui expliquent les convulsions du Moyen-Orient et les raisons pour lesquelles l’opposition à l’Occident – l’Europe et les États-Unis – y est si forte.
Le seul point sur lequel nous divergeons encore porte sur l’opportunité de sanctions nouvelles à l’encontre de l’Iran.
Alors qu’une grande part du peuple iranien lutte héroïquement pour l’établissement de l’état de droit, serait-il juste et efficace de le sanctionner ?
Le gouvernement iranien exerce une dictature. Il se sert de la menace internationale pour justifier la répression interne. En renforçant les sanctions aujourd’hui, ne renforcerions-nous pas la dictature plutôt que de l’affaiblir ? Il est difficile de se faire une idée, mais le moindre mal serait certainement le mieux.
Si les sanctions échouent et si l’Iran développe vraiment, sans ambiguïté, un programme nucléaire militaire, que ferons-nous ? Irons-nous le bombarder ? Aiderons-nous Israël à le faire, ou le laisserons-nous faire ? Sommes-nous prêts à une quatrième « guerre du Golfe » ? Aucune de ces hypothèses n’est acceptable.
Le réalisme commanderait probablement de s’attaquer au problème général de la nucléarisation du Moyen-Orient. C’est une utopie qui est peut-être plus réaliste que les perspectives de guerre. La miniaturisation des bombes rend la menace plus immédiate pour les peuples désarmés sur lesquels elle pèse. Nous ne serons crédibles qu’en promouvant un traité régional incluant Israël, qui fasse du Moyen-Orient une zone exempte d’armes nucléaires, comme l’Amérique latine ou l’Asie du Sud-Est. C’est utopique, je vous le concède, mais l’utopie se révèle quelquefois plus sûre que les roulements de tambours !
Monsieur le ministre, vous avez rencontré M. George Mitchell à Bruxelles, et nous sommes heureux que, en dépit de cette journée chargée, vous ayez pu venir ce soir au Sénat pour réagir à nos propos en fonction des toutes dernières évolutions de la situation israélo-palestinienne.
Je m’attarderai sur ce sujet, qui me préoccupe particulièrement en tant que présidente du groupe d’information internationale France-Territoires palestiniens du Sénat.
Voilà un an, presque jour pour jour, le Sénat débattait des conséquences de l’opération punitive de l’État d’Israël contre Gaza, dont mon collègue Jean François-Poncet, moi-même et notre ambassadeur pour les droits de l’homme avons pu constater l’ampleur le 29 janvier 2009.
Cet événement ramenait sous les feux de l’actualité et de l’émotion un conflit occulté par les médias et que beaucoup croyaient gelé.
Après cette année 2009 qui a vu, du fait de l’armée israélienne, la mort de 29 Palestiniens en Cisjordanie, s’ajoutant aux 1 400 tués de Gaza, l’arrestation de 3 456 Cisjordaniens, la destruction de 299 maisons, il n’y a plus ni partenaires pour des négociations ni arbitre. La négociation paraît donc impossible.
Peut-être avez-vous d’autres nouvelles, monsieur le ministre ?
Aujourd'hui, nous assistons à la séparation entre la Cisjordanie occupée et Gaza assiégée, à la division entre le Fatah et le Hamas. Il n’y a donc plus de négociateur palestinien.
Quant aux Israéliens, ils veulent la sécurité plutôt que la paix. Leur majorité gouvernementale est fragile. Jean François-Poncet a bien expliqué pourquoi Israël n’était pas en état de vouloir la paix au point d’en payer le prix : militairement trop fort et politiquement trop faible, il ne peut pas payer le prix de la paix actuellement.
L’absence d’arbitre est l’un des éléments qui font que le conflit dure depuis soixante ans. Actuellement, l’arbitre américain n’est ni neutre ni fort. En outre, Israéliens et Américains excluent tout autre arbitre du conflit, en particulier l’Union européenne. Si je me trompe, dites-le moi, monsieur le ministre !
Par ailleurs, l’Europe, divisée, liée à Israël par un complexe de culpabilité et des relations économiques qui passent avant tout autre considération, n’use pas des moyens de persuasion et de pression dont elle dispose. Pourtant, sa responsabilité est lourde, aux origines historiques de la création d’Israël.
Quand l’Europe défendra-t-elle réellement les droits des Palestiniens qui paient aujourd'hui pour ses crimes passés ?
Pourquoi la France n’utilise-t-elle pas les moyens qui lui sont donnés par l’accord d’association conclu entre l’Union européenne et Israël en 1995 ? Pourquoi ne pousse-t-elle pas l’Union européenne à prendre des dispositions, en application de l’article 2 de cet accord, qui permettraient de faire comprendre au gouvernement israélien qu’il ne peut pas impunément bafouer les droits de l’homme et la légalité internationale ?