Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Réunion du 12 janvier 2010 à 22h00
Moyen-orient — Débat d'initiative sénatoriale

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères :

J’en viens à l’État palestinien, sur lequel j’aimerais obtenir votre éclairage. Depuis quelque temps, il en est beaucoup question, mais il faut se demander si c’est pour de bonnes raisons.

L’État palestinien est la pièce manquante de la stabilité du Proche-Orient et de l’Union pour la Méditerranée.

Est-il dans l’intérêt des Palestiniens aujourd’hui que cet État soit de nouveau proclamé, alors qu’il l’a déjà été en 1988 ? Quelles garanties internationales lui seraient données ?

En Palestine, les conditions constitutives d’un État sont parfaitement remplies : un peuple animé par la volonté de vivre ensemble, un territoire historique, une culture et des frontières définies par la ligne de 1967.

Autant peut être évoqué le « dé-développement » de Gaza, autant nous assistons depuis la mort d’Itzhak Rabin à un processus de déconstruction de l’État palestinien.

Que reste-t-il des frontières potentielles du fait de l’annexion unilatérale de Jérusalem-Est et l’érection du mur de séparation ? Que reste-t-il du territoire de la Cisjordanie sinon un archipel morcelé, fragmenté par les routes de contournement et les checkpoints, par une colonisation qui progresse chaque jour, par l’israélisation de Jérusalem-Est ? Que reste-t-il de ce peuple dont la division a été savamment orchestrée, le chaos étant programmé à Gaza dès le retrait de 2005 ? Avant même de penser à un État, il faut absolument restaurer l’unité des Palestiniens.

Monsieur le ministre, peut-on concevoir un État sans souveraineté, un État purement rhétorique ? Que pensez-vous de tous ces plans qui visent, semble-t-il, à remplacer une Autorité palestinienne dont les bases juridiques disparaissent et qui est en permanence bafouée par l’occupation, ce dont elle semble être complice aux yeux d’une partie de la population, par un État qui, dans les conditions actuelles, serait fictif ? N’est-ce pas un subterfuge pour éviter le recours aux élections ?

Nos protestations auprès d’Israël ne sont ni audibles ni crédibles ; elles dissimulent bien mal notre incapacité à agir, voire notre absence de volonté.

Alors que l’Union européenne s’apprêtait, dix ans après la Déclaration de Berlin, plus de vingt ans après la Déclaration de Venise – dont je rappelle que M. Jean François-Poncet, alors ministre des affaires étrangères, était le rédacteur – à faire enfin entendre sa voix, la France a été l’artisan de la suppression de la référence à Jérusalem-Est comme capitale du futur État palestinien dans le texte proposé en décembre par la présidence suédoise. Comment pouvez-vous justifier cela, monsieur le ministre ?

Le traitement du rapport Goldstone avait déjà illustré le caractère velléitaire de la communauté internationale, et des Occidentaux en particulier.

La France accorde – à juste titre – du crédit au rapport de l’ONU sur les crimes commis en Guinée. Pourquoi rejette-t-elle alors d’entrée de jeu celui sur les crimes perpétrés à Gaza, bien qu’il ait été recoupé par les témoignages des soldats israéliens, par différentes ONG, notamment des plus sérieuses, et par des témoins étrangers dont M. Zimeray, M. François-Poncet et moi-même ?

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