Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est à la fois modeste et ambitieuse : modeste de par le nombre limité de sujets dont elle tend à traiter ; ambitieuse compte tenu de l’importance et de l’urgence des dossiers concernés. Ces sujets sont au nombre de quatre.
Tout d’abord, il s’agit de permettre aux universités de disposer pleinement des bâtiments que l’État leur a affectés, même si elles n’ont pas encore demandé le transfert de ce patrimoine immobilier, en application de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « loi LRU ».
Aux termes de l’article 1er du présent texte, les universités pourraient accorder des autorisations d’occupation temporaire constitutives de droits réels et conduire ainsi des partenariats, sans attendre d’être propriétaires de leur patrimoine.
Cet article résulte d’une proposition que notre collègue Philippe Adnot et moi-même avons avancée dans notre rapport d’information sur la dévolution aux universités du patrimoine immobilier que l’État leur affecte ou met à leur disposition, rapport que la commission de la culture et la commission des finances ont adopté en juin dernier.
Dix universités ont fait acte de candidature, cinq d’entre elles viennent d’être retenues, mais nous souhaitons donner la possibilité à toutes les universités d’avancer. Ainsi, une partie des dispositions de la loi LRU concernant le patrimoine dévolu pourrait profiter à l’ensemble des établissements qui s’engagent dans des travaux de valorisation de leur patrimoine. Il s’agit de permettre les partenariats public-public, avec la Caisse des dépôts et consignations, ou public-privé, notamment dans le cadre des opérations Campus.
Je précise que le partenaire privé sera non pas propriétaire des locaux, mais seulement un utilisateur ayant le droit de percevoir des recettes par la mise à disposition des locaux à des tiers, sous réserve de conditions définies dans le contrat, notamment, bien entendu, du respect des missions de service public de l’université. Dans ce cadre, cette dernière devra veiller à bien identifier ses besoins.
Pour être plus concret, permettez-moi de vous donner quelques exemples.
Les projets de l’université de Strasbourg avec la Caisse des dépôts et consignations concernent notamment la rénovation de bâtiments qui datent des années soixante, la bibliothèque universitaire et la vie étudiante – en particulier les équipements sportifs, une maison des étudiants, ainsi qu’une résidence d’accueil de chercheurs étrangers – ; les universités de Bordeaux et de Lyon sont également concernées.
Les projets de l’université de Bourgogne, à Dijon, entrent dans le cadre de l’opération Campus innovant. Le partenariat public-privé permettra, par exemple, de construire une résidence d’accueil de chercheurs étrangers, résidence qui pourra, hors périodes d’occupation par ces derniers, être louée par le partenaire.
Cet article a fait l’objet de longues discussions en commission mercredi dernier, lesquelles ont me semble-t-il révélé une confusion. C’est pourquoi j’insiste sur le fait que cette disposition ne concerne pas la dévolution du patrimoine immobilier en tant que telle. Elle a pour objectif d’ouvrir le champ des possibles à toutes les universités souhaitant conduire une stratégie immobilière dynamique dans le cadre de leur projet d’établissement.
Je comprends cependant les inquiétudes formulées par certains. Ils craignent que les universités, disposant désormais des compétences leur permettant d’avoir une vision claire de leur patrimoine et de leur gestion immobilière, rendent des arbitrages défavorables à l’encontre de leurs antennes situées dans des villes de taille moyenne.
Nous devons certes être vigilants pour que l’enseignement supérieur reste accessible à tous, notamment par le biais d’établissements de proximité, mais il me semble en revanche difficile de plaider en faveur d’une politique de l’autruche, qui reviendrait à se réjouir de la situation dont nous sortons progressivement, caractérisée par une méconnaissance et une gestion souvent critiquable des biens immobiliers et fonciers universitaires, tant par les établissements eux-mêmes que par l’État !
Bien au contraire, la prise de conscience des atouts et des faiblesses dans ce domaine doit permettre une stratégie immobilière pertinente, au service de toutes les missions – j’insiste sur « toutes » – qui incombent aux universités, au premier rang desquelles figure la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur. Le comité de suivi de l’application de la loi LRU, dont je suis membre, exercera aussi sa vigilance dans ce domaine.
Tant la dévolution du patrimoine que les autres possibilités offertes par la proposition de loi sont – j’y insiste – facultatives. Il appartient à chaque université de se prendre en main et à l’État de n’autoriser l’exercice de ces nouvelles responsabilités que pour autant que l’établissement concerné y soit parfaitement préparé.
Au total, chaque université autonome, qu’elle dispose ou non de son patrimoine, s’interrogera sur la gestion de l’ensemble de ses implantations. Cela n’est pas lié à la proposition de loi. Je pense même que, contrairement aux craintes de certains, cette disposition ne profitera pas seulement à quelques grandes universités, qui accéderont sans doute assez vite à la dévolution de leur patrimoine. Il serait en revanche dommage que les autres, qui ne demanderont pas forcément cette dévolution, voient leurs montages immobiliers bloqués à cause du présent texte. L’objectif est bien de donner des capacités d’action supplémentaires à toutes les universités.
La commission a complété l’article 1er afin de prendre en compte le cas spécifique de la Corse. En effet, alors que l’État peut confier la maîtrise d’ouvrage d’opérations de constructions aux établissements publics d’enseignement supérieur, la collectivité territoriale de Corse ne dispose pas de cette possibilité pour ce qui concerne les établissements présents sur son territoire, alors même qu’elle assume l’ensemble des obligations du propriétaire et possède tout pouvoir de gestion sur ce patrimoine immobilier au titre des compétences transférées par l’État.
Il apparaît donc nécessaire d’autoriser la collectivité territoriale de Corse à confier aux établissements d’enseignement supérieur de ce territoire les droits et obligations du propriétaire sur le patrimoine immobilier, dont l’exercice de la maîtrise d’ouvrage de constructions universitaires.
L’article 2 de la présente proposition de loi vise à renforcer le rôle des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES, en matière de formation. Ainsi, la coordination des études pourra donner lieu à la délivrance d’un diplôme, sous l’autorité du PRES, correspondant à des formations assurées par une ou plusieurs universités ou écoles membres.
J’ai cependant proposé à la commission, qui m’a suivi, de sécuriser le cadre juridique dans lequel s’inscrit cet article.
En premier lieu, la commission a précisé les conditions dans lesquelles les pôles de recherche et d’enseignement supérieur pourront être autorisés à délivrer des diplômes nationaux : ce sera dans le cadre de la contractualisation de l’établissement avec l’État et dans les conditions d’habilitation applicables à tous les établissements d’enseignement supérieur.
En second lieu, elle a élargi les critères de représentation des étudiants au sein du conseil d’administration des PRES afin que puissent être élus des étudiants de différents niveaux de formation pouvant relever de la responsabilité des PRES, et non exclusivement ceux qui suivent une formation doctorale, comme c’est le cas à l’heure actuelle.
Il conviendra sans doute d’aller au-delà. Je suis en effet sensible à la crainte exprimée par les étudiants de voir les missions des PRES évoluer sans que les instances de gouvernance ne leur permettent de jouer leur rôle. Il peut en être de même des enseignants-chercheurs.
Il convient donc de jeter les bases de la deuxième génération des PRES. Et cette importante question doit pouvoir être résolue au travers d’instances ayant fait leur preuve à l’étranger : je propose que le statut des PRES soit adapté afin de prévoir, lorsque leur situation le justifiera, la création en leur sein d’un « sénat académique » et d’un conseil de vie étudiante, lieux de débat respectivement des enseignants-chercheurs et des étudiants sur les compétences coordonnées au niveau de l’établissement.
Cette solution permettra de répondre avec pragmatisme et souplesse à la diversité des situations des PRES.
Par ailleurs, la commission a adopté un article additionnel après l’article 2 prévoyant d’élargir les possibilités de rattachement entre différentes structures publiques ou privées, soit d’enseignement supérieur, soit de recherche, en vue de leur permettre de mutualiser un certain nombre de moyens.
Cet article comporte deux paragraphes « miroir ».
Le premier insère un article dans le code de l’éducation, afin d’élargir le dispositif actuel de rattachement à tous les établissements concourant aux missions de service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cela peut concerner, par exemple, un centre de documentation.
Le second insère également un article, mais cette fois dans le code de la recherche, afin de créer un dispositif de rattachement pour les organismes de recherche. Ce sera le pendant du dispositif prévu à l’heure actuelle pour les organismes d’enseignement supérieur. Ainsi, un organisme de recherche public ou privé participant aux missions de service public de la recherche pourra être rattaché à un autre organisme de recherche. Cela peut concerner, par exemple, la mutualisation de certains services, comme un agent comptable.
Enfin, notre commission a adopté sans modification l’article 3 de la proposition de loi, qui concerne le recrutement des responsables de biologie dans les centres hospitaliers universitaires, les CHU, en vue de préserver leur triple mission de soins, d’enseignement supérieur et de recherche.
Il s’agit de compléter l’article L. 6213-1 du code de la santé publique, afin de prévoir une dérogation pour les CHU, les responsables de services de biologie pouvant y être titulaires de diplômes d’autres disciplines.
En conclusion, je vous demande d’adopter la présente proposition de loi, dans la rédaction de la commission. Elle permet d’apporter des réponses pragmatiques à quelques difficultés récemment soulevées dans les différents domaines évoqués.