Intervention de Paul Blanc

Réunion du 18 janvier 2007 à 10h00
Accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé — Adoption définitive d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Paul BlancPaul Blanc :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui représente une avancée majeure pour les Français qui sont, ou ont été, atteints d'une maladie grave.

Le Président de la République a placé au coeur de son mandat le chantier de la lutte contre le cancer. Vous avez ainsi rappelé, monsieur le ministre, qu'il s'est engagé, dans un discours prononcé le 27 avril dernier, à consacrer un dispositif conventionnel en vue de lutter contre une discrimination dont on parlait peu, à savoir l'impossibilité pour des malades ou anciens malades d'acquérir par le crédit un bien immobilier, un bien professionnel ou un bien de consommation.

Comme l'a souligné le Président de la République, « la vie, avec ou après le cancer, c'est aussi pouvoir faire des projets et les mener à bien ».

Trop souvent, les personnes présentant ce que l'on appelle un « risque aggravé de santé » ont eu la surprise, après avoir subi l'épreuve déjà traumatisante de la maladie, de se voir refuser tout accès au crédit. On imagine combien ce refus peut être douloureusement ressenti : outre le blocage que cela représente pour réaliser bon nombre de projets, les conséquences psychologiques sont désastreuses !

S'il est, certes, difficile de déterminer le nombre exact de personnes concernées, nous savons qu'il est considérable, de l'ordre de 10 à 12 millions de personnes, selon les services du ministère.

Un premier texte, voté en 1991, a tenté d'apporter des solutions en faveur des personnes séropositives, mais, il faut le dire, il fut un échec, son application n'ayant concerné qu'une cinquantaine de personnes.

Un dispositif plus ambitieux lui a succédé en 2001, avec la convention Belorgey, conclue entre des associations de malades, les représentants d'entreprises d'assurance et de crédit et les pouvoirs publics. Cette convention a marqué un réel progrès.

Comme l'a souligné notre rapporteur, elle a incontestablement eu le mérite d'ouvrir l'assurance emprunteurs à des publics jusque-là très largement ignorés des banquiers et des assureurs, avec des aménagements spécifiques : deuxième et troisième niveaux d'assurance, financement des risques les plus élevés par un pool d'assureurs et de réassureurs.

Toutefois, le bilan réalisé après cinq années d'application de cette convention a montré que le dispositif était perfectible.

Nombreux sont les anciens malades qui ont témoigné au sein d'associations du « parcours du combattant » auquel ils étaient confrontés - délais trop longs, surprimes élevées, déficit d'information.

La convention AERAS, qui vient d'entrer en vigueur et dont les grands principes auront force de loi grâce au présent projet de loi, apporte plusieurs améliorations significatives.

Le point primordial à mes yeux réside dans l'information sur l'existence même de la convention et son contenu. En effet, la convention Belorgey est restée trop peu connue pour être réellement invoquée par les millions de personnes susceptibles d'en bénéficier.

Les signataires de la convention AERAS ont tous souligné la nécessité de diffuser cette information en amont et le plus largement possible auprès du public concerné.

Ainsi, le projet de loi prévoit que les banques mentionneront systématiquement, sur les simulations de prêts, l'existence du dispositif et nommeront des référents dans les agences ; pour ce faire, une formation appropriée de ces personnels me paraît nécessaire.

Il est prévu que l'État permette l'information des malades. Il a déjà ouvert un site Internet. Je souhaiterais savoir si vous envisagez d'autres mesures que la création de ce site afin d'assurer une diffusion de l'information auprès de tous les Français.

Le champ d'application de la convention a été sensiblement élargi. C'est ainsi que les différents seuils d'âge, de durée et de montant, qu'il s'agisse du prêt immobilier ou du prêt à la consommation, sont beaucoup moins restrictifs.

Lorsque la convention Belorgey s'appliquait, une enquête menée en 2005 par la Ligue contre le cancer a montré que seulement 18 % des personnes concernées répondaient aux critères de montant, d'âge et de durée de prêt. Or l'élargissement du champ d'application de la convention est effectivement réalisable et permettra un réel essor du dispositif.

Par ailleurs, le risque invalidité est désormais partiellement couvert. En effet, l'une des limites de la précédente convention était que son champ soit restreint à l'assurance décès, alors que les banques exigent de façon quasi systématique une garantie complémentaire en invalidité.

Un mécanisme de mutualisation des surprimes d'assurance doit permettre, pour les emprunteurs à revenus modestes, de limiter le coût additionnel résultant du risque aggravé pour l'assurance décès et invalidité des crédits professionnels et des crédits destinés à l'acquisition de la résidence principale.

Ce mécanisme présente l'avantage d'éviter la création d'un nouveau fonds de solidarité alimenté par des contributions publiques.

J'ajoute que, même si de plus en plus de personnes présentant un risque aggravé de santé pourront obtenir un crédit, les assureurs continueront de refuser de couvrir certains risques qu'ils jugeront trop élevés, ce qui est normal, à condition qu'il n'y ait pas d'abus et que les raisons du refus soient clairement mentionnées.

Le projet de loi marque un progrès, car les refus d'emprunt liés à des raisons de santé ou les restrictions de couverture d'assurance devront être motivés.

En outre, le demandeur ne sera plus seul, puisque le projet de loi prévoit la mise en place d'une véritable instance de médiation dont l'objet sera de trouver des solutions aux dossiers litigieux. La possibilité de saisir cette commission sera systématiquement indiquée aux personnes faisant l'objet d'un refus ou d'une restriction de couverture d'assurance, ce qui va dans le sens d'une plus grande transparence.

Il est une autre avancée que je souhaite souligner, je veux parler du meilleur respect de la confidentialité des dossiers.

Un code de bonne conduite, annexé à la convention, définit les principes de confidentialité du questionnaire médical à remplir par le candidat au crédit.

On le voit, au-delà de son contenu même, la convention AERAS traduit la volonté réciproque de faire avancer les choses et l'implication d'un certain nombre de professionnels des secteurs de la banque et de l'assurance en vue de proposer des solutions.

Cette forme d'engagement contractuel permettra d'adapter le mécanisme aux réalités du terrain et d'assurer ainsi le succès du projet.

L'approche législative qui vient aujourd'hui compléter ce dispositif permettra, en outre, de pallier l'éventuelle défaillance des acteurs. La convention pourra être étendue aux organismes non signataires. Cela permettra de s'assurer que le dispositif conventionnel ne sera pas mis en échec par le refus de signature de l'une ou l'autre des organisations professionnelles intéressées. Et si, par malheur, la convention venait à être dénoncée ou à ne pas être appliquée, le Gouvernement pourra agir par voie réglementaire, ce qui n'était pas possible auparavant.

Il a été reproché à la convention Belorgey un suivi insuffisant de son application. La convention AERAS, je me permets d'insister sur ce point, en tire les leçons.

C'est ainsi que la commission de suivi, structure essentielle pour faire vivre et améliorer le dispositif, verra ses pouvoirs renforcés et sa composition élargie. Elle interviendra tant pour veiller à la bonne application des dispositions de la convention que pour recueillir l'avis des associations de consommateurs et faire ainsi évoluer son contenu, notamment par la publication de rapports.

Le suivi implique également de tenir compte de l'évolution des avancées scientifiques. Une commission des études et recherches regroupera des représentants de l'INSERM, de l'Institut de veille sanitaire et d'autres organismes de recherche, ainsi que des représentants des banquiers et des assureurs.

Elle sera chargée de collecter des données sur la mortalité et la morbidité, données susceptibles d'intervenir dans le calcul des surprimes. L'espérance de vie d'une personne atteinte d'un cancer ou du sida, n'est pas la même qu'il y a quelques années, et cette espérance de vie est appelée à augmenter au fur et à mesure des progrès de la science.

Il convient donc que banquiers et assureurs en tirent les conséquences et actualisent en permanence leurs chiffres.

Je tiens à saluer l'initiative de notre rapporteur qui a proposé à notre commission d'assurer un suivi très régulier et détaillé de la convention, le fameux service après vote qui vous est cher, monsieur le ministre. Je me réjouis que nous soyons ainsi, aux côtés du Gouvernement, les garants de la bonne application des nouvelles mesures, tant il est vrai que la question essentielle est bien celle de l'application rapide de la convention.

Très bientôt, je n'en doute pas, ce sera pour dresser un bilan positif de la mise en oeuvre de la convention AERAS que nous serons à nouveau réunis.

Bien entendu, monsieur le ministre, vous aurez compris que le groupe UMP votera ce texte qui, je l'espère, sera adopté à l'unanimité par la Haute Assemblée.

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