Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas dans le détail sur la présentation chiffrée des crédits de la mission « Solidarité et intégration », notre collègue Auguste Cazalet nous ayant déjà largement et brillamment apporté les précisions nécessaires.
Je voudrais simplement saluer la prouesse réalisée par le Gouvernement : financer, à enveloppe presque constante, les deux priorités que sont la poursuite de la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale et la montée en charge de l'application de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dite loi « Handicap ».
Je centrerai mon propos sur les points qui ont plus particulièrement retenu l'attention de la commission des affaires sociales.
En ce qui concerne tout d'abord les aspects positifs, ce projet de budget permet à l'État d'honorer ses engagements au titre du plan de cohésion sociale, notamment la mise en oeuvre des programmes de création de places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, en maisons relais et en centres d'accueil pour les demandeurs d'asile.
Pour ce qui concerne les CHRS, si des progrès ont été accomplis, il me semble cependant nécessaire de poursuivre le recentrage du dispositif sur les publics les plus en difficulté. Cela suppose d'accélérer le relogement dans le parc social et de renforcer les capacités d'accueil destinées aux demandeurs d'asile, encore trop présents dans ces structures. Je présenterai également un amendement visant à transférer des crédits au profit de l'assainissement de la situation financière des CHRS, rejoignant en cela les préoccupations de mon collègue Auguste Cazalet.
Par ailleurs, la commission des affaires sociales ne peut que suivre avec attention l'entrée en vigueur, fût-elle progressive, de la loi « Handicap » du 11 février 2005 : la quasi-totalité des départements ont désormais mis en place leur maison départementale des personnes handicapées, chargée d'instruire les premières demandes de prestation de compensation du handicap. Cette prestation constitue un véritable progrès pour les personnes concernées, car elle leur donne les moyens de faire face aux effets réels de leur handicap ; j'observe ainsi que les montants attribués sont supérieurs de 80 % à ceux qui étaient versés au titre de l'ancienne allocation compensatrice pour tierce personne.
L'État poursuit également ses efforts en matière de création de places en établissements et services d'aide par le travail, les ESAT, qui succèdent aux centres d'aide par le travail, et en établissements et services pour adultes et enfants lourdement handicapés. Ces nouvelles places seront réparties au travers des programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie, les PRIAC, non plus sur le fondement d'une clé de répartition abstraite, mais en fonction des opérations prioritaires pour équilibrer l'offre d'accueil, ce dont, bien entendu, je me réjouis.
J'en viens maintenant à des observations plus critiques, mais, comme vous le savez, monsieur le ministre, qui aime bien, châtie bien !
Notre commission regrette, d'abord, la grande imprécision des hypothèses qui fondent les demandes de crédits relatives aux différents minima sociaux. Ainsi, la dotation prévue pour l'AAH sous-estime les besoins liés à la montée en charge des nouveaux compléments de cette allocation, et ne tient pas compte du dérapage observé en 2006. Pour l'API, c'est l'hypothèse de croissance du nombre de bénéficiaires qui pèche par excès d'optimisme. Ajoutons, enfin, que l'État a également dû ouvrir une enveloppe complémentaire de 470 millions d'euros au titre du RMI, car les recettes transférées aux départements pour son financement se sont révélées nettement insuffisantes.
Cette sous-estimation des besoins n'est pas nouvelle : l'ampleur de la dette de l'État à l'égard de la branche famille au titre de ces différentes prestations - 376 millions d'euros -prouve largement son caractère chronique. C'est pourquoi notre commission vous proposera un amendement tendant à redéployer les crédits nécessaires à un apurement, au moins partiel, de ces dettes.
Un autre poste de dépense est également systématiquement sous-évalué : celui qui est relatif à l'aide médicale de l'État, l'AME ; Auguste Cazalet y a fait référence. La situation est désormais critique : les deux décrets qui encadraient les conditions d'accès à cette aide, et qui devaient permettre d'enrayer la dérive des dépenses, ont été annulés par le Conseil d'État, le 7 juin dernier.
Dans ces conditions, comment imaginer que les crédits prévus pour 2007, qui sont l'exacte reconduction de ceux de 2006, puissent être suffisants ? Fin 2007, si rien n'est fait, la dette de l'État à l'égard de l'assurance maladie au titre de l'AME devrait atteindre plus de un milliard d'euros ! C'est la raison pour laquelle notre commission vous proposera, là encore, de redéployer des crédits pour apurer une partie de la dette accumulée.
Notre commission s'inquiète également du fait qu'une partie de la réforme de 2005 en matière de droit à compensation du handicap reste encore lettre morte : aujourd'hui, en effet, seuls 50 % des départements ont effectivement mis en place un fonds de compensation pour aider les personnes handicapées à couvrir les frais restant à leur charge après déduction des sommes versées au titre de la prestation de compensation.
Même lorsque le fonds existe, le versement des aides aux personnes handicapées est empêché par une interprétation extrêmement restrictive de ses possibilités d'intervention. Or, en l'absence d'intervention de ces fonds, l'importance du reste à charge pour les personnes handicapées décourage l'acquisition d'aides techniques pourtant indispensables à leur qualité de vie.
Cette question de la limitation du reste à charge avait, d'ailleurs, largement mobilisé notre commission lors du vote de la loi de 2005. Il est donc logique qu'elle vous propose un amendement pour rendre effective cette garantie essentielle pour les personnes handicapées.
Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve des amendements qu'elle vous présentera, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2007.