Mes chers collègues, je crois que l'intervention de l'État en matière de presse a malheureusement atteint ses limites - je le dis avec gravité.
Chacun peut se réjouir des allégements fiscaux qui ont été adoptés dans la première partie du projet de loi de finances, car c'est une bonne chose. Je ne perds cependant pas de vue qu'il appartient maintenant aux éditeurs, dans un contexte publicitaire dont Claude Belot a raison de dire qu'il sera encore plus restreint pour la presse, de faire preuve de créativité et d'originalité afin de répondre à l'attente des lecteurs qui, en définitive, sont les seuls juges de la qualité d'une publication. Si vous voulez aider l'Humanité, France Soir ou Libération, mes chers collègues, je vous donne un conseil très simple : abonnez-vous !
Il faut mettre en relation les 200 minutes consacrées par chaque Français à la télévision et les 20 minutes consacrées en moyenne à la lecture de la presse !
La commission des affaires culturelles, sur les recommandations de son président, se penchera sur cette crise de plus en plus grave. Elle créera dès le mois de janvier un groupe de travail spécifiquement consacré à la relance de la presse. Ce n'est même plus un « plan Marshall », c'est un plan de relance !
En ce qui concerne l'audiovisuel public, mon sentiment est plus nuancé que celui de mon collègue de la commission des finances, ce qui fait la richesse de nos débats.
Pour ma part, je me pose des questions et j'éprouve parfois un sentiment d'inquiétude.
En effet, une réforme a été mise en oeuvre et, quelle que soit leur appartenance politique, les membres de la commission des affaires culturelles souhaitent tous que soient pérennisées les ressources de l'audiovisuel public.
Cependant, je suis obligé de constater que les moyens les plus simples que l'on aurait pu mettre en oeuvre - je pense à la réévaluation de la redevance - n'ont pas été retenus et que l'on a prévu chaque fois des recettes en hausse.
En 2005, la réforme a certes permis une hausse des recettes de 47 millions d'euros. Mais nous sommes loin des 200 millions d'euros supplémentaires attendus - la différence est de l'ordre de 153 millions d'euros - et des sommes votées à l'époque par le Parlement.
Vos services, monsieur le ministre, ont d'ailleurs reconnu très pudiquement que « malgré le rendement accru des encaissements de redevance permis par la réforme et la baisse des frais de gestion, les recouvrements nets de frais ont été :
« - inférieurs de plus de 9 millions d'euros aux montants prévus par la loi de finances initiale ;
« - inférieur de près de 30 millions d'euros à ceux prévus par la loi de finances rectificative pour 2005. »
Les prévisions d'encaissement pour 2007, j'en conviens, sont plus prudentes, et je m'en réjouis.
Pour la première fois depuis des années, l'augmentation des ressources publiques - M. Belot ne pourra pas me contredire - n'est pas liée - c'est un point important - à l'augmentation des encaissements de redevance, mais est liée à la réévaluation du remboursement des exonérations. Le dynamisme de l'assiette de la taxe est donc en passe de disparaître.
Cette situation inédite entraîne deux interrogations majeures.
La première interrogation est mathématique. Si les encaissements de redevance ne progressent plus dans les années à venir, comment financera-t-on - c'est un sujet dont nous avons traité à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur - le passage des opérateurs publics à l'ère du numérique ? La double diffusion analogique et numérique, la diffusion en haute définition et en télévision mobile personnelle - il faut s'y préparer -, l'achat de droits sportifs et cinématographiques, la contribution à la création culturelle ont un coût non négligeable. Il faudra bien que ce coût soit pris en charge afin que les chaînes publiques conservent la place éminente qui est la leur.
La seconde interrogation dérive de la première. Elle est relative à la garantie de recettes mise en oeuvre en faveur des organismes de l'audiovisuel public afin de compenser par le budget général tout déficit du compte de la redevance par rapport aux prévisions affichées.
Certains se félicitent - nos collègues de l'Assemblée nationale avaient prévu le mécanisme - du maintien de ce filet de sécurité, qui n'est qu'un filet de sécurité.
On peut toutefois s'interroger sur sa pertinence dans la mesure où sa mise en pratique laisse entrevoir une budgétisation rampante du financement de l'audiovisuel public.
Monsieur le ministre, le Gouvernement, mais aussi le Président de la République, au lendemain du lancement de France 24, peuvent se targuer d'un audiovisuel prospère fort : France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô, France 24, Gulli, et j'en oublie, ...