Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis tend à créer un cadre harmonisé applicable aux offres publiques d'acquisition intervenant sur le territoire de l'Union européenne, la directive européenne prise à cet égard devant être transposée au plus tard le 21 avril 2006.
Une fois n'est pas coutume, l'adoption du présent projet de loi permettrait à la République française d'honorer ses engagements avec une certaine avance sur le calendrier initialement prévu.
Ce texte a été renvoyé, pour son examen au fond, à la commission des finances, et notre excellent collègue Philippe Marini vient de s'exprimer en sa qualité de rapporteur.
Mais la commission des lois a souhaité se saisir pour avis de treize articles du projet de loi tendant à modifier le code de commerce, qui relève de son champ traditionnel de compétence.
L'offre publique d'acquisition, contrairement à la technique dite du « ramassage », vise à prendre de manière instantanée le contrôle d'une société cotée en bourse.
La nécessité d'une réglementation de ce type de cession de contrôle est apparue de manière relativement récente. Elle répond à deux objectifs distincts, le premier étant de créer un cadre juridique propice aux restructurations économiques, le second consistant à assurer la protection des actionnaires minoritaires.
Chaque Etat procède, selon sa vision du marché boursier, à un équilibrage entre ces objectifs. De ce fait, juridiquement, les offres publiques d'achat ne posent guère de difficultés lorsqu'elles interviennent entre des entités juridiques relevant du droit d'un même Etat membre.
Il n'en va pas de même lorsque l'initiateur et la société cible sont régis par des droits différents. La pratique des offres publiques est alors plus directement liée à la problématique du patriotisme économique. Nous avons d'ailleurs pu le constater lors des mouvements de concentration qui sont intervenus dans le secteur pharmaceutique - je pense, notamment, à l'affaire Sanofi-Aventis - et, plus récemment encore, avec la rumeur d'OPA sur le groupe Danone.
Cette tendance et l'existence de réglementations distinctes dans les Etats membres étant susceptibles de fausser la transparence des marchés financiers et de freiner l'achèvement du marché intérieur communautaire, l'idée d'une harmonisation des législations des Etats membres de la Communauté européenne s'est fait jour dès le milieu des années quatre-vingt. Ce n'est qu'au terme d'une longue et difficile gestation qu'a pu être adopté un cadre juridique communautaire, en avril 2004.
L'équilibre auquel a abouti la directive se traduit par l'instauration de deux types de mesures.
D'une part, certaines dispositions ont un caractère obligatoire pour les Etats membres. Ces derniers doivent donc les transposer dans leur législation sans pouvoir exercer aucun pouvoir d'appréciation. Pour l'essentiel, de telles mesures existent d'ores et déjà dans notre législation depuis de nombreuses années.
D'autre part, certaines dispositions sont d'application optionnelle, au choix des Etats. Cette solution, qui empêche de facto une harmonisation totale des législations nationales, a été retenue à la fin des négociations entre Etats membres afin de rallier l'ensemble d'entre eux à l'adoption de la directive.
Ces dispositions optionnelles prévoient l'autorisation préalable de l'assemblée générale pour l'adoption de défenses anti-OPA en cours d'offre, la confirmation, toujours par l'assemblée générale, de certaines mesures de défense anti-OPA, ainsi que la neutralisation des restrictions au transfert de titres et de droits de vote au cours d'une OPA.
Les Etats membres peuvent ainsi décider de ne pas imposer ces dispositions aux sociétés relevant de leur législation nationale.
En outre, l'article 12 de la directive permet aux Etats qui auraient décidé de faire application des dispositions susvisées à leurs sociétés de les exempter de l'application de tout ou partie des dispositions des articles 9 et 11 de la directive dans l'hypothèse où l'initiateur de l'offre n'y serait pas lui-même soumis.
L'objet principal du projet de loi, notamment les sujets dont la commission des lois s'est saisie, est de déterminer les options ouvertes par la directive et retenues par le droit français.
S'agissant des options ouvertes par les articles 9, 11 et 12 de la directive, le choix du Gouvernement s'est porté sur plusieurs points, suivant en cela les préconisations du groupe de travail institué par le ministre de l'économie et des finances en novembre 2004, présidé par M. Jean-François Petit.
Il s'agit, en premier lieu, de l'obligation d'une autorisation préalable ou d'une confirmation accordée par l'assemblée générale de la société à ses organes d'administration ou de direction pour prendre des mesures anti-OPA pendant la période d'offre publique ; en deuxième lieu, de la possibilité donnée à une société dont les titres font l'objet d'une offre publique d'acquisition par une société non soumise aux dispositions limitant les mesures anti-OPA de ne pas appliquer elle-même ces limitations ; enfin, en troisième lieu, de la possibilité donnée aux sociétés dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé de prévoir, sur une base volontaire, l'inopposabilité ou la suspension de restrictions conventionnelles ou statutaires touchant le transfert d'actions ou l'exercice des droits de vote.
Les sociétés faisant application des mesures susmentionnées devraient en informer l'Autorité des marchés financiers, qui rendrait alors leur décision publique.
Ainsi, l'application des dispositions de l'article 11 de la directive se fera de manière discrétionnaire par chaque société qui étudiera, en opportunité, l'intérêt que peut présenter l'application d'un tel dispositif.
La commission des lois estime qu'il convient de souscrire aux objectifs du présent projet de loi, qui permettra à la France d'honorer ses engagements communautaires, et juge opportun le choix des options ouvert par la directive tel qu'il figure dans le texte dont elle s'est saisie pour avis.
Elle vous soumettra néanmoins, mes chers collègues, six amendements tendant à conforter l'efficacité des dispositions du projet de loi ayant pour objet de modifier notre code de commerce.
Ces amendements viseront, en particulier, à éviter certains détournement de la clause de réciprocité, prévue notamment à l'article 11 du projet de loi, dans le cas spécifique d'un concert entre la société cible et les autres offres publiques. Ils auront également pour objet degarantir une plus grande transparence du marché en imposant l'information de l'Autorité des marchés financiers au cas où une société déciderait de ne plus appliquer les mesures de suspension des restrictions anti-OPA.