Intervention de Françoise Férat

Réunion du 1er décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Enseignement scolaire

Photo de Françoise FératFrançoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances se traduit par l'intégration du programme « Enseignement technique agricole » au sein de la mission « Enseignement scolaire », dont il ne représente que 2, 1 % du volume global des crédits.

Ces moyens étaient jusqu'alors rattachés et discutés au sein du budget de l'agriculture. Cette nouvelle présentation permet de mieux faire apparaître l'enseignement agricole comme une composante à part entière de notre système d'éducation et de formation.

Il apporte en effet une contribution essentielle aux défis de l'insertion et de l'emploi des jeunes, qui mérite d'être soulignée aujourd'hui, alors que ces priorités sont au coeur de l'action du Gouvernement. Nombreux sont, je le sais, ceux qui partagent cette intime conviction.

En effet, comme je le souligne chaque année à l'occasion du débat budgétaire, l'enseignement agricole constitue une voie de remédiation pour nombre d'élèves qui sont parfois en situation d'échec dans le système éducatif ordinaire. La pédagogie innovante, l'ancrage dans le tissu économique local, la taille humaine des établissements et la place de l'internat - 58 % des élèves sont internes - en font un cadre scolaire et social structurant pour les jeunes.

C'est aussi une voie de réussite et un tremplin vers l'emploi. Elle offre un taux d'insertion professionnelle après quarante-cinq mois de 85 %, tous niveaux de diplômes confondus.

Or il faut bien constater que les moyens consacrés à l'enseignement agricole ne sont pas à la hauteur de ces résultats. En effet, la situation budgétaire tendue de l'enseignement contraint ses capacités d'accueil et fait peser des incertitudes sur ses ambitions.

Ainsi, le présent projet de budget prévoit la suppression de plus de 210 emplois à la rentrée de 2006, alors que les effectifs de l'enseignement agricole, qui s'établissent à 175 000 élèves à la rentrée 2005, sont en progression, tant dans les établissements publics que dans les établissements privés.

En outre, il existe de fortes inquiétudes, au regard des dotations prévues pour 2006, sur la capacité de l'État à honorer les engagements pris l'an passé avec les fédérations du secteur privé. Or ces accords équilibrés, fondés sur des efforts réciproques, avaient consacré des avancées importantes afin de rétablir l'équité et la transparence dans les relations financières de l'État avec ces établissements, vingt ans après l'adoption des lois Rocard.

Ainsi, les effectifs pris en compte pour 2006 dans le calcul des subventions versées aux établissements sont sous-évalués par rapport aux effectifs réels.

Ce déficit de financement va conduire les établissements du temps plein et du rythme approprié à devoir refuser de nouvelles inscriptions, voire à fermer des classes ou des sections.

C'est pourquoi je tiens à saluer l'initiative de l'Assemblée nationale qui tend à abonder de 15, 5 millions d'euros les crédits du programme « Enseignement technique agricole », afin de permettre le financement des maisons familiales rurales, dans le respect du protocole signé en juillet 2004. Cet effort a été partagé entre les ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture, puisque 8 millions d'euros ont été transférés depuis le programme « Enseignement scolaire public du second degré » et 7, 5 millions ont été prélevés sur la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Cela n'apporte toutefois qu'une réponse partielle aux difficultés budgétaires de l'enseignement agricole, d'autant qu'en seconde délibération les députés ont adopté un amendement réduisant de 2 millions d'euros les crédits du programme, afin de gager les dépenses au titre du plan d'urgence dans les banlieues.

Les marges de manoeuvre sont quasiment inexistantes, les crédits de l'enseignement agricole ayant fait l'objet, sur les exercices précédents, de nombreuses mesures de régulation budgétaire. Aussi, il ne peut exister une stricte parité de traitement avec l'éducation nationale.

Cela vaut d'abord en matière d'aide sociale aux élèves. En dépit d'une augmentation de 5, 8 % de ces crédits dans le projet de budget pour 2006, les dotations restent insuffisantes pour répondre de façon satisfaisante aux besoins. Depuis 2003, les aides aux stages et à l'achat des manuels scolaires sont suspendues. En outre, le versement des allocations de novembre est reporté, en raison de contraintes de trésorerie, au mois de février suivant.

Les familles sont les premières pénalisées par cette situation, qui est d'autant plus inacceptable que les élèves de l'enseignement agricole sont, plus encore que les autres élèves, d'origine modeste : 35 % d'entre eux sont boursiers.

Ensuite, le projet de budget ne prévoit pas les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la loi d'orientation pour l'avenir de l'école, alors que le Sénat avait expressément associé l'enseignement agricole aux objectifs de réussite de tous les élèves, fixés par cette loi.

Il s'agit notamment de permettre, comme cela est prévu dans les programmes relevant de l'éducation nationale, l'application des dispositifs de soutien, du dédoublement des cours de langues, des dispositions concernant l'accueil des élèves handicapés, la création de postes d'infirmière ou l'augmentation des bourses au mérite.

Enfin, le financement des emplois de vie scolaire offre un autre exemple de disparité. S'il est prévu d'en recruter 3 000 dans les établissements agricoles, la part résiduelle de leur rémunération sera à la charge des établissements, alors qu'elle est assumée par l'État pour les contrats signés dans l'éducation nationale.

L'ensemble de ces constats m'a conduite à proposer à la commission des affaires culturelles un nouvel abondement des crédits du programme « Enseignement technique agricole ».

Il me semble en effet que nous devons saisir l'occasion de cette première année de mise en oeuvre de la LOLF pour redonner un nouveau souffle à l'enseignement agricole et rétablir une plus grande équité de traitement entre les différentes composantes de notre système éducatif. Il ne s'agit en rien de les opposer, mais de reconnaître leurs apports respectifs et complémentaires.

Dans le même temps, l'enseignement agricole participe à l'animation et au développement de nos territoires ruraux.

Aussi faut-il reconnaître ces atouts et donner des moyens qui soient à la hauteur des résultats, plutôt que de contraindre les ambitions en fonction des moyens disponibles.

L'amendement que je vous proposerai, qui résulte d'un compromis avec mes collègues rapporteurs pour avis de la mission « Enseignement scolaire », est guidé par ce double souci d'équité et d'efficacité.

En conclusion, et sous réserve de l'adoption de cet amendement, je vous proposerai d'adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

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