Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 27 avril 2010 à 14h30
Article 65 de la constitution mandat des membres du conseil supérieur de la magistrature — Discussion d'un projet de loi organique en deuxième lecture et d'un projet de loi organique en procédure accélérée

Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont en effet deux projets de loi organique connexes qui sont aujourd'hui soumis à votre examen.

Le premier vise à mettre en œuvre la modernisation du Conseil supérieur de la magistrature, le CSM, prévue par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Adopté par le Sénat le 15 octobre dernier en première lecture, il a été modifié par l’Assemblée nationale le 23 février.

Le second projet, qui est le complément du premier, tend à proroger le mandat des membres actuels du Conseil supérieur de la magistrature. Il a été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Je ne reviendrai pas longuement sur le projet de loi organique relatif à l'article 65 de la Constitution puisqu’il a déjà fait l’objet de longs débats, tant en commission qu’en séance publique. Je tiens d’ailleurs à souligner la qualité du travail parlementaire, qui a permis d’améliorer le texte dans l'intérêt de chacun. Nous avons fait œuvre commune dans un excellent état d’esprit.

Il importe de ne pas perdre de vue l’esprit des textes en discussion.

La réforme du Conseil supérieur de la magistrature vise finalement à renforcer la confiance de nos concitoyens dans la justice et à adapter cette dernière aux enjeux d’une démocratie moderne.

À cette fin, les deux projets de loi organique apportent des garanties d’indépendance à l’autorité judiciaire en modifiant les attributions et la composition du CSM, rapprochent la justice du citoyen en instituant une saisine directe du Conseil supérieur de la magistrature par le justiciable, garantissent la continuité de l’institution en prorogeant le mandat de ses membres actuels jusqu’à l’entrée en vigueur de la réforme.

L’évolution du Conseil supérieur de la magistrature, conformément à ce qui a été voulu par le constituant, s’appuie sur trois grands principes : plus d’indépendance, plus d’ouverture et plus de transparence.

Pour assurer le premier d’entre eux, la présidence des deux formations sera désormais assurée par le premier président de la Cour de cassation pour le siège et par le procureur général près la Cour de cassation pour le parquet.

Le deuxième principe – ouvrir plus largement l’institution – répond finalement aux évolutions de notre société, qui s’efforce de plus en plus de prendre en compte des avis différents : six personnalités qualifiées seront nommées par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. Il nous reviendra de déterminer les incompatibilités statutaires qui leur seront applicables.

Pour mettre en œuvre le troisième principe, la transparence, les attributions du Conseil supérieur de la magistrature dans le domaine des nominations sont élargies. Désormais – c’est une avancée qui mérite d’être saluée –, toutes les nominations des magistrats aux parquets feront l’objet d’un avis du Conseil supérieur de la magistrature, y compris les emplois pourvus en conseil des ministres.

Mesdames, messieurs les sénateurs, plus ouverte sur la société, la justice doit également être plus proche des citoyens ; c’est le sens de la deuxième disposition voulue par le constituant.

Le texte institue un mécanisme de saisine directe du Conseil supérieur de la magistrature par le justiciable pour sanctionner des manquements aux obligations de comportement des magistrats. C’est une complète innovation dans le droit français.

En effet, tout citoyen pourra directement saisir le CSM lorsqu’il estimera qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le magistrat n’a pas eu un comportement conforme aux règles, à la déontologie, et doit faire l’objet d’une procédure disciplinaire.

Une telle possibilité, qui est tout à fait nouvelle, tend également à vaincre le sentiment de malaise qui se manifestait parfois quand des citoyens reprochaient à un magistrat des comportements indépendants de la décision elle-même.

Bien entendu, ce droit de saisine doit être à la fois accessible, pour ne pas apparaître uniquement théorique, et encadré, pour éviter un certain nombre de saisines abusives.

L’effectivité du droit est garantie par des exigences de forme peu contraignantes, mais il faut en même temps éviter la déstabilisation des juges dans le cadre de leurs activités. Le projet de loi prévoit donc un filtrage à deux niveaux.

Le premier niveau de filtrage est celui de la recevabilité. Un premier examen consiste à vérifier la qualité du requérant, l’objet de la plainte et le respect des délais.

La plainte ne peut en effet intervenir que lorsque le magistrat du siège n’est plus saisi de la procédure en cause, ou lorsque le parquet n’est plus en charge de la procédure, et ce sous les réserves que nous avons étudiées et établies en première lecture.

Le deuxième niveau de filtrage correspond au jugement du comportement. La plainte doit en effet viser un comportement susceptible de recevoir une qualification disciplinaire.

Pour vérifier cette condition, des informations et des observations doivent être recueillies par la section du Conseil supérieur de la magistrature auprès des chefs de cours dans un délai de deux mois.

Puisqu’il est à la fois ouvert et dispose des encadrements nécessaires pour éviter les abus, le système ainsi constitué s’avère très équilibré.

Par ailleurs, la sécurité juridique de la situation actuelle et la sérénité du débat parlementaire appellent la mise en œuvre de mesures transitoires.

Le mandat des membres actuels du Conseil supérieur de la magistrature vient à expiration le 3 juin prochain. Bien entendu, la désignation des membres du nouveau Conseil nécessite la mise en place d’un processus électoral. Or un tel processus exige au moins quatre mois pour que chacun puisse s’exprimer dans les meilleures conditions.

Le projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature prévoit donc la prorogation du mandat des membres actuels jusqu’à une durée maximale de six mois à compter de la promulgation du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution, afin de garantir que les élections prévues pourront avoir lieu dans des conditions les plus sereines possible.

L’objectif d’une telle prorogation est double. Il s’agit d’abord de garantir la stabilité du Conseil.

Si l’on avait choisi de procéder à des élections à l’issue de l’expiration des mandats actuels, il aurait fallu organiser de nouvelles élections quatre, cinq ou six mois plus tard, une fois la loi promulguée, selon les nouvelles modalités prévues par celle-ci.

Une telle option ne donnerait pas une très bonne image de l’institution, puisque les membres élus le 3 juin devraient siéger dans un Conseil appelé à évoluer très rapidement dans ses attributions comme dans sa composition.

J’ai donc souhaité que la continuité de fonctionnement du Conseil soit assurée. Le Conseil, qui se réunit au moins une fois par mois – je pense avoir siégé quatre ou cinq fois au Conseil depuis mon arrivée au ministère de la justice et des libertés –, ne peut en effet cesser ses activités.

Le délai de six mois permettra d’organiser les opérations électorales sans hâte. La prorogation du mandat des membres actuels du Conseil s’articulera avec les dispositions transitoires incluses dans le projet de loi organique relatif à l’article 65 de la Constitution, qui prévoient le maintien des compétences actuelles du Conseil supérieur de la magistrature jusqu’à la première réunion du nouveau Conseil désigné selon les modalités qui auront été votées.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil supérieur de la magistrature est le garant de l’indépendance de la justice. Il doit de ce fait bénéficier de moyens adaptés à une telle mission, fondamentale pour la démocratie.

Il nous appartient donc d’assurer le strict respect des exigences constitutionnelles. Il nous revient également de garantir le bon fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature. Un tel équilibre est indispensable à la fois pour le fonctionnement et l’image du Conseil supérieur de la magistrature.

C’est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose d’adopter ces deux projets de loi organique.

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