Séance en hémicycle du 27 avril 2010 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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Sommaire

La séance

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La séance, suspendue à midi, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais prononcer l’éloge funèbre de Jacqueline Chevé.

M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

C’est avec une profonde émotion, mais aussi un réel sentiment d’injustice, que nous avons appris, le 15 mars dernier, le décès de notre collègue Jacqueline Chevé. Celle-ci représentait dans notre assemblée le département des Côtes-d’Armor, où elle était née, il y a quarante-huit ans à peine, à Merdrignac. Elle incarnait aussi la jeunesse et l’ardeur militante et portait, avec sa famille et son époux, des valeurs de laïcité dont notre République me paraît avoir toujours besoin.

Élue voilà dix-huit mois, elle nous a quittés au lendemain du premier tour des élections régionales, où la conseillère sortante qu’elle était venait d’être consacrée par un brillant résultat sur la liste conduite par le président du conseil régional de Bretagne.

Nous ne pouvions imaginer alors qu’elle venait de livrer son dernier combat politique. Nous savions qu’elle avait dû faire face à la maladie, de longs mois durant, avec le courage, la discrétion et la force de caractère que nous avions découverts chez elle en la côtoyant depuis dix-huit mois. Elle avait repris ses activités au cours des dernières semaines, participant avec son habituel enthousiasme aux travaux de la commission des affaires sociales, dont elle était un membre apprécié. Au fond, nous voulions tous croire – ses amis et ses collègues de la commission au premier chef – qu’elle avait surmonté victorieusement le mal qui la rongeait.

Jacqueline Chevé n’a sans doute pas eu le temps de donner toute la mesure de son énergie et de son talent ici, au Sénat. Toutefois, en moins d’un an et demi, malgré les douloureuses contraintes liées aux traitements qui lui étaient imposés, elle avait beaucoup apporté à notre institution. Elle laisse un souvenir ému dans la mémoire de tous ceux qui ont eu la chance de travailler avec elle et d’apprécier ses qualités.

Avant même ses combats politiques, et au-delà de ceux-ci, Jacqueline Chevé était d’abord une femme de cœur, d’engagement et de dévouement.

Elle l’était, bien sûr, dans sa vie privée et familiale, mais elle le fut aussi dans ses engagements personnels, professionnels et associatifs, au service de ses concitoyens et en faveur, surtout, des plus modestes et des plus fragiles d’entre eux.

Elle s’impliqua très tôt dans le milieu associatif et dans des actions de solidarité locale. C’est ainsi qu’elle commença sa carrière en qualité de directrice de la mission locale de Loudéac, et nous savons combien ces organismes jouent un rôle important dans l’insertion sociale et professionnelle des jeunes.

Ses préoccupations la conduisirent, en 2002, à se consacrer, en tant qu’animatrice socioculturelle, à l’action sociale en direction des populations fragilisées dans la circonscription de Dinan.

Enfin, elle fut, jusqu’à sa brillante élection au Sénat le 28 septembre 2008, la directrice chaleureuse et passionnée du foyer-logements de Lamballe, qui lui était si attaché, comme nous avons pu le mesurer lors de la rencontre du souvenir et de l’adieu qui a eu lieu à Loudéac.

L’inclination naturelle de Jacqueline Chevé vers les autres, son goût de l’action sociale, son sens du concret et sa volonté constante d’améliorer la condition de ses concitoyens devaient, presque naturellement, la conduire vers l’engagement politique. Elle devint une élue locale de proximité, dynamique, dévouée et efficace.

D’abord conseillère municipale de Loudéac, elle remplit avec enthousiasme ses fonctions, qui lui permettaient de concilier son souci de la solidarité et son goût pour le développement local, jusqu’à son élection au Sénat. Entre-temps, Jacqueline Chevé était devenue, en mars 2004, conseillère régionale de Bretagne.

Là encore, elle a assumé, jusqu’à ses derniers jours, avec le goût du terrain et, tout simplement, l’attention aux autres qui étaient sa marque, ses responsabilités dans les diverses instances régionales où elle siégeait, en particulier dans le domaine – si essentiel – de la formation professionnelle.

Son engagement politique local avait conduit Jacqueline Chevé à participer à la vie parlementaire dès avant son élection au Sénat.

Elle découvrit en effet de l’intérieur le Parlement, plus précisément l’Assemblée nationale, en devenant, en 1997, à l’âge de trente-cinq ans, assistante parlementaire de Didier Chouat, alors député de la troisième circonscription des Côtes-d’Armor. Nous savons que c’est avec passion, efficacité et dynamisme qu’elle remplit ces fonctions durant les cinq années de la législature.

Néanmoins, c’est en 2008 que Jacqueline Chevé fit, en quelque sorte, son entrée au Parlement par la grande porte, celle, cette fois, du Palais du Luxembourg. Après avoir été candidate aux élections municipales à Loudéac, elle prit, à peine quelques semaines plus tard, la décision de se lancer dans la préparation de la campagne des élections sénatoriales de septembre 2008.

Candidate aux côtés de nos collègues Yannick Botrel et Gérard Le Cam, elle fut brillamment élue, le 21 septembre 2008, sénatrice des Côtes-d’Armor, dès le premier tour, avec près de 57 % des voix. Ceux d’entre nous qui se trouvaient à Loudéac gardent le souvenir des images qui y étaient diffusées et qui montraient sa joie en ce 21 septembre 2008, entourée de ses deux collègues.

Elle avait ainsi entamé, le 1er octobre 2008, une carrière parlementaire dont nous avions naturellement la conviction qu’elle serait longue et prometteuse ; toutefois, Jacqueline Chevé nous aura été enlevée bien tôt.

Les dix-huit mois qu’elle aura passés dans cet hémicycle lui auront néanmoins permis de montrer qu’elle appartenait à cette génération de jeunes femmes parlementaires soucieuses de proximité, passionnées dans leurs engagements et modernes dans leurs idées comme dans leur style.

Je veux espérer que cette trop brève période de sa vie lui aura apporté des satisfactions à la hauteur de l’estime qu’elle avait su s’attirer parmi nous, d’une manière très largement partagée.

Membre du groupe socialiste du Sénat, de la commission des affaires sociales et de la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Jacqueline Chevé, forte de sa double expérience d’élue locale et de collaboratrice parlementaire, trouva immédiatement ses marques au Palais du Luxembourg. Elle y parvint aussi, je le sais, grâce au soutien précieux et amical de plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, qui l’ont accompagnée et aidée.

Par sa jeunesse, sa détermination et son sens du devoir envers ses concitoyens, elle était l’un de ces visages qui font la richesse du Sénat. Elle donnait l’image d’une assemblée dynamique, occupant toute sa place dans le débat public, dans le respect bien compris des sensibilités et des convictions de chacun, rassemblée autour des valeurs de la République.

Jacqueline Chevé était avant tout une sénatrice de proximité, dans toute la grandeur de ce terme. Son sens de l’humain, la force de son implication et ses préoccupations sociales et sociétales la conduisaient à maintenir un contact étroit et permanent avec ses concitoyens.

Ainsi, au cours de la première année de son mandat, elle avait reçu à sa permanence des centaines de nos concitoyens et formulé près de mille interventions en leur faveur, sans parler des dizaines de questions qu’elle avait posées au Gouvernement.

À la fois médiatrice, conseillère de ses concitoyens et interlocutrice privilégiée des élus locaux, elle aimait avant tout « déverrouiller » – c’était son expression – les situations les plus difficiles, et résoudre des cas concrets. Comme elle se plaisait à le dire, « l’action politique est toujours quelque chose de passionnant, à condition d’aimer les gens ».

La parlementaire qu’était Jacqueline Chevé accordait aussi aux grands débats nationaux toute l’importance qui leur revient. En tant que membre de la commission des affaires sociales, elle prit une part active à plusieurs discussions importantes, et encore, quelques jours à peine avant sa disparition, à l’occasion de notre débat sur le mal-être au travail, dans le cadre de la mission d’information créée par le Sénat sur ce sujet particulièrement engagé.

Au-delà des questions sociales, les autres grands débats de l’heure ne laissaient pas davantage Jacqueline Chevé indifférente. C’est ainsi qu’elle participa pleinement à nos échanges sur la réforme des collectivités territoriales. Elle multiplia, à cette occasion, notes de synthèse, arguments et contre-propositions.

Enfin, Jacqueline Chevé savait prendre toute la hauteur de vue nécessaire pour réfléchir au travail parlementaire lui-même. C’est ainsi qu’elle n’avait pas hésité à publier au mois de janvier dernier, sur son site internet, un « billet d’humeur » où elle portait un jugement sévère, mais lucide, sur l’inflation législative : « De mon point de vue, cette frénésie législative contribue à déstabiliser le citoyen et à discréditer le politique. [...] C’est l’ère du zapping politique : il faut tout faire très vite, dans l’urgence, en confondant trop souvent vitesse et précipitation. »

Tout au long de son parcours d’élue locale et nationale, tout au long de sa vie de femme, Jacqueline Chevé a voué son existence aux autres, leur consacrant toute son énergie et sa passion, transcendant ainsi ses propres épreuves.

Son caractère, ses qualités de cœur comme ses compétences professionnelles justifiaient pleinement l’extraordinaire hommage qu’elle a reçu le 19 mars dernier au milieu des siens, au Palais des congrès et de la culture de Loudéac, entourée de tous ses amis, de ses proches, de sa famille, de son époux, de ses enfants et, bien sûr, des élus de la République.

À l’occasion de cet adieu simple, chaleureux et profondément humain, j’ai, aux côtés de Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste du Sénat, de Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales du Sénat, de Jean-Marc Pastor, questeur, de nombre de ses collègues sénateurs et députés des Côtes-d’Armor, d’Ille-et-Vilaine, du Finistère et du Morbihan et en présence du président du conseil régional de Bretagne, prononcé en votre nom à tous, mes chers collègues, l’éloge de Jacqueline Chevé, mais aussi exprimé le témoignage de la Haute Assemblée. Cette cérémonie d’adieu sur cette terre bretonne qui lui était si chère et qu’elle avait fidèlement servie se devait de trouver aujourd’hui un écho dans notre hémicycle.

À ses collègues du groupe socialiste, une nouvelle fois éprouvés par la perte de l’un des leurs, j’exprime la sympathie attristée de notre assemblée.

Aux membres de la commission des affaires sociales et de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui perdent en sa personne une collègue appréciée de tous, j’adresse aussi l’expression de notre profonde tristesse.

À vous, monsieur Chevé, son époux, à vous, Romain et Marine, ses enfants, qui éprouvez trop jeunes la douleur de la séparation, à tous vos proches et à vos amis, je renouvelle ces pensées émues de l’ensemble des sénateurs.

« Ne pleure pas celle que tu as perdue, mais réjouis-toi de l’avoir connue. » C’est un peu ce que nous avons ressenti à Loudéac, malgré la tristesse qui était sur les visages et dans les cœurs.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite maintenant à partager un moment de recueillement à la mémoire de Jacqueline Chevé, unis par les valeurs qu’elle portait et incarnait.

M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, cher monsieur, chère famille, le Gouvernement tient à s’associer à l’hommage que le Sénat rend aujourd’hui à Jacqueline Chevé, sénatrice des Côtes-d’Armor, qui nous a quittés le 15 mars dernier.

Comme vous l’avez souligné, monsieur le président, le souvenir de Jacqueline Chevé restera toujours associé à celui d’une femme dont la générosité, le sens du dialogue et le tempérament étaient de nature à rassembler.

Militante associative, guidée par le besoin incessant d’agir et d’apporter sa pierre à l’édification d’une société la plus humaine et la plus juste possible, elle avait orienté toute sa vie professionnelle – toute sa vie même – en direction des autres, en particulier des plus modestes.

Ses multiples passions lui donnaient l’énergie nécessaire pour mener de front les combats les plus divers, qu’il s’agisse de promouvoir la culture, le sport, la condition des femmes ou d’améliorer la situation des personnes fragiles.

Défendant les causes qu’elle trouvait justes, elle faisait chaque fois et en toute circonstance preuve d’une infatigable ténacité devant les réalités sociales les plus difficiles. Pour trouver une aide, un soutien ou même une parole revigorante, chacun savait qu’il trouverait toujours sa porte ouverte.

C’est cette vocation tournée vers les autres qui avait forgé le lien profond unissant Jacqueline Chevé et ses concitoyens des Côtes-d’Armor, en particulier ceux de Loudéac. L’hommage qui lui a été rendu le 19 mars dernier a ému le Sénat et le Gouvernement, tant il était poignant, fort, rayonnant.

À ces défis humains, elle avait décidé d’ajouter celui de l’engagement politique, non pour assouvir une ambition ou un besoin de reconnaissance – celle-ci lui était largement acquise – mais pour continuer inlassablement à agir, et ce à des niveaux de responsabilités lui permettant de relever avec plus de vigueur encore de nouveaux combats.

Élue de sa commune, puis conseillère régionale, c’est une personnalité expérimentée, rompue à l’épreuve du terrain et reconnue de ses pairs qui se présente et est élue brillamment sénatrice des Côtes-d’Armor au mois de septembre 2008.

Faisant preuve de l’ardeur qui l’habitait depuis toujours, elle a poursuivi au sein de la commission des affaires sociales de la Haute Assemblée les combats qui lui sont chers, en particulier ceux qui sont liés aux droits des femmes. Et c’est pourquoi elle avait rejoint la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Le 15 mars dernier, la maladie a eu raison de son courage et de sa force, en mettant un terme brutal à son existence. Elle qui avait la passion de l’action publique chevillée au corps aurait certainement voulu agir encore et toujours et continuer à participer très activement aux travaux du Sénat, avec le sérieux et la rigueur que chacun lui connaissait.

Au terme de ce parcours beaucoup trop bref, Jacqueline Chevé a légué à ses amis de Loudéac, à ses compatriotes des Côtes-d’Armor et à ses collègues du Sénat l’image exemplaire d’une femme engagée que les difficultés, les épreuves ou la maladie n’ont pas fait reculer.

Au nom du Gouvernement de la République, j’exprime mes condoléances très sincères et le témoignage de notre amitié à sa famille, à son mari et à ses deux enfants, à ses collègues du groupe socialiste et des autres collectivités au sein desquelles elle a siégé, aux citoyens de Loudéac, des Côtes-d’Armor et de toute la Bretagne, à tous ceux qui sont frappés par ce deuil douloureux à admettre et à supporter, qui nous émeut tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, conformément à notre tradition, en signe d’hommage à Jacqueline Chevé, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quatorze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures dix.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au Grand Paris.

J’informe le Sénat que la commission spéciale chargée d’examiner ce projet de loi a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

J’informe le Sénat que le groupe de l’Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la place laissée vacante par M. Michel Thiollière, dont le mandat de sénateur a cessé.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

(Textes de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’application de l'article 65 de la Constitution (projet n° 322, texte de la commission n° 393, rapport n° 392) et du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature (projet n° 321, texte de la commission n° 391, rapport n° 390).

La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi organique feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre d'État.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont en effet deux projets de loi organique connexes qui sont aujourd'hui soumis à votre examen.

Le premier vise à mettre en œuvre la modernisation du Conseil supérieur de la magistrature, le CSM, prévue par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Adopté par le Sénat le 15 octobre dernier en première lecture, il a été modifié par l’Assemblée nationale le 23 février.

Le second projet, qui est le complément du premier, tend à proroger le mandat des membres actuels du Conseil supérieur de la magistrature. Il a été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Je ne reviendrai pas longuement sur le projet de loi organique relatif à l'article 65 de la Constitution puisqu’il a déjà fait l’objet de longs débats, tant en commission qu’en séance publique. Je tiens d’ailleurs à souligner la qualité du travail parlementaire, qui a permis d’améliorer le texte dans l'intérêt de chacun. Nous avons fait œuvre commune dans un excellent état d’esprit.

Il importe de ne pas perdre de vue l’esprit des textes en discussion.

La réforme du Conseil supérieur de la magistrature vise finalement à renforcer la confiance de nos concitoyens dans la justice et à adapter cette dernière aux enjeux d’une démocratie moderne.

À cette fin, les deux projets de loi organique apportent des garanties d’indépendance à l’autorité judiciaire en modifiant les attributions et la composition du CSM, rapprochent la justice du citoyen en instituant une saisine directe du Conseil supérieur de la magistrature par le justiciable, garantissent la continuité de l’institution en prorogeant le mandat de ses membres actuels jusqu’à l’entrée en vigueur de la réforme.

L’évolution du Conseil supérieur de la magistrature, conformément à ce qui a été voulu par le constituant, s’appuie sur trois grands principes : plus d’indépendance, plus d’ouverture et plus de transparence.

Pour assurer le premier d’entre eux, la présidence des deux formations sera désormais assurée par le premier président de la Cour de cassation pour le siège et par le procureur général près la Cour de cassation pour le parquet.

Le deuxième principe – ouvrir plus largement l’institution – répond finalement aux évolutions de notre société, qui s’efforce de plus en plus de prendre en compte des avis différents : six personnalités qualifiées seront nommées par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. Il nous reviendra de déterminer les incompatibilités statutaires qui leur seront applicables.

Pour mettre en œuvre le troisième principe, la transparence, les attributions du Conseil supérieur de la magistrature dans le domaine des nominations sont élargies. Désormais – c’est une avancée qui mérite d’être saluée –, toutes les nominations des magistrats aux parquets feront l’objet d’un avis du Conseil supérieur de la magistrature, y compris les emplois pourvus en conseil des ministres.

Mesdames, messieurs les sénateurs, plus ouverte sur la société, la justice doit également être plus proche des citoyens ; c’est le sens de la deuxième disposition voulue par le constituant.

Le texte institue un mécanisme de saisine directe du Conseil supérieur de la magistrature par le justiciable pour sanctionner des manquements aux obligations de comportement des magistrats. C’est une complète innovation dans le droit français.

En effet, tout citoyen pourra directement saisir le CSM lorsqu’il estimera qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le magistrat n’a pas eu un comportement conforme aux règles, à la déontologie, et doit faire l’objet d’une procédure disciplinaire.

Une telle possibilité, qui est tout à fait nouvelle, tend également à vaincre le sentiment de malaise qui se manifestait parfois quand des citoyens reprochaient à un magistrat des comportements indépendants de la décision elle-même.

Bien entendu, ce droit de saisine doit être à la fois accessible, pour ne pas apparaître uniquement théorique, et encadré, pour éviter un certain nombre de saisines abusives.

L’effectivité du droit est garantie par des exigences de forme peu contraignantes, mais il faut en même temps éviter la déstabilisation des juges dans le cadre de leurs activités. Le projet de loi prévoit donc un filtrage à deux niveaux.

Le premier niveau de filtrage est celui de la recevabilité. Un premier examen consiste à vérifier la qualité du requérant, l’objet de la plainte et le respect des délais.

La plainte ne peut en effet intervenir que lorsque le magistrat du siège n’est plus saisi de la procédure en cause, ou lorsque le parquet n’est plus en charge de la procédure, et ce sous les réserves que nous avons étudiées et établies en première lecture.

Le deuxième niveau de filtrage correspond au jugement du comportement. La plainte doit en effet viser un comportement susceptible de recevoir une qualification disciplinaire.

Pour vérifier cette condition, des informations et des observations doivent être recueillies par la section du Conseil supérieur de la magistrature auprès des chefs de cours dans un délai de deux mois.

Puisqu’il est à la fois ouvert et dispose des encadrements nécessaires pour éviter les abus, le système ainsi constitué s’avère très équilibré.

Par ailleurs, la sécurité juridique de la situation actuelle et la sérénité du débat parlementaire appellent la mise en œuvre de mesures transitoires.

Le mandat des membres actuels du Conseil supérieur de la magistrature vient à expiration le 3 juin prochain. Bien entendu, la désignation des membres du nouveau Conseil nécessite la mise en place d’un processus électoral. Or un tel processus exige au moins quatre mois pour que chacun puisse s’exprimer dans les meilleures conditions.

Le projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature prévoit donc la prorogation du mandat des membres actuels jusqu’à une durée maximale de six mois à compter de la promulgation du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution, afin de garantir que les élections prévues pourront avoir lieu dans des conditions les plus sereines possible.

L’objectif d’une telle prorogation est double. Il s’agit d’abord de garantir la stabilité du Conseil.

Si l’on avait choisi de procéder à des élections à l’issue de l’expiration des mandats actuels, il aurait fallu organiser de nouvelles élections quatre, cinq ou six mois plus tard, une fois la loi promulguée, selon les nouvelles modalités prévues par celle-ci.

Une telle option ne donnerait pas une très bonne image de l’institution, puisque les membres élus le 3 juin devraient siéger dans un Conseil appelé à évoluer très rapidement dans ses attributions comme dans sa composition.

J’ai donc souhaité que la continuité de fonctionnement du Conseil soit assurée. Le Conseil, qui se réunit au moins une fois par mois – je pense avoir siégé quatre ou cinq fois au Conseil depuis mon arrivée au ministère de la justice et des libertés –, ne peut en effet cesser ses activités.

Le délai de six mois permettra d’organiser les opérations électorales sans hâte. La prorogation du mandat des membres actuels du Conseil s’articulera avec les dispositions transitoires incluses dans le projet de loi organique relatif à l’article 65 de la Constitution, qui prévoient le maintien des compétences actuelles du Conseil supérieur de la magistrature jusqu’à la première réunion du nouveau Conseil désigné selon les modalités qui auront été votées.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil supérieur de la magistrature est le garant de l’indépendance de la justice. Il doit de ce fait bénéficier de moyens adaptés à une telle mission, fondamentale pour la démocratie.

Il nous appartient donc d’assurer le strict respect des exigences constitutionnelles. Il nous revient également de garantir le bon fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature. Un tel équilibre est indispensable à la fois pour le fonctionnement et l’image du Conseil supérieur de la magistrature.

C’est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose d’adopter ces deux projets de loi organique.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Monsieur le président, madame la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner en deuxième lecture le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 23 février 2010. L’examen de ce texte s’articule désormais avec celui d’un autre projet de loi organique, prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature ; j’y reviendrai à la fin de mon intervention.

Lors de l’examen du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution, l’Assemblée nationale a validé l’essentiel des modifications apportées par le Sénat en première lecture.

Le texte déposé au Sénat en deuxième lecture comporte ainsi quinze articles conformes sur trente-trois ; je pourrais presque dire « vingt-deux sur trente-trois », puisque sept articles n’ont fait l’objet que de modifications rédactionnelles ou de coordination.

Les deux assemblées se sont notamment accordées sur les points suivants : le principe de parité selon lequel la formation compétente du Conseil supérieur, lorsqu’elle siège en matière disciplinaire, comprend un nombre égal de membres appartenant à l’ordre judiciaire et de membres n’y appartenant pas ; l’organisation des commissions d’admission des requêtes, chargées de filtrer les plaintes des justiciables ; la compétence de la formation plénière du Conseil supérieur pour se prononcer proprio motu sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ; l’abaissement du quorum nécessaire en matière disciplinaire pour l’adoption de sanctions et de propositions de sanctions ; les compléments apportés à la définition de la faute disciplinaire, conformément aux termes de la décision du Conseil constitutionnel du 1er mars 2007.

D’autres dispositions ont été complétées par l’Assemblée nationale sans que soient remises en cause les modifications apportées par le Sénat.

Ainsi, alors que le Sénat avait précisé que les nominations des personnalités qualifiées par le Président de la République ou par les présidents des assemblées devraient concourir à une représentation équilibrée des hommes et des femmes, l’Assemblée nationale a préféré plus simplement imposer la règle de la parité à chacune de ces autorités de nomination.

De même, en matière d’interdiction temporaire d’exercice, l’Assemblée nationale n’est pas revenue sur la suppression de la procédure de référé du premier président de la Cour de cassation ou du procureur général près cette cour.

En revanche, elle a porté de dix jours ouvrables à quinze jours le délai au cours duquel la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature doit prendre une décision ou rendre un avis. Comme ce délai correspond à celui que la commission des lois avait retenu lors de l’examen du texte en première lecture, nous ne saurions nous y opposer.

Enfin, l’Assemblée nationale a confirmé les améliorations apportées par le Sénat au dispositif de la saisine disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables : possibilité de diriger, par exception, la plainte contre un magistrat qui demeure saisi de la procédure, au vu de la nature de cette procédure et de la gravité du manquement évoqué, information du magistrat mis en cause dès que la commission d’admission des requêtes estime la plainte recevable, et possibilité pour cette commission d’entendre le magistrat.

L’Assemblée nationale a complété ces dispositions en adoptant deux amendements du député André Vallini donnant à la commission d’admission des requêtes, lorsqu’elle déclare une plainte recevable, la possibilité d’entendre le justiciable auteur de la saisine.

Restent donc quatre points de divergence entre les deux assemblées.

Le premier porte sur les conditions de nomination du secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature. Le Sénat avait souhaité que celui-ci soit nommé par décret du Président de la République sur proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette cour, certes, mais après avis du Conseil, qu’il s’agissait ainsi d’associer à la désignation d’un responsable administratif dont le rôle est appelé à s’accroître.

La commission des lois de l’Assemblée nationale, sur l’initiative de son rapporteur, a supprimé cet avis, considérant, d’une part, que la Constitution ne prévoyait pas la compétence de la réunion de l’ensemble des membres du CSM en la matière, et, d’autre part, qu’un tel avis risquerait de retarder la nomination du secrétaire général. La commission des lois du Sénat vous propose de se ranger à cette argumentation.

Une deuxième divergence concerne les moyens dont disposera le CSM pour assurer le respect des exigences déontologiques applicables à ses membres.

Le Sénat a fait référence, en première lecture, aux obligations d’indépendance, d’impartialité et d’intégrité ; l’Assemblée nationale y a ajouté l’exigence de dignité.

Surtout, l’Assemblée nationale a retiré au président de chacune des formations la compétence que le Sénat leur avait reconnue de prendre les mesures appropriées pour en assurer le respect.

Le rapporteur de l’Assemblée nationale, Philippe Houillon, a en effet considéré que, compte tenu de l’imprécision des termes retenus, cette disposition risquait de susciter davantage de questions qu’elle n’en pourrait résoudre. Si l’objection s’avère sans doute fondée, il n’en reste pas moins que la création d’une obligation doit s’accompagner de la définition d’une procédure de sanction qui garantisse l’effectivité de l’exigence ainsi posée.

La commission des lois du Sénat a donc donné compétence à la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature pour se prononcer à la majorité simple de ses membres, sur saisine du président d’une des formations du Conseil, sur le manquement d’un membre à une de ses obligations déontologiques et pour décider de sa suspension temporaire ou de sa démission d’office.

Il ne reste donc réellement que deux divergences d’importance, l’une portant sur les conditions d’exercice professionnel de l’avocat membre du Conseil supérieur de la magistrature, l’autre sur l’autonomie budgétaire de ce Conseil.

En première lecture, le Sénat avait souhaité écarter tout risque de suspicion quant à l’indépendance de l’avocat appelé à siéger au Conseil supérieur de la magistrature. À cette fin, il avait prévu que, si l’avocat pouvait par exception exercer sa profession, il ne pouvait, pendant la durée de son mandat, ni plaider devant les tribunaux ni agir en conseil juridique d’une partie engagée dans une procédure.

L’Assemblée nationale, sur l’initiative du rapporteur de sa commission des lois, a supprimé ces restrictions, Philippe Houillon jugeant « souhaitable que l'avocat désigné ès qualités puisse continuer à plaider devant les tribunaux et à conseiller des parties à un procès, la seule réserve étant le respect strict de la règle de déport qui est consacrée pour l'ensemble des membres du Conseil supérieur de la magistrature ».

La commission des lois du Sénat ne partage pas cette analyse. Sans qu’elle mette un seul instant en cause la déontologie de l’avocat qui serait nommé non plus que celle du magistrat concerné, il lui semble que le seul fait que le premier – l’avocat – défende une partie devant le second – le magistrat – alors qu’il aura, selon toute probabilité, à se prononcer sur sa carrière pendant son mandat suffira, tout au moins aux yeux de la partie adverse, à jeter un doute sur l’impartialité du jugement qui sera rendu.

Cependant, pour faire droit à la préoccupation exprimée par le rapporteur de l’Assemblée nationale, en vue de mettre l’avocat en mesure d’avoir un exercice professionnel suffisant et pour ne pas risquer de se heurter aux exigences constitutionnelles, la commission, tout en réaffirmant l’interdiction de plaider devant les juridictions judiciaires, n’a pas proposé de rétablir l’interdiction de tenir lieu de conseil juridique d’une partie engagée dans une procédure que le Sénat avait adoptée en première lecture.

L’ultime divergence porte, je l’ai dit, sur l’autonomie budgétaire du Conseil supérieur de la magistrature.

Le Sénat avait adopté en première lecture un article additionnel – l’article 7 bis – au projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution prévoyant que l’autonomie budgétaire du Conseil supérieur de la magistrature serait assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances. Il ne faisait là que reprendre les préconisations formulées par notre collègue Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la mission « Justice », qui regrette que, chaque année, les lois de finances successives ne confèrent pas au Conseil supérieur de la magistrature un statut lui assurant une véritable autonomie budgétaire, autonomie qu’exige pourtant, nous semble-t-il, l’importance de ses missions.

La commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté un amendement de son rapporteur supprimant cet article 7 bis, Philippe Houillon considérant que la rédaction retenue par le Sénat constituait une « fausse bonne idée, dans la mesure où elle garantirait moins bien l’autonomie du Conseil supérieur de la magistrature, qui risquerait de voir ses crédits cantonnés, sans possibilité d’évolution ni d’abondement en cas de nécessité, alors que le système actuel permet au contraire beaucoup de souplesse et donc, au bout du compte, plus d’indépendance pour le CSM ».

La commission des lois du Sénat a jugé cependant nécessaire de rétablir son amendement.

On pourrait tout d’abord observer que la fongibilité des crédits au sein d’un même programme peut jouer à la hausse comme à la baisse, mais l’essentiel n’est pas là.

À l’heure actuelle, le responsable du programme « Justice judiciaire », à l’intérieur duquel sont inscrits les crédits de l’institution, est le directeur des services judiciaires, par ailleurs chargé d’établir les propositions de nomination sur lesquelles le Conseil supérieur de la magistrature doit rendre un avis, ce qui, par exemple, représentait en 2008 près de 96 % de son activité en matière de nominations.

Philippe Houillon nous reprochait une « fausse bonne idée », mais ne serait-ce pas une vraie mauvaise idée que de laisser la même autorité à la fois fixer les crédits du Conseil supérieur de la magistrature et solliciter son avis sur les propositions de nomination qu’elle lui soumet ?

Une telle situation paraît en tout cas incompatible à la commission des lois du Sénat avec l’indépendance qui doit être reconnue au Conseil supérieur de la magistrature pour l’exercice de ses missions constitutionnelles, et cela d’autant plus que celles-ci viennent d’être notablement élargies par la dernière révision de notre Constitution.

Enfin, je rappelle que le projet de loi organique adopté par l’Assemblée nationale proroge le mandat des membres actuels du Conseil supérieur de la magistrature jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois après la promulgation de la loi organique prise pour l’application de l’article 65 de la Constitution et, au plus tard, jusqu’au 31 janvier 2011.

Tout en faisant miens les propos tenus par notre éminent collègue Patrice Gélard à cette même tribune et en regrettant que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 ne puisse pas encore s’appliquer dans son intégralité – situation qui a valu à notre commission des lois de tenir des réunions assez formelles pour auditer les personnalités choisies pour le Conseil constitutionnel ou pour la présidence de la HALDE –, je ne puis qu’observer que l’état d’avancement des travaux parlementaires rend absolument indispensable la prorogation du mandat des membres du CSM afin d’assurer le renouvellement de cet organe dans la composition qui lui a été donnée par cette révision constitutionnelle.

La commission des lois vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter sans modification le projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution, auquel les membres de mon groupe s’étaient opposés en première lecture. Notre position n’a pas changé.

Alors même que nous sommes favorables à une réforme du Conseil supérieur de la magistrature – réforme voulue d’ailleurs par les magistrats eux-mêmes –, nous n’avions en effet pu donner notre aval à l’adoption de ce nouvel article 65 qui n’a renforcé qu’en apparence l’indépendance du CSM à l’égard de l’exécutif. Nous ne pouvons donc aujourd’hui cautionner l’adoption d’un texte qui se borne à fixer les modalités d’application de cette révision constitutionnelle.

Certes, le projet de loi organique qui nous est soumis a le mérite d’organiser la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables. Cette saisine directe du CSM est une indéniable avancée encore renforcée par l’Assemblée nationale, qui en a amélioré les modalités en permettant au justiciable auteur d’une plainte d’être entendu par la commission d’admission des requêtes.

Mais, comme nous l’avons dit lors de l’examen de la réforme en première lecture, ce renforcement des droits des justiciables est loin de suffire pour que le texte qui nous est proposé puisse tenir les promesses affichées.

La réforme ne renforce en rien la crédibilité du Conseil supérieur de la magistrature en assurant l’autonomie de ses décisions. Loin de garantir l’indépendance souhaitée, elle maintient la mainmise de l’exécutif sur cette institution.

Alors qu’elle avait été imposée par les conclusions de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau, cette réforme ne met en place aucun des moyens nécessaires au rétablissement de la confiance des citoyens en la justice.

Le projet de réforme, dont le passage à l’Assemblée nationale n’a pas atténué – loin s’en faut ! – les points négatifs, ne répond donc pas à nos attentes : contre nos souhaits, le principe de l’intervention permanente de l’exécutif auprès des acteurs de la justice a été adopté.

L’Assemblée nationale a ainsi approuvé la participation de droit du garde des sceaux aux séances des formations du CSM, sauf en matière disciplinaire.

Elle n’est pas non plus revenue sur les pouvoirs de nomination du Président de la République. S’il ne préside plus le CSM, le Président de la République disposera donc du pouvoir de nommer deux de ses membres qualifiés et en désignera le secrétaire général.

Nous aurions au demeurant souhaité une égalité au sein du Conseil entre les magistrats et les membres qualifiés. L’Assemblée nationale a cependant approuvé qu’un déséquilibre favorable aux membres non-magistrats soit instauré, sauf en matière disciplinaire.

L’Assemblée nationale n’est en outre pas revenue sur deux points extrêmement contestables de la réforme.

Le premier concerne la transmission pour examen de la plainte à la formation compétente du CSM en cas de partage des voix au sein de la commission d’admission des requêtes prévue par le projet de loi organique. Le partage des voix aurait pourtant dû conduire à un classement sans suite de la plainte, car le doute devrait bénéficier au magistrat mis en cause.

Ce n’est pas le cas, et c’est d’autant plus déplorable que le classement sans suite de la plainte rétablirait la cohérence du texte. En effet, dans la même situation, c’est-à-dire en cas de partage des voix, la formation disciplinaire compétente émet « un avis en faveur de l’absence de sanction ». Il aurait été logique qu’il en soit de même en cas de partage des voix au sein de la commission d’admission.

Le second point de la réforme qui nous heurte concerne la faculté laissée au garde des sceaux de saisir le Conseil supérieur de la magistrature des faits dénoncés malgré le rejet par la commission d’admission des requêtes d’une plainte qui lui aurait été adressée par un justiciable ou par le garde des sceaux lui-même.

Or, d’une part, ces prescriptions nuisent à la cohérence d’un texte qui dispose par ailleurs que les décisions de rejet de la commission d’admission des requêtes sont insusceptibles de recours.

D’autre part, la réforme consacre par ce biais une intolérable immixtion de l’exécutif dans la procédure disciplinaire, ce qui est vraisemblablement destiné à permettre au Gouvernement d’user de la menace de sanction à ses propres fins et de répondre aux pressions d’une partie de l’opinion toujours plus favorable à la répression.

Nos désaccords avec le texte adopté par l’Assemblée nationale ne s’arrêtent cependant pas là : ce texte nous paraît en effet, à bien des égards, plus critiquable encore dans sa version revue par les députés de la majorité que le texte initial élaboré par le Gouvernement puis examiné par le Sénat.

En effet, lorsque le texte nous a été soumis en première lecture, nous déplorions que les modalités de la désignation et les incompatibilités applicables à certains membres du CSM ne permettent ni de renforcer leur légitimité ni de garantir la transparence et l’impartialité des décisions de cette autorité.

Ainsi, les conditions de désignation de l’avocat devant siéger au Conseil ne nous satisfaisaient pas et nous appelions de nos vœux sa désignation par ses pairs, car son élection par l’assemblée générale du Conseil national des barreaux aurait, nous semble-t-il, accru sa légitimité.

Nous contestions également la possibilité qui était laissée à l’avocat membre du CSM d’exercer pendant la durée de son mandat la profession d’avocat, même si le texte interdisait qu’il plaide devant les tribunaux ou qu’il agisse en conseil juridique d’une partie engagée dans une procédure.

Or, l’Assemblée nationale a non seulement approuvé la possibilité laissée à l’avocat d’exercer sa profession mais elle a en outre supprimé les maigres limites posées par le texte adopté au Sénat.

Autant dire que dans sa nouvelle version le projet de loi organique ne nous satisfait absolument pas, et cela malgré l’amendement retenu par la commission des lois qui rétablit l’interdiction de plaider faite à ce membre du CSM.

Nous critiquions également le fait que la désignation du secrétaire général du CSM soit laissée au Président de la République sur proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près ladite cour après simple avis du CSM.

Nous réclamions qu’un avis conforme de la formation plénière du CSM soit nécessaire. Un tel avis aurait ici encore renforcé la légitimité de la personnalité destinée à exercer des fonctions cruciales au sein du Conseil supérieur de la magistrature.

Or, l’Assemblée nationale est revenue sur la nécessité pour le Président de la République de recueillir l’avis du CSM avant d’en désigner le secrétaire général. Nous ne pouvons que déplorer ce recul : le texte était déjà très contestable dans sa version d’origine, il l’est encore davantage aujourd’hui !

Enfin, les prérogatives de la formation plénière du CSM nous paraissaient insuffisantes ; elles n’ont pas été accrues par l’Assemblée nationale.

Dans le texte qui nous avait été soumis, la formation plénière du CSM avait pour seules fonctions de répondre aux demandes d’avis formulées par le Président de la République ainsi qu’à toute question du garde des sceaux concernant la déontologie des magistrats ou le fonctionnement de la justice.

Cette formation ne pouvait donc être à l’initiative d’avis portant sur des atteintes à l’indépendance de la justice. Or la possibilité de rendre de tels avis aurait non seulement renforcé sa crédibilité aux yeux de l’opinion, mais elle aurait également évité son instrumentalisation par l’exécutif.

La formation plénière du CSM était en outre pratiquement absente en matière disciplinaire ; l’Assemblée nationale n’est pas venue remédier à cette préjudiciable absence.

Cependant, l’Assemblée nationale ayant supprimé les dispositions introduites par le Sénat destinées à permettre aux présidents de chaque formation de prendre les mesures appropriées pour assurer les obligations déontologiques de ses membres, la commission des lois du Sénat a saisi l’occasion qui lui était offerte de substituer à cette procédure une procédure plus ambitieuse faisant intervenir la formation plénière du CSM.

Ainsi, en vertu des dispositions adoptées par la commission, il devrait désormais revenir à la formation plénière du CSM de se prononcer sur le manquement d’un de ses membres et de prescrire la suspension temporaire ou la démission d’office de ce membre.

Ce nouveau rôle attribué à la formation plénière du CSM que nous appelions de nos vœux devrait renforcer la crédibilité des décisions du Conseil supérieur de la magistrature en garantissant l’intégrité de ses membres.

Cependant, cette mince amélioration ne suffira pas à modifier le regard négatif que nous portons sur la réforme qui nous est soumise.

Contrairement aux objectifs affichés de renforcement de l’indépendance de l’institution, le Gouvernement entend préserver son pouvoir d’intervention sur les décisions du Conseil supérieur de la magistrature.

Confirmant la position que nous avions adoptée lors de la première lecture, nous voterons donc contre le projet de loi organique.

J’en viens à la prorogation du mandat des membres actuels du Conseil supérieur de la magistrature. Il apparaît clairement que cette prorogation n’a été rendue nécessaire que par le manque d’organisation d’un gouvernement qui entend tout réformer à la va-vite et qui fait un usage abusif de la procédure accélérée, sans même tenir compte des calendriers et des impératifs permettant le bon fonctionnement des institutions.

Devant ce cul-de-sac, que faire ? En tout état de cause, nous nous abstiendrons. En effet, le Conseil supérieur de la magistrature ne peut pas fonctionner si ses membres ne sont pas prorogés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, puisque nous sommes en deuxième lecture, je ne reviendrai pas sur toutes les modifications tenant à la composition et aux attributions du Conseil supérieur de la magistrature, que le groupe de l’Union centriste a très majoritairement approuvées lors de la première lecture.

Je profite de cette discussion générale pour faire une rapide remarque d’ordre plus général. Je regrette, madame le ministre d’État, que nous n’ayons pas encore pu examiner aujourd’hui toutes les lois organiques découlant de la réforme constitutionnelle de 2008. En effet, outre le projet de loi que nous examinons ce jour, il reste encore plusieurs textes importants à soumettre au Parlement afin que cette réforme puisse être pleinement effective.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous sommes nombreux ici à regretter le retard qui a été pris, presque deux ans après l’adoption définitive de la réforme constitutionnelle…

Mais revenons-en au projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution qui nous est soumis aujourd’hui.

Je me félicite, comme notre rapporteur, que la majorité des modifications apportées à ce projet de loi organique par le Sénat en première lecture n’ait pas été remise en cause par les députés. Mais l’examen du texte laisse aussi apparaître des points de désaccord de fond entre notre Haute Assemblée et l’Assemblée nationale. Si ces points sont peu nombreux, ils ont une valeur symbolique importante.

Tout d’abord, le Sénat avait affirmé en première lecture la nécessité de garantir l’autonomie budgétaire du Conseil supérieur de la magistrature. À l’heure actuelle, les crédits alloués au CSM sont prévus par une simple action du programme « Justice judiciaire » de la mission « Justice ». Une telle organisation a une conséquence importante : elle place le CSM sous la responsabilité de la direction des services judiciaires.

Cette situation est dénoncée par notre commission des lois depuis plus de cinq ans, madame le ministre d’État ! En effet, pourquoi les crédits alloués au CSM ne seraient-ils pas inscrits dans la mission « Pouvoirs publics », qui comprend déjà les crédits destinés au Conseil constitutionnel et à la Cour de justice de la République ?

C’était donc en parfaite cohérence avec cette position que nous avions adopté, en première lecture, un amendement porté par notre rapporteur et visant à garantir l’autonomie budgétaire du CSM. Mais les députés ont cru bon de revenir sur cette avancée votée au Sénat : nous le regrettons et nous soutenons pleinement la position que continue de défendre notre collègue Jean-René Lecerf.

Ensuite, concernant les conditions d’exercice professionnel de l’avocat membre du CSM, la modification votée par le Sénat en première lecture visait à limiter les situations dans lesquelles l’avocat aurait à se déporter s’il était confronté, dans son exercice professionnel, au magistrat sur le sort duquel le CSM est justement appelé à se prononcer. Il s’agit, pour nous, de prévenir les conflits d’intérêt et de renforcer les gages d’impartialité de cette institution.

La commission des lois de l’Assemblée nationale a supprimé ces restrictions, en invoquant « la volonté du constituant que participe aux travaux du CSM un avocat inscrit au tableau de l’ordre et exerçant pleinement sa profession ». Si cette position mérite d’être entendue, elle doit néanmoins être confrontée avec celle que nous avions défendue en première lecture. In fine, la position actuellement défendue par la commission des lois du Sénat, qui vise à limiter l’activité de l’avocat membre du CSM à ses missions de conseil, me paraît être le bon compromis. J’espère que nous parviendrons à emporter l’adhésion des députés sur ce point.

Enfin, je tenais à revenir sur les obligations déontologiques applicables aux membres du Conseil supérieur de la magistrature, qui ont été renforcées lors du premier examen par notre Haute assemblée. Ces obligations déontologiques ne seront effectives qu’à la condition que l’institution ait les moyens d’en imposer le respect aux intéressés. Comme dans tous les domaines, la création d’une obligation doit s’accompagner d’une procédure de sanction qui garantisse l’effectivité de l’exigence ainsi posée.

Cette fois encore, la position de notre commission des lois, défendue par la voix de son rapporteur, est dans la continuité de ce que nous avons voté en première lecture : le groupe de l’Union centriste lui apporte donc son soutien.

Je dirai un mot, avant de conclure, du projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

Dès lors qu’il est matériellement impossible que le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution soit promulgué avant l’échéance de l’actuel mandat des membres du CSM, il est évident que ce texte est nécessaire.

Pour conclure, je tiens à saluer encore une fois l’excellent travail de notre rapporteur, Jean-René Lecerf, qui a su nous convaincre d’adopter nombre d’améliorations. Celles-ci permettent à la commission des lois de présenter un texte que notre groupe souhaite majoritairement voir adopter.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Mme Monique Papon remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Madame la présidente, madame le ministre d’État, mes chers collègues, je me suis déjà exprimé, lors de la première lecture de ce projet de loi organique, au nom du groupe socialiste ; nous maintiendrons notre vote contre le texte, dans la logique de notre vote hostile à la réforme constitutionnelle de 2008. En effet, cette nouvelle donne constitutionnelle n’apporte pas les garanties nécessaires à l’indépendance, et donc à l’impartialité de l’autorité judiciaire, garante des libertés publiques et de l’État de droit.

La commission des lois et son rapporteur, Jean-René Lecerf, avaient apporté quelques modifications marginales qui allaient dans le bon sens. Malheureusement, les plus importantes d’entre elles ont été refusées par l’Assemblée nationale, plus sensible que le Sénat, semble-t-il, aux sirènes du Gouvernement.

Plusieurs points doivent être abordés pour expliquer notre position.

Premier point : la composition du Conseil supérieur de la magistrature n’est pas satisfaisante.

En effet, la nomination des membres extérieurs par le Président de la République et les présidents des deux assemblées ne permet pas le pluralisme indispensable. Dans d’autres pays d’Europe, notamment, les membres extérieurs sont nommés par le Parlement, après un vote, ce qui me paraît plus démocratique, même si aujourd’hui, les majorités étant ce qu’elles sont, cela ne changerait peut-être pas grand-chose.

Par ailleurs, la présence d’un avocat au sein du Conseil supérieur de la magistrature parmi les personnalités extérieures pose un problème. Fallait-il qu’un avocat siège au Conseil supérieur de la magistrature ? Personnellement, je répondrai : non, mille fois non ! On en a vu le résultat sous la IIIe et la IVe République… Mais si la réponse à cette question est positive, à tout le moins, l’avocat concerné ne doit plus exercer sa profession pendant son mandat au sein du Conseil supérieur de la magistrature : il ne peut ni plaider, ni donner de conseils juridiques, ni exercer en tant qu’associé au sein d’un cabinet de groupe.C’est une condition sine qua non de la présence de cet avocat.

Enfin, la représentation du corps judiciaire au sein du Conseil supérieur de la magistrature est absolument inéquitable, et vous le savez bien, madame le garde des sceaux. En effet, la haute hiérarchie, qui représente à peine 10 % du corps, est représentée par quatre magistrats dans chaque formation, alors que l’effectif restant des magistrats des cours et tribunaux, soit 90 % du corps, n’est représenté, quant à lui, que par trois magistrats ; on appréciera l’aspect démocratique de cette représentation.

Le deuxième point qui pose problème concerne l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature. À cet égard, notre assemblée avait apporté au texte, en première lecture, des modifications utiles sur lesquelles les députés sont revenus, comme on pouvait le craindre.

Tout d’abord, en ce qui concerne l’autonomie financière du Conseil supérieur de la magistrature, je ne m’en tiendrai pas à l’argumentation jésuitique de mon collègue député Philippe Houillon. Cette autonomie financière doit être préservée à tout prix. Ainsi le directeur des services judiciaires ne doit-il plus être maître du budget du CSM, puisqu’il en est le principal pourvoyeur.

Actuellement, le CSM n’est aucunement indépendant de la chancellerie, et donc de la direction des services judiciaires. Il n’a pas de pouvoir de proposition et ne peut pas demander à l’Inspection générale des services judiciaires un rapport sur l’activité des tribunaux. Or d’autres institutions indépendantes, comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, bénéficient d’une autonomie financière.

Ensuite, la nomination du secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature par le Président de la République ne devrait intervenir qu’après avis du CSM lui-même. Cette proposition faisait l’objet d’un amendement intéressant de la commission, déposé en première lecture.

On voit clairement, d’ailleurs, que le Gouvernement entend garder la main sur le CSM. Point n’est besoin que le garde des sceaux ou le Président de la République le préside pour l’influencer ; il suffit de tenir les cordons de la bourse et de contrôler le secrétaire général, qui joue un rôle éminent au sein du CSM. Tout le monde le sait, y compris les magistrats.

Le troisième point, le plus important, est apparu quelques mois après la réforme constitutionnelle de 2008, avec l’annonce par le pouvoir exécutif d’une réforme de l’ensemble de la procédure pénale, et notamment la suppression du juge d’instruction au profit du parquet.

L’ensemble du monde judiciaire ou presque, sauf vous, madame le ministre d’État – et cela m’étonne, car je connais vos compétences juridiques –, pense que cette réforme serait acceptable, à condition de modifier le statut du parquet. Les plus hautes autorités de la magistrature – je les citerai dans le rapport que je vais rédiger avec mon collègue Jean-René Lecerf – se sont exprimées en ce sens, même celles que l’on attendait le moins sur ce sujet. Toutes posent comme condition expresse à ce changement de statut le vote rapide d’une réforme constitutionnelle.

Transférer les pouvoirs d’un magistrat indépendant, le juge d’instruction, à un magistrat qui ne l’est pas, le procureur, aura pour conséquence de confier les affaires judiciaires les plus compliquées et les plus sensibles au ministère public, soumis hiérarchiquement au garde des sceaux. Retarder, étouffer ou manipuler les dossiers gênants sera alors plus facile, et pas seulement dans le domaine politico-financier. Depuis une vingtaine d’années, les juges d’instruction ont fait la preuve de leur indépendance en traitant les dossiers Urba-Gracco, Angolagate, Elf, ou encore RPR-mairie de Paris ; ils l’ont fait également, en matière de santé publique ou d’environnement, avec les procès sur l’amiante ou l’hormone de croissance, par exemple.

L’occasion a donc été manquée en 2008. Il faut rouvrir ce dossier tout de suite ; il n’est pas trop tard. La réforme constitutionnelle concernant le statut du parquet doit être entreprise dès maintenant, et votée avant même que ne puissent entrer en vigueur les nouvelles règles concernant la procédure pénale.

Pour rassurer ceux qu’inquiète la perspective d’un parquet livré à lui-même – perspective à laquelle je suis, depuis toujours, totalement hostile ! –, il faut rappeler que le fait de conférer une indépendance statutaire aux procureurs ne reviendrait pas à leur accorder une indépendance fonctionnelle qui serait contraire à la nécessité d’une politique pénale impulsée par le Gouvernement, sous le contrôle du Parlement. Mais cette indépendance statutaire aurait l’immense avantage de faire échapper leur carrière à la tutelle politique et, partant, de lever en partie la suspicion qui pèse sur leurs décisions.

Des propositions ont déjà été faites ici même, au Sénat. Elles peuvent se traduire soit par la réforme du mode de nomination des membres du parquet et par la soumission de leur nomination à la décision de Conseil supérieur de la magistrature, comme c’est le cas pour les magistrats du siège, soit par l’institution d’un procureur général de la République, comme c’est le cas en Italie ; c’était la proposition de notre collègue Fauchon, sur laquelle je suis plus réservé, car elle conférerait, à mon avis, trop d’indépendance fonctionnelle aux membres du parquet.

Certes, madame le garde des sceaux, cette réforme doit être faite pour les justiciables, y compris ceux de Saint-Jean-de-Luz, auxquels vous êtes légitimement très attachée, et pas pour les spécialistes. Nous sommes d’accord sur ce point. Mais les justiciables pensent aujourd’hui, à tort ou à raison, que la dépendance hiérarchique du parquet permet à l’exécutif d’influencer le cours des procédures, ne serait-ce que dans le choix de la voie choisie.

Ce n’est pas la même chose de choisir la voie de l’instruction, de la comparution immédiate ou différée ou encore de l’enquête préliminaire. Les conséquences peuvent être très importantes sur la suite des dossiers. Les exemples concrets abondent depuis le début de la Ve République – ils ne donnent d’ailleurs pas de nous une bonne image collective –, point n’est besoin d’en réciter la litanie ici.

Pour toutes ces raisons essentielles, le groupe socialiste ne votera pas ce texte.

En revanche, nous ne nous opposerons pas au projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature, mais nous ne prendrons pas part au vote. Ce texte illustre la très mauvaise organisation du Gouvernement, notamment depuis la dernière révision constitutionnelle.

Certes, le Gouvernement n’a plus l’entière maîtrise de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et du Sénat, mais le terme du mandat actuel des membres du Conseil supérieur de la magistrature était connu. Le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution aurait donc pu être examiné avant d’autres textes, par exemple avant celui qui visait à permettre aux ministres dont on voulait se débarrasser de retrouver leur siège de député ! Peut-être était-ce en effet plus important pour la République…

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Madame la présidente, madame le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, mes chers collègues, les deux textes qui nous sont soumis, l’un en première lecture, l’autre en deuxième lecture, font l’objet d’une discussion commune.

En guise de propos liminaire, permettez-nous de faire part de notre regret qu’il nous faille une fois de plus proroger le mandat d’une autorité constituée en raison d’un retard de calendrier que le Gouvernement ne parvient pas à combler. Je partage les objections que vient de faire notre collègue François Zocchetto sur le retard pris concernant les lois organiques découlant de la révision constitutionnelle.

Nous avions déjà dû, voilà quelques semaines, proroger le mandat du Médiateur de la République dans l’attente de l’entrée en vigueur du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits. Selon un processus similaire, le Gouvernement nous soumet aujourd’hui dans l’urgence un autre projet de loi organique de prorogation, alors que son premier texte avait été déposé en juin dernier sur le bureau du Sénat pour n’être adopté en ces lieux qu’en octobre.

M. le rapporteur avait pourtant déjà attiré votre attention, madame le ministre d’État, en soulignant que, si l’adoption définitive du projet de loi organique n’intervenait pas avant le mois de février 2010, le mandat des membres composant actuellement le Conseil supérieur de la magistrature devrait être prorogé. Peu sensible à cette remarque, vous nous imposez aujourd'hui de voter un projet de loi dans la précipitation, signe d’une certaine conception du travail législatif, peu propice selon nous à la sérénité qui doit présider normalement aux destinées de la justice.

Le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution est un texte important. Il a trait à un sujet sensible : l’indépendance de la justice, pilier de tout État de droit. Il doit permettre à tout justiciable de saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature lorsqu’il s’estime victime d’un comportement arbitraire.

Quelles que soient les appréciations que l’on peut porter sur la révision constitutionnelle – sur ce sujet, notre groupe était partagé –, ce texte va, selon nous, améliorer sur ces deux points la situation antérieure, même si la question du lien entre pouvoir politique et justice demeure en suspens. L’arrêt Medvedyev c/France n’a pas tout réglé et laisse entières d’importantes interrogations, même s’il trace d’intéressantes perspectives.

Madame le ministre d’État, la justice est une institution qui inquiète aujourd’hui nos compatriotes, ceux-ci doutant de son indépendance. Le phénomène n’est pas nouveau. À cet égard, le projet de réforme pénale prévoyant la suppression du juge d’instruction au profit du monopole du parquet en matière de pouvoirs d’enquête ne va pas améliorer la situation. Il nous est d’ailleurs difficile de ne pas juger le texte qui nous est aujourd'hui soumis à l’aune de ce projet de réforme – je souscris aux propos de notre collègue Jean-Pierre Michel sur ce point –, dont on sait qu’il suscite de très fortes réserves, quelles que soient les sensibilités politiques, y compris au sein de la Cour de cassation.

On ne saurait rétablir cette crédibilité par une politique de communication. C’est au contraire par une action pragmatique réalisée au quotidien avec des moyens supplémentaires que pourra être assuré cet équilibre difficile à mettre en œuvre : assurer l’indépendance de la magistrature à laquelle nous sommes tous attachés, éviter les errements du corporatisme – c’est toujours difficile – et garantir le respect du citoyen justiciable, qu’il soit victime ou présumé innocent.

La question de l’autonomie financière, évoquée tout à l’heure, est plus que symbolique en la matière.

Au gré de ses cent vingt-sept ans d’histoire, le Conseil supérieur de la magistrature a connu de nombreuses péripéties. Toutes éclairent avec acuité la conception tangentielle que les pouvoirs successifs, quelle qu’ait été leur sensibilité, se sont faits de l’indépendance de la justice.

Il aura fallu attendre le projet de réforme d’Élisabeth Guigou pour que soit enfin remis en question le double statut du chef de l’État, à la fois garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire et censeur de celle-ci au travers des formations disciplinaires du CSM qu’il présidait. Même si ce projet ne put être adopté pour les raisons que nous connaissons, ses principes ont continué à faire leur chemin.

L’affaire d’Outreau fut un traumatisant révélateur des dysfonctionnements accumulés durant des décennies. On mit beaucoup de conviction pour nous assurer que s’était enfin achevé le temps où le politique se mêlait de l’indépendance du pouvoir judiciaire. L’article 65 de la Constitution ne fait néanmoins pas disparaître la tutelle du politique sur un Conseil devenu non paritaire. La mise en minorité des magistrats, en particulier, pose un problème dans la mesure où de nombreux instruments internationaux recommandent précisément cette parité.

Le fait que le Conseil supérieur de la magistrature ne fasse que donner son avis sur les nominations des membres du parquet jette le trouble sur l’utilité même de cet avis. Nombre de précédents connus montrent combien la notion d’avis est toute relative dans sa portée même.

En toute hypothèse, les deux objectifs du nouvel article 65 – renforcer l’indépendance de la justice et garantir l’impartialité du Conseil – rencontrent bien sûr notre pleine approbation.

Le texte détermine les modalités pratiques de désignation, de vacance ou encore d’incompatibilité des membres des deux formations compétentes à l’égard des magistrats du siège et du parquet. Un désaccord demeure entre les deux chambres sur l’interdiction d’exercer qui frappe l’avocat membre du Conseil. Comme en première lecture, nous nous réjouissons de la position de fermeté de la commission des lois du Sénat, qui a rétabli cette interdiction, à l’heure où l’exemplarité déontologique doit d’abord venir des plus hautes autorités. Quoi qu’il en soit, il est bon d’obliger l’avocat membre du Conseil supérieur de la magistrature de s’abstenir de plaider ou de tenir le rôle de conseil juridique pour une partie engagée dans une procédure. On mesure d’autant plus le risque d’atteinte à l’impartialité lorsque l’on sait qu’un membre de la formation compétente à l’égard des magistrats du siège est amené en quatre années à examiner la situation de quasiment l’ensemble des magistrats !

Le projet de loi organique tire également les leçons de l’affaire d’Outreau en réformant en partie le système disciplinaire des magistrats et en ouvrant un droit de saisine à tout justiciable qui s’estimerait lésé par le comportement d’un magistrat. Un filtrage administratif préalable des requêtes a été mis en place. Cependant, l’engagement de poursuites disciplinaires sera un exercice difficile puisqu’il sera subordonné à la constatation d’une violation par une décision de justice devenue définitive. L’équilibre entre protection du justiciable et protection de l’office du juge sera difficile à ménager.

Les réserves que nous avions formulées en première lecture quant à l’article 18 demeurent. D’une part, le délai d’un an après la fin de la procédure octroyé à tout justiciable pour saisir le Conseil supérieur de la magistrature nous paraît trop bref. D’autre part, nous aurions souhaité que l’on nous précise ce qu’est une « décision irrévocable mettant fin à la procédure » et en quoi elle se distingue de la décision judiciaire passée en force de chose jugée. À cet égard, je pense notamment aux requêtes en révision.

Enfin, madame le ministre d’État, nous réitérons nos interrogations sur l’éligibilité à l’aide juridictionnelle des plaignants introduisant une procédure devant le Conseil. Vous jugiez en octobre dernier que la simplicité de la procédure ne justifierait guère en pratique l’intervention d’un avocat. Nous aurons donc des justiciables démunis, venant se plaindre d’un juge devant le CSM, mais qui n’auront pas besoin d’un conseil, surtout s’ils sont démunis financièrement et désarmés techniquement… Quelle singulière conception de l’accès à la justice, plus difficile encore pour ceux qui ont le moins de moyens !

Sur le fondement de ces quelques observations, les membres du groupe du RDSE voteront comme en première lecture, la très grande majorité s’abstenant, les autres approuvant le projet de loi organique relatif à l’article 65 de la Constitution. Ma collègue Anne-Marie Escoffier précisera notre position sur le second texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, comme plusieurs intervenants avant moi, je déplore le retard pris par le Gouvernement dans l’élaboration de ce projet de loi organique prévu par la Constitution.

Le problème va d’ailleurs bien au-delà du texte qui nous est aujourd'hui soumis. Il concerne tous les projets de loi organique rendus nécessaires par la révision constitutionnelle, mais également les décrets d’application. Certaines lois sont en effet inapplicables, parfois durant plusieurs années, simplement parce que le Gouvernement n’a pas publié les décrets d’application. Il serait peut-être opportun que, au plus haut niveau de l’État, on décide de faire un peu moins de réformes, mais de les faire plus sérieusement. Si tel était déjà le cas, nous n’en serions peut-être pas là où nous en sommes actuellement !

Sur le fond, je suis très favorable aux mesures qui nous sont proposées, car elles me paraissent constituer des avancées très satisfaisantes. Il y a des points très positifs.

Cela étant dit, il faut juger la réforme qui nous est soumise à la lumière des garanties que l’on doit au justiciable, à savoir les garanties d’équité et d’indépendance de la justice. L’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir politique est l’un des fondements de la démocratie.

Or, pour ma part, comme d’autres dans cette enceinte, j’avoue que les projets de loi annoncés par le Gouvernement m’inquiètent, notamment la suppression du juge d’instruction, dont le travail serait plus ou moins effectué par le procureur de la République, qui est aux ordres. Je considère que ce serait tout à fait désastreux pour la démocratie. On constate dès à présent des dérives dans des affaires politiques, même si, bien entendu, les procureurs de la République prétendent qu’ils n’y sont pour rien. On n’avait jamais vu de procureur de la République convoquer la presse avant de prendre une décision, puis annoncer sa décision en indiquant que ni le garde des sceaux ni le Président de la République ne lui ont demandé quoi que ce soit ! Une telle situation est affligeante pour la France.

Je redoute la suppression du juge d’instruction et son remplacement par le procureur de la République, qui restera aux ordres comme le sont actuellement les procureurs de la République. Ces derniers devraient être indépendants du pouvoir politique, a fortiori si les juges d’instruction sont supprimés.

Je m’abstiendrai sur ces deux projets de loi organique, madame le ministre d’État, même si je considère qu’ils sont globalement satisfaisants, parce que je n’approuve pas du tout, dans le domaine judiciaire comme dans d’autres, la politique du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Madame la présidente, madame le ministre d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, en deuxième lecture, le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution concernant le Conseil supérieur de la magistrature.

Après l’excellent rapport de Jean-René Lecerf et l’intervention de François Zocchetto, je ne m’attarderai pas, à l’issue de la première lecture de ce texte au Sénat et à l’Assemblée nationale, sur les points communs, les légères divergences ou les désaccords plus marqués entre les deux assemblées.

Plusieurs orateurs ont évoqué le statut de l’avocat ou l’autonomie financière du Conseil supérieur de la magistrature. Madame le ministre d’État, je tiens à attirer votre attention sur la question de l’autonomie financière, qui se posera dans les mêmes termes pour le Défenseur des droits, qui ne saurait être en situation de dépendance. Il se pourrait que nous soyons de nouveau en désaccord sur ce point précis.

Souscrivant pleinement aux propos qu’ont tenus notre rapporteur et François Zocchetto, je me contenterai de développer quelques points.

Je voudrais d’abord rappeler qu’une loi organique vise à appliquer une disposition constitutionnelle et non à remettre en cause la Constitution, contrairement à ce que certains développements entendus précédemment pourraient laisser entendre.

La composition du Conseil supérieur de la magistrature est fixée par la Constitution, et la loi organique n’a pas vocation à remettre en cause ou à modifier ce que la Constitution a décidé. Par conséquent, les observations formulées par certains sur le futur code de procédure pénal sont hors sujet. Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur le statut du procureur ; nous avons sur ce point de profondes divergences de vues, monsieur Michel.

Notre collègue Hugues Portelli, qui est malheureusement absent aujourd'hui car il siège en tant que juge à la Cour de justice de la République, a déposé trois amendements dont je voudrais souligner l’intérêt, même s’ils peuvent paraître humoristiques, voire hors sujet.

Ils rappellent tout d’abord qu’il n’existe que deux législateurs possibles : le peuple français, par la voie du référendum, et le Parlement. Ni le Conseil d’État ni la Cour de cassation ne sont des législateurs. Nous ne sommes pas revenus à une période antérieure à la Révolution française, quand les parlements faisaient la loi, obligeant le roi à convoquer des lits de justice pour casser des décisions non conformes à l’intérêt du royaume.

S’il n’y a que deux législateurs, il n’y a également que deux constituants : le peuple français, par la voie du référendum, et le Parlement réuni en Congrès.

Le Conseil constitutionnel est la seule juridiction qui détienne un pouvoir d’interprétation constitutionnelle et qui puisse se prononcer sur la conformité d’un texte à la Constitution. Il n’existe pas en France de cour suprême, comme aux États-Unis. Le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et le Conseil d’État ne sont pas des cours suprêmes. Je rends grâce à notre ami Hugues Portelli, qui semble avoir voulu libérer le premier président de la Cour de cassation de certaines responsabilités trop lourdes ou trop importantes !

Nous verrons plus tard dans le débat ce qu’il adviendra de ces propositions. Il importait cependant de rappeler ici qu’il n’existe qu’un seul constituant, qu’un seul législateur, à savoir le peuple et le Parlement, et qu’il n’y a pas de juridiction constitutionnelle autre que le Conseil constitutionnel.

Cette remarque étant faite, j’aimerais revenir sur quelques points annexes qui ont été évoqués au cours de la discussion générale.

Contrairement aux engagements pris par le Gouvernement au moment de l’adoption de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, nous mettrons au moins trente mois – et non pas de six à dix mois maximum – pour adopter la totalité des lois organiques, et j’en suis désolé. Celles-ci n’entreront donc pas en vigueur avant la fin de l’année 2010. Il s’agit d’un inconvénient majeur.

Si le Gouvernement ne dépose pas les projets de loi organique, le Parlement prendra ses responsabilités. Le garde des sceaux s’est notamment engagé à déposer un projet de loi organique relatif au statut pénal du chef de l’État dans un proche avenir. Si tel n’est pas le cas, le président de la commission des lois a annoncé qu’il déposerait un texte avant le mois de juin prochain sur cette question.

Le retard pris dans l’adoption des textes organiques va provoquer de nombreux problèmes. Comme je le rappelais précédemment, de nombreuses dispositions de la Constitution sont inopérantes faute de lois organiques. Nous en avons fait le reproche au Gouvernement, mais le Parlement me semble également coupable. Qui, en effet, fixe l’ordre du jour ? Le Gouvernement certes, mais également le Parlement pour la moitié du temps ! Nous aurions très bien pu, au cours des semaines d’initiative parlementaire, inscrire les projets de loi organique à l’ordre du jour. Nous ne l’avons pas fait. Nous aurions pu également les rédiger nous-mêmes ! Pourquoi pas ? Nous aurions pu accélérer le processus. Personnellement, je regrette de ne pas avoir consacré deux semaines à l’adoption de toutes les lois organiques ; la question aurait été ainsi définitivement réglée.

À défaut, nous sommes obligés de proroger une série de mandats. Nous l’avons déjà fait pour le Médiateur de la République ; nous le ferons pour le Conseil supérieur de la magistrature. Ce n’est pas sain. Nous avons également été conduits à auditionner, conformément à l’article 13 de la Constitution, toute une série de personnalités présentées par le chef de l’État, mais ces nominations n’ont pas fait l’objet d’un vote, la loi organique n’ayant toujours pas été adoptée. Nous ne pouvons rester dans cette impasse. À l’avenir, il faudra être plus sérieux au sujet des lois organiques.

Je tiens à rappeler à ce propos la jurisprudence du Conseil d’État s'agissant des décrets d’application : ceux-ci doivent être pris dans un délai raisonnable. Nous sommes aujourd’hui dans le cas d’un délai excessif, qui nous oblige à instaurer des mesures transitoires. Je ne suis même pas sûr que nous arrivions à tout traduire avant le 31 décembre de cette année. Voilà les remarques générales que je souhaitais formuler sur ces deux textes.

Quoi qu’il en soit, je tiens à préciser que le groupe UMP votera à l’unanimité le projet de loi organique relatif à l’article 65 de la Constitution, ainsi que le projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Madame la présidente, madame le ministre d’État, mes chers collègues, de quoi s’agit-il aujourd’hui ? Il nous faut débattre du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution. Les objectifs de ce texte sont de réaffirmer voire de rétablir la confiance du citoyen en sa justice, laquelle – doit-on encore le garantir et le prouver ? – est impartiale et indépendante.

Beaucoup de choses ont déjà été dites. L’originalité de mon intervention tiendra peut-être au fait que j’ai décidé d’adopter le point de vue d’un citoyen lambda, d’un simple « justiciable », pour reprendre un terme juridique, et surtout pas celui d’un juriste.

Puisqu’il s’agit de rétablir la confiance du citoyen, mettons-nous à sa place ! Demandons-nous si, pour un citoyen, ce texte est effectivement de nature à garantir l’impartialité et l’indépendance de la justice, et à le prouver. La confiance ne se décrète pas : elle se construit, mais se détruit aussi rapidement. C’est un sentiment qui se fonde sur des engagements clairs, réciproques, crédibles, suffisants, mais surtout tenus, compris et accessibles.

Ce texte traite de la composition et des modalités de fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature. Qu’est-ce que le Conseil supérieur de la magistrature pour nos concitoyens ? L’instance qui juge les juges. Cette instance a donc le devoir d’être absolument irréprochable et exemplaire. Elle a une grande valeur symbolique pour le citoyen ; elle sera le vecteur de la confiance en la justice. Dès lors, il importe d’accorder le plus grand intérêt à ce texte, à la composition du CSM et à la nomination des personnalités qualifiées, comme à son fonctionnement.

Ce texte comporte un certain nombre d’avancées, il convient de le reconnaître.

La possibilité accordée au justiciable de saisir le CSM et d’y être entendu est une avancée non négligeable, malgré la lourdeur et la complexité des procédures. Ce droit existe désormais, et il faut le faire connaître afin que les gens s’en saisissent.

J’approuve également l’amélioration de la parité entre les femmes et les hommes concernant les nominations des personnalités qualifiées. Madame le ministre d’État, en tant que femmes, nous ne pouvons que nous réjouir des avancées en la matière.

La procédure d’interdiction temporaire d’exercice applicable aux magistrats ainsi que la reconnaissance de la gravité du manquement en cas de saisine disciplinaire du CSM par les justiciables sont aussi des avancées.

Le fait que le Président de la République ne soit plus le président du CSM et le garde des sceaux son vice-président est une disposition phare du texte dont la portée est à mon sens purement symbolique, ce qui ne signifie pas qu’elle soit inutile. Le symbole permet souvent, au même titre que les effets de communication, d’intéresser le citoyen à ce type de procédure. Cette disposition est donc importante, même si elle est loin d’être suffisante.

Le fait que le chef de l’État ne préside plus le CSM ne suffit pas à garantir l’indépendance du Conseil. Plusieurs orateurs ont évoqué les conditions de nomination du secrétaire général. Le Sénat avait prévu la saisine pour avis du CSM sur cette nomination, mais cette disposition ne figure plus dans le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale. Quel dommage !

J’en viens maintenant aux nominations des personnalités extérieures. Quoi qu’on en dise, elles demeurent aux mains du pouvoir politique et soumises au fait majoritaire. Ces personnalités ont pourtant un poids important au sein du CSM ; il ne faut pas les négliger. Quel dommage, encore une fois ! Pourquoi maintenir un dispositif prévoyant uniquement l’avis du pouvoir politique en place, et ce d’autant que nous ne savons pas quelles compétences ou qualités seront requises pour siéger au CSM ?

Le CSM se doit pourtant d’être exemplaire. Il est la vitrine de la transparence et de l’indépendance de la justice. Les compétences et les qualités des personnalités extérieures devraient en conséquence être définies en amont de leur nomination. En tout cas, c’est mon opinion en tant que citoyenne.

Oui, évidemment, à l’autonomie budgétaire et financière ! Initialement proposée, puis retirée du texte, elle y est réintroduite. Il faut la garantir et la maintenir.

Sans autonomie budgétaire et financière, le Conseil supérieur de la magistrature n’est pas indépendant. Or nous voulons qu’il le soit ! En effet, comme il est la vitrine, comme il est le « juge des juges », c’est à partir de sa composition et de son fonctionnement que le citoyen appréciera l’autonomie, l’indépendance et l’impartialité de la justice. Il est donc important, essentiel même, de maintenir l’autonomie budgétaire et financière du CSM.

Sur la complexité des procédures que j’ai déjà évoquée tout à l’heure, je serai brève. J’ignore s’il faut être juriste pour simplifier les choses. Toujours est-il qu’il me paraît aujourd'hui extrêmement compliqué pour un simple citoyen de trouver la bonne porte en vue de saisir le CSM.

Mme la ministre d’État fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Mais ce qui me paraît le plus important – cela a déjà été souligné tout à l’heure – et le plus sujet à caution, à discussion, voire à suspicion à propos du CSM, c’est le rôle de l’avocat.

En effet, aux termes du texte qui nous est proposé aujourd'hui, l’avocat pourra continuer d’être conseil juridique tout en siégeant au CSM. Pourquoi cette obstination ? Si le constituant a demandé qu’il y ait un avocat, il n’a pas forcément demandé qu’il soit en fonction ! On pourrait très bien imaginer un avocat honoraire. À mon sens, l’exigence du constituant portait, avant tout, sur les compétences professionnelles inhérentes à la profession d’avocat.

Nous le savons parfaitement, un avocat siégeant au CSM aura inévitablement à connaître, dans le cadre de son activité professionnelle, d’affaires impliquant des magistrats sur la carrière desquels il sera amené à se prononcer en qualité de membre du Conseil.

Pourquoi maintenir au CSM un avocat en exercice, même si on précise aujourd'hui qu’il ne pourra pas, « pendant la durée de son mandat, plaider devant les juridictions judiciaires » ? Allez donc expliquer à un citoyen lambda la subtile distinction entre le fait d’être conseil juridique et celui de plaider ! Allez lui expliquer en quoi on est plus ou moins objectif, plus ou moins partie, selon que l’on plaide ou que l’on est conseil juridique dans une autre affaire !

Pourquoi amener de la suspicion quand on affirme vouloir améliorer la transparence et la confiance ? Quel dommage ! Quel dommage, encore une fois, de ne pas aller au bout des textes, au bout de ce que l’on affirme, au bout de nos objectifs ! Quel dommage de gâcher les chances d’un réel rétablissement de la confiance, si tant est qu’il y en ait besoin, entre le citoyen et sa justice !

Il s’agit véritablement d’une obstination que, en qualité de simple citoyenne, je ne comprends pas ! Et je ne la comprendrai jamais !

À mon sens, pour rétablir la confiance entre les citoyens et une institution, le Gouvernement doit montrer l’exemple en affichant sa propre confiance à l’égard de l’institution concernée, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd'hui.

Le Gouvernement doit également être exemplaire en matière de sanctions, lorsque c’est nécessaire, voire de non-sanctions, lorsqu‘elles ne s’imposent pas. Et, qu’il y ait ou non sanction, il faut expliquer les choix. Les décisions doivent être prises en toute transparence, sans aucun corporatisme. Or le texte qui nous est proposé ne me paraît pas en apporter la garantie. Trop d’éléments laissent encore sous-entendre que l’indépendance du CSM vis-à-vis du Gouvernement n’est pas totale, n’est pas parfaite, et que ses membres peuvent ne pas disposer de l’autonomie dont ils ont besoin pour siéger.

Je reconnais que ce texte comporte quelques avancées. À cet égard, je voudrais saluer notre rapporteur, M. Jean-René Lecerf, et rendre hommage à son obstination pour maintenir, malgré tout, un certain nombre de barrières et de garde-fous. Mais parce que le mot « dommage » est trop souvent revenu au sujet du présent projet de loi organique, je voterai contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Madame la présidente, madame la ministre d’État, mes chers collègues, je centrerai mon propos sur le seul projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Ce texte est la conséquence immédiate et inéluctable du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution, dont nous venons d’entendre l’économie générale. Dès lors, il est inutile de revenir sur le Conseil en lui-même ou sur les modalités de désignation de ses membres.

À l’instar de tous ceux qui se sont exprimés ou qui vont s’exprimer, je voudrais regretter le retard pris dans l’adoption du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution.

D’ailleurs, la Haute Assemblée n’avait-elle pas été mise en garde lors de l’examen en première lecture de ce texte par notre collègue rapporteur Jean-René Lecerf sur les risques qu’entraînerait un retard de cette nature ? Dans son rapport, il écrivait notamment ceci : « La désignation du Conseil supérieur de la magistrature selon les nouvelles dispositions constitutionnelles dépend de l’adoption définitive de la présente loi organique, qui devra ensuite être soumise au Conseil constitutionnel. Si cette adoption définitive n’intervient pas avant février 2010, le mandat des membres composant actuellement le Conseil supérieur devra être prorogé. »

Février 2010 est derrière nous. L’échéance est passée, et le simple compte à rebours des délais nécessaires à la conduite des opérations électorales pour la désignation des deux collèges rend inéluctable la prorogation du mandat des membres actuels du Conseil.

Chacun s’accorde ici à regretter un tel retard, à s’étonner que le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution, pourtant déposé sur le bureau de notre Haute Assemblée dès le mois de juin 2009 – voilà près d’un an déjà –, ait tant tardé à nous revenir.

Comme nombre de nos collègues, sur toutes les travées, nous nous inquiétons de l’encombrement de l’ordre du jour du Parlement et du nombre croissant des textes qui y sont inscrits. Outre qu’ils sont inaboutis, ils sont trop souvent appelés en urgence, ce que nous dénonçons chaque fois. Et les textes réglementaires qui devraient être pris pour leur application tardent à être élaborés !

Sans épiloguer plus longuement sur un constat qui me paraît unanimement partagé, je voudrais, au nom du groupe auquel j’appartiens, et qui votera ce texte, former le vœu que le dysfonctionnement relevé aujourd'hui – il n’était malheureusement pas inédit ; faut-il rappeler le tout récent cas de la prorogation du mandat du Médiateur de la République ? – reste bien exceptionnel.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’appesantirai d’autant moins sur ces textes que les sujets en cause ont déjà fait l’objet d’un certain nombre de discussions et que nous aurons l’occasion, lors de l’examen des amendements, de revenir sur quelques-unes des remarques formulées.

Je souhaite néanmoins répondre, ne serait-ce que sommairement, à certaines observations ou critiques qui ont été émises.

Je passe rapidement sur les reproches exprimés par Mme Borvo Cohen-Seat, car nous les retrouverons, pour la plupart, dans ses amendements. Je souhaite toutefois relever un ou deux points.

Madame la sénatrice, vous avez évoqué le partage des voix en cas de décision de transmission à la formation de jugement.

Bien entendu, le problème n’est pas du tout le même lorsqu’il s’agit de la commission d’admission des requêtes. En l’occurrence, ce n’est pas un doute qui profite à l’accusé. La fonction de la commission d’admission des requêtes se limite à vérifier si les conditions objectives et précises sont effectivement remplies. C’est dire qu’il s’agit là d’une simple instance de filtre. Il est normal que la formation de jugement soit saisie en cas de partage des voix. C’est elle qui va garantir l’effectivité de la saisine du CSM par le justiciable et décider de ce qu’il en est.

La question de la désignation de l’avocat a également été abordée sous différents angles. Vous avez notamment insisté, madame la sénatrice, sur les conditions de sa nomination.

Je le rappelle, le Conseil national des barreaux représente l’ensemble des avocats. Il paraît donc normal de confier au président de cette instance, qui rassemble toutes les garanties puisqu’il est élu par les membres de ce Conseil, le soin de désigner l’avocat membre du CSM.

D’ailleurs, je rappelle que le choix sera validé par l’Assemblée nationale et le Sénat. Ne faisons pas comme s’il s’agissait de nominations abstraites ou arbitraires ! Vous exercerez tous un contrôle sur les personnalités qui seront désignées pour siéger au sein du Conseil supérieur de la magistrature.

À l’instar d’un certain nombre d’entre vous, M. Zocchetto a regretté que toutes les lois découlant de la révision constitutionnelle n’aient pas encore été soumises au vote des deux assemblées.

Pour ma part, je me suis occupée du texte dont nous débattons aujourd'hui dès mon arrivée à la Chancellerie. Mais, vous le voyez bien, même avec une véritable volonté d’accélération, ce qui était mon cas dès le départ, il faut un certain temps pour que les textes puissent être examinés.

Comme je m’y suis engagée devant la Haute Assemblée, et notamment devant M. le président de la commission des lois, ici présent, je déposerai un projet de loi sur la responsabilité pénale du Président de la République d’ici au mois de juin. Je l’ai dit, et je le ferai !

Pour autant, il est également vrai que nous sommes confrontés à une certaine lourdeur des procédures parlementaires. En outre, il y a un réel besoin de contrôle, ce qui prend du temps.

Mais tout cela ne doit pas non plus nous empêcher d’adopter un certain nombre de textes nécessaires à la modernisation de notre pays.

Notre société bouge beaucoup. Nous avons donc besoin que la France se modernise pour pouvoir faire face aux défis et concurrences de toutes sortes auxquels nous sommes confrontés. Des initiatives s’imposent dans un grand nombre de domaines.

M. Michel a immédiatement tracé le cadre en précisant d’emblée qu’il voterait contre un texte déposé en application d’une révision constitutionnelle à laquelle il s’était opposé. Dans ces conditions, nous savons les uns et les autres à quoi nous en tenir !

Pour autant, il a également formulé un certain nombre de remarques portant plus particulièrement sur le mode de désignation du secrétaire général du CSM.

Monsieur le sénateur, énormément de hauts fonctionnaires sont nommés par le Président de la République et par décret.

En outre, il y a, dans le cas précis, des garanties supplémentaires. Ce qui compte, ce n’est pas le formalisme de la nomination par décret ; ce sont les conditions de sa proposition. Or je vous rappelle que le secrétaire général est nommé sur proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette même cour.

Par ailleurs, il convient également, me semble-t-il, de relativiser les choses. Il est faux de dire que le secrétaire général joue un rôle essentiel ou déterminant au sein du CSM. Il n’a aucun pouvoir de décision ! Il assure simplement le secrétariat du CSM et il assiste les présidents des formations. Il joue donc un rôle administratif et remplit une fonction de gestion. Certes, c’est important. Ce n’est pas moi qui vous dirai que le soutien n’est pas important ! Mais il ne faut pas non plus donner à ce rôle une signification qu’il n’a pas.

Monsieur Michel, vous avez également évoqué, tout comme d’ailleurs M. Mézard, la réforme de la procédure pénale. Pour ma part, je veux bien en parler et je la défendrai ! Après tout, si j’ai pris l’initiative d’une telle réforme, c’est pour qu’elle soit la meilleure possible. Et je n’accepte pas un certain nombre de présupposés, de critiques a priori ou de critiques avec des a priori.

Mais, comme M. Gélard l’a clairement rappelé, tel n’est pas l’objet du texte que nous examinons aujourd'hui.

L’heure d’évoquer la réforme de la procédure pénale viendra, et je vous promets que nous aurons de vrais débats à cette occasion. Je vous ferai alors part de mes convictions profondes : cette réforme représente une véritable avancée pour les libertés publiques, pour la garantie de la défense, notamment parce qu’elle va considérablement renforcer les droits des victimes. Et elle permettra une meilleure administration de la justice, qui n’est pas toujours comprise de nos concitoyens aujourd'hui.

Je pense que cette réforme est porteuse d’avancées considérables. J’entends les différents acteurs de ce débat. Pour l’instant, nous sommes dans la phase de la concertation. J’en retiendrai les meilleures propositions, mais je ne transigerai pas. Je suis prête à aborder tous les débats, y compris les problèmes de statut du parquet, même si le sujet ne fait pas partie de la réforme de la procédure pénale.

En la matière, il y aurait, en effet, beaucoup à dire. Pour ma part, je suis sûre de mes convictions et de ce qu’il faut faire. Discutons-en et nous verrons, argument contre argument, qui a raison !

Monsieur Mézard, vous avez déploré que le Gouvernement ne tienne pas les délais. Soyez-en assuré, je suis la première à regretter que les textes dont j’ai la responsabilité ne soient pas examinés plus rapidement. Je regrette aussi que nous ne puissions pas en débattre plus longuement. C’est que ces textes sont nombreux, car il y a beaucoup à faire pour conforter la place et le rôle de la justice au sein de nos institutions, pour rapprocher la justice du citoyen et pour développer la confiance de ce dernier envers elle.

Mais il y a également beaucoup à faire dans d’autres domaines, et il est normal que les assemblées puissent traiter en toute sérénité de tous les sujets. Il ne me revient pas de bousculer l’ordre du jour du Parlement !

Vous avez, vous aussi, exprimé votre opposition à la réforme de la procédure pénale. Nous en reparlerons, comme je vous l’ai dit, et nous verrons bien. Au final, les parlementaires choisiront. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas très bien saisi la relation que vous faisiez entre l’affaire d’Outreau et l’indépendance du CSM. Sans doute me l’expliquerez-vous à une autre occasion.

Vous avez soulevé le problème de la nomination d’un avocat au sein du CSM et vous avez évoqué les interdictions qui lui sont faites d’exercer une partie de sa profession.

Nous aborderons ce point lorsque nous examinerons les amendements, mais il me semble qu’interdire toute activité à un avocat reviendrait à obliger le Conseil national des barreaux à désigner un avocat honoraire, ce qui ne me paraît absolument pas conforme à l’esprit du constituant. Ce n’est pas non plus ce que prévoit le texte de la Constitution. Cette restriction de lege ou implicite pourrait aboutir à une censure du Conseil constitutionnel. C’est la raison pour laquelle je n’y suis pas favorable.

Par ailleurs, vous avez regretté l’absence d’aide juridictionnelle pour les personnes qui souhaitent se plaindre du comportement d’un juge auprès du Conseil supérieur de la magistrature. Je vous rappelle que ce dernier peut être saisi par simple courrier. Il n’y a donc nul besoin d’être assisté d’un avocat. Nous avons justement voulu rompre avec toutes nos habitudes et simplifier, en la matière, la relation entre le citoyen et la justice.

M. Masson a, lui aussi, regretté les délais de mise en œuvre des textes, y compris pour les décrets d’application.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

Il est certes déjà parti, …

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

… mais je lui répondrai tout de même !

En ce qui concerne les textes dont j’ai la charge, je m’évertue aussi souvent que possible à présenter au Parlement les projets de décrets d’application en même temps que les projets de loi. Je l’ai fait à plusieurs reprises, car c’est pour moi une façon d’éclairer le Parlement. Je ne pense pas que le ministère de la justice ait beaucoup de retard en la matière. Cette critique me paraît donc parfaitement injustifiée.

Revenir sur la réforme de la procédure pénale, ce n’était pas forcément évoquer les projets de loi organique que nous examinons aujourd’hui. En tout cas, je ne saurais admettre que M. Masson parle de procureurs de la République « aux ordres ». Il s’agit d’une affirmation totalement dénuée de fondement. Elle est injurieuse à l’égard des procureurs dont la personnalité et l’image ne méritent pas de telles appréciations !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

Elle est totalement contraire à la réalité que nous constatons chaque jour. Parler de honte pour la République est plutôt honteux pour l’auteur de tels propos !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

M. Gélard nous a, comme à son habitude, fait une brillante démonstration juridique et constitutionnelle. Je l’en remercie. Il a évoqué, de même que M. Zocchetto, le problème de l’autonomie financière. Ce débat, nous l’avons déjà eu et nous l’aurons sans doute encore.

Je rappelle que la révision constitutionnelle n’a pas eu pour conséquence d’ériger le CSM en pouvoir constitutionnel, au même titre que le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République.

S’agissant d’autorités de natures juridiques différentes, il n’est pas normal d’envisager de faire figurer le budget du Conseil supérieur de la magistrature sur le même plan que le budget de ces deux autres instances.

Cela dit, mon problème n’est pas de savoir dans quelles missions seront inscrits les 2, 2 millions d’euros du Conseil supérieur de la magistrature. Mais une autonomie totale signifierait que le président du Conseil supérieur de la magistrature devrait aller défendre son propre budget devant les fonctionnaires du ministère du budget. Que pèserait-t-il alors avec ses 2, 2 millions d’euros ? Tel est le véritable problème !

Mon souci est de conserver au Conseil supérieur de la magistrature ses pouvoirs d’action, voire de rayonnement et de diffusion à l’extérieur.

Or si le budget du CSM, dont vous examinez et contrôlez le montant chaque année, reste dans un ensemble plus vaste, il sera plus facilement abondé. On ne chipotera pas sur de telles sommes si elles sont comprises à l’intérieur de la mission « Justice ». Croyez-moi, je commence à avoir quelque expérience des négociations avec l’administration du ministère du budget ! Que les crédits du CSM continuent de figurer dans la mission « justice » me paraît constituer une protection supplémentaire pour cette institution.

Nous en reparlerons tout à l’heure au sujet d’un amendement qui a été déposé. Il peut, en effet, paraître gênant que les crédits du CSM dépendent de la direction chargée d’établir les propositions de nomination sur lesquelles le CSM doit se prononcer. Peut-être pourrions-nous trouver des moyens d’éviter tout risque en la matière ? Je suis prête à en discuter avec vous. Quoi qu’il en soit, inscrire ce tout petit budget sur une ligne complètement autonome me paraît encore plus dangereux pour l’institution !

Monsieur Gélard, je pense vous avoir répondu sur la question du statut pénal du chef de l’État puisque le texte est finalisé. Comme je m’y étais engagée devant le Président de la République, il sera déposé d’ici quelques brèves semaines.

Vous avez eu, madame Klès, une démarche intéressante puisque vous avez choisi d’adopter le point de vue du non-juriste. Bien que juriste, je fais souvent comme vous lorsque je rédige des textes, car la loi est faite pour tout le monde. Cela relève du sens démocratique que de permettre à tout citoyen, même dépourvu de toute connaissance juridique, de comprendre les textes et le fonctionnement des institutions.

De ce point de vue, les projets de loi organique comportent des avancées très sensibles, y compris en termes de compréhension et de confiance entre l’institution judiciaire et le citoyen.

Par ailleurs, vous avez exprimé votre opposition sur un certain nombre de points.

J’ai déjà évoqué les raisons qui justifient les conditions de la nomination du secrétaire général et les garanties qui entourent cette nomination. Je le répète une fois encore, le secrétaire général ne joue pas un rôle essentiel. Aucune fonction décisionnelle ne lui est dévolue.

En ce qui concerne les personnalités extérieures, je vous rappelle, madame la sénatrice, un point que vous avez oublié : chacune des personnalités extérieures sera, certes, nommée par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, mais ces nominations seront désormais soumises à l’approbation des commissions des deux assemblées. Ces conditions sont lourdes et sévères, ce qui change tout ! Vous disposez donc des garanties d’indépendance que vous réclamiez.

Je ne reviens pas sur l’autonomie budgétaire et financière du CSM.

La saisine vous paraît compliquée ? Je l’ai déjà souligné, une lettre du justiciable suffit !

La place de l’avocat ? Simple membre du CSM, il ne décidera pas seul d’une nomination. C'est la raison pour laquelle son poids, que ce soit à l’intérieur de l’institution ou sur l’image diffusée à l’extérieur, ne sera pas très important.

Enfin, je remercie Mme Escoffier du vote qu’elle a annoncé. Elle a, elle aussi, parlé du retard des textes législatifs et réglementaires. Je vous confirme, madame, mon souhait que nous allions le plus vite possible, tout en respectant totalement les consultations des commissions et le temps normal de délibération des assemblées.

Je le répète, le ministère de la justice s’efforcera de toujours soumettre au Parlement les textes réglementaires soit en même temps que les projets de loi, soit dans les meilleurs délais possibles.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants pour permettre les derniers préparatifs de la retransmission par Public Sénat et France 3 des questions cribles thématiques sur le logement, point suivant de l’ordre du jour.

Nous reprendrons la discussion des présents projets de loi organique à dix-huit heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le logement.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut éventuellement être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été installés à la vue de tous.

Je rappelle que cette séance de questions cribles est diffusée en direct sur Public Sénat et sera rediffusée ce soir sur France 3. Nous serons heureux de retrouver les téléspectateurs !

La parole est à M. François Zocchetto.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, va-t-on attendre que les quartiers s’embrasent encore pour agir contre les ghettos ?

La racine du mal réside dans ces communes faites de grands ensembles d’HLM et de squares devenus terrains vagues, souvent classées en zones urbaines sensibles. Cet héritage urbain, nous devons le réformer d’urgence. Pour en venir à bout, une véritable politique de mixité en matière de logement s’impose. Je considère que le fer de lance de cette politique peut être l’accession à la propriété.

La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, a fixé des quotas en matière de logements sociaux : très bien ! Mais aucun quota équivalent n’existe pour l’accession à la propriété : c’est un problème.

Oui, c’est un problème que les communes les moins favorisées n’atteignent pas le taux de 20 % de logements sociaux en accession à la propriété, alors que tout devrait être fait pour le permettre ! Autrement dit, il faudrait poursuivre l’objectif d’avoir autant de logements sociaux au sein de la commune que de logements en accession à la propriété au sein du parc social.

Je le sais, la vente des logements HLM à leurs occupants exige de nombreuses opérations à tiroirs et, surtout, beaucoup d’énergie. De plus, comme ces logements sortent des quotas de logements sociaux, l’accession à la propriété pénalise la commune au regard des exigences de la loi SRU.

Nous avons déjà eu l’occasion de remédier à ce dernier effet pervers lors de la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi MOLLE. Son article 17 prévoyait l’intégration temporaire des logements en accession sociale à la propriété dans le décompte des logements pris en compte pour l’application de l’article 55 de la loi SRU. Malheureusement, cet article n’a pas été adopté.

Monsieur le secrétaire d’État, allez-vous présenter à nouveau une mesure de ce type ou, plus généralement, un plan en faveur de l’accession à la propriété dans les communes où la mixité sociale fait le plus défaut ?

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme

Monsieur le sénateur, votre question est absolument fondamentale. Si nous souhaitons changer la vie dans les quartiers, il faut y introduire le maximum de mixité sociale.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d’État

Comment améliorer cette mixité ? En faisant progresser le taux de propriétaires dans les quartiers. Le Gouvernement souhaite engager cette évolution avec le concours de la Haute Assemblée.

Que pouvons-nous faire ? La première action à entreprendre est une grande réforme de l’accession à la propriété, notamment en faveur des plus modestes et des familles moyennes. J’aurai l’occasion de m’exprimer tout à l’heure sur ce sujet.

La deuxième action que j’envisage – vous l’avez d’ailleurs évoquée – est la vente de logements HLM.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d’État

La vente de logements HLM est l’un des objectifs de la politique que je poursuis, …

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d’État

… parce qu’il me semble naturel que le locataire d’un logement HLM ait le droit, comme tout le monde, de devenir propriétaire de son logement.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d’État

Cette vente, importante en termes de mixité, apporte en outre au locataire un élément de sécurisation. Elle va aussi aider les organismes de logement social à constituer des fonds propres, leur permettant ainsi de développer la construction.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d’État

Aujourd’hui, les logements HLM vendus restent décomptés, pendant cinq ans, dans le fameux quota de 20 % prévu par l’article 55 de la loi SRU. Cette réponse nous paraît satisfaisante pour accélérer le processus de vente de logements HLM.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d’État

Puisque j’entends, sur certaines travées de cette assemblée, des critiques contre la vente des logements HLM, je voudrais rappeler un élément : à Roubaix, l’ensemble des partenaires sociaux – je dis bien « l’ensemble » – se sont engagés à vendre 1 % de leur parc HLM, à l’horizon de 2016, comme le souhaite le Gouvernement. Les organismes du « 1 % logement » ont pris cette décision il y a quelques jours.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d’État

De la même façon, les sept plus gros bailleurs sociaux français se sont engagés à vendre 1 % de leur parc, pour la simple raison qu’un locataire HLM a, je le répète, le droit de devenir propriétaire comme tout le monde.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d’État

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est ainsi que nous renforcerons la mixité sociale des quartiers !

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le secrétaire d’État, votre ministère paraît avoir privilégié une politique de découpage du territoire entre zones de marché « tendu » et de marché « détendu », avec la volonté de privilégier les efforts en faveur des premières, selon des critères qui nous semblent discutables. Ce type de schéma est toujours en partie arbitraire, d’autant que de fortes disparités existent souvent au sein d’un même département.

On risque ainsi de tourner le dos à une politique d’aménagement du territoire qui justifierait l’adoption d’une politique dynamique du logement dans des départements où la démographie décline, mais où l’espace est important, le taux de chômage plus faible que la moyenne, et la sécurité exemplaire.

Avez-vous l’intention de cantonner les zones « détendues » dans le logement des ménages très précaires, souvent insolvables, en fragilisant les organismes d’habitat social auxquels vous demandez de vendre le patrimoine à l’occupant ?

A contrario, dans les zones « tendues », vous favorisez les particuliers utilisant le dispositif Scellier pour investir dans l’immobilier locatif, aboutissant ainsi à une discrimination territoriale. Je puis vous dire, en tant que président d’une agglomération d’environ 57 000 habitants, que nous supportons mal de voir des citoyens aisés aller investir sur d’autres territoires relevant du dispositif Scellier. Allez-vous remédier à ce déséquilibre ?

Enfin, le doublement du prêt à taux zéro doit, à partir du 1er juillet 2010, s’appliquer uniquement aux projets labellisés BBC, destinés aux bâtiments à basse consommation. Prévoyez-vous de reporter d’au moins un an cette réforme, laissant ainsi aux professionnels le temps de s’adapter pour être en mesure de se conformer aux exigences BBC à moindre coût, ce qui permettrait le maintien de l’activité ?

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d’État

Monsieur le sénateur, notre pays connaît une réalité, l’existence simultanée de zones exposées à des tensions plus ou moins fortes en matière de logement.

Très concrètement, cela signifie que, dans certaines communes – comme la mienne, Châlons-en-Champagne dans la Marne –, le délai d’obtention d’un logement social s’établit à sept mois, alors qu’il faut attendre huit ans à Paris !

Dans certains territoires de notre pays, la demande de logements est effectivement très forte alors qu’ailleurs la situation est moins tendue. Or, le problème actuel tient au fait que notre production de logements se situe quasiment à l’inverse de cette réalité.

Permettez-moi de citer un exemple très concret : l’Auvergne. Dans cette région, nous aurons produit en 2008 un logement pour 156 habitants ; en Île-de-France, la même année, nous aurons produit un logement pour 299 habitants. Autrement dit, on construit deux fois plus de logements en Auvergne qu’en Île-de-France, alors que, chacun le sait bien, la crise du logement n’a pas la même acuité dans chacune de ces régions.

Pour autant, il ne s’agit évidemment pas de cesser de construire en Auvergne. Mais nous avons besoin de rééquilibrer la production, afin de produire plus dans les zones où la demande de logements est plus forte et moins dans celles où la demande est moindre. Nous ne souhaitons évidemment pas cantonner les territoires les plus « détendus », souvent les plus ruraux, au seul logement social ; au contraire, nous voulons que l’accession à la propriété puisse également s’organiser sur ces territoires. Nous souhaitons continuer à produire du logement social sur ces territoires, mais moins qu’aujourd’hui, pour en produire davantage là où la situation est plus tendue.

Permettez-moi de mentionner un dernier exemple chiffré : nous finançons aujourd’hui 120 000 logements sociaux – un record sur les trente dernières années ! –, mais nous avons produit 75 % de ces logements dans des zones moyennement ou faiblement « tendues ». Nous souhaitons donc réorienter la production pour l’augmenter dans les zones où la nécessité en est avérée.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jacques Mézard, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le secrétaire d'État, je ne suis pas tout à fait convaincu par votre argumentation. Vous allez faire plus dans les zones « tendues » : c’est parfait ! Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il faut faire moins dans les zones « détendues ». Or c’est ce que vous nous proposez. Et cette politique aboutira à un déséquilibre tout à fait évident, qui aggravera l’inégalité entre nos territoires.

S’agissant du dispositif Scellier, je redis très simplement que la solution retenue, consistant à exclure de son bénéfice un certain nombre de zones agglomérées, conduit les personnes qui en ont les moyens à aller investir ailleurs. C’est doublement pénalisant pour nos territoires !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur deux points : la taxe sur les logements vacants, ou TLV, et les décrets d’application de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi MOLLE.

En matière de lutte contre le logement vacant, la Haute Assemblée a examiné le 17 novembre 2009 une proposition de loi déposée par nos collègues socialistes. L’examen de ce texte nous a conduits à évoquer la taxe sur les logements vacants, dont le bilan paraît positif. Instituée en 1999, celle-ci concerne huit agglomérations de plus de 200 000 habitants, alors que notre pays compte aujourd’hui trente agglomérations de cette taille.

En réponse à une demande de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, vous vous êtes engagé, monsieur le secrétaire d’État, à réexaminer le décret fixant la liste des communes où cette taxe est instituée. Pouvez-vous nous indiquer où en sont vos réflexions, voire vos actions ?

Au sujet de la loi MOLLE, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur pour le Sénat, je note qu’à la fin du mois de mars dernier plus de soixante mesures d’application avaient été édictées. Près des deux tiers des mesures prévues ont ainsi été prises par le Gouvernement, et je tiens, vous le comprendrez bien, à saluer l’efficacité de vos services.

Toutefois, treize articles de cette loi restaient partiellement ou totalement inapplicables, à l’exemple de l’article 8, qui réforme la gouvernance d’Action Logement, l’ancien 1 % logement, ou de l’article 26, qui vise à mettre en œuvre le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, le PNRQAD.

Monsieur le secrétaire d’État, quand la loi MOLLE sera-t-elle totalement applicable ? Pouvez-vous vous engager devant la Haute Assemblée sur une édiction rapide des décrets d’application qui n’ont pas encore été publiés ?

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu

secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je voudrais vous apporter quelques éléments d’information.

Comme vous venez de le dire, je me suis engagé devant la Haute Assemblée, à l’occasion de l’examen d’une récente proposition de loi, à étudier un possible élargissement du champ d’application de la TLV.

Quelle difficulté rencontrons-nous dans ce domaine ? Dans la plupart des communes où nous souhaitons mettre en œuvre la TLV, il existe déjà une taxe d’habitation sur les logements vacants, ou THLV, dont les communes sont à l’origine. Ces deux taxes étant incompatibles, nous avons engagé un processus de concertation visant à déterminer quelle taxe serait retenue pour chacune des communes en question.

La TLV a effectivement montré son efficacité. Je m’engage donc devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, à modifier le décret fixant la liste des communes éligibles à cette taxe. Je souhaite qu’un nouveau décret, allongeant cette liste, puisse être publié avant la fin de l’année.

Par ailleurs, la loi MOLLE, composée de 120 articles, nécessitait la publication de 65 décrets. Aujourd’hui, 75 % d’entre eux sont publiés. Il nous reste précisément seize décrets à édicter : dix le seront avant l’été et les six derniers, qui doivent faire l’objet de concertation, le seront avant la fin de l’été. À cette échéance, tous les textes d’application de cette loi seront donc publiés.

Je voulais surtout préciser que les décrets les plus importants, ceux qui concernent la réforme du 1 % logement, la réforme de l’Association nationale de lutte contre la précarité, l’exclusion et le chômage sont déjà publiés. Le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés est déjà engagé. Les communes ont été choisies, et les premières conventions seront signées avant la fin du mois de juin pour que, dès cette année, les travaux puissent commencer dans ces quartiers anciens dégradés.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Dominique Braye, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Je tiens à remercier M. le secrétaire d’État de sa réponse, tout en attirant son attention sur la TLV. La discussion avec les collectivités locales sur ce sujet est tout à fait nécessaire pour que de nouvelles dispositions puissent être mises en place le plus rapidement possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Pour ma part, cher collègue, je note avec plaisir que vous avez été nommé au conseil d’administration de l’Agence nationale de l’habitat.

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Monsieur le secrétaire d’État, depuis 2007, plusieurs coups de canif ont malheureusement été portés à ce qui faisait l’efficacité du financement du logement social dans notre pays. Je pense, en premier lieu, à la décision prise en 2008 de mettre fin à la centralisation totale des collectes du livret A au sein de la Caisse des dépôts et consignations, grâce à laquelle nous étions assurés de disposer de financements pérennes pour le logement social. L’année suivante, le dispositif du 1 % logement a été victime de la mal nommée loi MOLLE, défendue par Mme Christine Boutin !

Je voudrais attirer tout particulièrement votre attention sur ce dispositif, désormais dénommé Action Logement, qui joue un rôle très précieux dans la production d’une offre de logements adaptée aux besoins. Il permet, vous le savez, de contribuer au bouclage du tour de table financier, à un moment où vous avez malheureusement été contraint de diminuer les subventions au logement social, celles-ci étant désormais fixées à 1 000 euros par logement construit dans le cadre du mécanisme de prêt locatif à usage social, le PLUS.

Partenaire financier, Action Logement est aussi un partenaire territorial. C’est l’un des principaux outils de mise en relation des besoins des salariés avec l’offre locale. Dans les zones touristiques, par exemple, les zones côtières et de montagne, il a permis de constituer une offre à destination des travailleurs saisonniers. En petite couronne parisienne, la lutte contre le déséquilibre entre emplois et logements, notamment autour de la Défense, ne peut se penser sans un partenariat étroit avec ses collecteurs. Enfin, Action Logement contribue à la sécurisation des parcours résidentiels de nos concitoyens, en particulier lorsque ceux-ci souhaitent devenir propriétaires.

Malgré cela, votre prédécesseur, Mme Christine Boutin, a jugé bon d’aller piocher dans une caisse qui n’était pas la sienne pour compenser sa propre incapacité à financer le renouvellement urbain et l’amélioration de l’habitat ! Ainsi, sur trois ans, ce sont respectivement 770 millions d’euros et 480 millions d’euros qui seront détournés de leur vocation initiale pour alimenter les budgets de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, et de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH.

La réforme de la loi MOLLE rompt donc les principes mêmes de la gestion à long terme des ressources d’Action Logement.

À Roubaix, le 31 mars dernier, vous avez-vous-même constaté, monsieur le secrétaire d’État, que la situation ne pouvait pas durer. Et vous avez dit aux partenaires sociaux que vous ne les laisseriez pas mourir. C’est le moins que l’on puisse attendre ! Mais cela ne suffit pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Concrètement, mettrez-vous fin au hold-up ? Procurerez-vous à l’ANRU et à l’ANAH un financement pérenne et public de leurs actions ? Vous présenterez-vous devant le Parlement pour discuter ces questions, comme l’article 8 de la loi de Mme Boutin vous oblige à le faire ?

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Monsieur le sénateur, vous avez raison d’insister sur l’importance d’Action Logement dans notre pays. C’est l’un des partenaires incontournables pour la construction de logements sociaux et le financement de l’accession à la propriété. C’est l’un des acteurs essentiels de notre politique du logement, comme le sont d’ailleurs les collectivités locales.

Sans cette intervention conjointe de l’État, des collectivités locales et des partenaires sociaux, nous ne pourrions mener une politique aussi ambitieuse pour le logement et, je le rappelle, battre des records en matière de financement de logements sociaux.

Vous évoquez un désengagement de l’État : il n’y en a pas ! La subvention de 1 000 euros octroyée dans le cadre du PLUS ne représente qu’une toute petite partie de l’intervention de l’État. Ces financements, que l’on appelle les aides à la pierre, s’élèvent à 500 millions d’euros sur un budget total de 10 milliards d’euros, soit 5 % de l’engagement de l’État en faveur du logement social. Si vous voulez parler du budget que nous consacrons à cette question, monsieur Repentin, il faut donc prendre en compte l’ensemble de nos financements !

Par ailleurs, nous tenons bien à assurer la pérennité d’Action Logement, tout simplement parce que, comme je l’ai déjà indiqué, il s’agit d’un partenaire essentiel de notre politique du logement.

Qu’avons-nous fait ? Action Logement disposait d’une trésorerie de 6 milliards d’euros. Nous avons considéré que la structure pouvait participer pendant trois ans à l’effort national en faveur du logement, en finançant l’ANRU et l’ANAH. Son engagement porte sur les années 2009, 2010 et 2011, et nous allons évidemment négocier, probablement dans le courant de l’année 2010 et surtout en 2011, les nouveaux emplois des fonds collectés pour les trois années suivantes. Comme nous souhaitons bien évidemment pérenniser cet apport essentiel des partenaires sociaux au financement du logement social, nous tiendrons compte, dans ce cadre, de la condition et de la situation financière d’Action Logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Thierry Repentin, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

M. Thierry Repentin. Monsieur le secrétaire d’État, je n’espérais pas vous entendre dire ici qu’il serait totalement mis fin à cette ponction et qu’Action Logement retrouverait la somme de 1, 5 milliard d’euros que vous avez décidé de lui ponctionner pendant trois ans. Quoique, on peut toujours espérer…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Cela étant dit, ce sujet mérite discussion, car nous avons besoin d’Action Logement pour accompagner les politiques publiques de l’État et les actions engagées par le secteur de l’habitation à loyer modéré, le secteur HLM. Celui-ci a d’ailleurs fait un effort sans précédent en 2009. C’est aussi grâce à lui que 120 000 logements vont se construire dans notre pays.

J’ajouterai brièvement, monsieur le président, que je me réjouis de voir une proposition de loi socialiste, rejetée il y a moins d’un an, trouver aujourd’hui un écho favorable, y compris dans les rangs de la majorité. Il faut dire que le produit de la taxe sur les logements vacants alimentera les caisses de l’ANAH, dont le nouveau président figure parmi nos collègues membres de la majorité présidentielle.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La joie est donc partagée et le duo est parfait !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Monsieur le secrétaire d’État, depuis que vous êtes au pouvoir, vous n’avez eu de cesse d’annoncer monts et merveilles pour le logement. Loin du mirage d’une France de propriétaires, toutes vos politiques ultralibérales ne font, en réalité, qu’accroître les difficultés d’accès au logement, avec une baisse continue de l’intervention publique dans ce secteur.

Rien n’est fait pour assurer le fameux droit au logement opposable, le DALO. Et, bien au contraire, l’augmentation des loyers, conjuguée à la fin de la trêve hivernale, annonce une reprise exponentielle des expulsions locatives, qui, par centaines, touchent des familles reconnues prioritaires par les commissions de médiation instaurées dans le cadre du DALO.

Ainsi, chaque année, plus de 100 000 décisions de justice d’expulsion locatives sont prononcées et plus de 10 000 expulsions réalisées avec l’aide de la puissance publique.

Dans un contexte économique dégradé où l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, prévoit 1 million de chômeurs supplémentaires en fin de droits cette année, le Gouvernement ne peut pas considérer ces milliers de locataires en difficulté comme de mauvais payeurs. Ils sont bien, au contraire, les victimes d’une crise financière et économique dont ils ne sont en rien responsables.

Pour cette raison et parlant de « dysfonctionnement de l’État », le comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable vient d’adopter une motion demandant aux pouvoirs publics de mettre fin aux expulsions de personnes reconnues prioritaires pour un relogement.

Au lieu de prendre les mesures préventives et les mesures d’accompagnement nécessaires et urgentes, le Gouvernement, comme unique réponse à ce drame social et humain, a mis en place un numéro téléphonique dénommé « SOS loyers impayés » et organisé la création d’un dispositif d’assurance au bénéfice des propriétaires, le dispositif de garantie des risques locatifs.

Vous posant ainsi en défenseur exclusif du droit de propriété, vous donnez quitus à tous les abus des bailleurs privés, sans prévoir la moindre contrepartie pour les locataires, qui subissent non seulement les loyers les plus chers de notre histoire – la Confédération nationale du logement prévoit une hausse de 2 % cette année –, mais doivent aussi affronter l’érosion de leur pouvoir d’achat.

En écho aux demandes unanimes des associations, nous vous demandons donc, monsieur le secrétaire d’État, le gel des loyers et un moratoire immédiat sur les expulsions locatives, qui sont une pratique barbare d’un autre temps !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Madame le sénateur, je le réaffirme devant vous aujourd’hui, je suis défavorable au moratoire sur les expulsions.

D’abord, je crois au droit de propriété, droit fondamental, constitutionnel, reconnu par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et je veux le défendre. Mais surtout, je considère que le moratoire est contreproductif. En effet, si le message adressé aux propriétaires privés consiste à leur expliquer qu’ils ne pourront plus récupérer leur logement en cas d’impayés ou en cas de dégradation très forte de celui-ci, nombre d’entre eux ne voudront plus louer à personne. Je ne crois pas que cet effet contreproductif soit souhaitable !

En revanche, nous pouvons faire beaucoup plus en matière de prévention des expulsions.

Qu’avons-nous fait dans ce domaine ?

Premier élément de prévention, nous avons mis en place des commissions départementales réunissant l’ensemble des partenaires, dans l’idée non pas de créer des commissions supplémentaires, mais de tenir compte du vrai risque auquel nous faisons face aujourd’hui. Ce risque est lié au fait que les décisions d’expulsion locative sont, pour la plupart, prises très tardivement, lorsque plusieurs milliers d’euros de dettes sont accumulés. Ce n’est qu’au bout d’un an, dix-huit mois, voire deux ans d’impayés que les services sociaux interviennent !

Nous souhaitons que ces interventions puissent avoir lieu dès le premier mois d’impayé. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place ces commissions départementales et le numéro vert « SOS loyers impayés ».

Second élément de prévention, la garantie des risques locatifs, que vous décriez, et qui a été mise en place, je vous le rappelle, à la demande des partenaires sociaux. Cet outil va nous permettre de prévenir les expulsions puisque les partenaires sociaux ont souhaité que, dès le premier mois d’impayé, non seulement l’assurance puisse intervenir, afin de garantir au propriétaire que son loyer lui sera payé, mais également que les services sociaux d’une structure associative soient alertés pour qu’ils puissent, eux aussi, intervenir le plus tôt possible.

Voilà notre politique. Elle est humaine et je pense qu’elle sera beaucoup plus efficace qu’un moratoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Odette Terrade, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Bien évidemment, vos réponses, monsieur le secrétaire d'État, ne peuvent nous satisfaire.

Vous invoquez le droit de propriété, bien ! Mais que faites-vous du droit des locataires, lesquels ne sont d’ailleurs pas tous logés dans le secteur privé ? Votre majorité ne se donne pas les moyens de mettre en œuvre le droit au logement pour tous, partout, qui est pourtant un principe constitutionnel. Considérer le logement comme une simple marchandise ne peut que se solder par des dérives.

Faut-il vous rappeler que le Président de la République, en 2007, avait soutenu la mise en œuvre des subprimes, avec le succès que l’on connaît depuis ?

La crise que nous traversons devrait vous contraindre à revoir votre copie. Le logement ne doit pas rester une manne de spéculation en dehors de toute exigence sociale. Alors que la construction de un million de logements pourrait permettre de créer deux millions d’emplois dans le bâtiment sur un an, il est urgent de déclarer le logement grande cause nationale.

Pour ce faire, nous, au groupe CRC-SPG, nous nous prononçons pour un véritable service public du logement, adossé à un pôle public financier afin de garantir ce droit élémentaire au logement pour tous, qui devrait être effectif au XXI e siècle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez annoncé, voilà plusieurs semaines, une remise à plat des aides fiscales à l’accession à la propriété.

Dans une récente interview à la presse, vous déclariez : « Il existe cinq produits : l’épargne logement, l’aide personnalisée à l’accession, le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunts, le Pass-Foncier et le prêt à taux zéro. Aujourd’hui, en raison de la crise, ces outils sont peu lisibles, inefficaces et très coûteux. Nous devons nous concentrer sur des produits dont l’efficacité est avérée. L’État dépense 7 milliards d’euros par an pour aider les ménages à devenir propriétaires. Nous pouvons faire mieux en dépensant moins ».

Je partage absolument votre point de vue, monsieur le secrétaire d'État ; cependant, je souhaiterais en savoir un peu plus.

Il semblerait que le projet de transformation du crédit d’impôt de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », en un mécanisme qui viendrait abonder directement l’apport personnel des candidats à l’accession, déjà discuté à l’Assemblée nationale et au Sénat lors de la dernière loi de finances, soit en bonne voie. Mais au-delà de cette mesure, importante financièrement puisqu’elle représenterait 1 milliard d’euros, j’aimerais savoir quelles sont vos intentions et, plus généralement, celles du Gouvernement.

Plus précisément, votre objectif est-il quantifié en termes d’économies budgétaires ?

La mise à plat de ces aides à l’accession s’accompagnera-t-elle d’une réévaluation à la hausse ou à la baisse des aides à l’investissement locatif : réduction d’impôt au titre du dispositif Scellier, régime de loueur en meublé non professionnel ?

Comptez-vous utiliser l’opportunité offerte par l’arrivée à échéance de certains dispositifs comme le Pass-Foncier, qui s’achève à la fin de 2010 ou le prêt à taux zéro, dont le doublement s’arrêtera en juin prochain, pour présenter ces nouvelles mesures ou attendrez-vous la prochaine loi de finances ?

Comment, enfin, comptez-vous assurer la cohérence entre vos propositions fiscales sectorielles et la réflexion globale menée par le ministre du budget sur la réduction des niches fiscales, qui vise désormais, d’après ce qui nous a été annoncé, une économie de 4 milliards à 6 milliards d’euros ?

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Monsieur Dallier, nous avons en France non pas cinq mais douze produits d’accession à la propriété et les cinq principaux, que vous avez rappelés, représentent une dépense pour le budget de l’État d’environ 7 milliards d'euros. Mais la question qu’on doit tous se poser, c’est de savoir si ces dispositifs sont efficaces. Sont-ils simples, lisibles ? Remplissent-ils leur rôle ?

Aujourd'hui, j’ai le sentiment qu’une partie d’entre eux ne sont pas suffisamment efficaces au regard du coût budgétaire très important qu’ils représentent.

Nous souhaitons donc mettre en œuvre une réforme qui nous permette de disposer d’outils qui soient le plus simple possible et en nombre limité, afin de donner de la lisibilité à l’accession à la propriété.

Nous souhaitons également des outils plus puissants permettant de « resolvabiliser » les classes moyennes. Vous savez comme moi que, depuis une bonne dizaine d’années, notamment en Île-de-France, la flambée des prix de l’immobilier a eu pour conséquence d’empêcher bon nombre de familles des classe dites moyennes d’accéder à la propriété.

Nous souhaitons aussi, bien évidemment, participer à la sortie de crise : un nouvel outil beaucoup plus efficace, c’est de la construction supplémentaire, donc plus de croissance et de nouveaux emplois pour notre pays.

Voilà les objectifs que nous visons dans le cadre de la réforme que j’ai annoncée et pour laquelle j’ai engagé une concertation.

En matière de calendrier, je précise que nous inscrirons, dans le projet de loi de finances pour 2011, de nouveaux produits d’accession à la propriété. En effet, un certain nombre de produits, tels que le Pass-Foncier ou le doublement du prêt à taux zéro, arrivent à échéance et nous souhaitons profiter de la fin de ces produits pour inscrire dans le calendrier gouvernemental, au 1er janvier 2011, de nouveaux dispositifs plus efficaces.

Enfin, nous n’avons pas l’intention de modifier les dispositifs d’investissement locatifs pour 2011. Nous l’avons déjà fait les deux dernières années, notamment en « verdissant » le dispositif Scellier, et nous n’avons pas l’intention d’aller plus loin en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le secrétaire d'État, nous attendrons donc la loi de finances pour 2011, mais j’insiste sur le calendrier parce que toute annonce sur des dispositifs de cette nature suscite des interrogations et pourrait effectivement freiner la reprise que l’on sent poindre. Les gens attendent un dispositif plus favorable pour investir, ce qui peut tout à fait se comprendre, et il ne faudrait pas retarder cette reprise que tout le monde appelle de ses vœux.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en février dernier, la fondation Abbé Pierre présentait son quinzième rapport annuel et nous rappelait, si besoin en était, que l’un des besoins fondamentaux des personnes – on retrouve cette préoccupation dans les différents sondages effectués, après celle de l’emploi – est de pouvoir vivre en sécurité dans un logement décent.

Dans le contexte de crise économique et sociale que nous connaissons, ce sont aujourd’hui près de 2 millions de personnes qui sont en difficulté de paiement de leurs loyers et 500 000 dans une situation d’impayés effectifs. Pourtant, 2009 a été la dernière année du plan de cohésion sociale qui servait de base à la programmation des aides à la pierre depuis 2005. À ce jour, aucun programme pluriannuel n’oriente et ne prévoit les crédits de l’État pour le logement.

À cela, nous devons ajouter la disparition du financement PALULOS, autrement dit la prime à l’amélioration des logements à utilisation locative et à occupation sociale, malgré les préconisations qui sont faites dans le cadre du Grenelle pour réhabiliter les logements sociaux.

En conséquence, une partie du patrimoine à réhabiliter ne peut plus prétendre au financement de l’État et, pour l’année 2010, la programmation se réalise encore dans le cadre complémentaire du plan de relance de l’économie.

En ce qui concerne l’avenir, et cela a été évoqué par mon collègue Thierry Repentin, nous sommes pour le moins inquiets : après avoir fait un hold-up sur les sociétés anonymes, vous organisez maintenant un racket en trois temps sur le 1 % logement. Or vous savez très bien que quatre organismes collecteurs seront dans le rouge à la fin de l’année et vingt le seront à la fin de 2011 !

En janvier dernier, le Gouvernement a fait connaître les objectifs par région. Dans ma région, nous avons constaté une diminution de la dotation initiale régionale, qui n’est que la conséquence de la baisse du montant moyen des subventions par type de financement.

Nous souhaitons donc connaître vos orientations en ce qui concerne les aides à la pierre et le calendrier que vous envisagez, point qui a été évoqué par notre collègue Philippe Dallier.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur Raoul, vous avez raison, le plan de cohésion sociale, voulu et voté par l’actuelle majorité, nous a permis de rattraper le retard qui avait été pris lorsque la gauche était au pouvoir.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Je vous rappelle que, lorsque M. Jospin était Premier ministre, le financement couvrait 40 000 logements sociaux par an. Avec le plan de cohésion sociale, 500 000 logements ont été financés en cinq ans. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.), dont 120 000 l’année dernière, un record depuis trente ans, trois fois plus que lorsque vous étiez au gouvernement !

Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Il est vrai que le plan de cohésion sociale a pris fin en 2009. Nous allons continuer notre effort en 2010, en finançant, comme nous l’avons prévu, 140 000 logements sociaux, un nouveau record ! C’est avec l’ensemble des collectivités locales et avec les acteurs du monde HLM que nous arriverons à atteindre cet objectif.

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, la réalité est la suivante : de votre côté, 40 000 logements par an, du nôtre, 120 000. Voilà ce que vous appelez le désengagement de l’État ! Manifestement, nous n’en avons pas la même définition !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le secrétaire d'État, vous n’en serez pas étonné, vous n’avez pas réussi à me convaincre.

Prenons l’exemple de mon agglomération : la programmation pour 2010 était de 2 172 logements ; or, la dotation initiale, qui est régionale et territorialisée, ne permet d’en financer que 1 030, soit la moitié.

En relançant la politique du logement, vous pourriez atteindre deux objectifs à la fois : créer des logements et relancer le secteur du bâtiment, qui en a bien besoin. En tant que président de commission d’appel d’offres, je constate que les entreprises « ont faim », en particulier dans le bâtiment, le gros œuvre et les voiries et réseaux divers.

Il aurait été bien plus efficace d’utiliser une partie des milliards d’euros du grand emprunt, au lieu de s’en servir pour financer des dépenses fiscales sur les remboursements d’emprunts, lesquelles ne produisent qu’un effet d’aubaine pour les investisseurs sans créer un seul logement supplémentaire.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Giudicelli

Monsieur le secrétaire d'État, mon intervention sera très brève, car vous avez déjà répondu avec une grande précision aux questions que j’avais prévu de vous poser.

Je souhaitais vous interroger sur les différents dispositifs existants et sur les mesures que vous comptiez prendre pour simplifier et augmenter l’accession à la propriété. En 2009, les chiffres n’ont pas été extraordinaires, avec 35 500 accessions, soit un recul de 20 % par rapport à 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Giudicelli

Je m’en tiendrai donc à une seule interrogation : dans quels délais estimez-vous que le Gouvernement réussira à remplir l’objectif fixé par le Président de la République d’arriver à ce que deux tiers des Français soient propriétaires ?

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Madame le sénateur, je peux vous l’assurer, nous croyons en une France de propriétaires et nous souhaitons ardemment remplir l’engagement présidentiel.

Aujourd'hui, 57 % de nos compatriotes sont propriétaires. L’objectif est effectivement de porter ce chiffre aux deux tiers parce que la propriété est un élément sécurisant pour une famille, le rêve de la plupart des Français et une façon de préparer sa retraite.

Je l’ai évoqué tout à l’heure en répondant à la question de votre collègue Philippe Dallier, nous souhaitons réformer l’ensemble des outils d’accession à la propriété pour créer un instrument plus lisible et efficace, qui permette de « resolvabiliser » les classes moyennes. En effet, c’est en permettant à celles-ci de devenir propriétaires que nous pourrons répondre à leur attente et remplir l’objectif présidentiel de deux tiers de propriétaires.

Aujourd'hui, nous avons douze outils, dont cinq représentent un engagement financier de l’État de l’ordre de 7 milliards d'euros par an. Je reste convaincu que nous pouvons faire beaucoup mieux, être plus efficaces qu’aujourd'hui, tout en faisant des économies budgétaires.

Je vous rappelle que, en 2009, 217 000 familles françaises ont pu accéder à la propriété, dans l’ancien et dans le neuf, grâce au prêt à taux zéro. Ce chiffre s’élève à 250 000 si l’on prend en compte l’ensemble des dispositifs existants. Nous souhaitons faire beaucoup plus, en particulier au bénéfice des classes moyennes sur l’ensemble du territoire.

Enfin, je voudrais vous indiquer que nous associerons bien évidemment, dans le cadre des discussions budgétaires de l’automne, le Parlement à cette réforme, laquelle doit être mise en œuvre dès le 1er janvier prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie, ainsi que nos collègues, d’avoir participé à cette séance de questions cribles consacrée au logement, qui est un problème important pour nombre de nos concitoyens.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Roger Romani.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au Grand Paris.

La liste des candidats établie par la commission spéciale chargée d’examiner ce projet de loi a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean-Paul Emorine, Jean-Pierre Fourcade, Laurent Béteille, Yves Pozzo di Borgo, Mme Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Caffet et Mme Éliane Assassi ;

Suppléants : MM. Roger Romani, Christian Cambon, Jacques Gautier, Dominique Braye, Serge Lagauche, David Assouline et Mme Françoise Laborde.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

J’informe le Sénat que le groupe de l’Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la place laissée vacante par M. Michel Thiollière, dont le mandat de sénateur a cessé.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

(Textes de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Nous reprenons la discussion du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution et du projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

La discussion générale commune a été close.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Nous passons à la discussion des articles du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution.

Je rappelle que, aux termes de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

Chapitre IER

Dispositions modifiant la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature

Après l’article 5 de la même loi organique, sont insérés deux articles 5-1 et 5-2 ainsi rédigés :

« Art. 5-1. –

Non modifié

« Art. 5-2. – Les nominations des personnalités qualifiées par chacune des autorités mentionnées à l’article 65 de la Constitution concourent, dans chaque cas, à une représentation équilibrée des hommes et des femmes. Elles sont soumises, dans les conditions prévues par cet article, à la commission permanente compétente en matière d’organisation judiciaire de chaque assemblée. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 11, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 5 -1. - L'avocat qui siège dans les trois formations du Conseil supérieur de la magistrature est élu par l'assemblée générale du Conseil national des barreaux.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet amendement vise à modifier les conditions dans lesquelles l’avocat est désigné au CSM.

Même si la commission des lois a amélioré le texte en première lecture en précisant que la désignation de l’avocat se ferait par le président du Conseil national des barreaux après « avis conforme » de l’assemblée générale de ce conseil et non après « avis simple », il nous paraît plus légitime et plus cohérent que celui-ci soit élu par ses pairs.

Il est important de surcroît de conférer à ces personnalités l’autorité qui leur revient afin qu’elles exercent au mieux le rôle qui leur est imparti. Une démarche qui les placerait sur un pied d’égalité avec le conseiller d’État membre du CSM, qui, lui, est élu par l’assemblée générale du Conseil d’État, serait préférable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Un amendement identique a été rejeté par le Sénat en première lecture.

Il nous semble que le choix de l’élection n’apporterait pas plus de garanties que la procédure d’avis conforme actuellement retenue, qui s’apparente à une ratification par l’assemblée générale du choix du président.

En outre, l’élection présenterait des inconvénients non négligeables liés tant à la nécessité d’organiser une campagne électorale qu’au risque évident de déstabilisation du président du Conseil national des barreaux.

C’est pourquoi il semble préférable de conserver la procédure proposée par la commission en première lecture, qui a été adoptée tant par le Sénat que par l’Assemblée nationale.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Le Gouvernement est du même avis que la commission pour les raisons que j’ai fournies tout à l’heure en réponse aux orateurs. Je ne vais donc pas les reprendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Nous voterons cet amendement.

Monsieur le rapporteur, le président du Conseil national des barreaux sera encore plus déstabilisé si l’assemblée générale n’émet pas un avis conforme. Le résultat sera pire que s’il y avait eu élection. D’ailleurs, je me demande pourquoi, en démocratie, on a tellement peur d’une élection.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

On marche sur la tête : les membres du Conseil d’État seront élus par l’assemblée générale du Conseil d’État alors que les membres du barreau ne pourront pas être élus par l’assemblée générale du Conseil national des barreaux ! Je n’y comprends vraiment plus rien, à moins que l’on ne soit revenu à des temps anciens que je croyais à jamais révolus…

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Les deux derniers alinéas de l’article 6 de la même loi organique sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Aucun membre ne peut, pendant la durée de ses fonctions, exercer la profession d’officier public ou ministériel ni aucun mandat électif ni, à l’exception du membre désigné en cette qualité en application du deuxième alinéa de l’article 65 de la Constitution, la profession d’avocat. Ce dernier ne peut toutefois, pendant la durée de son mandat, plaider devant les juridictions judiciaires.

« La démission d’office du membre du Conseil supérieur qui ne s’est pas démis, dans le mois qui suit son entrée en fonctions, de la fonction incompatible avec sa qualité de membre est constatée par le président de la formation plénière, après avis de cette formation. Il en est de même pour le membre du Conseil supérieur qui exerce en cours de mandat une fonction incompatible avec sa qualité de membre.

« Les règles posées à l’alinéa précédent sont applicables aux membres du Conseil supérieur définitivement empêchés d’exercer leurs fonctions. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 12, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2 :

I. - Première phrase

Supprimer les mots :

, à l'exception du membre désigné en cette qualité en application du deuxième alinéa de l'article 65 de la Constitution,

II. - Seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’alinéa 2 de l’article 4 vise à autoriser l’avocat à continuer d’exercer sa profession pendant la durée de son mandat.

Nous considérons qu’il n’est pas possible que l’avocat, membre du CSM, puisse continuer à exercer, car cela risque d’entraîner un conflit d’intérêt préjudiciable à l’impartialité des décisions du CSM, notamment en matière disciplinaire. L’avocat devrait donc mettre ses activités entre parenthèses durant ce temps, madame le garde des sceaux.

Si l’on se réfère à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, il nous apparaît totalement contraire aux règles du procès équitable que l’avocat, membre du CSM, puisse être conduit à plaider devant un magistrat sur l’avenir duquel il aura à se prononcer pendant son mandat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Un amendement identique a également été présenté en première lecture.

Cette proposition tend à interdire à l’avocat nommé membre du Conseil supérieur de la magistrature d’exercer sa profession pendant toute la durée de son mandat. Elle va donc plus loin que la solution adoptée par le Sénat en première lecture.

La commission a rétabli en deuxième lecture la seule interdiction de plaider. Elle a ainsi pris acte de la position exprimée en première lecture par l’Assemblée nationale. Une telle interdiction ne vaudra que devant les juridictions judiciaires. Plaider devant les juridictions administratives restera donc possible à l’avocat membre du Conseil supérieur de la magistrature.

En outre, la commission a renoncé à rétablir l’interdiction d’agir en tant que conseil juridique d’une partie engagée dans une procédure.

Aller beaucoup plus loin, comme le préconisent nos collègues du groupe CRC-SPG, ferait courir un risque élevé d’inconstitutionnalité. En effet, pourquoi le constituant aurait-il exigé la présence d’un avocat au CSM si c’était pour le voir dépouiller de l’ensemble de ses attributions professionnelles ?

La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 17, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme la ministre d'État, pour présenter cet amendement et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 12.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 12 pour les raisons que la commission vient d’expliquer et que j’avais développées en première lecture.

L’amendement n° 17 vise à revenir à la rédaction initiale du projet de loi, qui est, me semble-t-il, la seule véritablement conforme à la volonté du constituant. Si le constituant avait souhaité la présence au sein du CSM d’un avocat honoraire ou d’un avocat en disponibilité plutôt que celle d’un avocat de plein exercice, il l’aurait précisé.

Pour être parfaitement en conformité avec les intentions du constituant, il faut donc permettre à l’avocat de plaider devant les juridictions judiciaires, à condition bien entendu que celui-ci respecte certaines règles déontologiques qui existent et qui imposeront les restrictions nécessaires. Par ailleurs, si la rédaction de la commission était maintenue, il y aurait deux poids, deux mesures, puisque l’avocat pourrait tout de même plaider devant les juridictions administratives.

De plus, je rappelle que l’avocat n’est pas décisionnaire dans cette instance, puisqu’il sera un membre parmi d’autres.

J’ai noté les avancées qui ont été apportées par la commission, et je l’en remercie. Mais, soyons logiques, c’est un avocat de plein exercice qui doit être nommé, car le constituant a voulu ouvrir le CSM aux professionnels dans leur plein exercice.

Je le répète, une restriction comme celle qui est prévue par la commission risque d’être censurée par le Conseil constitutionnel, car elle amoindrit vraiment la réforme constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

C’est l’un des points sur lesquels le Gouvernement et la commission ne sont pas totalement en harmonie.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire en première lecture, il est extrêmement important que la justice non seulement soit juste, mais également qu’elle présente toutes les apparences de la justice et de l’impartialité. Or une hypothèse me gêne : un avocat, membre du Conseil supérieur de la magistrature, pourrait être amené à plaider devant un magistrat alors qu’il devrait se prononcer sur la carrière de ce dernier dans le cadre de ses compétences en matière de nomination.

Je rappelle que les membres du Conseil supérieur de la magistrature ont à connaître d’environ 8 000 situations, ce nombre correspondant à celui de l’ensemble des magistrats. Toujours dans l’optique de cette apparence de justice, je me mets à la place du client de l’avocat non membre du CSM, qui verra son adversaire défendu par un membre de cette instance plaidant devant un magistrat sur la carrière duquel il aura à se prononcer. Il aura toujours l’impression, même si c’est totalement faux, que la justice n’a pas été rendue de façon totalement impartiale.

J’ai été très attentif aux propos de Mme Klès selon qui, pour un citoyen lambda, le Conseil supérieur de la magistrature est le juge des juges et doit, par conséquent, être au-dessus de tout soupçon. Dans l’hypothèse visée, ce ne serait plus le cas.

S’agissant de la juridiction administrative, la situation est différente puisque l’avocat membre du CSM ne sera jamais amené à se prononcer sur la carrière d’un magistrat administratif. Et ce n’est pas faire offense aux magistrats administratifs, car l’époque est révolue où un Premier ministre pouvait dire qu’il n’y a pas de magistrature administrative, mais seulement des fonctionnaires qui exercent le métier de juge.

Les autres arguments avancés n’emportent pas non plus ma conviction.

Quelle est l’exigence constitutionnelle ? La désignation d’un avocat. Elle est satisfaite dès lors que le titulaire du poste a bien cette qualité au jour de sa désignation et ne la perd pas au cours de son mandat.

La désignation d’un avocat honoraire n’est pas obligatoire mais elle est possible au sein du CSM. À titre de comparaison, nul ne conteste la légitimité à siéger au Conseil supérieur de la magistrature de magistrats qui auraient demandé un détachement ou une décharge partielle d’activité. Ils n’en resteraient pas moins magistrats.

La situation a souvent également été comparée à celle du ministère public. Certains ont relevé qu’un magistrat du parquet membre du Conseil supérieur de la magistrature pouvait aussi être partie à l’instance. Mais le cas d’un tel magistrat, intervenant au nom de l’intérêt général, représentant de la société, me paraît radicalement différent de celui d’un avocat – j’ai le plus grand respect pour cette profession – au service de son client qui le rémunère.

Le risque d’inconstitutionnalité soulevé ne m’a donc pas convaincu.

Au demeurant, d’autres risques existent. Si l’on permet à l’avocat de plaider, les parties risquent d’intenter une procédure de récusation du juge. Des recours pourraient être déposés devant la Cour européenne des droits de l’homme en vertu du droit à un procès équitable et de l’impartialité de la justice.

La commission des lois du Sénat, sans se rallier à la position de l’Assemblée nationale, n’a cependant pas voulu en faire fi. Elle a essayé de retenir une juste mesure en permettant à l’avocat d’exercer l’essentiel de sa profession tout en ne heurtant pas de front le principe de l’impartialité.

Certains soutiennent que l’avocat choisi peut souhaiter continuer à exercer l’intégralité de ses fonctions. Mais il va être membre de la formation du siège, de la formation du parquet, de la formation plénière. Or – pardonnez-moi, mes chers collègues, cette remarque un peu terre à terre – il percevra au titre de l’exercice de son mandat une certaine indemnité, certes pas excessivement élevée mais égale, voire supérieure, à celle d’un humble parlementaire. Si cet avocat ne peut pas exercer pleinement sa fonction d’avocat, ce sera la conséquence du choix qu’il aura fait d’être membre du Conseil supérieur de la magistrature.

Madame le ministre d’État, j’en suis navré, mais la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Le constituant a réellement voulu désigner un avocat en activité et non une personne ayant suivi des études pour devenir avocat ou ayant exercé cette profession. Un avocat est inscrit au tableau et, quand on est inscrit au tableau, on exerce, de façons extrêmement variées, la profession d’avocat. Si on n’est plus inscrit au tableau, on n’est plus avocat. Même les avocats honoraires y sont inscrits. L’amendement n° 12 ne me paraît donc absolument pas recevable.

Par ailleurs, l’avocat ne doit pas se trouver dans une situation de conflit d’intérêts. Cette question se pose de la même façon pour les autres membres du CSM, notamment les magistrats, pour qui le conflit d’intérêt peut se manifester lorsqu’ils ont à se prononcer sur la nomination de l’un de leurs collègues.

J’avoue mon embarras face à cette question, qui est plus une question de principe que de pratique. Que va-t-il en réalité se passer ? Le président du Conseil national des barreaux ne désignera pas un avocat débutant, mais un avocat très expérimenté. Je n’ai aucune crainte en la matière. Je suis sûr que les personnalités désignées seront déontologiquement irréprochables.

Par ailleurs, je constate que l’approche de la commission des lois a beaucoup évolué. En première lecture, elle estimait que l’avocat ne pouvait pas exercer sa profession. Aujourd’hui, elle considère qu’il peut le faire, sans toutefois pouvoir plaider devant les juridictions judiciaires. Est-il nécessaire de maintenir cette interdiction ? Je ne sais pas. Je suis enclin à suivre la position de la commission, ayant participé à ses travaux, mais je ne suis pas certain que nous ayons raison : cette décision aboutirait à réserver un traitement spécifique à un membre du CSM, alors que l’on n’interdit pas aux magistrats de faire partie d’une formation de jugement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Je suivrai la commission pour une raison simple. Les parlementaires avocats ont une obligation particulière : ils ne peuvent pas plaider contre l’État. Cela fait partie des incompatibilités prévues. C’est la raison pour laquelle je n’estime pas contraire à la Constitution la rédaction de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

M. Adrien Gouteyron. Peut-on s’exprimer sur un sujet aussi délicat qui relève de la compétence de la commission des lois ? Je m’y engage avec prudence et hésitation.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

J’ai beaucoup apprécié l’intervention de notre collègue François Zocchetto, qui a bien analysé la situation et balayé le champ intellectuel que couvre cet amendement.

Je suis sensible à quelques idées simples, notamment au fait que, si le constituant a souhaité la présence d’un avocat, c’est celle d’un professionnel de plein exercice. Or comment un avocat qui ne peut pas plaider devant les juridictions de l’ordre judiciaire pourrait-il être un avocat de plein exercice ?

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis également sensible au risque de stigmatisation d’une profession. Comme l’a indiqué François Zocchetto, on ne se méfie pas des magistrats membres du CSM. On ne leur impose pas de conditions particulières, contrairement à l’avocat. Est-ce normal ?

Bien qu’étant hésitant, je vais suivre le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’ai été rapporteur du texte portant révision de la Constitution : ne faisons pas dire aux travaux préparatoires ce qu’ils n’ont pas dit ! On a parlé d’un avocat, c’est tout. On n’a pas mis de conditions.

Un magistrat peut être amené à se déporter en cas de problème, mais ce sera ponctuel.

L’avocat, quant à lui, s’il peut plaider partout, pourra plaider devant des magistrats alors qu’il devra ensuite se prononcer sur leur avancement. Là, un problème se pose.

Par rapport aux autres membres du Conseil supérieur de la magistrature, sa situation est particulière et doit donc être traitée en tant que telle, ce qu’a essayé de faire la commission des lois.

Ajouter cet avocat, c’était d’ailleurs une bizarrerie, même si rien ne l’interdisait. D’aucuns ont soutenu que d’autres professions judiciaires auraient pu être représentées…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Notamment les professeurs de droit, qui ont toujours été au Conseil supérieur de la magistrature !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il y en aura toujours ! Mais on ne les a pas mentionnés spécifiquement, ce que regrette le doyen Gélard.

Quoi qu’il en soit, je le répète : ne faisons pas dire à la Constitution ce qu’elle ne dit pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Le débat prend un tour surréaliste. Les magistrats qui siègent au sein du CSM ne sont pas dans la même situation que l’avocat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Ils font partie de la commission d’avancement, se prononcent sur le tableau d’avancement et jugent leurs collègues, comme les membres de toute commission paritaire de la fonction publique, même s’ils ne sont pas fonctionnaires.

L’avocat, rétribué par ses clients, exerce, lui, une profession libérale. Il plaide devant un magistrat. Lorsqu’il devra examiner le cas de ce magistrat au sein du CSM, il pourra avoir telle ou telle opinion. Ne faisons pas d’amalgame !

Par conséquent, je suivrai la position de sagesse de la commission des lois et de son président.

M. Zocchetto s’est contredit lui-même. Il dit que « le constituant a voulu désigner un avocat en activité » et que tout avocat inscrit au tableau exerce la profession d’avocat. Mais les avocats honoraires sont bien inscrits au tableau : ils peuvent donc être nommés au CSM… N’en parlons plus, et suivons la commission des lois !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

La commission propose que l’avocat ne plaide pas de façon à éviter toute suspicion. Dès lors que vous lui donnez la possibilité d’être conseil, dès lors, comme l’a dit M. Zocchetto, qu’il s’agira d’une personne expérimentée, chacun sait qu’il appartiendra à un cabinet d’avocats. La suspicion sera identique, qu’il plaide ou qu’il soit conseil. Évitons d’adopter une mesure qui pourrait être considérée comme étant de nature à dissimuler la réalité !

Il me paraît plus simple de prévoir que l’avocat désigné exerce ses fonctions, dans le respect de la déontologie. Par définition, n’importe qui ne pourra pas être nommé par le président. Faisons preuve d’un minimum de logique ! Tel est le sens de l’amendement n° 17.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je souhaite répondre à Mme le ministre d’État qui a fait allusion à ma démarche.

Dans le face à face entre le magistrat et l’avocat membre du CSM, c’est aussi l’indépendance du magistrat qui est en cause.

L’impartialité d’apparence, qui doit absolument s’ajouter à l’impartialité de fond, nous renvoie à ce face à face de l’avocat qui plaide pour son client, et non dans l’intérêt général, et du magistrat, susceptible de voir sa carrière en partie mise en cause par l’avocat. C’est là que se pose le problème de l’impartialité.

Le risque d’une invalidation au titre de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est beaucoup plus important que le risque d’inconstitutionnalité.

La volonté du constituant de prévoir la présence d’un avocat est totalement indiscutable, Adrien Gouteyron a eu raison de le signaler. Mais elle ne doit porter atteinte à l’impartialité nécessaire à la justice.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Après l’article 10 de la même loi organique, sont insérés deux articles 10-1 et 10-2 ainsi rédigés :

« Art. 10-1. – Les membres du Conseil supérieur exercent leur mission dans le respect des exigences d’indépendance, d’impartialité, d’intégrité et de dignité. Ils veillent au respect de ces mêmes exigences par les personnes dont ils s’attachent les services dans l’exercice de leurs fonctions.

« Saisie par le président d’une des formations du Conseil supérieur de la magistrature, la formation plénière apprécie, à la majorité des membres la composant, si l’un des membres du Conseil supérieur a manqué aux obligations mentionnées à l’alinéa précédent. Dans l’affirmative, elle prononce, selon la gravité du manquement, sa suspension temporaire ou sa démission d’office.

« Art. 10-2. – Aucun membre du Conseil supérieur ne peut délibérer ni procéder à des actes préparatoires sur une affaire lorsque sa présence ou sa participation pourrait entacher d’un doute l’impartialité de la décision rendue.

« La formation à laquelle l’affaire est soumise veille au respect de cette exigence, en décidant, sur saisine de son président, à la majorité des membres la composant, le déport du membre concerné. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer les mots :

sont insérés deux articles 10-1 et 10-2 ainsi rédigés

par les mots :

est inséré un article 10-1 ainsi rédigé

II. - Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Aucun membre du Conseil supérieur de la magistrature ne peut délibérer ni procéder à des actes préparatoires sur une affaire lorsque sa présence ou sa participation pourrait entacher d'un doute l'impartialité de la décision rendue.

III. – Alinéa 3

1° Première phrase

Remplacer les mots :

à l'alinéa précédent

par les mots :

aux alinéas précédents

2° Seconde phrase

Remplacer les mots :

prononce, selon la gravité du manquement, sa suspension temporaire ou

par les mots :

peut prononcer

IV. – Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la ministre d'État.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

La commission des lois a réécrit l’article 6 bis du projet de loi. Je propose de modifier sa rédaction sur deux points.

Il s’agit, d’une part, de limiter à la démission d'office la sanction applicable à un membre du Conseil supérieur de la magistrature qui aurait manqué à ses obligations déontologiques ou aux règles de déport.

La sanction de suspension temporaire me paraît inadaptée au fonctionnement d’un organisme tel que le CSM. Il me semble qu’un membre sanctionné pour avoir méconnu des obligations déontologiques ne saurait, ensuite, participer aux délibérations, sauf à risquer d’entacher l’autorité même de l’institution. Je fais en outre remarquer que, au Conseil constitutionnel, la sanction est la démission d’office. En la matière, je crois vraiment préférable d’aller jusqu’au caractère définitif de la sanction et je ne vois pas comment la sanction temporaire pourrait être envisageable.

Il s’agit, d’autre part, de supprimer la possibilité pour les formations du CSM d’imposer le déport d’un de leurs membres, et cela pour la même raison que précédemment : le risque de déstabilisation du membre du Conseil et de l’institution.

Le mécanisme proposé par la commission des lois fait en effet courir un risque de « décrédibilisation » du membre du Conseil, exclu contre sa volonté, ce qui est tout de même très lourd. On retrouve le même problème : qu’en est-il de l’autorité des décisions prises si, par la suite, il revient ?

C’est la raison pour laquelle, tout en comprenant et en acceptant la nouvelle rédaction, je propose ces deux modifications susceptibles de simplifier le dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le travail du rapporteur est souvent un travail bien ingrat ! Je m’y plierai néanmoins, madame la présidente !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

L’amendement du Gouvernement présente deux objets.

En premier lieu, il vise à supprimer la sanction de suspension temporaire, au motif qu’elle serait trop légère, que seule la démission d’office serait une sanction adéquate à un manquement aux obligations déontologiques.

Or il apparaît à la commission que toutes les violations d’obligations déontologiques ne se valent pas. Certaines peuvent être même commises de bonne foi : par exemple, on peut simplement oublier que l’on a eu partie liée à telle ou telle circonstance et que l’on a été amené à prendre position.

Il faut, selon nous, réserver à la formation plénière du CSM la faculté d’apprécier si un manquement mineur relève d’une erreur non intentionnelle, qui ne devrait être sanctionnée, à titre d’avertissement, que par une suspension temporaire. Nous pensons même que, à défaut, la formation plénière risquerait de refuser de prononcer la démission d’office du membre ayant involontairement, et sur un point mineur, manqué aux obligations de sa charge, laissant paradoxalement ce manquement non sanctionné. Sous la IIIe ou la IVe République, madame le garde des sceaux, on aurait parlé de marteau-pilon pour écraser une mouche !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

En second lieu, l’amendement vise à supprimer la procédure qui prévoit que la formation compétente pourra décider le déport d’un de ses membres, au motif qu’elle serait unique et qu’elle emporterait un risque de « décrédibilisation » de l’institution. Il nous semble néanmoins judicieux de maintenir le dispositif proposé.

Je note tout d’abord que, si la récusation d’un juge est en principe décidée par une instance tierce, un tel schéma n’est pas envisageable pour une instance située hors de toute hiérarchie, tel le Conseil supérieur de la magistrature.

De plus, il est absolument nécessaire de donner au CSM les moyens d’écarter un membre qui refuserait de se déporter. Et nous ne sommes plus là dans les hypothèses d’école !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Les auditions auxquelles j’ai procédé l’ont bien montré, le CSM s’est trouvé à diverses reprises devant ce type de situation.

Tous les cas de déport ne sont pas évidents, et il est tout à fait possible qu’un membre refuse de bonne foi de se déporter et reçoive le soutien de plusieurs autres membres. Seule une décision rendue à la majorité permettra d’établir la nécessité ou non du déport.

Par ailleurs, la question du déport ne peut se régler exclusivement avec la sanction de la démission d’office. En effet, pour qu’elle intervienne, il faut que le membre ait effectivement manqué à son obligation déontologique et qu’il ait participé à l’examen ou à la délibération de l’affaire pour laquelle il aurait dû se déporter. Or cette participation entachera d’un doute l’impartialité de la décision rendue dans l’affaire en cause. Faute de disposer d’une intervention a priori, le CSM exposerait sa décision à la contestation, même si, a posteriori, le manquement constaté venait à être sanctionné.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission des lois est défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 1, présenté par M. Michel, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

d'impartialité

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

et d'intégrité.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Notre rapporteur, M. Lecerf, avait introduit dans le texte un certain nombre de qualités dont devaient être dotés les membres du CSM. M. Houillon, rapporteur à l’Assemblée nationale, a rappelé que les trois notions d’indépendance, d’impartialité et d’intégrité, intégrées au texte par le Sénat, correspondaient aux principes fondamentaux de la déontologie judiciaire telle qu’elle avait été dégagée par l’Institut des hautes études sur la justice.

Or, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, le procureur général près la Cour de cassation, M. Jean-Louis Nadal, avait souhaité que l’on remplace l’exigence d’intégrité par celle de dignité. Comme le font souvent les parlementaires, les députés, ne voulant ni faire de peine à M. Nadal ni renoncer à leur texte, ont gardé le terme d’intégrité et ont ajouté celui de dignité !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Par cet amendement, je vous propose de supprimer le mot « dignité », car je ne sais pas ce que, en l’espèce, il signifie. On peut être digne lorsque l’on est condamné par un tribunal ou par une cour d’assises. D’ailleurs les journaux le disent, et aujourd’hui encore : telle haute personnalité se montre « digne » devant la Cour de justice de la République. Est-elle pour autant « digne » d’être membre du Conseil supérieur de la magistrature ? Si elle est intègre, impartiale et indépendante, oui !

Bref, je crois que, ici, le mot « dignité » n’a aucun sens et je propose de le supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

L’Assemblée nationale a ajouté aux exigences déontologiques l’exigence de dignité. Cela trouve vraisemblablement son origine dans le serment prêté par les magistrats de « se comporter en tout comme un digne et loyal magistrat ».

La dignité ne peut qu’ajouter à l’autorité morale de l’institution. Et, si vous me permettez cette boutade, la dignité devrait, par exemple, éviter que l’on emprunte la carte bleue d’un collègue pour aller se distraire !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

Même avis.

J’ajoute que la notion de dignité se trouve dans l’ordonnance portant statut des magistrats, où elle est citée à trois reprises.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 6 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 10, présenté par M. Portelli, est ainsi libellé :

Après l'article 6 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 15 de la même loi organique est ainsi rédigé :

« Nul ne peut participer aux nominations de la juridiction dont il est membre. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L’article 11 de la même loi organique est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Le secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature est nommé par décret du Président de la République sur proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près ladite cour parmi les magistrats justifiant de sept ans de services effectifs en qualité de magistrat. Il est placé en position de détachement et ne peut exercer aucune autre fonction. Il est désigné pour la durée du mandat des membres du Conseil supérieur et peut être renouvelé une fois dans ses fonctions. » ;

2° Au troisième alinéa, après le mot : « secrétariat », est inséré le mot : « général ».

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 13, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Après les mots :

ladite cour

insérer les mots :

, après avis conforme de la formation plénière,

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’article 7 prévoit la nomination du secrétaire général du CSM par le Président de la République, sur proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette même cour.

Nous considérons que sa désignation doit faire l’objet d’un avis conforme de la formation plénière du CSM. Les modalités de nomination inscrites à l’article 7 donnent trop de place à la décision du Président de la République. Elles vont à l’encontre de la nécessaire indépendance du CSM.

Le rôle de son secrétaire général est important au regard de la place qu’occupe cette institution, dont l’autorité doit être renforcée. Il serait inopportun qu’elle soit entachée par une nomination n’impliquant pas l’ensemble du CSM.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

En première lecture, le Sénat avait prévu que la formation plénière rendrait un avis simple et non un avis conforme sur la proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette cour de nomination du secrétaire général. L’Assemblée nationale a supprimé cet avis simple au motif qu’une telle compétence n’est pas prévue par la Constitution.

Prenant en considération cet argument, la commission des lois n’est pas revenue sur cette suppression, estimant que, selon toute vraisemblance, la proposition conjointe formulée par les deux présidents de formation du CSM sera convenable et visera à garantir la nomination d’un secrétaire général susceptible de travailler efficacement, sous l’autorité des deux présidents, avec chacun des membres du CSM.

La commission ne peut être que défavorable à cet amendement, même si elle est parfaitement consciente de l’importance de la fonction du secrétaire général.

Il est d’ailleurs déjà parfois relativement difficile d’obtenir une proposition conjointe du premier président et du procureur général. Si l’on ajoute un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, cela deviendra extrêmement compliqué !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

Comme le rapporteur, j’estime que le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près cette cour sont parfaitement qualifiés pour proposer, surtout s’ils le font conjointement, le candidat dont le profil correspond le mieux à la fonction.

Pourquoi veut-on absolument renforcer l’autorité du secrétaire général, qui, en réalité, a des pouvoirs de gestion et d’administration, mais ne dispose d’aucun pouvoir de décision ? Ce serait vouloir rendre considérable une fonction de soutien certes très importante, mais qui n’est pas stratégique au regard des décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Madame le garde des sceaux, le secrétaire général du CSM dispose tout de même d’un très grand pouvoir au sein de cette institution ! La preuve en est qu’un certain nombre de ceux qui ont exercé cette fonction ont mené par la suite des carrières très brillantes, comme Mme Simone Veil, M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation, notre ancien collègue Hubert Haenel, qui est désormais membre du Conseil constitutionnel, et j’en passe !

C’est le secrétaire général qui fixe l’ordre du jour du CSM, en accord avec le directeur des services judiciaires, dont il est le bras armé au sein de cette institution. Tout le monde le sait ! Tenons donc compte du fonctionnement réel du CSM !

Entourer de certaines garanties la nomination de son secrétaire général me semblait aller de soi. Vous ne souhaitez pas, néanmoins, vous engager dans cette voie : tant pis !

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

L’article 12 de la même loi organique est ainsi rédigé :

« Art. 12. – L’autonomie budgétaire du Conseil supérieur est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 18, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre d'État.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

Il s’agit d’un amendement que nous avons déjà évoqué, en quelque sorte par anticipation.

Je partage avec le rapporteur et la commission des lois l’objectif de garantir les crédits nécessaires au fonctionnement du CSM et de permettre à ce dernier d’en disposer pour accomplir ses missions. Toutefois, nous ne nous accordons pas nécessairement sur la meilleure façon d’assurer l’autonomie du CSM dans l’utilisation effective de ces crédits.

Je considère pour ma part, et l’Assemblée nationale en a également jugé ainsi, que l’autonomie budgétaire est déjà assurée dans le cadre actuel. Les actions menées par le Conseil supérieur de la magistrature ainsi que les moyens qui lui sont alloués sont clairement identifiés au sein du programme 166, et le Conseil est totalement maître de l’utilisation de ses crédits.

La commission des lois, elle, entend rapprocher le Conseil supérieur de la magistrature d’autres institutions qui représentent également un certain pouvoir. Or celles-ci ne se trouvent pas exactement dans la même situation que le CSM.

Mais je crains surtout, ainsi que je l’ai déjà dit, que le CSM ne dispose pas d’un poids suffisant pour défendre son budget, qui est de plus relativement limité. Maintenir les crédits du Conseil supérieur de la magistrature au sein du programme où ils figurent actuellement, c’est donc les protéger. Les crédits dévolus au CSM bénéficient en outre ainsi d’une garantie supplémentaire dans la mesure où ce programme est examiné chaque année par le Sénat et par l’Assemblée nationale.

J’entends bien que l’on puisse souhaiter donner au CSM une complète indépendance par rapport à la direction du ministère qui est responsable de son budget. Il est peut-être nécessaire d’y réfléchir, mais je n’ai pas forcément de meilleure solution en tête. Hors du cadre de la séance, j’évoquais avec M. le rapporteur l’éventualité d’un rattachement des crédits au secrétariat général du ministère ; toutefois, dans un tel cas de figure, ne risque-t-on pas de prétendre que le secrétaire général, ou l’administration, se trouve en mesure de faire pression sur le Conseil supérieur de la magistrature ? Nous devons aussi être attentifs à ce problème.

Quoi qu'il en soit, je suis prête à chercher avec M. le rapporteur et avec la commission des lois les moyens d’une plus complète indépendance du CSM, mais, pour le moment, mon amendement vise à garantir et cette indépendance et les crédits qui sont dévolus au Conseil, parce que les seconds conditionnent la première. Dans cette perspective, le ministre de la justice et son administration me semblent les mieux à même de défendre les intérêts du CSM face aux logiques budgétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Nous avons déjà largement entamé ce débat lors de la discussion générale. Je le répète, nous devons revenir à la théorie des apparences : le Conseil supérieur de la magistrature, qui, pour l’opinion, est le juge des juges, doit être au-dessus de tout soupçon. Or, à l’heure actuelle, c’est la même autorité, à savoir le directeur des services judiciaires, qui fixe les crédits du Conseil supérieur de la magistrature et qui sollicite l’avis de ce dernier sur les propositions de nominations. Ce point heurte la commission des lois. D'ailleurs, au cours des auditions, le premier président de la Cour de cassation comme le procureur général près cette juridiction ont souligné qu’une telle situation leur semblait peu compatible avec l’indépendance qui doit être reconnue au CSM dans l’exercice de ses missions constitutionnelles.

Certes, nous cheminons avec Mme le ministre d’État vers l’adoption de solutions qui pourraient être unanimement approuvées. Toutefois, pour que ce processus se poursuive, pour que notre cheminement ne s’interrompe pas, je crains qu’il ne soit indispensable d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

Sourires

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 7 bis est adopté.

L’article 14 de la même loi organique est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d’empêchement, le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près ladite cour peuvent être suppléés respectivement par le magistrat visé au 1° de l’article 1er et par le magistrat visé au 1° de l’article 2. » ;

2° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Pour délibérer valablement lorsqu’elles siègent en matière disciplinaire, la formation compétente à l’égard des magistrats du siège et celle compétente à l’égard des magistrats du parquet comprennent, outre le président de séance, au moins sept de leurs membres. Dans les autres matières, chaque formation du Conseil supérieur délibère valablement si elle comprend, outre le président de séance, au moins huit de ses membres. » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Portelli et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 23-6 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel est abrogé.

La parole est à Mme Catherine Troendle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Le présent projet de loi organique relatif à l'application de l'article 65 de la Constitution confie de lourdes charges au premier président de la Cour de cassation en tant que président du Conseil supérieur de la magistrature.

En conséquence, il conviendrait de supprimer la formation spéciale de la Cour de cassation compétente en matière de questions prioritaires de constitutionnalité, que le premier président est toujours contraint de présider, et laisser aux formations de droit commun de cette juridiction le soin de trancher des questions prioritaires de constitutionnalité.

Le premier président ne jugerait que les questions les plus délicates, traitées par les formations de la Cour les plus solennelles. La procédure proposée devant la Cour de cassation serait donc identique à celle qui a déjà été retenue au Conseil d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission a hésité, car cet amendement tend à modifier des dispositions de la loi organique du 10 décembre 2009, dont l’encre est à peine sèche…

Il n’en reste pas moins que cette loi organique a créé, pour rendre des arrêts sur les questions préalables de constitutionnalité, une formation ad hoc qui est présidée par le premier président de la Cour de cassation et qui comprend les présidents de chambre et deux conseillers appartenant à chaque chambre spécialement concernée.

Il est vrai également que cette nouvelle mission confiée au premier président de la Cour de cassation s’ajoute à celles que lui confie la révision constitutionnelle de 2008, à savoir la présidence de la formation du siège et de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Et je n’insiste pas sur les obligations relatives au respect de la parité entre magistrats et non-magistrats : si le premier président ne peut assumer cette présidence, il faudra obliger un autre membre du CSM, qui cette fois serait un non-magistrat, à ne pas siéger…

On peut s’interroger sur le caractère soutenable, pour une même autorité, du cumul de tant de responsabilités, qui supposent de longs temps d’audience, a fortiori si le nombre des questions prioritaires de constitutionnalité connaît une augmentation. Or on sait que 132 d’entre elles ont d'ores et déjà été adressées à la Cour de cassation depuis le 1er mars dernier.

Comme l’a souligné notre collègue Catherine Troendle, la loi organique du 10 décembre 2009 ne comporte pas d’indications sur les formations du Conseil d'État chargées d’exercer le filtre. Le droit commun du code de justice administrative s’applique donc à cette juridiction.

Dès lors, le maintien de la formation de filtrage de la Cour de cassation ne paraît pas indispensable. Sa suppression pourrait même alléger le traitement des questions prioritaires de constitutionnalité. Aussi la commission des lois a-t-elle émis un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

Force est de le constater, alors que plus de 220 questions prioritaires de constitutionnalité sont pendantes devant la Cour de cassation, aucune n’a encore fait l’objet d’une transmission au Conseil constitutionnel, ni d'ailleurs d’un refus de transmission.

L’inadaptation du dispositif qui est actuellement prévu pour instruire ces questions n’est sans doute pas tout à fait étrangère à ce retard… Parmi les causes de ce dernier figure peut-être la charge de travail que représente la présidence du Conseil supérieur de la magistrature, qui incombera désormais au premier président de la Cour de cassation, en sus de ses autres tâches. Il ne semble donc guère opportun que celui-ci préside la formation spéciale compétente pour examiner les questions prioritaires de constitutionnalité dont la Cour est saisie.

Je m’en remets, par conséquent, à l’avis de la commission.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 9.

L’article 18 de la même loi organique est ainsi rédigé :

« Art. 18. – L’examen des plaintes dont les justiciables saisissent le Conseil supérieur de la magistrature est confié à une ou plusieurs commissions d’admission des requêtes. Chaque commission d’admission des requêtes est composée, pour chaque formation du Conseil supérieur, de quatre de ses membres, deux magistrats et deux personnalités extérieures au corps judiciaire, désignés chaque année par le président de la formation.

« Le président de la commission d’admission des requêtes est désigné par le président de la formation.

« Les membres de la commission d’admission des requêtes ne peuvent siéger dans la formation siégeant en matière disciplinaire lorsque celle-ci est saisie d’une affaire qui lui a été renvoyée par la commission d’admission des requêtes à laquelle ils appartiennent, ou lorsque le Conseil supérieur de la magistrature est saisi, par les autorités mentionnées aux articles 50-1, 50-2 et aux deux premiers alinéas de l’article 63 de la loi organique relative au statut de la magistrature, de faits identiques à ceux invoqués par un justiciable dont la commission d’admission des requêtes a rejeté la plainte.

« La commission d’admission des requêtes examine les plaintes présentées par les justiciables, dans les conditions prévues aux articles 50-3 et 63 de la même loi organique.

« La commission d’admission des requêtes délibère valablement si trois de ses membres sont présents.

« Elle se prononce à la majorité des voix. En cas de partage égal des voix, l’examen de la plainte est renvoyé à la formation compétente du Conseil supérieur. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 14, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 7, seconde phrase

Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :

En cas de partage égal des voix, la commission des requêtes décide qu'il n'y a pas lieu à saisir la formation compétente. La décision est notifiée au magistrat visé par la plainte et au justiciable auteur de la plainte.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’article 11 du projet de loi organique dispose que, en cas de partage des voix au sein de la commission d’admission des requêtes sur la suite à donner à la plainte d’un justiciable, le magistrat est renvoyé devant la formation disciplinaire. Ainsi, une absence de majorité, autrement dit un défaut de position claire, conduirait à une décision défavorable au magistrat mis en cause ! Il me semble pourtant que l’un des principes de notre droit veut que le doute profite à la personne mise en cause…

Je n’ignore pas que j’ai déjà défendu un amendement similaire en première lecture, mais je crois que cette question vaut la peine qu’on y revienne.

En matière pénale, par exemple, une majorité simple, voire qualifiée, est toujours exigée quand il s'agit de prendre une décision défavorable aux personnes mises en cause. Pourquoi en irait-il autrement quand il s'agit des magistrats ?

En outre, le projet de loi donne au ministre de la justice le pouvoir d’exercer des poursuites même en cas de rejet de la plainte.

Lors de la première lecture de ce texte, vous m’avez accusée, madame le garde des sceaux, de nourrir une certaine défiance à l’égard des magistrats. Vous pouvez constater qu’il n’en est rien !

Notre amendement suit une logique simple : le partage des voix doit mettre fin aux poursuites contre le magistrat concerné. Nous y ajoutons la notification au magistrat de la décision de la commission d’admission des requêtes, qui n’est pas prévue dans le texte du projet de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Notre collègue persistant à défendre des amendements similaires à ceux qu’elle avait présentés en première lecture…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

… je persisterai également dans la réponse que je lui ai déjà apportée.

Si le Sénat a accepté en première lecture la disposition du projet de loi organique prévoyant que, en cas de partage égal des voix, la plainte sera transmise à la formation disciplinaire, c’est pour deux raisons, qui tiennent respectivement à l’efficacité et à l’équilibre du dispositif.

S’agissant tout d'abord de l’efficacité, il importe, à l’étape du filtrage, de donner au justiciable la garantie que sa plainte sera examinée de façon sincère et approfondie. Il semble donc préférable, à ce stade, que le doute profite à celui-ci.

En outre, il convient de prendre en compte la composition paritaire de la commission d’admission des requêtes : il est souhaitable que deux magistrats – ou deux non-magistrats – ne puissent, à eux seuls, rejeter une plainte, afin d’écarter tout soupçon de corporatisme. Il s'agit d’un point important, je le rappelle, car il convient de mettre un terme aux reproches récurrents adressés aux magistrats quant à leur prétendu corporatisme !

Pour ce qui est d’assurer l’équilibre, au moment de la décision disciplinaire elle-même, en cas de partage égal des voix, les poursuites cessent et il n’y a pas de sanction. Dès lors, le mécanisme paraît effectivement équilibré : à l’étape du filtrage, il comporte des assurances pour le justiciable et, au moment de la décision disciplinaire, il respecte les droits du magistrat mis en cause.

La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

Le Gouvernement émet également, pour les raisons qu’a remarquablement exposées M. le rapporteur, un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté.

Le premier alinéa de l’article 20-1 de la même loi organique est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « Le Conseil supérieur de la magistrature émet » sont supprimés et, après les mots : « statut de la magistrature », sont ajoutés les mots : « est donné par la formation du Conseil supérieur compétente à l’égard du magistrat selon que celui-ci exerce les fonctions du siège ou du parquet » ;

2° À la deuxième phrase, le mot : « Il » est remplacé par le mot : « Elle ». –

Adopté.

Chapitre II

Dispositions modifiant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par M. Portelli et Mme Troendle, est ainsi libellé :

Avant l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 35 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « premier président » sont remplacés par les mots : « doyen des présidents de chambre », les mots : « procureur général près » sont remplacés par les mots : « plus ancien des premiers avocats généraux à » et après les mots : « ladite cour » sont ajoutés les mots : «, vice-président. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le vice-président remplace le président en cas d'empêchement de ce dernier. Lorsque le doyen des présidents de chambre de la cour de cassation ou le plus ancien des premiers avocats généraux à ladite Cour est par ailleurs membre du Conseil supérieur de la magistrature en application du 1° de l'article 1 ou du 1° de l'article 2 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, ou lorsqu'il est par ailleurs membre de la commission d'avancement en application du 2° du présent article, la présidence ou la vice-présidence de ladite commission est assurée respectivement par le plus ancien des présidents de chambre ou par le plus ancien des premiers avocats généraux qui n'est pas par ailleurs membre du Conseil supérieur de la magistrature ou de la commission d'avancement en application des mêmes dispositions. »

La parole est à Mme Catherine Troendle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

À la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le premier président de la Cour de cassation préside désormais le CSM. Il ne peut dès lors conserver la présidence de la commission d'avancement. En effet, les attributions de celle-ci diffèrent de celles du CSM.

La commission d'avancement joue un rôle très important : elle doit non seulement inscrire les magistrats au tableau d'avancement, c'est-à-dire les faire accéder à un grade, mais également examiner les recours sur les évaluations des magistrats et statuer sur les intégrations directes dans la magistrature.

L’inscription au tableau est une tâche tout à fait distincte de celle qui incombe au Conseil supérieur de la magistrature, lequel nomme à une fonction.

L’un des fondements sur lesquels repose cette différence de tâches, et sur laquelle le législateur n'a pas voulu revenir, est que, une fois inscrit à un grade, un magistrat peut se voir refuser par le CSM l'accès à des fonctions du siège pour des raisons de carrière, mais aussi d'indépendance.

Il importe donc que ces deux institutions, que nul n'a songé à réunir en une seule, conservent une composition différente pour exercer en toute indépendance leurs attributions. Tel est l'objet du présent amendement, qui vise à tire les conséquences de la révision constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement tend à retirer de la liste des personnes composant la commission d’avancement le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près cette cour.

La commission d’avancement est chargée de dresser et d’arrêter le tableau d’avancement des magistrats ainsi que les listes d’aptitude à certaines fonctions. Elle émet des avis sur les recrutements des magistrats par les voies parallèles et statue sur les contestations relatives à l’évaluation de l’activité professionnelle des magistrats.

La disposition qui est ici proposée est motivée par l’idée que l’inscription au tableau décidée par la commission d’avancement et l’activité de nomination du Conseil supérieur de la magistrature sont deux tâches différentes, qui doivent donc être effectuées par des personnes distinctes. À ce titre, il faudrait retirer aux deux présidents des formations du CSM les compétences qui sont les leurs dans le cadre de la commission d’avancement.

Inversement, il n’est pas illégitime de considérer que les deux plus hautes autorités du siège et du parquet participent à la commission d’avancement chargée de se prononcer sur l’ensemble des magistrats, ce qui peut justifier de maintenir leur présence au sein de cette instance.

Face à ces deux arguments contradictoires, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Compte tenu de l’intervention successive de la commission d’avancement et du Conseil supérieur de la magistrature dans le processus d’intégration directe à la magistrature, il semble en effet nécessaire de modifier la composition et la présidence de la commission d’avancement.

La disposition que vise à introduire cet amendement offre un mécanisme plus protecteur et s’inscrit dans une recherche constante d’impartialité.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. Nous voterons sans hésitation cet amendement, qui est proprement révolutionnaire

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

... puisqu’il porte un coup à la situation hiérarchique de la magistrature.

Les membres de la commission d’avancement seront désormais élus par leurs pairs. Certes, une partie d’entre eux est élue par les membres des cours des tribunaux, au terme d’un scrutin discutable, mais il n’en reste pas moins que cet amendement va tout à fait dans le bon sens. Je remercie donc Mme le garde des sceaux d’avoir bien voulu l’accepter.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, avant l'article 13.

L’article 43 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue un des manquements aux devoirs de son état la violation grave et délibérée par un magistrat d’une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties, constatée par une décision de justice devenue définitive. » ;

2°Au deuxième alinéa, le mot : « Cette » est remplacé par le mot : « La ». –

Adopté.

L’article 50 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « justice, », sont insérés les mots : « saisi d’une plainte ou informé de faits paraissant de nature à entraîner des poursuites disciplinaires, », le mot : « avis » est remplacé par le mot : « consultation » et après le mot : « enquête », sont insérés les mots : « administrative ou pénale » ;

b) La seconde phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Les premiers présidents de cour d’appel et les présidents de tribunal supérieur d’appel, informés de faits paraissant de nature à entraîner des poursuites disciplinaires contre un magistrat du siège, peuvent également, s’il y a urgence, saisir le Conseil supérieur aux mêmes fins. Ce dernier statue dans les quinze jours suivant sa saisine. » ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La décision d’interdiction temporaire, prise dans l’intérêt du service, ne peut être rendue publique ; elle ne comporte pas privation du droit au traitement. » ;

3° Au dernier alinéa, après le mot : « mois », sont insérés les mots : « suivant la notification de l’interdiction temporaire prononcée par le conseil de discipline », les mots : « par le garde des sceaux, ministre de la justice, » sont supprimés et la référence : « à l’article 50-1 » est remplacée par les références : « aux articles 50-1 et 50-2 ». –

Adopté.

Après l’article 50-2 de la même ordonnance, il est inséré un article 50-3 ainsi rédigé :

« Art. 50-3. – Tout justiciable qui estime qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le concernant le comportement adopté par un magistrat du siège dans l’exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire peut saisir le Conseil supérieur de la magistrature. La saisine du Conseil supérieur de la magistrature ne constitue pas une cause de récusation du magistrat.

« La plainte est examinée par une commission d’admission des requêtes composée de membres de la formation compétente à l’égard des magistrats du siège, dans les conditions prévues par l’article 18 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 précitée.

« À peine d’irrecevabilité, la plainte :

« – ne peut être dirigée contre un magistrat qui demeure saisi de la procédure sauf si, compte tenu de la nature de la procédure et de la gravité du manquement évoqué, la commission d’admission des requêtes estime qu’elle doit faire l’objet d’un examen au fond ;

« – ne peut être présentée après l’expiration d’un délai d’un an suivant une décision irrévocable mettant fin à la procédure ;

« – doit contenir l’indication détaillée des faits et griefs allégués ;

« – doit être signée par le justiciable et indiquer son identité, son adresse, ainsi que les éléments permettant d’identifier la procédure en cause.

« Le président de la commission d’admission des requêtes peut rejeter les plaintes manifestement infondées ou manifestement irrecevables. Lorsque la commission d’admission des requêtes du Conseil supérieur déclare la plainte recevable, elle en informe le magistrat mis en cause.

« La commission d’admission des requêtes sollicite du premier président de la cour d’appel ou du président du tribunal supérieur d’appel dont dépend le magistrat mis en cause ses observations et tous éléments d’information utiles. Le premier président de la cour d’appel ou le président du tribunal supérieur d’appel invite le magistrat à lui adresser ses observations. Dans le délai de deux mois de la demande qui lui en est faite par la commission d’admission des requêtes du Conseil supérieur, le premier président de la cour d’appel ou le président du tribunal supérieur d’appel adresse l’ensemble de ces informations et observations au Conseil supérieur de la magistrature, ainsi qu’au garde des sceaux, ministre de la justice.

« La commission d’admission des requêtes peut entendre le magistrat mis en cause et, le cas échéant, le justiciable qui a introduit la demande.

« Lorsqu’elle estime que les faits sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, la commission d’admission des requêtes du Conseil supérieur renvoie l’examen de la plainte au conseil de discipline.

« En cas de rejet de la plainte, les autorités mentionnées aux articles 50-1 et 50-2 conservent la faculté de saisir le Conseil supérieur de la magistrature des faits dénoncés.

« Le magistrat visé par la plainte, le justiciable, le chef de cour visé au neuvième alinéa et le garde des sceaux, ministre de la justice, sont avisés du rejet de la plainte ou de l’engagement de la procédure disciplinaire.

« La décision de rejet n’est susceptible d’aucun recours. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 3, présenté par M. Michel, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

d'une procédure judiciaire

insérer les mots :

devenue définitive

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

L'article 18 organise la nouvelle procédure de saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables lorsque ceux-ci estiment que le comportement d’un magistrat ne les satisfait pas.

Cet amendement vise à prévoir que cette saisine ne peut intervenir que lorsque la procédure est définitivement close.

D’aucuns m’opposeront que certaines procédures, par exemple celles qui sont relatives aux tutelles, sont très longues. Néanmoins, il ne faut pas laisser aux justiciables, et surtout à leurs avocats, la possibilité de déstabiliser un magistrat qui est encore saisi au cours d’une procédure. Tel est l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

J’y suis d’autant plus hostile que j’ai d’abord cru que Jean-Pierre Michel souhaitait uniquement affirmer un principe général, sans remettre en cause la possibilité pour le justiciable de saisir le CSM avant la fin de la procédure, même dans les cas où la nature de celle-ci l’exige. Je pense, par exemple, aux tutelles, où les procédures peuvent donner lieu à des abus et où la saisine du Conseil par le justiciable me paraît totalement pertinente.

Nous avons déjà discuté de ce sujet en première lecture et notre collègue Jean-Pierre Michel a déjà fait – et fort bien ! – les questions et les réponses.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Ce dispositif préserve, d’une part, la sérénité de la justice, d’autre part, l’efficacité de l’action populaire, qui constitue l’une des avancées importantes de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, qui n’a pas lieu d’être à mes yeux. En effet, le projet de loi organique précise déjà qu’une plainte ne peut, sauf exception, être présentée avant l’expiration d’un délai d’un an suivant une décision définitive. Pour les procédures qui, par leur nature même, ne font pas l’objet d’une décision définitive – je les ai mentionnées au cours de la discussion générale –, le texte prévoit la possibilité pour le Conseil supérieur de la magistrature d’examiner la plainte.

Le dispositif me semble très cohérent : il permet de ne pas faire échec au nouveau droit de saisine du Conseil supérieur de la magistrature tout en préservant la sérénité du travail des magistrats.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 4, présenté par M. Michel, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

comportement adopté par un magistrat du siège

insérer les mots :

, à l'exclusion des actes juridictionnels,

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

L’alinéa 2 de l'article 18 prévoit que le justiciable peut saisir le Conseil supérieur de la magistrature s’il estime que le « comportement » d’un magistrat « est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire ». De quoi est-il question ? S’il s’agit d’un comportement injurieux, indigne ou intolérable, je suis d’accord, mais il faut alors préciser que ce comportement ne consiste pas dans un acte juridictionnel. En effet, un justiciable ne doit pas pouvoir saisir le CSM parce qu’un magistrat a refusé de diligenter tel ou tel acte, par exemple une expertise qui aurait été demandée.

Cette position est d’ailleurs conforme à la jurisprudence constante du Conseil d’État en matière disciplinaire des magistrats depuis l’arrêt Obrego, qui prévoit que le garde des sceaux ne peut sanctionner un magistrat pour un acte juridictionnel, sauf, bien entendu, si celui-ci est complètement illégal.

Afin que les justiciables ne puissent saisir le CSM à tout propos, je souhaite que soit apportée la précision « à l’exclusion d’un acte juridictionnel ».

En outre, si un justiciable n’est pas satisfait par le comportement d’un magistrat, il peut toujours demander sa récusation. Le texte prévoit d’ailleurs que la saisine du CSM n’emporte pas automatiquement récusation, car c’est encore une autre procédure qui est offerte au justiciable ou à ses avocats.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement, qui a déjà rejeté en première lecture par le Sénat, semble aujourd'hui largement satisfait par la nouvelle rédaction de l'article 14 bis.

La commission des lois a en effet précisé à cet article la définition de la faute disciplinaire, en reprenant une jurisprudence bien établie par le CSM et le Conseil d’État, et confirmée par le Conseil constitutionnel. Ainsi, le CSM ne peut être saisi par un justiciable que si le comportement du magistrat mis en cause est susceptible de constituer une faute disciplinaire.

Les actes juridictionnels sont donc exclus de ce champ, ainsi que tend à le prévoir cet amendement. Le CSM ne peut avoir à en connaître, sauf si le magistrat a violé de façon grave et délibérée des règles de procédure, de sorte qu’il a outrepassé ses fonctions et qu’il ne s’agit plus d’une activité juridictionnelle, un peu comme la voie de fait disqualifie un acte administratif. Ici, la lourdeur de la violation de la procédure disqualifie l’acte juridictionnel.

Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

Pour les raisons que vient de mentionner le rapporteur, je considère que l'amendement est totalement satisfait par la rédaction actuelle du projet de loi organique. Par conséquent, le Gouvernement en demande également le retrait.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Monsieur Michel, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Fort des explications de la commission des lois, que j’attendais et qui figureront donc au Journal officiel, je retire cet amendement, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 4 est retiré.

L'amendement n° 15, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet amendement a pour objet de supprimer la faculté de recours conférée au garde des sceaux et aux chefs de cour.

L’alinéa 13 de l’article 18 leur permet en effet de saisir le CSM des faits dénoncés par un justiciable à l’encontre d’un magistrat alors même que la commission d’admission des requêtes aura rejeté la plainte.

Cette disposition donne aux chefs de cour et surtout à l’exécutif la faculté de remettre en cause une décision d’irrecevabilité prise par la commission d’admission des requêtes et, par conséquent, de poursuivre la procédure contre l’avis de cette dernière, au risque que cela se fasse sous une pression extérieure, celle des médias par exemple.

Si, derrière cette disposition, votre objectif est de prévoir une voie de recours pour les justiciables, dites-le clairement !

J’ai, à diverses reprises, au cours de ce débat comme lors de la révision constitutionnelle de juillet 2008, dénoncé le rôle trop marqué de l’exécutif au sein du CSM et les menaces qu’une telle situation fait peser sur l’indépendance de la justice et sur la séparation des pouvoirs. En constituant une immixtion de l’exécutif dans le fonctionnement de la justice, la disposition contenue à l’alinéa 13 y participe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Lorsque la commission des lois rencontre le CSM, ce qui se produit de temps à autre, sur l’initiative du président Hyest, il est parfois question du nombre de saisine du Conseil par les chefs de cour ou par le garde des sceaux au cours d’une année. Ce nombre n’a jamais dépassé six. Autrement dit, le CSM n’a jamais tablé sur une pléthore de saisines par cette voie !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Il est clair que l’action du justiciable constitue une possibilité supplémentaire de saisine et que celle-ci ne retire rien à la faculté du garde des sceaux et des chefs de cour en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

En outre, au fil du temps et, le cas échéant, après une enquête administrative de l’inspection générale des services judiciaires, des informations complémentaires peuvent émerger et justifier une saisine du CSM qui ne serait pas apparue à la commission d’admission des requêtes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Aussi la commission estime-t-elle préférable de maintenir cette possibilité de saisine. Elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

Pour abonder dans le sens de M. le rapporteur, je dirai que ce n’est pas en octroyant aux citoyens la possibilité de se plaindre d’un comportement que l’on va empêcher le garde des sceaux ou les chefs de cour de conserver leur pouvoir d’agir en cas de manquement.

Le Gouvernement émet donc, lui aussi, un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 18 est adopté.

Le premier alinéa de l’article 52 de la même ordonnance est ainsi rédigé :

« Au cours de l’enquête, le rapporteur entend ou fait entendre le magistrat mis en cause par un magistrat d’un rang au moins égal à celui de ce dernier et, s’il y a lieu, le justiciable et les témoins. Il accomplit tous actes d’investigation utiles et peut procéder à la désignation d’un expert. » –

Adopté.

L’article 53 de la même ordonnance est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le Conseil supérieur a été saisi à l’initiative d’un justiciable, l’audience disciplinaire ne peut se tenir avant l’expiration d’un délai de trois mois après que le garde des sceaux, ministre de la justice, a été avisé dans les conditions prévues au treizième alinéa de l’article 50-3. » –

Adopté.

Après l’article 57 de la même ordonnance, il est inséré un article 57-1 ainsi rédigé :

« Art. 57-1. – Lorsqu’elle se prononce sur l’existence d’une faute disciplinaire, la formation compétente du Conseil supérieur renvoie, en cas de partage égal des voix, le magistrat concerné des fins de la poursuite.

« Lorsque la formation compétente a constaté l’existence d’une faute disciplinaire, la sanction prononcée à l’égard du magistrat du siège est prise à la majorité des voix. En cas de partage égal des voix sur le choix de la sanction, la voix du président de la formation est prépondérante. » –

Adopté.

L’article 58 de la même ordonnance est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le recours contre la décision du conseil de discipline n’est pas ouvert à l’auteur de la plainte. » –

Adopté.

L’article 58-1 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « et sur proposition des chefs hiérarchiques, après » sont remplacés par les mots : « après consultation des chefs hiérarchiques et » et après le mot : « enquête », sont insérés les mots : « administrative ou pénale » ;

b) La seconde phrase du premier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Les procureurs généraux près les cours d’appel et les procureurs de la République près les tribunaux supérieurs d’appel, informés de faits paraissant de nature à entraîner des poursuites disciplinaires contre un magistrat du parquet, peuvent également, s’il y a urgence, saisir la formation compétente du Conseil supérieur aux fins d’avis sur le prononcé, par le garde des sceaux, ministre de la justice, d’une telle interdiction. Le Conseil supérieur rend son avis dans un délai de quinze jours suivant sa saisine. » ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La décision d’interdiction temporaire, prise dans l’intérêt du service, ne peut être rendue publique ; elle ne comporte pas privation du droit au traitement. » ;

3° Au dernier alinéa, après le mot : « mois », sont insérés les mots : « suivant la notification de l’interdiction temporaire prononcée par le garde des sceaux, ministre de la justice, » et après le mot : « saisi », sont insérés les mots : « dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas de l’article 63 ». –

Adopté.

L’article 63 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Le Conseil supérieur de la magistrature est saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que lui adresse le garde des sceaux, ministre de la justice. » ;

2° Au début du deuxième alinéa, les mots : « Le procureur général près la Cour de cassation » sont remplacés par les mots : « Le Conseil supérieur de la magistrature » ;

3° Après le troisième alinéa, sont insérés quatorze alinéas ainsi rédigés :

« Tout justiciable qui estime qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le concernant le comportement adopté par un magistrat du parquet dans l’exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire peut saisir le Conseil supérieur de la magistrature.

« La plainte est examinée par une commission d’admission des requêtes composée de membres de la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet, dans les conditions prévues par l’article 18 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 précitée.

« À peine d’irrecevabilité, la plainte :

« – ne peut être dirigée contre un magistrat lorsque le parquet ou le parquet général auquel il appartient demeure chargé de la procédure sauf si, compte tenu de la nature de la procédure et de la gravité du manquement évoqué, la commission d’admission des requêtes estime qu’elle doit faire l’objet d’un examen au fond ;

« – ne peut être présentée après l’expiration d’un délai d’un an suivant une décision irrévocable mettant fin à la procédure ;

« – doit contenir l’indication détaillée des faits et griefs allégués ;

« – doit être signée par le justiciable et indiquer son identité, son adresse, ainsi que les éléments permettant d’identifier la procédure en cause.

« Le président de la commission d’admission des requêtes peut rejeter les plaintes manifestement infondées ou manifestement irrecevables. Lorsque la commission d’admission des requêtes du Conseil supérieur déclare la plainte recevable, elle en informe le magistrat mis en cause.

« La commission d’admission des requêtes sollicite du procureur général près la cour d’appel ou du procureur de la République près le tribunal supérieur d’appel dont dépend le magistrat mis en cause ses observations et tous éléments d’information utiles. Le procureur général près la cour d’appel ou le procureur de la République près le tribunal supérieur d’appel invite le magistrat à lui adresser ses observations. Dans le délai de deux mois de la demande qui lui en est faite par la commission d’admission des requêtes du Conseil supérieur, le procureur général près la cour d’appel ou le procureur de la République près le tribunal supérieur d’appel adresse l’ensemble de ces informations et observations au Conseil supérieur de la magistrature, ainsi qu’au garde des sceaux, ministre de la justice.

« La commission d’admission des requêtes peut entendre le magistrat mis en cause et, le cas échéant, le justiciable qui a introduit la demande.

« Lorsqu’elle estime que les faits sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, la commission d’admission des requêtes du Conseil supérieur renvoie l’examen de la plainte à la formation du Conseil supérieur compétente pour la discipline des magistrats du parquet.

« En cas de rejet de la plainte, les autorités mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article conservent la faculté de saisir le Conseil supérieur de la magistrature des faits dénoncés.

« Le magistrat visé par la plainte, le justiciable, le chef de cour visé au douzième alinéa et le garde des sceaux, ministre de la justice, sont avisés du rejet de la plainte ou de l’engagement de la procédure disciplinaire.

« La décision de rejet n’est susceptible d’aucun recours. » ;

4° Au quatrième alinéa, le mot : « cette » est remplacé par le mot : « la », et après le mot : « saisine », sont insérés les mots : « du Conseil supérieur de la magistrature » ;

bis À la première phrase du dernier alinéa, la première occurrence du mot : « cette » est remplacée par le mot : « la » ;

5° Après la deuxième phrase du dernier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque le Conseil supérieur de la magistrature a été saisi par un justiciable, la désignation du rapporteur n’intervient qu’après l’examen de la plainte par la commission d’admission des requêtes du Conseil supérieur visée aux alinéas précédents. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Les amendements n° 6 et 7 sont présentés par M. Michel, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 6 est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

d'une procédure judiciaire

insérer les mots :

devenue définitive

L'amendement n° 7 est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

comportement adopté par un magistrat du parquet

insérer les mots :

, à l'exclusion des actes juridictionnels,

Monsieur Michel, puis-je considérer que, compte tenu du rejet de votre amendement n° 3 et du retrait de votre amendement n° 4, les amendements n° 6 et 7 n’ont plus d’objet ?

L'article 25 est adopté.

Après le premier alinéa de l’article 64 de la même ordonnance, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le Conseil supérieur de la magistrature a été saisi à l’initiative d’un justiciable, l’audience ne peut pas se tenir avant l’expiration d’un délai de trois mois après que le garde des sceaux, ministre de la justice, a été avisé dans les conditions prévues au seizième alinéa de l’article 63. » –

Adopté.

Après le mot : « avis », la fin du premier alinéa de l’article 77 de la même ordonnance est ainsi rédigée : « de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard du magistrat selon que celui-ci exerce les fonctions du siège ou du parquet. » –

Adopté.

Chapitre III

Dispositions finales

Après les mots : « le président », la fin de la dernière phrase du second alinéa de l’article 38 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée : « d’une formation du Conseil supérieur. » –

Adopté.

I. – (Non modifié)

II. – Toutefois, les articles 17 et 24 de la présente loi organique s’appliquent aux mesures d’interdiction temporaire dont le garde des sceaux, ministre de la justice, ou les chefs de cour saisissent le Conseil supérieur de la magistrature, à compter de la publication de la présente loi organique –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Les autres dispositions du projet de loi organique ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici le résultat du scrutin n° 192 :

Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

Par dérogation au premier alinéa de l’article 6 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, la durée du mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature est prorogée jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois suivant la promulgation de la loi organique prise pour l’application de l’article 65 de la Constitution dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République et, au plus tard, jusqu’au 31 janvier 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Sur cet article, je ne suis saisie d’aucun amendement.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je souhaite simplement dire que les sénateurs du groupe socialiste ne prendront pas part au vote sur cet article unique et, par conséquent, sur ce projet de loi organique. Nous laissons ainsi le Gouvernement et sa majorité dans le brouillard, ou plutôt à leur brouillon !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi organique.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici le résultat du scrutin n° 193 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi organique est adopté définitivement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.