Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 27 avril 2010 à 14h30
Article 65 de la constitution mandat des membres du conseil supérieur de la magistrature — Discussion d'un projet de loi organique en deuxième lecture et d'un projet de loi organique en procédure accélérée

Michèle Alliot-Marie :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’appesantirai d’autant moins sur ces textes que les sujets en cause ont déjà fait l’objet d’un certain nombre de discussions et que nous aurons l’occasion, lors de l’examen des amendements, de revenir sur quelques-unes des remarques formulées.

Je souhaite néanmoins répondre, ne serait-ce que sommairement, à certaines observations ou critiques qui ont été émises.

Je passe rapidement sur les reproches exprimés par Mme Borvo Cohen-Seat, car nous les retrouverons, pour la plupart, dans ses amendements. Je souhaite toutefois relever un ou deux points.

Madame la sénatrice, vous avez évoqué le partage des voix en cas de décision de transmission à la formation de jugement.

Bien entendu, le problème n’est pas du tout le même lorsqu’il s’agit de la commission d’admission des requêtes. En l’occurrence, ce n’est pas un doute qui profite à l’accusé. La fonction de la commission d’admission des requêtes se limite à vérifier si les conditions objectives et précises sont effectivement remplies. C’est dire qu’il s’agit là d’une simple instance de filtre. Il est normal que la formation de jugement soit saisie en cas de partage des voix. C’est elle qui va garantir l’effectivité de la saisine du CSM par le justiciable et décider de ce qu’il en est.

La question de la désignation de l’avocat a également été abordée sous différents angles. Vous avez notamment insisté, madame la sénatrice, sur les conditions de sa nomination.

Je le rappelle, le Conseil national des barreaux représente l’ensemble des avocats. Il paraît donc normal de confier au président de cette instance, qui rassemble toutes les garanties puisqu’il est élu par les membres de ce Conseil, le soin de désigner l’avocat membre du CSM.

D’ailleurs, je rappelle que le choix sera validé par l’Assemblée nationale et le Sénat. Ne faisons pas comme s’il s’agissait de nominations abstraites ou arbitraires ! Vous exercerez tous un contrôle sur les personnalités qui seront désignées pour siéger au sein du Conseil supérieur de la magistrature.

À l’instar d’un certain nombre d’entre vous, M. Zocchetto a regretté que toutes les lois découlant de la révision constitutionnelle n’aient pas encore été soumises au vote des deux assemblées.

Pour ma part, je me suis occupée du texte dont nous débattons aujourd'hui dès mon arrivée à la Chancellerie. Mais, vous le voyez bien, même avec une véritable volonté d’accélération, ce qui était mon cas dès le départ, il faut un certain temps pour que les textes puissent être examinés.

Comme je m’y suis engagée devant la Haute Assemblée, et notamment devant M. le président de la commission des lois, ici présent, je déposerai un projet de loi sur la responsabilité pénale du Président de la République d’ici au mois de juin. Je l’ai dit, et je le ferai !

Pour autant, il est également vrai que nous sommes confrontés à une certaine lourdeur des procédures parlementaires. En outre, il y a un réel besoin de contrôle, ce qui prend du temps.

Mais tout cela ne doit pas non plus nous empêcher d’adopter un certain nombre de textes nécessaires à la modernisation de notre pays.

Notre société bouge beaucoup. Nous avons donc besoin que la France se modernise pour pouvoir faire face aux défis et concurrences de toutes sortes auxquels nous sommes confrontés. Des initiatives s’imposent dans un grand nombre de domaines.

M. Michel a immédiatement tracé le cadre en précisant d’emblée qu’il voterait contre un texte déposé en application d’une révision constitutionnelle à laquelle il s’était opposé. Dans ces conditions, nous savons les uns et les autres à quoi nous en tenir !

Pour autant, il a également formulé un certain nombre de remarques portant plus particulièrement sur le mode de désignation du secrétaire général du CSM.

Monsieur le sénateur, énormément de hauts fonctionnaires sont nommés par le Président de la République et par décret.

En outre, il y a, dans le cas précis, des garanties supplémentaires. Ce qui compte, ce n’est pas le formalisme de la nomination par décret ; ce sont les conditions de sa proposition. Or je vous rappelle que le secrétaire général est nommé sur proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette même cour.

Par ailleurs, il convient également, me semble-t-il, de relativiser les choses. Il est faux de dire que le secrétaire général joue un rôle essentiel ou déterminant au sein du CSM. Il n’a aucun pouvoir de décision ! Il assure simplement le secrétariat du CSM et il assiste les présidents des formations. Il joue donc un rôle administratif et remplit une fonction de gestion. Certes, c’est important. Ce n’est pas moi qui vous dirai que le soutien n’est pas important ! Mais il ne faut pas non plus donner à ce rôle une signification qu’il n’a pas.

Monsieur Michel, vous avez également évoqué, tout comme d’ailleurs M. Mézard, la réforme de la procédure pénale. Pour ma part, je veux bien en parler et je la défendrai ! Après tout, si j’ai pris l’initiative d’une telle réforme, c’est pour qu’elle soit la meilleure possible. Et je n’accepte pas un certain nombre de présupposés, de critiques a priori ou de critiques avec des a priori.

Mais, comme M. Gélard l’a clairement rappelé, tel n’est pas l’objet du texte que nous examinons aujourd'hui.

L’heure d’évoquer la réforme de la procédure pénale viendra, et je vous promets que nous aurons de vrais débats à cette occasion. Je vous ferai alors part de mes convictions profondes : cette réforme représente une véritable avancée pour les libertés publiques, pour la garantie de la défense, notamment parce qu’elle va considérablement renforcer les droits des victimes. Et elle permettra une meilleure administration de la justice, qui n’est pas toujours comprise de nos concitoyens aujourd'hui.

Je pense que cette réforme est porteuse d’avancées considérables. J’entends les différents acteurs de ce débat. Pour l’instant, nous sommes dans la phase de la concertation. J’en retiendrai les meilleures propositions, mais je ne transigerai pas. Je suis prête à aborder tous les débats, y compris les problèmes de statut du parquet, même si le sujet ne fait pas partie de la réforme de la procédure pénale.

En la matière, il y aurait, en effet, beaucoup à dire. Pour ma part, je suis sûre de mes convictions et de ce qu’il faut faire. Discutons-en et nous verrons, argument contre argument, qui a raison !

Monsieur Mézard, vous avez déploré que le Gouvernement ne tienne pas les délais. Soyez-en assuré, je suis la première à regretter que les textes dont j’ai la responsabilité ne soient pas examinés plus rapidement. Je regrette aussi que nous ne puissions pas en débattre plus longuement. C’est que ces textes sont nombreux, car il y a beaucoup à faire pour conforter la place et le rôle de la justice au sein de nos institutions, pour rapprocher la justice du citoyen et pour développer la confiance de ce dernier envers elle.

Mais il y a également beaucoup à faire dans d’autres domaines, et il est normal que les assemblées puissent traiter en toute sérénité de tous les sujets. Il ne me revient pas de bousculer l’ordre du jour du Parlement !

Vous avez, vous aussi, exprimé votre opposition à la réforme de la procédure pénale. Nous en reparlerons, comme je vous l’ai dit, et nous verrons bien. Au final, les parlementaires choisiront. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas très bien saisi la relation que vous faisiez entre l’affaire d’Outreau et l’indépendance du CSM. Sans doute me l’expliquerez-vous à une autre occasion.

Vous avez soulevé le problème de la nomination d’un avocat au sein du CSM et vous avez évoqué les interdictions qui lui sont faites d’exercer une partie de sa profession.

Nous aborderons ce point lorsque nous examinerons les amendements, mais il me semble qu’interdire toute activité à un avocat reviendrait à obliger le Conseil national des barreaux à désigner un avocat honoraire, ce qui ne me paraît absolument pas conforme à l’esprit du constituant. Ce n’est pas non plus ce que prévoit le texte de la Constitution. Cette restriction de lege ou implicite pourrait aboutir à une censure du Conseil constitutionnel. C’est la raison pour laquelle je n’y suis pas favorable.

Par ailleurs, vous avez regretté l’absence d’aide juridictionnelle pour les personnes qui souhaitent se plaindre du comportement d’un juge auprès du Conseil supérieur de la magistrature. Je vous rappelle que ce dernier peut être saisi par simple courrier. Il n’y a donc nul besoin d’être assisté d’un avocat. Nous avons justement voulu rompre avec toutes nos habitudes et simplifier, en la matière, la relation entre le citoyen et la justice.

M. Masson a, lui aussi, regretté les délais de mise en œuvre des textes, y compris pour les décrets d’application.

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