Je suis désolé d'intervenir à une heure si tardive, mais les projets de loi de finances rectificative ont tendance à devenir des lois portant diverses dispositions d'ordre financier, des DDOF, ce qui est dommage. De plus, ils sont l'occasion de revenir sur les lois votées par le Parlement.
Ainsi, la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises visait à améliorer la détection des difficultés des entreprises. L'idée force était que seule une prise en charge précoce des difficultés des entreprises est à même d'assurer le redressement de celles-ci et de préserver des emplois.
Le Parlement a ainsi souhaité, comme c'était déjà le cas dans la loi de 1985, faire de l'inscription des privilèges, qu'il s'agisse de ceux du Trésor, des douanes ou des organismes sociaux, un élément de détection de ces difficultés, sachant que les dettes fiscales ou sociales sont souvent les premiers indices d'une situation financière dégradée.
À cette fin, le Parlement a décidé de supprimer, contre l'avis de certains services d'ailleurs, tout seuil quantitatif conditionnant l'inscription pour ne fixer qu'un seuil temporel : l'existence d'une dette fiscale ou sociale au-delà d'un semestre civil.
Notre éminent collègue Charles de Courson a évoqué l'inscription dès le premier euro. Il s'agit en fait des dettes d'un semestre. La précédente loi fixait un seuil de 12 000 euros. Or lorsqu'une très petite entreprise ne paie pas l'URSSAF pendant plusieurs mois, elle n'est pas inscrite tant que le montant de sa dette n'a pas atteint ce seuil. La détection ne se fait donc pas. Le Parlement a donc décidé qu'un tel seuil n'était pas justifié.
L'Assemblée nationale, par un amendement d'origine parlementaire, dont l'objet est d'ailleurs un tissu de contrevérités, a souhaité revenir sur ce dispositif, avant même son entrée en vigueur prévue le 1er janvier prochain, et réintroduire un seuil quantitatif fixé en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée, seuil que le Parlement avait refusé d'instaurer au mois de juillet dernier.
L'amendement n° 34 de la commission des finances tend à améliorer la rédaction du texte, mais à maintenir ce dispositif.
J'aurais bien sûr pu prendre la parole contre l'article 43 bis, mais j'ai préféré déposer le présent sous-amendement, qui vise à revenir au texte initial de la loi de sauvegarde des entreprises, et ce pour deux raisons.
D'une part, l'existence de seuils quantitatifs d'inscription ferait perdre une grande partie de son intérêt à cette méthode de détection des difficultés des entreprises. Or la suppression de ces seuils nous avait été demandée, lors des travaux de la commission des lois, par tous les professionnels concernés, notamment par les tribunaux de commerce et leurs cellules de détection, qui sont les mieux à même de connaître les difficultés des entreprises.
D'autre part, il ne saurait être de bonne technique législative de revenir, moins de six mois après son adoption, sur la réforme des procédures collectives, qui avait permis, à mon sens, de parvenir à des équilibres opportuns et réalistes pour assurer au mieux le relèvement des entreprises en difficulté. Un tel procédé me paraît tout à fait regrettable tant sur la forme que sur le fond. Si l'administration rencontrait des difficultés d'application, nous étions bien entendu prêts à les examiner, mais un tel coup au dernier moment ne me paraît pas respectueux du travail du Parlement !
De plus, le dispositif envisagé ne s'appliquerait qu'aux créances fiscales, et non aux créances des douanes ou de celles de l'URSSAF, qui ne peuvent faire l'objet de modifications dans un projet de loi de finances rectificative. On distinguerait donc deux situations : pour l'URSSAF, il n'y aurait pas de seuil quantitatif, pour les créances fiscales, il y en aurait un. C'est une très mauvaise méthode !
Ceux qui, depuis six mois, se sont livrés à ce combat d'arrière-garde auraient mieux fait de préparer les décrets d'application de la loi de sauvegarde des entreprises, notamment ceux concernant la remise de créances !