Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la transformation de La Poste, d’un établissement public industriel et commercial en une société anonyme, aurait, nous en sommes persuadés, des conséquences très négatives sur le travail au sens large au sein de l’entreprise et ses répercussions toucheraient le quotidien de ses salariés dans tous ses aspects.
Qu’il s’agisse du maintien des emplois actuels, des futures embauches ou des conditions de travail des salariés, tout nous porte à croire que la casse en matière salariale serait particulièrement lourde, profonde et durable.
Pour nous en convaincre, il n’est qu’à voir ce qui se passe en matière salariale dans d’autres sociétés qui furent également publiques, et qui furent également des EPIC. Le premier exemple qui vient à l’esprit est celui de France Télécom, entreprise avec laquelle il nous paraît inévitable de faire un parallèle.
Pour mémoire, en 1996, France Télécom passe du statut d’EPIC à celui de société anonyme, avec l’État français comme seul actionnaire. En 1997, l’entreprise ouvre son capital et devient une société cotée sur les marchés boursiers. En 2004, l’État français cède une grande partie de ses actions et l’entreprise France Télécom devient une entreprise privée. Il aura suffi de huit ans pour assister à la privatisation de France Télécom. Je vous épargne l’historique d’EDF, puisqu’il est sensiblement le même.
Pour nous, une question nous intéresse ici : les actuels salariés de La Poste verront-ils leur situation s’améliorer du fait de ce passage en société anonyme ? Plus concrètement, que faut-il penser des facultés de délégation et de subdélégation accordées par cet article au président de La Poste et du pouvoir qui lui serait donné d’instituer des primes et indemnités individuelles ?
Qui pourrait sérieusement soutenir que ce passage en société anonyme se traduira par un mieux-être au travail pour les salariés ? Ce n’est pas l’attribution de quelques actions aux personnels de La Poste qui y changera quoi que ce soit.
Une réforme structurelle s’accompagne nécessairement de changements dans les conditions de travail. Pour le personnel de La Poste, ce sera un pas de plus vers le règne sans partage de la sélection, de l’évaluation individuelle, de la pression quotidienne, de la sacro-sainte compétitivité, de la mobilité forcée, du stress au travail, et la liste n’est pas exhaustive.
Mais revenons brièvement sur l’état des lieux actuel de la situation salariale au sein de La Poste.
La Poste représente aujourd’hui, tous métiers confondus, 287 000 salariés, dont 142 000 fonctionnaires et 145 000 salariés de droit privé dits « contractuels », embauchés en CDI ou en CDD. La Poste, c’est aussi plus de 200 filiales en France et à l’étranger. Il existe donc une très grande diversité : diversité des métiers, mais aussi disparité des situations juridiques des salariés.
Cette hétérogénéité s’explique certes par l’histoire de l’entreprise, mais elle est aussi la conséquence de choix délibérés des pouvoirs publics et des dirigeants de La Poste : aller lentement mais sûrement vers des sociétés commerciales éclatées.
Pour réformer, il fallait démanteler. Aujourd’hui, La Poste compte des agents fonctionnaires, mais c’est une espèce en « voie de disparition », si je puis m’exprimer ainsi. Ceux qui, en 1993, ont fait le choix de demeurer fonctionnaires en paient tous les jours le prix, notamment dans leur carrière qui, pour certains, est entièrement bloquée depuis plus de seize ans. Ces agents sont, selon la terminologie officielle, des « reclassés ». Ils ne sont plus tout à fait des fonctionnaires, ils sont plutôt fonctionnaires uniquement attachés à cette entreprise.
Certains salariés ayant choisi de devenir des salariés de droit privé ont été « reclassifiés ». D’autres, enfin, ont été directement engagés comme contractuels de droit privé. Les salariés de ces deux dernières catégories ne sont pas tout à fait des salariés de droit privé, car ils n’en ont pas tous les droits : pas de représentants du personnel, pas de comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, de CHSCT.
Ce qui est incontestable, c’est que, toutes catégories confondues, aucun d’entre eux ne bénéficie de l’ensemble des garanties dont jouissent soit les agents de droit public, soit les salariés de droit privé. Ce ne sont pas des salariés à part entière, ce sont des salariés entièrement à part.
Le passage de La Poste en société anonyme ne fera qu’aggraver ces inégalités. On ajoutera un étage supplémentaire au sommet de cet escalier juridique. Le pouvoir de délégation et de subdélégation accordé au président de La Poste en est un très bon exemple. N’oublions pas que, sur le papier, La Poste peut encore recruter des fonctionnaires. Aussi, de délégation en délégation, un simple responsable d’unité, salarié de droit privé, va se voir accorder le droit, le pouvoir de nommer des fonctionnaires et d’accorder primes et indemnités. On voit bien qu’il s’agit d’une usine à gaz.
Aujourd’hui, sous le prétexte d’ouvrir son capital et d’assurer sa pérennité, on veut nous faire accepter l’idée d’une société anonyme de droit public. Cependant, le but réellement recherché est la suppression d’emplois : compression de personnels et rentabilité maximale.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas l’article 7 du projet de loi sur le changement de statut de La Poste.