Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 8 novembre 2009 à 9h30
Entreprise publique la poste et activités postales — Article 8

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Nous pouvons à bon droit nous étonner à juste titre des propos lénifiants tenus tout à l’heure par M. le ministre sur les fonctionnaires de La Poste. Mais sans doute une telle attitude s’inscrit-elle dans sa défense de l’« imprivatisabilité » de La Poste !

En la matière, l’exploitant public est en phase avec le Gouvernement, qui ne cesse de diminuer le nombre de fonctionnaires – il se vante d’avoir supprimé 250 000 postes depuis cinq ans ! –, les accusant au passage de tous les maux, y compris dans des secteurs où nos concitoyens les trouvent particulièrement utiles.

La Poste, service public, enregistre une diminution de ses effectifs publics, tandis que ses autres personnels subissent, de manière corollaire, une précarisation de plus en plus marquée. En revanche, les bénéfices de La Poste, eux, ne cessent d’augmenter.

Au fond, la direction du groupe a déjà préparé la privatisation, au détriment des métiers, de la transmission des savoir-faire, des personnels et des usagers.

Aujourd’hui, on constate une très grande disparité statutaire. Les salariés de droit privé, qui tendent à devenir plus nombreux que les fonctionnaires, sont soumis à une grande précarité et à une forte pression en termes de salaires et de conditions de travail, lesquelles ont, à leur tour, des conséquences néfastes sur les personnels sous statut. Il est évident que l’inversion du rapport numérique pèse terriblement sur l’ensemble des personnels de La Poste. L’année dernière, M. Jean-Paul Bailly s’est d’ailleurs félicité du fait qu’en 2012 il y aurait autant de salariés de droit privé que de fonctionnaires… Il faut probablement y voir une avancée du service public !

Un postier sur trois perçoit un salaire mensuel net inférieur à 1 400 euros, ce que vous estimez sans doute suffisant pour se nourrir, se loger, etc., et deux sur trois, inférieur à 1 800 euros, ce que vous jugez certainement très confortable ! Vous avez probablement ces chiffres en tête lorsque vous proposez de substituer l’actionnariat salarial aux augmentations de salaires. Or, ce que veulent les personnels, c’est surtout de meilleurs salaires.

De surcroît, le manque de transparence permet à la direction de proposer aux contractuels des salaires inférieurs en moyenne de 20 % à 30 % au traitement des fonctionnaires occupant les mêmes postes.

Quant à la situation dans les filiales déjà privatisées, elle est tout simplement inadmissible, les salaires variant du simple au double par rapport à ceux qui sont pratiqués dans l’entreprise publique.

Le processus est donc déjà très engagé, mais le projet de loi, dont l’objectif est de préparer la privatisation du groupe, va encore accentuer cette précarité. On a vu quelles pouvaient être les conséquences humaines de ces méthodes : ce sont celles qui produisent de si brillants résultats chez France Télécom, et qui sont aujourd’hui justement dénoncées. Pourtant, elles sont progressivement mises en œuvre à La Poste, notamment à travers la dénaturation des missions des fonctionnaires, à qui l’on demande, avant même de répondre à leur mission de service public, de vendre quatre ou cinq produits commerciaux par jour aux usagers devenus des « clients ».

J’en ai d’ailleurs moi-même fait récemment l’expérience. À l’occasion d’un déménagement, je me suis rendue dans un bureau de poste pour effectuer mon transfert d’adresse. L’agent à qui je me suis adressée m’a tout d’abord proposé d’acheter un joli pack rose à 39 euros… Devant mon refus, il m’a finalement orientée vers les anciens imprimés, à 19 euros. En fin de compte, j’ai payé 22 euros.

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