M. Nicolas Sarkozy, en mai 2006, défendait en ces termes l’intéressement : « Il n’est pas normal que, dans une entreprise, les salariés qui se donnent du mal et qui en assurent le succès ne soient pas associés aux fruits de la croissance ».
Comment ne pas souscrire à ces propos ? Qui pourrait être opposé à ce que les salariés profitent financièrement des fruits de leurs efforts ? Ce que ne dit pas le Président de la République, et ce sur quoi nous sommes en total désaccord avec lui, c’est que cette « reconnaissance » passe à notre avis prioritairement par le salaire et, naturellement, par le réinvestissement dans l’entreprise afin de lui permettre de se moderniser, d’améliorer la productivité et les conditions de travail des hommes et des femmes qui assurent la réussite des entreprises de notre pays.
Pour nous, l’intéressement, parce qu’il est aléatoire et individualisé, est injuste et n’est pas de nature à répondre à l’exigence d’augmentation des salaires et de revalorisation du pouvoir d’achat. Aléatoire, destinée aux seuls salariés stables des entreprises, inégale selon le type d’entreprise et la stratégie de gestion des directions, cette forme de rémunération va se développer au détriment des autres formes de rémunération, et notamment des salaires. Cette forme de rémunération, non soumise aux cotisations sociales, conduit à aggraver la situation des ressources de la protection sociale et des retraites et à fragiliser la constitution des droits sociaux des salariés.
Par ailleurs, nous contestons l’argument selon lequel l’intéressement constitue un renforcement du pouvoir d’achat. Il suffit pour s’en convaincre de lire l’article publié par La Tribune le 12 octobre dernier.
On y apprend que, selon une étude réalisée par Hay Group, le « montant des bonus et de l’intéressement 2009 est en baisse par rapport à 2008 », et l’année 2010 s’annonce être, pour l’intéressement, celle des plus faibles bénéfices. « Néanmoins, depuis un an, le poids de la part variable a fait un bond spectaculaire pour toutes les catégories de salariés : elle atteint désormais 12 % de la rémunération de l’ensemble des salariés, contre 8 % de la rémunération cadre il y a un an et 6 % il y a… dix ans. »
Ce même article précise que « au vu du retournement de la conjoncture, les entreprises pourraient mettre un frein à cette évolution, considérant que cette forme de rémunération expose trop fortement les salariés aux fluctuations conjoncturelles ».
C’est, vous le reconnaîtrez, un curieux paradoxe que de vouloir étendre l’intéressement dans ce projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste quand, par ailleurs, de très nombreux acteurs entendent, dans l’intérêt des salariés, y renoncer.
Nous devons donc observer la plus grande prudence sur ce sujet.