Intervention de Mireille Schurch

Réunion du 8 novembre 2009 à 15h00
Entreprise publique la poste et activités postales — Article 12

Photo de Mireille SchurchMireille Schurch :

L’article 12 prévoit la suppression des références aux notions d’exploitant public, puisque vous transformez La Poste en société anonyme.

On pourrait donc facilement penser qu’il s’agit uniquement d’un article de conséquence. Pourtant, vous profitez de cet article pour supprimer la participation de La Poste à l’effort national d’enseignement supérieur dans les domaines de la communication et de l’électronique. Or, selon nous, cet effort fait partie intégrante des missions de service public que La Poste se doit d’assumer.

À ce titre, nous sommes stupéfaits que vous souhaitiez introduire une telle disposition, alors même que vous êtes les garants les plus zélés du respect du droit communautaire. Je m’explique : cette mesure apparaît comme contraire aux ambitions définies par la stratégie de Lisbonne, qui désigne l’axe majeur des politiques économiques et de développement de l’Union européenne entre 2000 et 2010.

En effet, selon les conclusions de la présidence du Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000, la priorité des politiques communautaires est de faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010 ».

Permettez-moi de vous lire un extrait des déclarations de la Commission européenne : « Cela suppose la viabilité budgétaire, une meilleure réglementation et des systèmes fiscaux et sociaux adéquats. Nous devons améliorer l’éducation et la formation pour permettre à davantage de personnes de réaliser pleinement leur potentiel, dans leur propre intérêt et dans celui de l’ensemble de la société. Nous devons aussi investir dans la recherche pour conserver notre avantage comparatif par rapport aux régions avec lesquelles nous sommes en concurrence. »

Nous voyons donc bien que la stratégie de Lisbonne incite les États membres à réaliser un effort important dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la recherche.

À l’heure où les outils de communication amorcent une révolution profonde de ce secteur, nous pensons que tous les acteurs concernés doivent participer à l’effort national en faveur de l’enseignement supérieur.

En outre, une telle disposition est également importante d’un point de vue symbolique. Elle démontre que la politique de ce gouvernement s’inscrit dans le court terme et ne se place pas dans une perspective d’avenir. Il s’agit simplement de permettre à La Poste de se dégager de toute mission de service public et de l’éloigner de toute conception de l’intérêt général.

Nous ne pouvons pas l’accepter. Au contraire, nous pensons que la présence de services publics investis d’une mission d’intérêt général favorise l’économie de la connaissance et qu’elle permet à tous d’avoir accès à des services fondamentaux, dont le droit à la communication fait partie.

Par ailleurs, cet article supprime la fixation du cadre général des activités de La Poste par décret en Conseil d’État. En effet, un établissement public est limité au sein de ses activités par son statut. À l’inverse, une société anonyme n’a aucune obligation.

Rien n’empêchera demain La Poste de vendre des téléphones ou des confiseries, d’être promoteur immobilier ou d’exercer toute autre activité que les actionnaires auront jugée rentable, quand bien même l’établissement ne remplirait plus ses obligations de service public. Voilà qui conduit, de fait, à pervertir la raison sociale de cette entreprise.

Lors de l’examen de ce projet de loi en commission, l’adoption d’un amendement déposé par notre collègue Hervé Maurey a permis de maintenir l’obligation pour le Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la mission d’aménagement du territoire de La Poste avant le 31 décembre 2010. Nous saluons cette initiative.

Cependant, comme nous vous le démontrons depuis maintenant plusieurs jours, la présence postale risque de souffrir. Conjugué à l’ouverture totale à la concurrence, le changement de statut de La Poste augure mal de l’avenir de la mission d’aménagement du territoire, qui reste fondamentalement non rentable.

Ainsi, charger une société anonyme de missions de service public est un bricolage juridico-politique qui ne résistera pas au temps, comme nous l’avons montré à de multiples reprises au cours de ces derniers jours. La situation actuelle de France Télécom en est également une illustration.

La Poste est un service public. L’entreprise peut en toute légalité demeurer un EPIC et continuer de remplir des missions de service public, même de plus en plus nombreuses. Cette trajectoire, notamment au sein d’un pôle public des télécommunications, nous paraît plus en phase avec les enjeux du XXIe siècle.

Le libéralisme a échoué lamentablement, comme nous le prouve chaque jour de manière dramatique la crise que nous traversons. Il est temps de changer vos logiciels, au lieu de revenir sans cesse sur des schémas qui ne fonctionnent pas. Voyez donc la situation de France Télécom aujourd’hui !

La modernité consiste non pas à vendre notre patrimoine aux intérêts privés, mais à faire vivre de manière dynamique une cohésion sociale et territoriale dans notre pays, grâce à ces fabuleux outils que sont les services publics !

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