Les articles 13 et suivants visent à transposer la troisième directive postale. Je voudrais donc m’exprimer sur la situation du service postal au plan européen.
La libéralisation du service postal est déjà mise en œuvre depuis plusieurs années chez certains de nos voisins. Cela nous permet d’observer les conséquences de ce processus et d’évaluer le rôle que La Poste pourra jouer dans cet environnement concurrentiel.
De manière générale, le rapport de la commission évoque une « croissance agressive » des opérateurs privés que La Poste doit « affronter ».
De nombreux exemples sont abordés. Prenons le cas des Pays-Bas : le rapport ne tarit pas d’éloges sur la rentabilité de TNT, un des opérateurs néerlandais, dont les résultats seraient bien meilleurs que ceux de La Poste.
Je suis surprise que l’on puisse prendre le marché des Pays-Bas en exemple, car la rentabilité masque la situation précaire des postiers et la médiocrité des services rendus. Cela semble valable pour tous les opérateurs. En effet, les effectifs de l’opérateur alternatif Sandd sont principalement composés de facteurs autoemployés, dont la plupart ne sont pas couverts par une assurance. Pourquoi ? Tout simplement parce que le salaire horaire avec assurance est de 5 euros, alors que, sans assurance, il s’élève à 7, 5 euros. Ces facteurs à temps partiel sont le plus souvent des étudiants, des personnes âgées ou des femmes vivant dans la précarité, à la recherche d’un complément de revenu pour soutenir leur foyer.
La situation n’est guère plus reluisante en Allemagne. Certes, douze ans après le début de la privatisation, les bénéfices de la Deutsche Post se comptent en milliards d’euros, mais les bureaux de poste ont quasiment disparu, supplantés par les supermarchés discount Aldi ou les petits commerçants. Aujourd’hui, la poste allemande réalise 60 % de son chiffre d’affaires à l’étranger, notamment aux Pays-Bas, où elle n’a aucun scrupule à pratiquer des salaires inférieurs de 66 % à ceux des opérateurs locaux. Pour autant, l’arrivée de la concurrence n’a évidemment pas fait baisser le prix du service pour le client.
Je pourrais également vous parler de la Belgique, où la dernière idée du président de l’équivalent de La Poste est l’invention du « facteur low cost » : trois heures de travail par jour, pour un salaire brut de 25 euros.
Je précise que, chez nous, La Poste est en pourparlers avec le néerlandais Sandd depuis plusieurs années et que des bruits courent sur le rachat de la poste belge…
On n’arrête pas le progrès ! Le rapport de la commission précise bien que les « nouveaux opérateurs devraient développer un réseau fondé sur une offre low cost » et parle des « vertus d’une telle ouverture à la concurrence ». Ce sont vos mots, monsieur le rapporteur !
Ce que je constate, c’est que l’affrontement concurrentiel, sauf exception, ne conduit pas à améliorer la qualité des services, ni à étendre leur champ, ni à les rendre accessibles à tous et en tous lieux. La compétition pousse à se débarrasser des secteurs les moins rentables. Les suppressions de bureaux de poste et d’emplois vont bon train, quel que soit l’avis que l’on porte par ailleurs sur leur utilité sociale.
Je m’inscris en faux contre ce système. Plutôt qu’une concurrence agressive, néfaste pour les salariés et les usagers, mieux vaut un service public postal fondé sur une politique de concertation et de coopération internationales, sans comportements prédateurs. La Poste pourrait s’appuyer sur un renforcement et une amélioration des fonctions de l’Union postale universelle, l’institution de l’ONU dont le but est de favoriser la coopération des systèmes postaux.
Dans ce domaine comme dans d’autres, la mise en concurrence de tous contre tous n’est pas la solution optimale.