Il ne sert pas à grand-chose, en effet, de renforcer la mission d’assistance au Parlement de la Cour des comptes si, dans le même temps, on ne garantit pas une approche globalisée des comptes publics et donc de l’évaluation des politiques publiques.
Or la séparation fonctionnelle de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes constitue, convenons-en, un obstacle important à l’évaluation des politiques publiques. La Cour des comptes peut contrôler l’exécution budgétaire de l’État et ses comptes. Elle peut faire de même dans le domaine de la sécurité sociale. Mais les interventions des collectivités locales et des organismes consulaires lui sont inaccessibles. Quant aux programmations des travaux d’évaluation de la Cour et de chaque chambre régionale, elles sont distinctes en application du principe d’autonomie.
Ce point a été souligné par la commission des finances à l’occasion de nombreuses demandes d’enquête adressées à la Cour des comptes : sur la politique de la ville, sur le soutien scolaire, sur le financement des chambres des métiers. Chaque fois, la mise en place de mécanismes compliqués a découlé de cette séparation entre la Cour et les chambres régionales. Chaque fois, le périmètre de l’évaluation des politiques publiques s’est trouvé de facto limité, car, si les possibilités de collaboration existent – d’autant que chaque chambre régionale est présidée par un conseiller maître à la Cour des comptes ! –, c’est sous réserve de procédures tellement complexes et, qu’on me pardonne de le dire, tellement longues qu’elles sont incompatibles avec les exigences légitimes des parlementaires.
Or la nécessité d’opérer en temps réel va peser de plus en plus lourd : ce qui se passe aujourd'hui en Grèce et dans d’autres États de l’Union européenne va nous obliger à adopter une vision « contemporaine » de la situation des finances publiques.
Les mesures que la commission des finances propose de reprendre figurent toutes dans le projet de loi portant réforme des juridictions financières que défendait le premier président Philippe Séguin, et qui a été adopté le 28 octobre 2009 par le conseil des ministres. Ce projet de loi avait pour ambition affichée de « doter la France d’un grand organisme d’audit public et d’évaluation ». Il a fait l’objet d’un travail d’élaboration de plus de deux années, et ses dispositions sont publiques depuis six mois.
Toutefois, comme la commission des finances n’est pas compétente en cette matière et que cet aspect du projet gouvernemental n’a pas de lien avec l’évaluation des politiques publiques, ont été écartées les dispositions relatives aux compétences juridictionnelles de la Cour des comptes. C’est le domaine privilégié de la commission des lois, monsieur le président Hyest !