Intervention de Roland du Luart

Réunion du 29 novembre 2010 à 10h00
Loi de finances pour 2011 — Justice

Photo de Roland du LuartRoland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances :

Monsieur le garde des sceaux, c’est pour moi une joie de retrouver comme garde des sceaux l’ancien sénateur que vous êtes. Votre nomination à la tête de ce ministère honore le Sénat tout entier.

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la mission « Justice » est dotée pour 2011 de 7, 1 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 4, 1 %. Sur la période 2011-2013, ses moyens continueront de progresser de 3, 3 %, ce qui traduit bien la priorité accordée à la justice depuis la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002.

Le programme Justice judiciaire compte 2, 959 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 4, 4 %. Les créations nettes d’emplois se montent à 127 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, pour un plafond d’emplois fixé à 31 018 ETPT.

Les efforts destinés à accroître les effectifs de magistrats n’ont cependant de sens que s’ils s’accompagnent d’un effort encore plus important en faveur des greffiers. Or le ratio entre le nombre de greffiers et celui de magistrats n’est encore actuellement que de 0, 86. L’objectif doit être de le porter progressivement à un niveau proche de un pour un. Je constate néanmoins que la situation progresse.

Pour 2011, l’enveloppe allouée au titre des frais de justice s’élève à 459, 4 millions d’euros. Les charges restant à payer devraient toutefois représenter près de 100 millions d’euros à la fin de l’exercice budgétaire 2010, ce montant correspondant à environ deux mois d’activité des juridictions. Il apparaît donc que la sous-budgétisation constatée en 2009 et en 2010 se poursuit en 2011. C’est la raison pour laquelle la commission des finances m’a demandé de vous présenter un amendement sur les crédits de cette mission.

Un autre enjeu pour l’institution judiciaire réside dans la mise en œuvre de la réforme de la carte judiciaire. À cet égard, il convient de se féliciter que cette réforme avance, sans que son coût dérape. Celui-ci est toujours estimé à 427 millions d’euros sur cinq ans.

Une dernière question se pose concernant la performance de la justice judiciaire : c’est celle de l’exécution des peines. Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous éclairer sur ce point et nous donner votre appréciation sur l’effectivité des décisions pénales ?

En 2011, les efforts en faveur du programme Administration pénitentiaire se poursuivront. Ce programme verra ainsi ses autorisations d’engagement progresser de 6, 8 % et ses crédits de paiement de 4, 5 %. Il enregistrera par ailleurs un gain net de 413 emplois supplémentaires, pour un plafond d’emplois établi à 34 857 ETPT. Cette augmentation des effectifs permettra notamment de répondre aux besoins en personnels liés à l’ouverture de nouvelles places en détention au cours de l’exercice.

Le nombre de créations nettes de places en détention en 2011 se montera en effet à 1 139, les efforts d’investissement réalisés au cours des derniers exercices commençant à porter leurs fruits depuis 2008.

Le grave écueil de la surpopulation carcérale n’est cependant pas encore totalement surmonté. La préoccupation majeure concerne les établissements dont la densité reste supérieure à 200 %.

Une décision importante est intervenue concernant la question récurrente des transfèrements de détenus. À compter du 1er janvier 2011, la responsabilité de ces transfèrements entre les cellules et les palais de justice, ainsi que des missions d’escorte et de garde des détenus hospitalisés dans les unités hospitalières sécurisées interrégionales, les UHSI, sera transférée au ministère de la justice. Seuls les détenus particulièrement signalés continueront de relever de la police et de la gendarmerie. Cette mesure s’accompagnera d’un transfert de 800 ETPT en faveur de l’administration pénitentiaire. À cet égard, monsieur le garde des sceaux, la commission des finances souhaiterait connaître les deux régions qui devraient être pilotes pour cette expérimentation dès le début de 2011.

Enfin, la prise en charge des cas relevant de la psychiatrie en milieu carcéral constitue un sujet de préoccupation constant. Or les moyens dédiés à cette mission sont insuffisants. La pénurie de psychiatres est d’autant plus préjudiciable qu’environ 20 % à 25 % – au minimum ! – des détenus souffrent de troubles psychiatriques. Des solutions à cette situation devront être trouvées dans les années à venir. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet, monsieur le garde des sceaux ?

Depuis 2009, le programme Protection judiciaire de la jeunesse privilégie la prise en charge des mineurs délinquants. L’année 2011 représente une année charnière pour la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, qui a accompli d’importants efforts de rationalisation. En effet, conçu sur quatre ans, son projet stratégique national arrive bientôt à son terme.

Le programme comporte 757, 9 millions d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 2, 1 %. Il enregistrera la perte de 140 ETPT, son plafond d’emplois baissant à 8 501 ETPT.

Il faut toutefois souligner que ces suppressions de postes ne concernent que les fonctions support et non les éducateurs. J’insiste sur le fait que nous avons atteint là, à mon avis, un plancher et qu’il est important de ne pas déstabiliser l’institution, qui est fort bien gérée.

Au total, l’action de la protection judiciaire de la jeunesse débouche sur un résultat encourageant : 70 % des jeunes pris en charge au pénal n’ont ni récidivé, ni réitéré, ni fait l’objet de nouvelles poursuites dans l’année qui a suivi la clôture de la mesure.

Les moyens du programme Accès au droit et à la justice augmentent de 12, 4 % en crédits de paiement et atteignent 331, 3 millions d’euros. En particulier, l’aide juridictionnelle voit sa dotation passer de 274, 8 millions d’euros en 2010 à 312, 3 millions d’euros en 2011.

Cette hausse significative est cependant trompeuse. Elle s’explique essentiellement par le fait que, l’année prochaine, ces crédits devront également couvrir l’assujettissement des rétributions versées aux avocats et aux avoués à un taux de TVA à 19, 6 %, contre 5, 5 % antérieurement.

La commission des finances se félicite toutefois que le projet de loi de finances pour 2011 instaure un ticket modérateur de 8, 84 euros à la charge des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle, qui seront désormais ainsi, nous l’espérons, mieux responsabilisés.

Par ailleurs, la réforme à venir de la garde à vue constituera, à n’en pas douter, un défi majeur à relever en 2011 au regard du budget consacré à cette aide. La commission des finances y sera particulièrement attentive, ce genre de réforme nécessitant les moyens adéquats.

Le programme Conduite et pilotage de la politique de la justice comporte 267, 1 millions d’euros de crédits de paiement, en progression de 7, 3 % par rapport à 2010. Cette hausse significative des crédits consacrés à l’administration centrale et aux projets informatiques pourrait étonner. Elle doit cependant être relativisée dans la mesure où elle résulte, pour une grande part, de changements de périmètres.

L’un des enjeux pour 2011 sera la réussite du regroupement, sur un site unique, de l’ensemble des directions de l’administration centrale. Ce déménagement doit permettre de réaliser des économies de loyers.

En conclusion, et sous réserve de l’adoption de l’amendement que je vous présenterai dans quelques minutes, la commission des finances propose au Sénat de voter les crédits proposés pour la mission « Justice » et pour chacun de ses programmes.

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