Et les statistiques augmentent d’autant !
Force est de constater, d’ailleurs, que cet acharnement ne produit guère de résultats tangibles puisque, depuis 2008, on observe un tassement du nombre d’expulsions effectivement réalisées : si la France a procédé à 29 288 expulsions en 2009, l’objectif pour 2010 et 2011 est de 28 000 mesures d’expulsion. Mais le Gouvernement continue de gonfler ces chiffres en fusionnant dans un même indicateur de performance les retours forcés, au nombre de 18 760, et les retours volontaires pris en charge par l’OFII, au nombre de 9 240. En d’autres termes, les résultats sont augmentés d’un tiers.
Troisième choix : la banalisation de l’enfermement des étrangers en situation irrégulière. En 2011, il est prévu d’augmenter de 16 % les capacités de rétention administratives : 2036 places en 2011, contre 1 748 en 2010. Nous nous interrogeons sur l’opportunité de cette mesure. On pourrait considérer que, comme pour les prisons, il s’agit d’une bonne disposition; mais le taux moyen d’occupation des centres de rétention administrative est de 58 % – à peu près 60 % au cours du premier trimestre de 2010. On me dit que cela vise à une meilleure adaptation géographique des CRA. Je pense plutôt qu’il s’agit en fait d’anticiper l’augmentation de la durée de rétention, mesure qui figure dans le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
Le rapporteur spécial l’a souligné, les documents budgétaires dont nous disposons ne permettent toujours pas d’avoir une vision globale des dépenses liées à la rétention administrative. La mise en place d’un tableau de bord de performance est censée faciliter le calcul du coût complet du fonctionnement des CRA. Or cet outil ne tient pas compte de nombreuses dépenses. Si l’on inclut tous les postes de dépense, on aboutit à un coût largement supérieur à 3 000 euros par personne retenue. Sachant que le taux d’exécution des décisions d’éloignement prononcées s’élève à moins de 30 %, cela représente un gâchis considérable en ces temps de rigueur budgétaire.
J’en viens à présent au dispositif d’assistance juridique aux étrangers placés en rétention administrative. Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit une hausse de 4, 3 % du montant des crédits alloués aux associations chargées de cette mission : 4, 8 millions d'euros en 2011, contre 4, 6 millions d'euros en 2010. En raison de l’entrée en vigueur tardive de l’allotissement du marché d’aide aux droits des étrangers, après l’avoir découpé en six ou sept parties dont plusieurs ont été ensuite annulées, le Gouvernement doit procéder à l’indemnisation des frais résultant de l’annulation du marché. Je souhaite savoir si les associations ont déjà été indemnisées et, si oui, pour quel montant.
Quatrième choix : une insuffisance des crédits qui remet en cause le droit d’asile.
Contrairement à ce que le Gouvernement veut nous faire croire, la France n’est pas le pays le plus accueillant pour les demandeurs d’asile : elle est simplement le pays le plus demandé. Si l’on raisonne en termes de taux de reconnaissance du statut de réfugié, on constate que la France est moins généreuse que la plupart des États membres de l’Union européenne.
L’analyse détaillée de l’action n° 2 du programme 303 confirme ce constat. En 2011, les crédits consacrés à la garantie de l’exercice du droit d’asile seront inférieurs de près de 44 millions d'euros aux dépenses constatées en 2009. La hausse du budget alloué à l’asile est donc une hausse en trompe-l’œil et nous savons que, comme les années précédentes, il faudra un décret d’avance pour abonder ce budget en cours d’exercice. En d’autres termes, il faut dire les choses comme elles sont, le projet de budget que l’on nous présente n’est pas très sincère !
Par ailleurs, le Gouvernement entend réduire les délais d’examen des demandes d’asile. A priori, cet objectif va dans le bon sens. Cependant, je crains fort que sa réalisation ne se fasse au détriment de la qualité de l’examen des dossiers. Cette crainte est renforcée par la lecture du prochain projet de loi relatif à l’immigration, qui prévoit notamment d’étendre la procédure prioritaire.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ce projet de budget.