Intervention de Jean-Louis Carrère

Réunion du 29 novembre 2010 à 14h45
Loi de finances pour 2011 — Sécurité

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’actualité me conduit à introduire mon propos par une citation extraite de la résolution générale du quatre-vingt-treizième Congrès des maires et présidents de communautés de France, le 26 novembre dernier : « Le Congrès rappelle que la sécurité des citoyens est l’affaire commune de l’État et des collectivités territoriales, mais avec des responsabilités bien distinctes. Le Congrès appelle à un véritable partenariat entre les services des collectivités et ceux de l’État, dans le respect des compétences de chacun. Il rappelle son attachement vigilant au maintien des effectifs et à la présence des services de l’État sur le terrain. » Nous n’en prenons pas le chemin !

Voyons l’évolution de la gendarmerie. Ce sujet intéresse au plus haut point les élus locaux et, par voie de conséquence, les sénateurs. Pourquoi ? Parce que les maires de France pensent, monsieur le ministre, que la gendarmerie n’est plus en situation d’assurer une présence rurale et nationale adaptée aux évolutions de la délinquance et aux besoins du maintien de l’ordre et capable de prévenir, d’anticiper, d’agir avant que des faits délictueux ne se produisent. C’est simple : aujourd’hui le service public de la sécurité n’est plus assuré également sur l’ensemble du territoire !

On nous dit, comme cela vient encore d’être rappelé à l’instant, que le rattachement police-gendarmerie fonctionne bien, qu’il est en bonne voie…

Le problème est que ce rattachement devient petit à petit une fusion, une marche inévitable vers une force unique de sécurité ! À terme, il y aura non plus deux, mais une seule force, avec des spécialités différentes. Il sera alors impossible, vous le savez bien, de maintenir deux statuts, l’un, civil et l’autre, militaire. Or l’organisation de la République requiert deux forces, deux statuts, avec une bonne coordination, au travers d’un dispositif fonctionnel et opérationnel qui garantisse le maintien de la spécificité de la gendarmerie, indispensable pour notre sécurité en milieu rural et rurbain.

Je suis donc tout à fait défavorable à la concentration de tous les pouvoirs de police au sein d’un même ministère.

Quel est le sentiment sur le terrain ? Je vais vous le dire : les gendarmes ne sont plus là, ni là où il faut. La raréfaction de leur présence sur le terrain est la conséquence directe de votre politique depuis 2002. Je réside à côté de la gendarmerie d’Hagetmau. Depuis presque trois ans, celle-ci est toujours fermée. Il faut téléphoner, bientôt il faudra prendre rendez-vous, pour être assisté par ce corps de sécurité qui, naguère, garantissait une présence territoriale inégalée !

Monsieur le ministre, de vastes zones rurales et périurbaines sont désertées pour parer au plus pressé en zone urbaine, dans les grandes agglomérations et leurs quartiers.

Pour les élus locaux, ce qui importe, c’est la présence et l’action des forces de sécurité sur le terrain, dans la durée, en particulier en zone rurale. La diminution des effectifs de gendarmes a pour effet, notamment, d’allonger les délais d’intervention. Cette politique ne cesse de montrer ses limites.

Je dirai à présent un mot de votre budget, qui est le reflet de cette mauvaise politique.

La révision générale des politiques publiques, cela vient d’être rappelé, continue à faire des ravages parmi les forces de sécurité. La saignée se poursuit. Dans la gendarmerie, 957 emplois sont concernés.

Nous voudrions savoir, monsieur le ministre, quels sont exactement les secteurs affectés et les fonctions touchées par cette baisse constante des effectifs.

Permettez-moi de donner un premier exemple : la baisse des effectifs de gendarmes vous contraindra à supprimer des escadrons de gendarmerie mobile, et même à diminuer le nombre de personnels dans les escadrons. Leur nombre s’élève aujourd’hui à 110 ou 115 ; combien seront-ils demain ?

Affaiblir la « mobile », sollicitée aussi par ses missions dans le cadre des opérations extérieures, est chose dangereuse, face aux risques inhérents aux missions de maintien de l’ordre, très exigeantes pour les personnels qui les composent. Actuellement, des unités rencontrent des difficultés pour partir en mission avec l’effectif demandé et sont obligées d’obtenir des renforts en personnel provenant d’autres escadrons.

Deuxième exemple : la brigade doit être placée au cœur de la population, pour lui permettre, grâce à sa connaissance approfondie du milieu dans lequel elle évolue, d’intervenir avec rapidité et efficacité, voire de prévenir les infractions. Est-ce toujours le cas ? Non, et les élus éprouvent un sentiment d’abandon !

Au Sénat, nous le savons, parce que, comme vous, monsieur le ministre, nous écoutons les élus qui nous disent que certaines communes sont délaissées et qu’il ne suffit pas d’envoyer en urgence des gendarmes quand « ça chauffe » : de gros problèmes se posent et il est nécessaire d’assurer partout une présence constante et régulière.

Regroupés en plusieurs brigades, les gendarmes sont appelés à intervenir sur un grand territoire ; ils sont donc souvent bien loin lorsqu’arrive un appel urgent et ils doivent parcourir de nombreux kilomètres les jours suivants pour mener auditions et enquêtes. La permanence n’est, de fait, plus assurée à la gendarmerie locale, car ces personnels sont très souvent sur la route. Bref, l’organisation de la gendarmerie est aujourd'hui très insatisfaisante.

On ne pourra pas poursuivre sur le même rythme les suppressions d’emplois sans affecter véritablement la capacité opérationnelle de la gendarmerie. Monsieur le ministre, sans le vouloir peut-être, vous l’avez réellement affaiblie !

Votre échec en matière de sécurité est patent. L’excès de communication ne remplace pas l’action et nos concitoyens savent bien que, depuis 2002, peu de chose ont été résolues en profondeur. Une politique sécuritaire faite de coups d’éclat médiatisés n’apporte ni tranquillité ni sécurité dans la durée.

En outre, monsieur le ministre, nous savons que vos prévisions budgétaires ne sont pas bonnes. Il suffit de relire les commentaires du président de la commission des finances pour être édifié.

Mauvaise gouvernance encore que cette demande d’ouverture de crédits d’urgence – elle me surprend beaucoup – de 930 millions d’euros pour assurer le versement des traitements de décembre de certains fonctionnaires appartenant à huit ministères, dont l’éducation nationale, la défense et l’intérieur. Vos contestables prévisions budgétaires posent avec force la question de la sincérité des budgets présentés au Parlement. En même temps, la France n’a-t-elle pas l’arrogance de donner des leçons de gouvernance aux autres pays européens ?

Non, monsieur le ministre, la politique que vous conduisez n’est pas la bonne ! Elle nous conduit à la diminution de l’assise territoriale de la gendarmerie ; alors que la délinquance et l’insécurité progressent, vous réduisez le format de nos forces de sécurité. Votre politique n’est qu’apparences, chiffres et coups d’éclat : nous la combattrons !

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