Elle est exemplaire dans ce contexte sociétal, exemplaire au regard de la nouvelle organisation de ces deux forces qui est venue rompre avec les habitudes antérieures, exemplaire encore, si l’on mesure les constantes adaptations qui leur sont demandées : formation, technologie, moyens d’intervention, etc.
Mais cette exemplarité a un prix : quelques « dérapages » dont on aurait souhaité qu’ils n’existent pas ou, à l’inverse, des faits de courage et de bravoure qui endeuillent aujourd’hui les familles de nos policiers et de nos gendarmes.
Le budget de la mission « Sécurité » a vocation à garantir l’équilibre fragile entre liberté et protection des biens et des personnes sur tout le territoire, voire au-delà pour les militaires de la gendarmerie envoyés en opérations extérieures. Inscrit dans le cadre du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit LOPPSI 2, il est fortement marqué par le durcissement général de la politique de sécurité qui a vu se multiplier les dispositions législatives et réglementaires : pas moins de dix-sept textes depuis 2002, surabondants parfois, répondant souvent à un phénomène isolé dont on a fait une généralité.
Mon premier constat portera sur les effectifs, des effectifs en principe utiles au respect de la loi. Or ce projet de budget reste particulièrement discret – à moins que ce ne soit peu « lisible » – sur l’évolution des emplois dans la gendarmerie et la police, en dépit de l’existence d’un schéma d’organisation des forces de sécurité intérieure, qui reste opportunément silencieux sur les unités territoriales de quartier, les UTEQ, et les compagnies de sécurisation, éléments majeurs de la politique récente du Gouvernement.
La baisse prévue des effectifs en gendarmerie, de 3 509 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, dans le cadre triennal 2009-2011, a suscité de nombreuses inquiétudes, en particulier dans le milieu rural : au terme des deux premières années, 2 549 ETPT ont déjà été supprimés ; l’année 2011 ne devrait connaître « que » 960 suppressions nouvelles. Ces suppressions imposent une réorganisation territoriale, avec l’élargissement des zones d’intervention dans des communautés de brigade qui s’efforcent de maintenir le lien de proximité, essentiel dans les territoires ruraux.
S’il faut constater la modification numérique de la gendarmerie, il faut aussi en souligner l’évolution structurelle, avec la transformation des postes d’officiers, de sous-officiers et de gendarmes-adjoints volontaires en postes de personnels de soutien technique et administratif, gendarmes ou civils. Cette évolution répond aux nouvelles technologies adoptées en matière de recherche et d’investigation et a pour objectif de libérer les militaires de tâches purement administratives, ce dont il faut se féliciter.
Pour la police nationale, le mouvement de baisse des effectifs constaté en 2009 et en 2010 s’est stabilisé. L’augmentation de 714 ETPT affichée pour 2011 n’est en fait qu’apparente, traduisant des transferts d’emplois vers d’autres programmes compensés par l’arrivée d’adjoints de sécurité. Les policiers sont conscients des efforts qui vont leur être demandés pour maintenir le même niveau de service aux citoyens et, d’ores et déjà, certaines missions souffrent du manque de disponibilité : je pense, en particulier, aux dépôts de plainte, trop souvent transformés en une simple main courante.
J’en viens maintenant aux moyens dont disposent police et gendarmerie. Tant en fonctionnement qu’en investissement, la réduction des moyens est préoccupante, car elle porte sur des équipements essentiels pour assurer les missions imparties : véhicules, informatique, équipements de vidéoprotection à la charge de la police et de la gendarmerie, instruments de contrôle en matière de sécurité routière.
Il va de soi que la réduction importante de ces moyens rend inopérantes certaines priorités fixées par le Gouvernement. Je n’en veux pour preuve que les limites apportées à l’action des forces de police et de gendarmerie sur le terrain aux heures les plus sensibles de la journée.
Je veux, en dernier lieu – et la note sera plus optimiste –, me réjouir de ce que l’on peut appeler la « coproduction de sécurité ». Cette coproduction, certes, réclame des moyens, mais elle est surtout le résultat d’une autre culture. Nous avions été nombreux à craindre le « rapprochement » de la police et de la gendarmerie et à penser que de « rapprochement » on passerait rapidement à « fusion ». Pour le moment, il n’en est rien ; les gendarmes restent bien des militaires, les policiers conservent leur statut civil, mais les uns et les autres participent à cette production commune de sécurité, et ils y participent en bonne intelligence. C’est là un point qu’il convient de souligner, car tel n’a pas toujours été le cas ; mais il s’agit le plus souvent, c’est vrai, de problèmes de relations humaines. En tout état de cause, aujourd’hui, une meilleure complémentarité s’est instaurée entre des territoires urbains et des territoires ruraux redessinés.