Intervention de Philippe Richert

Réunion du 29 novembre 2010 à 21h45
Loi de finances pour 2011 — Sécurité civile

Philippe Richert, ministre :

Voilà pourquoi cet honneur me revient pour la première fois et, comme vous pouvez l’imaginer, j’en apprécie pleinement l’exercice.

Avant de vous présenter les grandes lignes du projet de loi de finances pour 2011 et de répondre ainsi à vos nombreuses interrogations, je souhaite saisir l’occasion qui m’est offerte pour doubler vos paroles et renouveler l’hommage que la France doit à chacun de ses sapeurs-pompiers ainsi qu’aux personnels civils et militaires des moyens nationaux de la sécurité civile.

Comme vous l’avez fait, je souhaite les remercier pour leur engagement absolu au service de nos concitoyens en difficulté, pour leur courage exemplaire et leur total dévouement, ainsi que pour le rôle indispensable qu’ils jouent, à tout instant, dans la vie de notre pays.

Au cours de l’année 2010, tout particulièrement, ils se sont portés au-devant du danger pour faire face à des catastrophes exceptionnelles, notamment lors de la tempête Xynthia, des inondations du Var, des violents incendies dans l’Hérault ou encore du tremblement de terre en Haïti, qui a mobilisé, au plus fort de l’événement, 700 personnels.

Je tiens également à rendre un hommage solennel aux neuf sapeurs-pompiers qui ont disparu dans l’exercice de leurs fonctions cette année.

En 2009, les 249 300 sapeurs-pompiers, dont 80 % sont des volontaires, sont intervenus plus de quatre millions de fois, un constat qui donne très précisément la mesure de leur action au service de nos concitoyens.

Madame le rapporteur pour avis, chère Catherine Troendle, je souhaite enfin vous dire toute l’attention que porte le Gouvernement aux violences verbales ou physiques dont sont victimes les sapeurs-pompiers ; plus de 1 000 agressions ont en effet eu lieu au cours de l’année écoulée. Soyez certaine que les auteurs sont systématiquement recherchés ou arrêtés. Le ministre de l’intérieur, du reste, a demandé au directeur de la sécurité civile de renforcer le suivi national de ces actes ainsi que de lancer des actions de prévention en vue de garantir la sécurité des intervenants.

J’en viens maintenant au projet de loi de finances pour 2011 qui vous est soumis aujourd'hui. Les crédits de la mission « Sécurité civile » s’élèvent à 459, 8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 434, 9 millions d’euros en crédits de paiement. M. le rapporteur spécial m’a interrogé il y a quelques instants sur l’origine de l’écart de 12 millions d’euros ; il concerne en fait le déminage, notamment la sécurisation et la mise aux normes ICPE, c’est-à-dire les installations classées pour la protection de l’environnement.

Le projet de budget repose sur trois piliers : le principe de subsidiarité, l’application du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, l’organisation et la coordination efficiente des acteurs.

Premièrement, la subsidiarité, qui est le fondement de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, demeure notre référence commune. Oui, mesdames Assassi et Escoffier, l’État et les collectivités territoriales sont complémentaires en matière de secours.

La loi de 2004 de modernisation de la sécurité civile, en fixant le principe de subsidiarité et en confiant aux conseils généraux la responsabilité des SDIS – il est donc normal que les départements participent aux actions de secours dans une proportion plus importante que l’État –, a consolidé l’équilibre entre ce dernier et les collectivités territoriales.

Le département est l’échelon pertinent pour organiser et mettre en œuvre le secours aux personnes en l’adaptant à la diversité de nos territoires. L’État, sous l’autorité des préfets, est le mieux à même d’agréger les forces locales pour faire pleinement émerger la solidarité nationale lorsqu’une catastrophe frappe nos concitoyens et rend nécessaire la mise en œuvre de moyens qu’aucun département ne pourrait, à lui seul, déployer.

Désormais, avec les SDIS, l’État et les conseils généraux avancent ensemble pour assurer une prise en charge optimale des citoyens en situation de détresse en tout point du territoire. Ce partenariat permet aussi bien d’assurer les 11 000 interventions quotidiennes des sapeurs-pompiers que de mobiliser potentiellement 6 000 hommes en renfort en cas de catastrophes naturelles telles que la tempête Xynthia, qui a touché notre pays en 2010, ou les inondations du Var, lesquelles ont mobilisé, quarante-huit heures après l’événement, près de 1 000 hommes supplémentaires, dont 700 sapeurs-pompiers d’autres départements.

Pour illustrer cette complémentarité, je voudrais également rendre hommage au rôle prépondérant joué par la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, la CNSIS, mise en place en 2004 et présidée avec talent par Éric Doligé.

Je me réjouis de constater que cette conférence, au sein de laquelle les élus sont majoritaires, est devenue une institution indispensable, qui a permis l’examen de plus de cinquante textes aussi bien dans le champ statutaire que dans celui de la formation ou des équipements.

Je souligne par ailleurs que les avis de la CNSIS ont tous, sans exception, été suivis par le Gouvernement. Cette institution joue donc pleinement son rôle de régulation et permet de faciliter la mise en cohérence à l’échelle nationale des actions départementales.

Monsieur Peyronnet, monsieur Gautier, la tendance à la maîtrise des dépenses se confirme.

Depuis 2007, les budgets des SDIS sont en voie de stabilisation dans la mesure où ils ne progressent plus que de 3 % hors inflation. De plus, les budgets primitifs pour 2010 ont fait apparaître une hausse très modérée, de 1, 36 % par rapport à 2009. Ce constat est d’ailleurs partagé par l’Assemblée des départements de France. Dans l’étude annuelle qu’elle vient très récemment de remettre, madame Assassi, elle constate le caractère assaini de la situation financière des SDIS, la modération de leur endettement ainsi que la très nette amélioration de leur visibilité.

Cette meilleure maîtrise des dépenses ne s’est pas faite au détriment de la qualité de service apporté à nos concitoyens. En effet, pendant que le nombre de victimes augmentait, les délais moyens de traitement des appels d’urgence et d’intervention ont été améliorés.

Dans ces conditions, c’est dans la voie de la modération de la dépense publique qu’il convient de poursuivre, en multipliant les mesures visant à parvenir à une meilleure maîtrise des dépenses. Il en est notamment ainsi du développement de la mutualisation des achats et des fonctions supports avec les services des conseils généraux ou d’autres services publics.

Monsieur Gautier, c’est en ce sens que la direction de la sécurité civile s’est engagée et se positionne en soutien des élus et des SDIS.

J’ajoute que le soutien de l’État aux SDIS, via le fonds d’aide à l’investissement des SDIS, le FAI, sera maintenu en 2011 au niveau de son montant actuel, soit 21 millions d'euros, et ce malgré un contexte budgétaire contraint. L’État entend ainsi marquer l’importance qu’il attache au soutien de l’action menée par les SDIS en matière d’investissement.

Je tiens à souligner que le FAI, en 2010, comme c’est le cas depuis 2007, a permis de favoriser le financement des colonnes de renforts, et donc la solidarité nationale, ainsi que l’équipement des SDIS en matériels radio et terminaux complémentaires de l’infrastructure ANTARES.

M. le rapporteur spécial, Mme le rapporteur pour avis et M. Peyronnet ont évoqué la contribution des SDIS au fonctionnement du réseau ANTARES. Il est important de rappeler que l’État a supporté seul l’investissement supérieur à 800 millions d'euros qui a permis de réaliser le réseau national numérique – l’infrastructure nationale partageable des transmissions, ou INPT – et que, grâce au déploiement d’ANTARES, les SDIS n’auront plus désormais à investir dans les réseaux départementaux qu’ils finançaient seuls par le passé.

Fondé sur une répartition qui laissera les deux tiers des coûts à la charge de la police et de la gendarmerie, le dispositif intégrera en outre une première atténuation de 10 millions d'euros des coûts imputables aux SDIS, traduisant l’engagement de modération pris par le Gouvernement, ainsi qu’une seconde atténuation liée à la contribution des SAMU.

Oui, chère Catherine Troendle, ce dispositif sera soumis dès demain après-midi, mardi 30 novembre, à la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, la CNSIS. Il est à la fois équilibré et respectueux des finances locales, puisque, grâce à la mutualisation, les coûts de fonctionnement supportés par les SDIS seront inférieurs aux coûts de possession que les SDIS supportaient seuls, lorsqu’ils s’équipaient de réseaux analogiques départementaux.

Par ailleurs, les recommandations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale doivent continuer à être pleinement appliquées.

Il s’agit pour nous d’être plus réactifs et d’augmenter nos capacités pour alerter et informer, pour porter secours à la population.

Le projet de système d’alerte et d’information des populations, SAIP, est important. Nous le savons, l’ancien réseau national d’alerte, RNA, est aujourd’hui dépassé. Il doit donc être modernisé. Monsieur Peyronnet, ce projet mutualisera les sirènes disponibles – État, collectivités locales, exploitants « Seveso », etc. – et couplera leur déclenchement avec l’envoi de messages SMS dans la zone de risques concernée.

Les travaux actuels consistent à développer la mise en réseau de ces moyens en s’appuyant sur les infrastructures du ministère de l’intérieur, dont ANTARES, et à raccorder de nouveaux vecteurs. Un appel d’offres sera lancé au premier semestre 2011, adapté aux besoins des départements. En 2011, 44, 7 millions d'euros d’autorisations d’engagement seront dévolus à ce projet.

La recherche d’une réactivité maximale des moyens de secours constitue une autre priorité du Gouvernement. Elle repose déjà sur la disponibilité des formations militaires de la sécurité civile. L’astreinte quotidienne garantit une réserve de personnes qualifiées et polyvalentes : 100 personnes à 1 heure, 300 personnes à 3 heures, projetables partout. Toutes les sections d’intervention sont polyvalentes et aptes à activer les modules d’intervention.

L’amélioration de la réactivité passe par deux avancées majeures.

La première avancée concerne le développement des moyens de lutte contre le risque nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif, dit « NRBCE ».

Pilote du programme NRBCE du ministère, la direction de la sécurité civile a lancé quatre grands chantiers, que je ne passe pas en revue, pour faire face à un cas intentionnel ou accidentel, pour un montant total de 4, 2 millions d'euros pour la période 2009-2011.

Madame Escoffier, de nombreuses réflexions sont actuellement en cours concernant le statut et la protection des démineurs.

Dans chacun des vingt-six centres répartis sur le territoire, un agent chargé de la mise en œuvre, ACMO, a été désigné, formé et chargé d’élaborer le document unique d’évaluation des risques professionnels, le DUERP, de son centre. Dans le même temps, l’élaboration du règlement général du service de déminage se poursuit.

Pour ce qui concerne les questions strictement statutaires, le service du déminage est actuellement scindé en deux catégories : le corps, en extinction, des services techniques du matériel, les STM, et celui des différents corps de la police nationale qui sont devenus les statuts de droit commun pour tous les nouveaux arrivants depuis l’intégration des artificiers de la police nationale en 2004.

L’arrivée de la gendarmerie nationale au sein du ministère de l’intérieur permettra de faire évoluer rapidement cette situation.

La seconde avancée majeure pour notre réactivité a trait à l’amélioration de notre couverture aérienne, tant en métropole qu’outre-mer, avec l’acquisition de trois hélicoptères : deux hélicoptères de type EC 145 ont été réceptionnés en 2010 et un troisième le sera d’ici à la fin de 2011. En outre, deux appareils supplémentaires seront commandés pour l’outre-mer.

Enfin, au-delà du renforcement des moyens, l’État doit mettre en place une organisation et une coordination efficientes des acteurs.

La modernisation du centre opérationnel de gestion interministérielle des crises, le COGIC, sera poursuivie en 2011. Cette modernisation a trois objectifs : améliorer la qualité des informations délivrées aux plus hautes autorités de l’État, adapter les outils de veille et d’alerte, apporter une plus grande visibilité sur l’emploi des renforts de la sécurité civile.

J’en viens aux préfectures de zone.

Le renforcement de l’échelon zonal dans la gestion interministérielle des crises a déjà eu lieu dans les faits lors du passage de la tempête Klaus en 2009, puis de la tempête Xynthia, en 2010.

Depuis la publication des trois décrets du 4 mars 2010, les préfets de zone de défense voient officiellement leur champ de compétences élargi en amont de la crise, dans la préparation de celle-ci, puis lorsqu’elle survient.

S’agissant des relations entre les SAMU et les SDIS, il existe désormais le référentiel commun SDIS-SAMU.

À ce jour, 65 % des départements ont signé une convention ou sont en passe de le faire. Ce résultat est encourageant, mais l’objectif est d’arriver à 100 % de signatures des conventions. Le comité national de pilotage sera saisi dans les prochaines semaines des difficultés existantes.

Concernant le temps de travail, nous ne souhaitons pas que certaines conséquences du droit communautaire nous conduisent à devoir réduire le nombre de gardes assurées par les sapeurs-pompiers professionnels.

Mesdames, messieurs les sénateurs, conformément à votre souhait, la France soutiendra les initiatives européennes de révision de la directive de 2003 sur le temps de travail.

Des progrès sont également accomplis en matière d’emploi des personnes handicapées.

La rénovation des emplois supérieurs des SDIS est une question importante, à laquelle je répondrai ultérieurement, afin de ne pas allonger ce débat et de ne pas retarder l’examen des crédits de la mission suivante.

Le soutien de l’État à l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers sera confirmé en 2011.

Nous avons l’intention de poursuivre la réflexion sur l’avenir de cet établissement. Monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, je veux bien convenir que les modalités, l’organisation méritent une étude approfondie.

S’agissant des militaires de la sécurité civile tués dans l’exercice de leurs fonctions, leurs ayants droit bénéficieront bien désormais des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Enfin, pour ce qui concerne la sécheresse 2003 et la gestion des crédits exceptionnels mis en place en 2006, la circulaire qui a été évoquée a été signée ce matin même.

Sur le dossier du volontariat, la proposition de loi relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique vient d’être enregistrée à l'Assemblée nationale. Nous souhaitons, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’elle puisse être votée d’ici à la fin du premier trimestre 2011.

Ce texte, très attendu par le monde des sapeurs-pompiers, clarifiera la notion de volontariat. Il précisera que le volontaire n’est ni un agent public ni un travailleur au sens européen du terme : il s’agit d’un citoyen qui, librement, s’engage au service de la communauté nationale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion