Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, voilà cinq ans, les banlieues s’embrasaient. Ce n’était pas la première fois, certes, mais nous avons observé un degré de violence inédit traduisant le mal-être de ces quartiers et, plus inquiétant, aucun débouché politique n’a été proposé.
Nous connaissons tous les problèmes de ces territoires, nous sommes conscients des difficultés de ces quartiers qui ont mal vieilli, qui sont mal intégrés au reste de la ville.
Je pense que personne, dans cet hémicycle, ne peut se dire insensible à la détresse des populations, bien souvent marginalisées, pour ne pas dire abandonnées. Dans ces quartiers, les services publics sont peu présents en général, le chômage est élevé, le sentiment d’injustice constant.
Pourtant, le programme 147, Politique de la ville, accuse une baisse de ses crédits. Il représente 618 millions d’euros en autorisations d’engagement, pour un montant quasi identique en crédits de paiement. Dans le détail, les premières baissent de 13 %, les seconds de 12 %.
Le budget est contraint cette année. Le Gouvernement veut montrer qu’il fait des économies. Pis, la baisse constatée ici est supérieure à la norme d’économie retenue lors de l’élaboration du budget. Cette affirmation n’est pas de moi ; elle est de M. le rapporteur spécial, notre collègue Philippe Dallier.
Ainsi donc, devant un tel désengagement, je dois en conclure que le plan « Espoir banlieues », qui n’a jamais eu de moyens, n’était qu’un simple affichage destiné à calmer la colère de ces populations, sans rien changer sur le fond. Le budget pour 2010 était déjà critiquable ; celui pour 2011 donne carrément dans le cynisme et le mépris.
Le plan de Fadela Amara porte, somme toute, bien son nom : il est un « espoir ». Vous souhaitez volontiers que les habitants de ces quartiers en restent à l’espoir d’une vie meilleure parce que, en fait, vous ne leur accordez rien.
La preuve la plus flagrante en est la diminution de la ligne Dynamiques Espoir banlieues, au sein des crédits d’intervention de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances eux-mêmes en baisse de 10 %. Cette ligne est inférieure non seulement à ce qu’elle était en 2010, mais aussi au budget exécuté en 2009. C’est d’autant plus dramatique que tout retard allongera in fine le montant de la facture.
Cherche-t-on à paupériser et à ghettoïser davantage ces quartiers ? Je ne souhaite pas faire de procès d’intention, mais les faits sont là : vous faites une politique d’affichage avec le plan « Espoir banlieues » tandis que, dans le même temps, vous réduisez drastiquement les crédits disponibles pour les quartiers.
Les tendances sont inquiétantes. En 2009, le budget était déjà en diminution et le plan « Espoir banlieues » n’était soutenu que par Mme Amara. Il faut reconnaître qu’elle portait seule cet espoir. En 2010, il baisse à nouveau. Bas les masques, fini de jouer ! Le rideau du carnaval tombe sur une énième représentation où la banlieue aura été mise au premier plan pour mieux être ridiculisée.
À ce niveau-là, on retrouvera des opérations de rénovation urbaine où il sera question de repeindre les bâtiments pour donner l’impression aux habitants qu’on s’occupe d’eux.
Manifestement, vous n’avez compris ni l’urgence de la situation ni le besoin d’un changement complet de politique de la ville. Ce budget est indécent compte tenu de la situation de ces quartiers.
Je suis d’autant plus inquiète que la première génération des zones franches urbaines arrive à échéance le 31 décembre 2011. La revitalisation économique de ces espaces est une question cruciale. Nous ne pouvons pas la passer sous silence.
Pour l’heure, je constate que les données ayant conduit à la création des zones franches urbaines existent encore, ce qui devrait nous inciter à étudier la manière de faire vivre ce système et non d’en sortir brutalement Il aurait été souhaitable de commencer à réfléchir, dès cette année, aux modalités d’évolution des ZFU et non d’attendre de se trouver au pied du mur. Les banlieues ont besoin de tout sauf d’improvisation.
Les événements de Grenoble, si grossièrement exploités, devraient nous servir d’avertissement. Les attentes sont réelles, les besoins criants. La bonne réponse, ce n’est certainement pas de multiplier les caméras de vidéosurveillance ; c’est avoir une approche ambitieuse et globale. Cela passe par l’engagement de moyens humains et financiers importants, et non par un désengagement progressif.
Attendez-vous que les collectivités territoriales compensent, là encore, votre absence prolongée ? Elles ne sont pas la variable d’ajustement de vos errances politiques. Il revient à l’État de prendre ses responsabilités.
Il en est de même pour les bailleurs sociaux : ils ne doivent nullement servir à exonérer l’État de ses responsabilités.
Monsieur le secrétaire d’État, vous aviez prévu cette année de ponctionner les organismes d’HLM pour financer en partie l’ANRU. En d’autres termes, vous déshabillez Paul pour habiller Pierre !
Vous prétendez que cette mesure est liée à la volonté gouvernementale de supprimer une niche fiscale. Je ne peux que m’interroger sur ce point. Depuis quand le fait de se loger est-il devenu une niche fiscale ? J’ai sans doute dû manquer un épisode dans le raisonnement fiscal… Cependant, que les organismes d’HLM soient également surpris de cette déclaration me rassure : nous sommes donc plusieurs à suivre avec peine cette analyse.
En ponctionnant sans vergogne les bailleurs sociaux pour financer l’ANRU, vous demandez donc aux classes populaires, qui vivent dans les immeubles, de financer les opérations de rénovation et de réhabilitation les concernant. Belle preuve de solidarité nationale, assurément ! Un amendement vise à modifier cette mesure afin d’en revenir à plus de réalisme. C’est un bon point, même si c’est insuffisant.
La politique de logement de ce gouvernement est tout bonnement incompréhensible. Vous êtes revenus sur le « 1 % », vous réduisez les aides à la pierre de plus en plus fortement et privez l’ANRU de ses moyens.
Nous refusons le détricotage d’un système au profit de la simple politique d’accession à la propriété. Nous avons besoin d’une politique ambitieuse, non pas d’un budget indigent, dépourvu de moyens parce que vous refusez, encore et toujours, de mettre à bas ce bouclier fiscal, votre péché originel, qui nie l’impératif de solidarité nationale pourtant au cœur de notre pays.
Pour toutes ces raisons, vous aurez compris quel sera le sens de notre vote.