Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 29 novembre 2010 à 21h45
Loi de finances pour 2011 — Article 99

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

L’article 99 du projet de loi de finances a suscité, vous le savez, un vif émoi au sein du monde HLM ces derniers mois.

Le dispositif initial était clairement inacceptable : il consistait en l’assujettissement des organismes d’HLM à la CRL, la contribution sur les revenus locatifs. Le produit de cette contribution, estimé à environ 350 millions d’euros sur trois ans, devait financer les aides à la pierre et la rénovation urbaine.

Contrairement à la présentation « abusive et trompeuse », pour reprendre les termes du rapport de la commission des finances, qu’en a faite le Gouvernement, il s’agissait non pas du tout d’un dispositif de péréquation au sein du secteur du logement social, mais simplement d’un moyen d’assurer le financement de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU.

Par ailleurs, la ponction de 340 millions d’euros sur la trésorerie des organismes d’HLM pouvait entraîner la non-construction de logements sociaux. Sur la base des données contenues dans le rapport évaluant l’efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l’amélioration de l’offre de logement, annexé au projet de loi de finances, on peut estimer qu’une telle ponction aurait empêché la construction d’environ 28 500 logements sociaux par an.

En raison de la mobilisation du monde HLM et des réticences exprimées par des élus de tout bord, l’Assemblée nationale a adopté un dispositif alternatif qui s’appuie sur le prélèvement pour insuffisance d’investissements, la célèbre taxe sur les « dodus dormants » imaginée en 2009 au moment de la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi MOLLE ou encore loi Boutin.

Cependant, ce dispositif n’est pas satisfaisant : en effet, il concernerait 70 % des organismes d’HLM, d’après les chiffres que vous avez évoqués, monsieur le secrétaire d'État, lors des débats à l’Assemblée nationale. Mais peut-on sérieusement imaginer que 70 % des organismes d’HLM sont des « dodus dormants » disposant d’une trésorerie abondante ?

Par ailleurs, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale n’est toujours pas un mécanisme de péréquation : le prélèvement finance toujours l’ANRU, alors que, comme l’indique notre commission des finances, « le comblement du déficit de financement des opérations de rénovation urbaine ne doit pas être mis à la charge des bailleurs sociaux mais relève du budget général de l’État ».

Enfin, le produit du prélèvement n’atteignant que 260 millions d’euros, le reste est prélevé sur la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, ce qui est inacceptable et remet en cause l’une des mesures de la loi Boutin.

La commission des finances a visiblement beaucoup travaillé sur cette question, sous l’action coordonnée du rapporteur spécial Philippe Dallier et du rapporteur général Philippe Marini. La semaine dernière, le Sénat a adopté un dispositif assurant le financement de l’ANRU pour la période de 2011 à 2013. L’amendement déposé par la commission des finances à l’article 99 constitue le deuxième volet de ce dispositif alternatif.

Cet amendement comprend plusieurs avancées : le prélèvement sur les organismes d’HLM est réduit à 150 millions d’euros ; l’assiette du prélèvement est précisée, les subventions à recevoir devant en être exclues ; la ponction réalisée sur la CGLLS est supprimée, et l’aspect péréquateur se traduit par 150 millions d’euros qui viendraient abonder la ligne fongible.

Le dispositif qui nous est proposé est donc « moins pire », si vous me passez l’expression, que celui qui a été adopté par nos collègues députés et moins pire encore que celui qui avait été inventé initialement par le Gouvernement.

Pour autant, je regrette que les organismes d’HLM soient ainsi mis à contribution.

D’une part, d’autres ressources auraient pu être mobilisées. Je note ainsi que l’article 56 du projet de loi de finances prévoit la mise en place d’un nouveau prêt à taux zéro, le PTZ +, dont l’universalité devrait coûter 80 millions d’euros en 2011, et pour une efficacité douteuse.

D’autre part, ce dispositif s’inscrit dans une logique de désengagement de l’État en matière de logement : après Action Logement, qui a été mobilisée pour financer l’ANRU, les bailleurs sociaux sont mobilisés pour compenser la diminution des aides budgétaires à la pierre.

Pour toutes ces raisons, je voterai bien évidemment l’amendement de suppression ; à défaut, je proposerai que le dispositif imaginé par la commission des finances, s’il était adopté, ne soit valable que pour une durée de trois ans, comme cela était prévu dans le dispositif initial.

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