Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la filiation donne à la personne une identité propre, l'inscrit dans une lignée et une histoire familiale ; le droit qui la régit est par conséquent un droit essentiel pour nos concitoyens.
Sur ce sujet sensible et délicat, le Parlement et le Gouvernement travaillent en étroite collaboration depuis 2004.
Vous avez autorisé, par la loi du 9 décembre 2004, le Gouvernement à procéder à la réforme de notre droit par voie d'ordonnance. Vous avez alors souhaité déterminer clairement le cadre et les limites de l'habilitation, en définissant précisément les principes qui devaient guider l'action gouvernementale.
Au nom du Gouvernement, je soumets aujourd'hui le texte de cette ordonnance à votre ratification.
Votre rapporteur, M. de Richemont, a mené un remarquable travail d'expertise dans cette matière difficile. Les modifications qu'il vous propose complètent tout à fait opportunément le texte élaboré par le Gouvernement, qui s'en trouve ainsi clarifié et enrichi.
Le texte et les amendements qui vous sont soumis réalisent un équilibre, en conciliant respect de nos principes fondamentaux et nécessité d'adapter notre législation aux évolutions de notre société moderne.
En ratifiant cette ordonnance, vous affirmerez la nécessité de poser des règles claires, simples, précises et harmonisées, qui facilitent le rattachement de l'enfant à ses père et mère, dans le cadre strictement délimité par la loi d'habilitation du 9 décembre 2004.
L'ordonnance s'inscrit dans la continuité des grandes réformes qui ont, depuis plus de trente ans, participé à moderniser et à simplifier notre droit de la famille
Premièrement, elle vient clore le mouvement initié dans les années soixante-dix qui a permis de parvenir à l'égalité entre tous les enfants, qu'ils soient nés de couples mariés ou non.
Ainsi, à une époque où près de la moitié des enfants naissent hors mariage, l'ordonnance vient supprimer les notions de filiation « légitime » ou « naturelle » qui n'avaient plus de portée ni juridique ni sociale.
Deuxièmement, la réforme simplifie l'établissement de la filiation à l'égard des mères non mariées.
À une époque où la naissance d'un enfant résulte, dans la majorité des cas, d'un choix et d'un désir profond, la nécessité pour la mère de reconnaître l'enfant qu'elle a mis au monde n'était plus comprise. Désormais, la simple indication du nom de la mère dans l'acte de naissance établit automatiquement la filiation à son égard.
Troisièmement, la notion et les conditions de constatation de la possession d'état sont clarifiées. Cette notion essentielle du droit de la filiation traduit la réalité affective et sociale du lien de filiation au-delà du simple constat biologique.
La possession d'état permet, en effet, en présence d'éléments de fait, d'établir la filiation par un acte délivré par un juge.
L'ordonnance améliore ce dispositif par deux précisions.
D'une part, il est désormais possible de faire constater la possession d'état prénatale, lorsque le futur père décède pendant la grossesse, ce qui permet ainsi de donner son nom à l'enfant.
D'autre part, la délivrance de l'acte de notoriété est enfermée dans un délai de cinq ans, dans un souci de stabilité des liens familiaux, que chacun peut comprendre.
Quatrièmement, s'agissant des actions judiciaires, l'ordonnance met fin à la disparité des procédures. Elle unifie délais et titulaires du droit d'agir en justice, lesquels étaient auparavant différents selon qu'il s'agissait de filiation « légitime » ou « naturelle ».
Par exemple, pour la contestation de la paternité, quand le père avait élevé l'enfant, les délais n'étaient pas les mêmes au sein de la famille. Ainsi, l'enfant pouvait agir pendant trente ans à compter de sa majorité contre son père non marié, alors qu'il ne pouvait rien faire en cas de mariage de ses parents.
Avec l'ordonnance, ces distinctions n'existent plus. Désormais, la contestation de la filiation ne dépend plus du lien entre les parents mais résulte de l'implication du père dans l'éducation de l'enfant. Ainsi, dès lors que le père a élevé l'enfant pendant cinq ans, la filiation est inattaquable. Si le père n'a pas participé à son éducation et qu'il n'y a donc pas de possession d'état à son égard, la filiation peut être attaquée dans un délai de dix ans.
Concernant les actions en établissement de la filiation, les délais étaient également différents, selon qu'il s'agissait d'établir la paternité ou la maternité. Le père qui n'assumait pas ses responsabilités à l'égard de l'enfant ne pouvait être recherché que dans un délai de deux ans, alors que la mère pouvait l'être pendant trente ans.
Désormais, toutes les actions tendant à l'établissement du lien de filiation obéissent au délai de dix ans. Ce délai, suspendu pendant sa minorité, permet à l'enfant d'agir jusqu'à ses vingt-huit ans.
Cette réforme marque une étape dans l'évolution récente de notre législation familiale. Elle s'inscrit pleinement dans l'édification d'un droit moderne et équilibré, adapté aux évolutions de notre société et respectueux des valeurs qui nous rassemblent.
Au terme de mon propos, je tiens à adresser mes remerciements à votre commission des lois, en particulier à son rapporteur, pour le travail remarquable qu'il a accompli et les améliorations qu'il propose, auxquelles le Gouvernement sera favorable.