Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme le souligne à juste titre notre collègue Henri de Richemont dans son rapport, le droit de la filiation se caractérisait, avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 juillet 2005, par une complexité qui le rendait inintelligible, illisible.
Trois critiques étaient émises à son encontre.
Tout d'abord, la distinction entre filiation légitime et filiation naturelle n'avait plus lieu d'être.
Ensuite, les modes d'établissement non contentieux de la filiation étaient source d'insécurité juridique.
Enfin, les règles d'action en justice étaient devenues trop nombreuses.
L'ordonnance du 4 juillet 2005, prise sur le fondement de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, a opéré une importante réforme du droit de la filiation en conférant au code civil plus de cohérence, plus de concision et plus de lisibilité.
J'évoquerai d'abord brièvement la méthode employée.
Le Sénat s'était ému, en 2004, du choix du Gouvernement de réformer par voie d'ordonnance le droit de la filiation et le code civil, tant il est vrai que la force symbolique de la loi en cette matière est patente.
C'est après avoir obtenu, de la part du Gouvernement, des éclaircissements précis sur le contenu du dispositif que la Haute Assemblée s'est finalement résolue à habiliter le Gouvernement à réformer le droit de la filiation par ordonnance.
Force est de constater que ce texte, entré en vigueur le 1er juillet 2006, n'a pas modifié les principes fondamentaux du droit de la filiation et n'est pas revenu sur les évolutions essentielles de ce droit consacrées par les lois du 3 janvier 1972 sur la filiation, du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral et du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale.
L'ordonnance tire effectivement les conséquences procédurales de l'égalité de statut entre les enfants, afin d'harmoniser et de simplifier des aspects techniques de la filiation. Elle apporte indéniablement au droit de la filiation de la clarté et de la sécurité juridique, et ce dans l'intérêt à la fois des enfants et de la famille.
L'ordonnance tire tout d'abord les conséquences de l'égalité entre les enfants, quelles que soient les conditions de leur naissance.
La loi du 3 juillet 1972 a marqué une étape extrêmement importante en posant le principe de l'égalité des filiations et en permettant l'établissement de la filiation adultérine à l'égard du parent marié.
Ce principe fondamental a été par la suite approfondi par les lois du 3 décembre 2001 et du 4 mars 2002, qui ont supprimé les distinctions entre les enfants naturels et les enfants légitimes, s'agissant des droits successoraux, des règles de dévolution du nom de famille et, enfin, de l'autorité parentale.
Puisqu'elles ont perdu toute portée juridique, les notions de filiation légitime et de filiation naturelle sont donc abandonnées. Pour autant, la présomption de paternité du mari n'est pas remise en cause, ni étendue au profit du père non marié, qui doit toujours reconnaître son enfant pour établir le lien de filiation.
L'ordonnance unifie également les conditions d'établissement de la maternité.
La filiation maternelle est établie par la désignation de la mère dans l'acte de naissance de l'enfant, qu'elle soit mariée ou non, et sans qu'elle ait besoin de faire la démarche de reconnaissance, ce qui auparavant était obligatoire pour la mère non mariée.
La possession d'état, c'est-à-dire la prise en compte dans le droit de la filiation de la réalité affective et sociale révélant la filiation, est mieux définie et les conditions dans lesquelles elle produit effet sont mieux encadrées.
L'ordonnance simplifie en outre le régime des actions judiciaires relatif à la filiation et ramène à dix ans la prescription de droit commun, fixée auparavant à trente ans.
Ainsi, il est désormais possible de faire établir en justice la maternité ou la paternité durant les dix années suivant la naissance, l'action étant rouverte à l'enfant pendant les dix années suivant sa majorité.
Cette modification des délais pour agir est particulièrement importante, car elle permet de sécuriser le lien de filiation, dans l'intérêt même de l'enfant.
Enfin, s'agissant de la contestation d'un lien de filiation légalement établi, l'ordonnance remplace par un régime commun et simple l'ancien dispositif, jugé trop complexe.
À l'instar de ce qui est envisagé pour les actions aux fins d'établissement de la filiation, les délais de contestation sont non plus de trente ans mais de dix ans.
De même, tant qu'un lien de filiation est établi, aucun autre ne pourra valablement entrer en conflit avec lui.
Ces mesures sont fondamentales, tant elles visent à harmoniser et à simplifier, dans l'intérêt de l'enfant et des familles, les règles de procédure applicables au droit de la filiation.
La commission des lois a adopté trois amendements qui viennent utilement modifier et compléter le contenu de l'ordonnance sur plusieurs points.
Les nouveaux aménagements proposés démontrent l'intérêt tout particulier que porte notre assemblée à des sujets aussi essentiels, qui concernent directement la famille, les rapports entre les enfants et les parents, et qui touchent, par là même, aux fondements de l'organisation de notre société.
Le groupe de l'UMP se félicite notamment de la proposition émise par M. le rapporteur de fixer une règle de résolution des conflits de filiation respectueuse de la présomption pater is est.
Il s'agit d'éviter qu'un couple marié se trouve empêché de faire jouer la présomption de paternité du mari au seul motif qu'un autre homme aurait fait une reconnaissance paternelle prénatale. Il serait en effet choquant d'obliger le mari à engager l'action en justice alors que les éléments constitutifs de la présomption de paternité sont réunis.
Monsieur le secrétaire d'État, parce que nous sommes convaincus de la qualité de l'ordonnance du 4 juillet 2005 et du bien-fondé de sa ratification, le groupe de l'UMP votera en faveur de l'adoption de ce projet de loi, tel qu'il aura été enrichi par les pertinentes propositions de notre excellent rapporteur.