Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 24 mai 2011 à 22h45
Contractualisation dans le secteur agricole — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mesure phare de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la contractualisation méritait un débat parlementaire au moment où sa mise en œuvre devient effective. Aussi je tiens à remercier notre collègue Nathalie Goulet, sénatrice de l’Orne, d’avoir pris cette initiative.

La contractualisation nous a été présentée comme une réponse aux conséquences de l’ouverture des marchés. Nous pensons que c’est une mauvaise réponse. En effet, la contractualisation mise en place par la loi de modernisation agricole ne parviendra ni à juguler les dérives du système capitaliste et les crises qu’il entraîne ni à sécuriser les relations commerciales, car elle s’inscrit dans un système malade sans en changer les règles du jeu !

C’est pourquoi le principe d’une contractualisation obligatoire ne sera pas à même de remplacer les mesures de régulation nécessaires pour le secteur agricole, mesures qui relèvent de la responsabilité des États. C’est ce que nous nous efforcerons de montrer dans un premier temps.

Ensuite, le mode contractuel est l’expression même d’un rapport de forces. Il confirme la volonté du Gouvernement de s’engager dans une gestion purement privée des relations commerciales agricoles. Cependant, le contrat n’est pas suffisant pour équilibrer les relations entre les différents acteurs.

En conséquence, même si la politique agricole était orientée, comme nous le souhaitons, vers une juste rémunération du travail, une régulation des stocks, un bannissement de la spéculation, une régulation des prix, la relation contractuelle pourrait encore se traduire par un déséquilibre dans les relations commerciales entre producteurs et acheteurs.

Lors des débats sur la loi de modernisation agricole, les sénateurs de l’opposition et de la majorité ont tous constaté, ainsi que vous-même, monsieur le ministre, l’ampleur de la gravité de la crise du secteur agricole qui a touché l’ensemble des agriculteurs et l’ensemble des secteurs.

Rappelons quelques chiffres mentionnés dans le rapport du Sénat sur la LMAP : après une baisse de 23 % en 2008, le revenu net par actif non salarié des exploitations professionnelles a chuté, toutes productions confondues, de 32 % en 2009. Les producteurs de céréales, oléagineux et protéagineux ont enregistré une baisse du revenu atteignant près de 50 %. Pour les producteurs de fruits et légumes, la baisse est de 53 % en arboriculture fruitière et de 34 % en horticulture.

Si le revenu agricole a augmenté en 2010, il reste inférieur de 15 % à la moyenne des revenus français. L’alimentation représente 15 % du budget des ménages, mais seulement 4 % des bénéfices reviennent aux producteurs. Vous avez expliqué cette hausse du revenu agricole, monsieur le ministre, par des facteurs conjoncturels, comme l’embargo russe sur les céréales, qui a fait remonter le cours du blé, et par l’action du Gouvernement, notamment auprès de la Commission européenne, pour « l’obliger à intervenir sur les marchés ».

Cette analyse montre à quel point le secteur agricole livré au libéralisme est fragilisé. Il est soumis sans garde-fous à la volatilité des marchés, qui s’explique, comme le notait l’étude d’impact sur la LMAP, par diverses causes : les aléas climatiques et sanitaires, le décalage entre l’évolution de la demande et la réponse de l’offre, le caractère périssable d’un grand nombre de produits, la non-mobilité des actifs matériels ou encore le lien de la production agricole avec le sol.

La sécheresse qui sévit dans le pays depuis plusieurs semaines va encore créer de nouvelles difficultés pour un nombre important d’exploitants, les plus touchés étant pour le moment les éleveurs, car la sécheresse a déjà des conséquences dramatiques sur les fourrages.

Depuis le début du mois, les premières coupes de foin montrent des rendements en baisse de 30 % à 40 % selon les zones. Et, au-delà de ses conséquences physiques, la sécheresse ne manquera pas d’entraîner des appétits spéculatifs sur les matières premières agricoles.

Monsieur le ministre, vous avez proposé la mise à disposition des jachères. Cet après-midi, vous avez suggéré que le Fonds de garantie des calamités agricoles, qui est doté d’une centaine de millions d’euros, soit réuni fin juin ; c’est un bon début. Cette situation de crise montre à quel point il est vital que l’État soutienne ses agriculteurs. Cela s’impose d’autant plus que la LMAP a prévu de supprimer le Fonds national de garantie contre les calamités agricoles, fondé sur la solidarité, au profit du Fonds national de gestion de risques en agriculture, qui privilégie l’assurance individuelle.

Dans ce cas précis, quels bénéfices les producteurs peuvent-ils tirer de la contractualisation pour faire face à la crise ? Ils doivent, dans tous les cas, assumer la forte augmentation des prix des intrants et les pertes financières liées aux phénomènes climatiques. Ils supportent seuls les risques d’une filière qui s’enrichit dans ses derniers maillons. C’est pourquoi nous n’étions pas d’accord avec vous quand vous avez déclaré en octobre dernier, monsieur le ministre, que « disposer de contrats signés constitue la meilleure garantie de revenu si le marché se retourne ».

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