Dans ce contexte économique de plus en plus tendu, avec la multiplication des crises sanitaires, énergétiques ou d’origine climatique, il est nécessaire, à l’échelon européen, de promouvoir une politique agricole commune qui n’abandonne pas le principe d’une régulation horizontale, par exemple au niveau de la production et de l’offre ; une politique plus juste qui favorise la diversité des productions et les petites exploitations en gérant les volumes, en limitant les importations abusives, en favorisant les exportations dans un cadre équilibré.
La contractualisation seule n’empêche pas la concurrence entre producteurs ou entre bassins de production. Elle n’empêche pas le dumping social et environnemental. Certains économistes considèrent qu’elle aura des conséquences sur le comportement des transformateurs et des collecteurs, qui se demanderont avant d’investir dans telle ou telle région : « Qui sera le plus compétitif, demain, pour produire des céréales de bonne qualité ou du lait à une saison où j’en ai besoin ? » Ils considèrent que cela renforcera les écarts entre ceux qui sont aptes à remplir le cahier des charges et à en tirer une valeur ajoutée et ceux qui ont plus de difficultés et qui voyaient leur revenu garanti par la politique agricole commune.
Ensuite, quelle portée peut avoir la contractualisation quand on sait que, face à sept centrales d’achats et 11 500 entreprises agroalimentaires, il existe 507 000 exploitations agricoles, dont 326 000 exploitations professionnelles ? Sans doute la même que la charte de bonne conduite que Nicolas Sarkozy avait signée avec la grande distribution…
Le président de la section laitière de la fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles de l’Ouest remarquait récemment à propos des contrats laitiers : « Tout ce que j’ai lu jusqu’à présent me donne plutôt le sentiment que les entreprises cherchent à imposer leurs conditions aux éleveurs et à se défaire au maximum de leurs obligations envers eux. » En bref, on ne règle rien !
De plus, l’ensemble des syndicats de la profession se montrent très critiques sur le contenu même des contrats et sur les pratiques abusives auxquelles ils pourraient donner lieu.
S’il est fait état d’une référence de prix, celle-ci ne constitue en aucun cas un prix fixe : il ne s’agit que d’une modalité de calcul. De plus, les clauses de sauvegarde se multiplient afin de permettre aux entreprises de déroger à l’application des indices interprofessionnels. S’agissant du lait, ont été relevées plusieurs clauses visant à imposer des volumes à produire avec une obligation de régularité ou permettant aux entreprises de se dégager de leurs obligations de collecte en cas d’intempéries. Ces dispositions ne sont pas acceptables et nous ne pouvons que les dénoncer ici. De quelles armes disposera le producteur pour se défendre contre de telles pratiques ? La concentration de la production a paru constituer une solution séduisante mais, ne nous y trompons pas, elle laissera au contraire des agriculteurs sur le bord de la route.
La question de la cession du contrat en même temps que la cession de l’exploitation qui pourrait être refusée par l’entreprise est une aberration !
Enfin, il est profondément choquant que certaines clauses constituent des entraves à la liberté syndicale, principe à valeur constitutionnelle. Ce fut le cas pour les contrats Lactalis que vous avez pointés du doigt, monsieur le ministre : la clause imposée par l’entreprise stipulait que les contrats seraient annulés si les producteurs cessaient de livrer leur lait ou se mettaient à manifester.