Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie ma collègue Nathalie Goulet de nous donner l’occasion de débattre de la contractualisation dans le secteur agricole.
Mon intervention sera complémentaire de la sienne puisque je n’évoquerai que la filière des fruits et légumes, pour laquelle l’application de l’obligation de contractualisation n’est pas facile.
Monsieur le ministre, permettez-moi tout d’abord de rappeler mon soutien au principe de la contractualisation, qui doit aboutir à une meilleure transparence des transactions et à une amélioration de la régulation des marchés.
Pour les fruits et légumes, nous constatons deux secteurs bien distincts : grande distribution et marché traditionnel.
Les ventes à la grande distribution représentent 90 % de la production de fruits et légumes frais. La contractualisation ne semble pas poser de problèmes à la production. Par ailleurs, en ce qui concerne les grandes surfaces, elles souhaitaient, me semble-t-il, ce type d’organisation. C’est sûrement très utile pour adapter l’offre à la demande, sécuriser et réguler ainsi l’approvisionnement de la grande distribution.
Est-ce à dire qu’il n’y aura plus de problèmes de régulation de marchés ? Pour avoir lu avec intérêt les contrats de plusieurs centrales, je pense, monsieur le ministre, qu’il reste encore beaucoup à faire à cet égard pour satisfaire les producteurs et limiter les crises.
Nous souhaitons vivement que, pour perfectionner ces contrats, vous puissiez vous appuyer sur une interprofession bien structurée et forte et que les secteurs professionnels et interprofessionnels prennent bien en compte les problèmes de tous les acteurs.
À côté de la grande distribution existent les ventes au marché traditionnel.
Les ventes sur les carreaux, dans les marchés d’intérêt national ou dans les marchés de gros – 19 marchés d’intérêt national et environ 40 marchés de gros – ainsi que sur les marchés de gré à gré sont souvent liées à une ou plusieurs productions locales. D’une manière générale, il s’agit de l’ensemble des lieux où se rencontrent producteurs et acheteurs. Tous ceux qui produisent les marchandises visées sont concernés, car même ceux qui vendent au détail directement aux consommateurs écoulent presque toujours une partie de leur marchandise sur les marchés de gros.
Aujourd’hui, l’ensemble des 19 marchés d’intérêt national représentent à eux seuls 2 280 opérateurs permanents, 26 000 emplois permanents, 4 150 producteurs réguliers, 62 500 acheteurs. Il convient d’ajouter les marchés de gros et les marchés de producteurs. Ce n’est donc pas négligeable.
Qu’apportent ces marchés ? Quel type de produits y trouve-t-on ?
Ces marchés apportent des produits de saison, extra frais, qui sont cueillis au bon moment, ont du goût, de la saveur et sont très variés. Les restaurateurs recherchent ces produits : leurs achats sont souvent spontanés et relèvent fréquemment du coup de cœur.
La France est reconnue à l’UNESCO pour sa gastronomie. Nous avons besoin, pour notre cuisine renommée, de produits de qualité, de la production variée de nos terroirs.
Alors que la grande distribution supprime tous les ans des références de petites productions, et ce sont autant de fruits ou de légumes qui, à court terme, vont disparaître, il faut laisser faire cette mise en marché spontanée, qui nous permet de maintenir de très anciennes variétés de fruits et de légumes. Ces produits, très goûteux, représentent nos terroirs.
Pour les producteurs qui pratiquent la vente directe de ce type de produits, ce marché ne suffit pas : ils ne peuvent y être présents tous les jours pour écouler toute leur production. Ils ont besoin des grossistes, de leur savoir-faire ainsi que de leur clientèle.
Or, aujourd’hui, les producteurs et les grossistes ne peuvent pas appliquer la contractualisation telle qu’elle est proposée.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué par courrier à mon collègue député Jean Dionis du Séjour que l’application du décret concernant la contractualisation peut à tout moment être suspendue si un accord interprofessionnel est conclu et que vous envisagiez d’assouplir les règles de mise en œuvre de la contractualisation des ventes au carreau. Pouvez-vous nous indiquer ce que vous comptez faire ?
Je tiens à redire que la contractualisation sur ce type de marché traditionnel, qui rassemble à un moment précis producteurs, acheteurs et marchandises, est, par sa nature même, très difficile à réformer. Il s’agit d’acheter de gré à gré, en toute liberté, souvent de petites quantités provenant de petits producteurs habitués à défendre le prix des denrées déposées sur le carreau. Après cette rencontre physique, chacun se sépare, sans autre engagement que celui de livrer la marchandise.
Ces productions sont difficilement programmables compte tenu des aléas climatiques et sanitaires, mais aussi des contraintes d’exploitation, de main-d’œuvre, etc. Seule cette commercialisation de gré à gré constitue un marché libre qui pourra donner quelques indications de tendances de prix, le reste étant pour une grande part contractualisé.
Quelle solution peut apporter le Gouvernement ?
Monsieur le ministre, en de nombreuses occasions, vous nous avez démontré votre attachement à notre agriculture. Une fois de plus, nous faisons appel à vous pour que soit prise en considération la situation particulière de nos marchés traditionnels.
Sur ces marchés, les opérations de vente et de transmission de la marchandise à l’acheteur étant simultanées, les acteurs vous proposent de prendre en compte, à titre de contrat, le bon de livraison ou, éventuellement, la facture. Le bon de livraison rédigé sur le marché est en fait le seul contrat précis qui peut être réalisé, le seul qui donnera aux pouvoirs publics tous les éléments souhaités.
Faut-il absolument garder ces marchés professionnels ?
Monsieur le ministre, l’importance de ces marchés est bien supérieure aux 7 % à 10 % de produits qu’ils traitent. Ils sont précieux pour nos territoires, en termes de proximité, d’économie, d’emploi. Ils sont indispensables pour la conservation de nos productions régionales. Ils nous permettent d’identifier et d’animer nos territoires.
Je ne veux pas tomber dans le catastrophisme, mais je crains que, si le marché traditionnel ne conserve pas sa liberté, nous n’ouvrions toutes grandes les portes de l’importation !
En effet, les grossistes, qui détiennent 20 % du marché des fruits et légumes, ne vont pas rester les bras croisés et se laisser mourir sur place. Ils préparent déjà leur reconversion à l’importation : c’est plus facile et plus simple ! Chez nous, dans le Sud-Ouest, leurs yeux sont déjà tournés vers Perpignan, qui est la base d’échanges avec l’Espagne.
Monsieur le ministre, à quel avenir pouvons-nous nous attendre pour ce secteur ? Nous ne pouvons nous résoudre à voir disparaître ces marchés, car ils constituent une authentique richesse pour notre pays, sans même parler de tous ceux qu’ils font vivre. Nous comptons sur votre compétence et votre détermination pour clarifier et simplifier cette procédure, afin de rendre plus acceptable par tous ce mode de commercialisation.