Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 21 décembre 2009 à 14h30
Représentation devant les cours d'appel — Discussion d'un projet de loi

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il faut se méfier des idées qui paraissent tellement simples et évidentes qu’on se demande pourquoi on ne les a pas eues plus tôt : ce sont souvent de fausses bonnes idées ! C’est ce que nous avons été nombreux à vérifier – une fois de plus ! – lorsque nous nous sommes penchés sur les conditions de mise en œuvre de la proposition de suppression de la profession d’avoué devant les cours d’appel qui figurait dans le rapport Attali.

La proposition n° 213 de ce rapport semblait en effet séduisante pour quiconque – dont moi-même, je l’avoue ! – ne savait pas ce qu’étaient réellement le rôle et la fonction d’un avoué. Pourquoi diable les avocats ne pouvaient-ils pas se charger eux-mêmes de l’ensemble de la procédure d’appel ?

Cette profession semblait par ailleurs d’autant plus facile à supprimer qu’elle ne touche que peu de monde, puisque les avoués ne représentent même pas 1 % du nombre des avocats de notre pays.

Et pourtant, à y regarder de plus près, le remplacement des avoués par les avocats pour postuler devant les cours d’appel n’est pas aussi simple à mettre en œuvre qu’il y paraît de prime abord. Je m’en suis aperçu en rencontrant des représentants de cette profession, mais aussi en écoutant, peu de temps après la publication du rapport de M. Attali, les chefs des cours d’appel et les avocats de ma région s’élever à l’époque contre cette idée.

Car, sur le fond, les avoués ont-ils démérité et leurs études sont-elles dans une situation si mauvaise que cela justifie la suppression de cette profession et le licenciement économique des salariés ? À l’évidence, non !

Le monopole des avoués pour postuler devant les cours d’appel alourdit-il et renchérit-il à ce point la procédure que l’on doive absolument supprimer cet échelon ? Même M. le rapporteur, qui a examiné dans le détail toutes ces questions et produit un excellent rapport, n’en est pas convaincu.

Disons-le clairement : les avoués sont tout simplement – comme d’autres professions, d’autres échelons ou certains mandats, je pense notamment aux conseillers généraux – emportés dans la vague de réformes et de simplification tous azimuts voulue par le Président de la République.

On peut toutefois admettre que la simplification des procédures d’appel relève de l’intérêt public. Elle avait déjà été envisagée en 1971 et 1991, époque à laquelle les premiers présidents des cours d’appel avaient cependant considéré que l’intervention des avoués constituait un gage de sécurité pour la procédure civile. Il n’en reste pas moins que les questions qui se posent quant à la suppression de la fonction d’avoué ne sont pas aussi simples à résoudre qu’on aurait pu l’imaginer au départ.

Premièrement, les avocats seront-ils en mesure d’assurer la postulation devant la cour d’appel dès le 1er janvier 2011 ? Alors que les 440 avoués disposent d’un système de communication électronique avec les cours d’appel qui fonctionne parfaitement après quatre années de préparation, comment peut-on imaginer que les 51 000 avocats de France soient tous en mesure, d’ici à un an, d’introduire l’instance devant les juridictions d’appel par voie électronique, sous peine d’irrecevabilité, alors que cette application informatique en est au simple stade de l’expérimentation ?

Deuxièmement, la disparition de l’intervention de l’avoué va-t-elle réduire le coût de la procédure d’appel ? Pas si sûr ! En effet, il serait surprenant que les avocats remplissent les missions qu’exercent jusqu’à présent les avoués sans revoir à la hausse leurs honoraires, auxquels s’ajoutera le droit de postulation de 330 euros. Rappelons que le coût moyen d’intervention de l’avoué est de l’ordre de 900 euros et que ce prix est réglementé.

Troisièmement, les avoués, qui perdront leur métier, s’installeront-ils tous comme avocats, comme se plaît à le penser le Gouvernement ? A priori, non !

Même si, comme vous l’indiquez, madame le garde des sceaux, la fusion est d’autant plus facile à mettre en place que les avoués bénéficient des mêmes diplômes et des mêmes qualifications que les avocats, un avoué n’est pas et n’a jamais été, je tiens à le rappeler, un avocat qui n’aurait pas réussi !

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