Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, face à l’incertitude de l’environnement économique et financier, l’État doit rétablir la confiance.
Pour lutter contre la crise, le Président de la République et le Gouvernement ont mis en place des mesures puissantes que Mme Christine Lagarde vient de détailler.
Cependant, rétablir la confiance, ce n’est pas seulement agir aujourd’hui, c’est également dire ce que l’on fera demain.
Dans la tourmente que traverse la planète, il faut que l’action du Gouvernement soit clairement définie à moyen terme pour pouvoir servir de repère, de point d’appui, de point fixe.
Le projet de loi de programmation des finances publiques, que nous vous présentons aujourd’hui avec Mme Christine Lagarde pour la première fois, répond à ce besoin.
J’avais souhaité cette innovation pour nos finances publiques dès notre arrivée, dans un souci de bonne gouvernance. Le Sénat la souhaitait également depuis longtemps.
Cette initiative se révèle aujourd’hui absolument indispensable : plus c’est difficile, plus il faut essayer de prévoir. Elle donne enfin une vision globale, non sur le seul périmètre de l’État, non pour une seule année, mais pour toute la sphère publique et sur toute la législature.
Pour jouer pleinement son rôle, il faut naturellement que cette loi soit la plus précise et la plus informée possible.
C’est pourquoi, comme nous l’avions promis avec Mme Christine Lagarde, nous vous présentons ce matin à la fois des hypothèses de croissance révisées et une trajectoire de recettes modifiées en conséquence.
Comme je m’y étais engagé, les dépenses n’ont pas été modifiées au-delà de l’incidence mécanique des hypothèses révisées sur la charge d’intérêt et les dépenses indexées. Ces dépenses traduisent donc toujours, et plus que jamais, une volonté de maîtrise dans la durée de la dépense publique. Cependant, nous ne coupons pas à l’aveugle pour compenser les plus faibles recettes.
Cela nous conduit donc de manière totalement transparente à afficher des déficits plus importants. Que contient en fait ce projet de loi de programmation des finances publiques ?
Il contient une trajectoire prenant en compte les effets de la crise, une maîtrise des dépenses sans précédent, détaillée par missions sur trois ans pour l’État et des principes de gouvernance forts, qui clarifient ce que nous ferions si les évolutions macroéconomiques et financières étaient différentes de ce que nous prévoyons aujourd’hui. Le chemin est ainsi balisé et les règles sont fixées. Dans la situation d’incertitude actuelle, c’est évidemment un élément très primordial.
Enfin, vous allez désormais voter un programme qui auparavant était envoyé directement à Bruxelles, sans passer par le Parlement. C’est une avancée majeure dans l’association du Parlement à la gestion des finances publiques et au respect de nos engagements.
Dès la présentation du projet de loi de programmation des finances publiques et du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, j’ai dit que nous ferions tout, si le besoin s’en faisait sentir, pour tenir compte de l’évolution de la situation économique, car la crédibilité et la sincérité ne se négocient pas.
Ces projets de loi étaient d’une parfaite sincérité lorsqu’ils ont été déposés : 1 % de croissance en 2009 était alors, Mme Christine Lagarde l’a rappelé, une hypothèse partagée par tous les économistes.
J’entends naturellement que, au cours des débats, ces textes de loi conservent leur sincérité et leur réalisme.
Cependant, il ne s’agit pas d’une tâche facile. La sincérité, cela ne signifie pas changer de prévisions tous les matins en fonction du cours de la Bourse. Je l’ai déjà dit à l’Assemblée nationale, le budget n’est pas marked to market.
Nous nous étions engagés, et nous le faisons aujourd’hui, à prendre quelques semaines de recul pour tenir compte des données nombreuses et souvent contradictoires, et en dégager la tendance la plus raisonnable.
Comme vient de vous l’expliquer Mme Christine Lagarde, après des analyses détaillées et précises, le Gouvernement revoit aujourd’hui sa prévision de croissance pour 2009. La loi de programmation est donc révisée sur la base de 0, 5 % de croissance en 2009, de 2 % en 2010 et de 2, 5 % en 2011 et 2012.
J’en ai bien évidemment tiré toutes les conclusions en termes de recettes et de déficits. Je vous l’avais annoncé très tôt, notre choix est de ne pas modifier la progression réelle des dépenses et de ne pas chercher à compenser par des augmentations de recettes la faiblesse de la conjoncture.
La volonté de vous apporter le plus vite possible les conclusions les plus récentes de nos travaux m’empêche de vous fournir dès aujourd’hui jusqu’aux derniers détails. Nous en sommes au stade de la programmation et nous aurons l’occasion d’entrer dans le détail lors du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Tout cela sera fait dans les meilleurs délais.
En tout état de cause, la vingtaine d’amendements que nous présenterons dès aujourd'hui vous permettra d’avoir une idée très précise de notre approche et de la situation.
Je veux dire maintenant un mot sur 2008. Crise financière ou pas, le mois de novembre est traditionnellement le mois du collectif budgétaire, qui permet de faire le point sur les recettes effectivement rentrées et les dépenses réellement effectuées. Il sera présenté au conseil des ministres le 19 novembre prochain.
Compte tenu des dernières données dont je dispose, je serai probablement amené à revoir les recettes fiscales de l’État à la baisse d’environ 2 milliards d’euros, notamment au titre de l’impôt sur les sociétés et de la TVA.
Le ralentissement de la masse salariale pèse également sur les recettes sociales. Au total, c’est un peu plus de 3 milliards d’euros de recettes en moins, soit un peu moins de 0, 2 point de PIB.
Le déficit initialement prévu à 2, 7 points de PIB est donc revu à 2, 9 points de PIB. Cette révision s’explique intégralement par une prévision de recettes la plus juste et honnête possible.
En ce qui concerne les dépenses, elles reposent sur le strict respect des dépenses votées par le Parlement, à l’exception – je le dis maintenant depuis de nombreuses semaines – des charges de la dette qui ont subi puissamment l’évolution de l’inflation au cours de l’année 2008.
Pour 2009, la révision de la croissance et de certains impôts qui sont particulièrement affectés par les évolutions récentes, comme l’impôt sur les sociétés – le rapport n’est pas totalement linéaire entre la croissance et l’impôt sur les sociétés –, me conduit à une révision du solde public d’environ 9 milliards d’euros, soit environ 0, 4 point de PIB.
La prévision initiale de déficit public de 2, 7 points de PIB est donc revue à 3, 1 points de PIB.
Il ne s’agit nullement de s’affranchir du pacte de stabilité et de croissance. La Commission européenne a d’ailleurs répété qu’elle tiendrait compte des circonstances exceptionnelles que l’ensemble de l’Europe connaît pour examiner la situation. C’est un débat qui a lieu depuis plusieurs semaines. Il s’agit simplement de laisser les recettes s’adapter à la crise.
L’important est de maintenir l’effort sur la dépense non seulement aujourd’hui, mais aussi quand la croissance sera revenue, pour ne pas retomber dans les mauvaises habitudes du passé. C’est la clé pour assainir durablement nos finances publiques.
Ce dépassement du seuil des 3 points de PIB doit naturellement être temporaire. Notre effort sur la dépense nous permettra de retourner sous ce seuil dès 2010 pour atteindre 2, 7 points de PIB.
C’est aussi cet effort dans la durée qui nous permettra de rétablir graduellement la situation : avec un retour, après 2 % en 2010, à une croissance de l’activité à 2, 5 % en 2011 et 2012 – modification globale de la prévision pluriannuelle –, la maîtrise de la dépense permettrait une nette amélioration du déficit à 1, 9 point de PIB en 2011 et à 1, 2 point de PIB en 2012.
Vous le voyez, comme nous l’avions promis, nous tirons en toute transparence, avec vous, les conséquences de la crise que nous vivons.
Ces révisions confortent la sincérité du projet de loi de programmation des finances publiques, ce qui est particulièrement important pour l’avenir.
Projetons-nous un instant l’année prochaine. Compte tenu de l’incertitude actuelle, nul ne peut prétendre que les hypothèses retenues seront vérifiées au dixième de pourcentage près pour la croissance ou pour l’inflation, à la centaine de millions d’euros près pour l’impôt sur les sociétés et la TVA.
Je continuerai donc, après le vote des lois de financement, à avoir, plus que jamais, un dialogue étroit avec la commission des finances du Sénat sur les évolutions en cours d’année. L’année 2009 sera très importante.
Les révisions effectuées étaient nécessaires, mais il est bien évident qu’elles ne remettent absolument pas en cause les engagements forts en termes de dépense et de gouvernance qui sont inscrits dans ce projet.
Soyons très clairs, la colonne vertébrale de ce projet de loi, quelle que soit la conjoncture du moment, est de réaffirmer la nécessité de réduire le poids exorbitant de la dépense.
Pourquoi devons-nous nous concentrer sur la maîtrise de la dépense ?
C’est la maîtrise de la dépense qui nous mettra en position de profiter d’un retour à meilleure fortune de l’économie internationale. Tout regain de croissance – à l’horizon de 2010, c’est le moins que l’on puisse espérer ! – aura alors des effets positifs, puissants et rapides sur nos finances publiques.
La maîtrise de la dépense garantit la solvabilité de l’État. Nous avons eu l’occasion de l’expliquer devant vous, le plan de financement de l’économie présenté par Mme Christine Lagarde fonctionne essentiellement via des emprunts garantis par l’État. En situation de crise, comme aujourd’hui, l’État est le seul à qui les marchés acceptent de prêter, le seul en qui les marchés ont confiance.
Or cette confiance se justifie par le rétablissement structurel de nos finances publiques, que seule une action déterminée sur la dépense peut garantir. La lutte contre les dépenses inefficaces et le plan de refinancement de l’économie ne se contredisent donc pas, bien au contraire. Pour que l’État soit solvable et puisse jouer tout son rôle, il faut accepter de le réformer et d’être économe de l’argent public.
On nous reproche aussi de ne pas être cohérents puisque nous aurions trouvé 360 milliards d’euro pour les banques – voire pour les banquiers, comme le veut la caricature trop souvent répétée – alors que nous réaffirmons sans arrêt la nécessité des économies. Je me permets de le dire à nouveau, le plan de refinancement de l’économie ne se résume en aucun cas à un renflouement des banques à fonds perdus, …