Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 6 novembre 2008 à 9h30
Programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et prélèvements obligatoires — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence et débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous avez réservé au Sénat l’annonce de votre volonté de jouer la transparence, la crédibilité et le réalisme en ce qui concerne les prévisions macroéconomiques. Je salue cet effort et vous en remercie, après Philippe Marini.

Nos concitoyens auraient sans doute eu du mal à comprendre qu’il en aille autrement et que l’on ne tienne pas compte de la crise financière dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

Ces textes ayant été établis avant la crise, la commission des affaires sociales a procédé à leur examen en se fondant sur les prévisions macroéconomiques de l’été.

Comme vous l’avez souligné, madame Lagarde, l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques est une première. Il intervient quelques semaines seulement après la révision constitutionnelle, promulguée le 23 juillet dernier. Je salue la rapidité avec laquelle le Gouvernement a mis en œuvre une réforme que nous appelions de nos vœux depuis un certain temps déjà et que les différentes conférences des finances publiques tenues ces deux dernières années ont permis de préparer.

Ce premier projet de loi de programmation comporte, outre un cadrage macroéconomique et des objectifs sur lesquels je reviendrai plus loin, plusieurs règles de gouvernance, notamment en matière de recettes et de niches sociales.

La commission des affaires sociales ne peut que s’en féliciter, car ces règles sont proches de celles qu’elle avait elle-même préconisées à plusieurs reprises, en particulier dans le cadre d’une proposition de loi organique dont le président de la commission Nicolas About et moi-même étions les auteurs, et qui a été votée par le Sénat le 22 janvier 2008.

Le Parlement est donc conduit à approuver la stratégie du Gouvernement en matière de finances publiques, stratégie que ce dernier élaborait jusqu’à présent lui-même, à l’occasion de la transmission, au début du mois de décembre, du programme de stabilité à la Commission européenne.

Que les assemblées se prononcent, en toute transparence, par un vote sur cette programmation est véritablement un progrès. Nous nous souvenons en effet d’une période, pas si lointaine, où ces prévisions revêtaient un caractère tellement confidentiel que le Parlement et ses commissions financières n’en étaient même pas destinataires.

L’approche globale que cette nouvelle catégorie de lois nous permet d’avoir sur les comptes publics, en intégrant les finances de l’État, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités locales dans un même ensemble et en les inscrivant dans une perspective pluriannuelle, représente également une avancée intéressante.

Jusque-là, nous ne pouvions avoir un débat général que sur l’évolution des prélèvements obligatoires : l’année dernière, il s’est tenu à la même époque ; il a lieu aujourd'hui, en même temps que la discussion du présent projet de loi.

Si l’exercice est très utile en ce qu’il permet un débat d’ensemble, il ne concerne cependant qu’un aspect du sujet, à savoir les recettes. Pour les dépenses, la réflexion était d’habitude renvoyée aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale, et ce pour la seule année suivante. Philippe Marini a eu raison de considérer tout à l’heure qu’il y avait lieu d’intégrer dans ces prévisions les dépenses et les recettes, et de mener notre réflexion sur l’ensemble.

En matière sociale, nous étions toutefois plus avancés puisque, depuis le vote de la loi organique du 2 août 2005, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est accompagné d’une annexe B qui comporte une projection pour les quatre années à venir, tant pour les recettes que pour les dépenses, à la fois pour le régime général et l’ensemble des régimes de base.

Nous avons beaucoup critiqué cette annexe même si, d’année en année, nous avons pu constater une certaine amélioration. S’il faut en faire un bilan, je dirais que, malgré ses limites, notamment en termes de fiabilité et de durabilité des projections – je vous engage à regarder le tableau qui figure dans mon rapport écrit et qui retrace ces projections depuis l’origine –, l’annexe a le mérite incontestable de proposer une trajectoire et de faire apparaître des tendances qui montrent avec beaucoup de clarté les difficultés qui jalonnent le chemin de retour à l’équilibre.

La programmation qui nous est proposée aujourd’hui par le Gouvernement intervient, cela a été souligné, dans un contexte économique tout à fait exceptionnel.

La crise financière des dernières semaines et ses conséquences sur l’économie réelle sont des facteurs majeurs d’incertitude qui, malheureusement, remettent pour partie en cause la pertinence de l’exercice qui nous est proposé, mais pour partie seulement.

Je note au passage qu’aucun institut de prévision n’est actuellement capable de prédire l’ampleur de la récession, de chiffrer de façon fiable l’impact de la crise actuelle sur notre économie, sur la croissance et sur l’emploi à moyen terme, c’est-à-dire pour l’horizon de cette programmation ou, tout du moins, pour l’année 2009. Je cite dans mon rapport les dernières perspectives de l’OFCE, rendues publiques voilà à peine une semaine. Comme vous l’avez précisé, madame la ministre, de multiples précautions entourent le détail des deux scénarios envisagés.

Pour ce qui concerne plus particulièrement les finances sociales, l’hypothèse macroéconomique centrale est celle de l’augmentation de la masse salariale, masse qui, je vous le rappelle, représente, pour la sécurité sociale, les trois quarts de l’assiette de ses recettes. Cette augmentation est estimée, dans le projet de loi comme dans l’annexe B du PLFSS pour 2009, à 3, 5 % en 2009 et à 4, 6 % par an les trois années suivantes. Ces prévisions seront corrigées cet après-midi à l’initiative du Gouvernement pour faire preuve d’un plus grand réalisme et d’un maximum de transparence.

Ces taux étaient évidemment très volontaristes. Or un point de masse salariale en moins représente une baisse de 2 milliards d’euros de recettes pour la sécurité sociale, et une difficulté supplémentaire pour revenir vers l’équilibre en 2012, ce qui est l’objectif fixé dans le projet de loi pour le régime général.

Comme je l’avais souligné devant mes collègues de la commission des affaires sociales, notamment ceux de l’opposition qui avaient dénoncé le caractère trop optimiste des prévisions macroéconomiques, il est fort probable que nous soyons amenés, avec le Gouvernement, à réviser ces prévisions et que l’équilibre ne soit atteint qu’en 2013, au lieu de 2012. Nous espérons que la conjoncture à partir de 2010 ou 2011 permettra un tel rattrapage.

En tout état de cause, il faut faire preuve de prudence et ne pas bercer nos concitoyens d’illusions sur le sujet. Il faut savoir se montrer courageux et réaliste : c’est ce que fait le Gouvernement, et je ne peux que l’en féliciter.

Dans le rapport annexé au projet de loi, trois éléments sont cités comme indispensables pour parvenir à l’équilibre.

Premièrement, il faut disposer d’une base financière assainie, ce qui suppose de régler trois problèmes : le transfert de la dette sociale à la Caisse d’amortissement de la dette sociale – le Gouvernement exauce le vœu que nous avions exprimé l’année dernière puisque ce transfert est prévu dans le PLFSS pour 2009 – ; le traitement de la situation structurellement déficitaire du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles – problème qui sera partiellement réglé cette année, notamment dans son volet « branche maladie » –, et la clarification des relations financières entre l’État et la sécurité sociale.

Ces trois questions sont traitées dans le cadre du PLFSS pour 2009, mais – je me permets de le souligner – de manière imparfaite.

En effet, si le transfert de la dette sociale à la CADES est bien effectué, toutefois, comme je vous l’avais déjà indiqué, monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, cela entraînera malgré tout une fragilisation du Fonds de solidarité vieillesse, en raison du dispositif qui a été imaginé.

Seul est résolu le problème de la branche maladie du FFIPSA, le déficit de sa branche vieillesse restant entier.

Par ailleurs, si de réels progrès ont été réalisés dans les relations financières entre l’État et la sécurité sociale, nous devrons bien constater qu’une dette s’est reconstituée à hauteur de 3, 5 milliards d’euros à la fin de l’exercice 2008. Cela étant, monsieur le ministre, vous nous avez annoncé, en commission, votre intention d’honorer, dans le cadre du prochain collectif, au moins une partie de cette dette, pour un milliard d’euros. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

La dégradation de la conjoncture actuelle accroît toutefois les risques sur le montant de cette dette. J’ai noté également votre souci de faire en sorte de « coller » le mieux possible aux besoins de dotations, je pense notamment à l’allocation aux adultes handicapés, à l’aide médicale de l’État et à l’allocation de parent isolé, respectivement l’AAH, l’AME et l’API.

Deuxièmement, pour revenir à l’équilibre, il nous faut parvenir à maîtriser la dépense, M. le ministre et M. Philippe Marini ont insisté sur ce point. L’objectif n’est chiffré que pour la branche maladie, avec un taux d’évolution annuel de l’ONDAM fixé, par l’article 7 du projet de loi, à 3, 3 % pour l’ensemble de la période.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé que, malgré la révision des données macroéconomiques, vous mainteniez une progression à 3, 3 % pour cette année et pour le futur exercice, ce qui signifie que le même effort est accompli pour la sécurité sociale et pour les collectivités territoriales. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Ce pourcentage correspond à une croissance des dépenses de maladie inférieure à la croissance du PIB. Cet objectif, certes ambitieux, n’est pas inatteignable, puisque nous l’avons atteint en 2008, même s’il y a eu un petit dérapage par rapport aux prévisions. Nous devrions en effet finir l’année 2008 avec une progression de l’ONDAM de l’ordre de 3, 3 %.

Mes chers collègues, il faut bien en avoir conscience, maintenir ce taux sur toute la période de programmation suppose de trouver, chaque année, 2 milliards d’euros d’économies nouvelles pour contenir la progression des dépenses à 5 milliards d’euros par rapport à l’année précédente. Or, je vous le rappelle, la tendance pour les dépenses de santé est plutôt de l’ordre de 7 milliards d’euros par an. On ne peut pas, en effet, avoir pour les dépenses de santé la même maîtrise comptable que celle qui est exigée par M. le rapporteur général pour les dépenses centralisées de l’État.

Pour parvenir au respect de cette norme, il est impératif de mobiliser toutes les marges qui existent, en poursuivant les efforts sur la maîtrise des dépenses de soins de ville. Depuis quelques années, pour ces soins de ville, de réels efforts ont été réalisés, avec des résultats indéniables. En ce qui concerne l’hôpital, permettez-moi l’expression, je reste sur ma faim ! Des progrès importants restent à faire, et il est particulièrement urgent d’agir, car nous n’avons que trop attendu. Il y a lieu de maintenir l’effort en renforçant la gestion des risques à l’hôpital.

Nous sommes persuadés que l’on peut encore réaliser des économies dans ces différents secteurs, mais cela ne sera pas facile.

Les dépenses des autres branches doivent se contenter de quelques paragraphes dans le rapport annexé au projet de loi. J’en profite pour vous faire observer que, comme à l’accoutumée, ce rapport consacre trois fois plus de développements au budget de l’État qu’aux dépenses de sécurité sociale. Je regrette en particulier que si peu de précisions soient apportées pour la branche vieillesse, dont le déficit dépasse maintenant les 5 milliards d’euros. Certes, l’évolution des dépenses de retraite dépendra essentiellement des progrès que l’on pourra constater en matière d’emploi des seniors et des décisions qui seront prises dans le cadre du « point d’étape » de 2010. Mais les pistes de réformes possibles auraient au moins mérité d’être mentionnées et évaluées.

Je suis d’ailleurs persuadé que la principale raison pour laquelle nos concitoyens semblent systématiquement chercher à anticiper leur départ à la retraite tient au manque de lisibilité en la matière. C’est donc un sujet sur lequel il faudra un peu plus nous pencher l’année prochaine.

Troisièmement, je vois un dernier pilier du retour à l’équilibre dans la sécurisation des recettes. Celle-ci exige que soient réunies deux conditions : le retour de la croissance et la préservation des recettes actuelles. J’espère qu’il ne s’agit pas d’un vain mot et que les recettes seront effectivement au rendez-vous.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé de nouvelles recettes pour la branche vieillesse résultant d’un basculement des cotisations de l’UNEDIC. Permettez-moi de vous inviter à regarder tout cela d’un peu plus près, car, avec le retournement de conjoncture, nous n’atteindrons peut-être pas le niveau espéré.

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