Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 6 novembre 2008 à 9h30
Programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et prélèvements obligatoires — Discussion commune

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, face aux difficultés de l’économie mondiale, les seules politiques possibles sont celles de la vérité et de l’action : la vérité pour gagner la confiance des Français ; l’action, car, face aux difficultés, l’État doit incarner la responsabilité et la régulation.

Conséquence d’un excès de crédit, d’endettement et de complexité, mais aussi d’un excès de cupidité et de volatilité – vous l’avez fort bien dit, madame le ministre –, une spirale irrationnelle de la défiance est venue contrecarrer la politique originelle du Président de la République. Celui-ci a déployé toute sa réactivité et son énergie pour relancer le flux du financement de l’économie afin de restaurer la confiance.

À l’évidence, les réformes structurelles doivent se concentrer sur le secteur financier, en particulier sur le secteur bancaire, pour mettre un terme aux excès du passé et faire en sorte que les circuits financiers redeviennent des instruments au service de la croissance, des entreprises et des Français.

La loi de programmation pluriannuelle et le projet de loi de finances pour 2009 développent deux idées simples : maîtriser la dépense publique, comme la commission des finances du Sénat vous y incite depuis plusieurs années, et tendre à l’équilibre pour protéger nos recettes.

Pour maîtriser les dépenses, tout d’abord, le projet de loi de programmation propose une reconduction de la dépense au niveau de l’inflation chaque année jusqu’en 2012 ; les crédits affectés aux diverses missions sont prévus pour 2009, 2010 et 2011. Cette idée figurait déjà dans le rapport présenté par notre collègue Alain Lambert.

Une telle politique permet de maîtriser la dépense publique. Il est en effet plus aisé d’engager des réformes tendant à dépenser mieux en dépensant moins, avec une visibilité sur trois ans. Les gestionnaires sont ainsi incités à rechercher des économies ou à redéployer les crédits. Mes chers collègues, trop longtemps la dépense publique est demeurée une fracture idéologique. Cette conception est dépassée, la crise en ayant révélé les limites. Nos voisins nous incitent à de saines comparaisons.

Il est cependant vrai qu’on ne peut rationaliser à l’extrême : la France n’est pas seulement une entreprise. La dépense publique est aussi un levier indispensable pour réduire les inégalités, et nous ne pouvons l’ignorer.

Avec une inflation à 2 %, les dépenses sont limitées en volume à 7 milliards d’euros. L’accroissement des charges de pensions représentera 2, 4 milliards ; la charge de la dette augmentera, quant à elle, de près de 3 milliards d’euros ; le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne progressera de 500 millions d’euros, et les concours de l’État aux collectivités locales augmenteront exactement au même rythme que l’ensemble du budget, soit de 2 % sur 55 milliards d’euros ; ajoutons 300 millions d’euros pour l’augmentation des dépenses de personnel. Le total obtenu consomme la totalité de cette marge de manœuvre de 7 milliards d’euros.

Nous devons donc nous appuyer sur la révision générale des politiques publiques. Grâce à cette méthode de recherche systématique d’efficacité des dépenses, nous n’allons pas remplacer près d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique, soit une baisse des effectifs de plus de 30 000 emplois. Rappelons que, depuis les débuts de la décentralisation en 1982, 500 000 postes ont été créés par nos collectivités locales sans que l’État engage symétriquement une diminution de ses effectifs correspondants.

Au-delà des dépenses de l’État, il nous faut maîtriser l’ensemble des dépenses publiques : c’est le seul gisement d’économie à exploiter sans modération. En 2007, la dépense publique a atteint 52, 4 % du PIB. En volume, la progression moyenne de cette dépense sur une longue période a été un peu supérieure à 2 % par an. J’y reviendrai.

Les dépenses de l’État représentent 300 milliards d’euros ; les dépenses de protection sociale atteignent 450 milliards d’euros ; les dépenses des collectivités locales se montent à plus de 200 milliards d’euros, d’où un certain nombre d’évolutions proposées dans le projet de loi de programmation. Ainsi, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie progresserait de 3, 3 % pour la période de 2009 à 2012, et les dotations aux collectivités augmenteraient de 0, 5 % de plus que la progression estimée de l’inflation, soit 2 %.

Par conséquent, il nous faut d’ici à 2012 dépenser 10 milliards d’euros de moins. C’est pourquoi, afin de nous rapprocher le plus possible de l’équilibre budgétaire en 2012, le Gouvernement doit s’engager à mettre en œuvre un ajustement structurel des finances publiques de 0, 5 % du produit intérieur brut par an, et ce dès 2008.

Mes chers collègues, seul un rétablissement de nos finances publiques nous évitera de continuer à vivre à la charge de nos enfants et de nos petits-enfants et de leur transférer une charge budgétaire de plus en plus lourde, ainsi que vous l’avez souligné, madame le ministre.

Si les recettes ne sont pas au rendez-vous, il y aura une progression du déficit ; mais il est inconcevable, pour préserver notre compétitivité, que nous compensions ces moins-values de recettes par une augmentation des impôts. Le Gouvernement a donc choisi de poser comme cadre de travail la stabilité des taux de prélèvements obligatoires. Ce principe est inscrit dans le projet de loi de programmation des finances publiques qui nous est soumis. Je m’en félicite.

Il importe de mettre notre système fiscal au service de la croissance. Mais ce n’est pas parce que la politique fiscale est orientée vers la baisse des prélèvements que l’on doit s’interdire de mener à bien certains projets par des financements spécifiques, contributions à la justice sociale, et, disant cela, je pense notamment au RSA. Monsieur le ministre, vous avez rappelé la nécessité de cette souplesse.

Avec anticipation, nous avons mis en place dès juillet 2007 des dispositifs grâce auxquels nous pouvons mieux affronter la crise. Au-delà de la dépense publique, les réformes structurelles doivent se poursuivre pour se concentrer sur le secteur financier, en particulier sur le secteur bancaire.

Il importe, je le répète, de mettre un terme aux excès du passé et de faire en sorte que les circuits financiers redeviennent des instruments au service de la croissance et des entreprises. L’argent des banques doit-il servir à produire de l’argent ou doit-il œuvrer au développement des entreprises ? Mes chers collègues, la bourse doit redevenir vertueuse ! L’argent investi doit être mis au service du seul développement des entreprises et de l’emploi. Je propose, pour ce faire, de créer une taxe inversement proportionnelle à la durée de l’investissement afin de privilégier le long terme et de briser les tentations d’aller et retour spéculatives et déstabilisatrices.

La mise en œuvre du revenu de solidarité active, la promotion de l’intéressement et de la participation, ainsi que la conditionnalité des allégements de charges reflètent une politique soucieuse de favoriser le retour à l’emploi et une redistribution plus équilibrée des richesses. Ce sont des éléments de stabilisation économique et de justice sociale.

La loi de programmation pluriannuelle apporte des innovations profondes. Si baisses d’impôts il y a, elles doivent être absolument compensées pour le même montant afin de revenir à l’équilibre. La dépense fiscale doit être une variable d’ajustement.

Le débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution prend, cette année, une dimension évidemment particulière, tout d’abord parce que la conjoncture aura une incidence forte sur les comptes de l’État, ensuite parce que ce débat intervient dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et la revue générale des prélèvements obligatoires.

Nous devons souligner, dans l’évolution de ce taux, la combinaison de moins en moins lisible des financements sociaux et fiscaux. Sur près de 7 % de hausse des taux de prélèvements obligatoires depuis la fin des années soixante-dix, 6, 2 % proviennent des administrations de la sécurité sociale. Nous assistons donc à une forte socialisation des besoins de nos concitoyens.

L’évolution de notre fiscalité impose, au-delà du débat sur les prélèvements obligatoires, un principe directeur de toute réforme fiscale. Celui-ci doit résider dans la combinaison d’une assiette d’imposition large, et pourquoi pas universelle, et de taux bas. Suivons en cela la pensée de Raymond Barre : nous devons absolument moderniser nos prélèvements obligatoires.

Deux constats s’imposent.

Le premier concerne la fiscalité locale. Chacun convient qu’elle est totalement archaïque. Néanmoins, la substitution de dotations à des impôts locaux n’est pas satisfaisante ; elle équivaut à nationaliser la fiscalité locale, et donc à déresponsabiliser les élus locaux.

Le second constat concerne le financement de la protection sociale. Celui-ci repose essentiellement sur le travail. Nous avons concédé aux grandes entreprises des allégements de charges : trop sans doute, car il n’y a pas d’effet durable sur l’emploi, comme l’a souligné la Cour des comptes dans un rapport récent, et comme l’a rappelé Alain Vasselle. Il faudra concentrer les exonérations de charges sur les petites et moyennes entreprises.

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