Intervention de Christian Gaudin

Réunion du 6 novembre 2008 à 9h30
Programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et prélèvements obligatoires — Discussion commune

Photo de Christian GaudinChristian Gaudin :

Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2012 est la traduction de la réforme institutionnelle votée au mois de juillet par le Parlement.

Sa portée normative est limitée, mais ses objectifs vertueux en matière de gestion publique concourent au nécessaire, mais très difficile, retour à l’équilibre de nos finances publiques.

Néanmoins, ce projet de loi a tout lieu d’être qualifié d’anachronique, même si, sur la forme, il a le mérite d’exister.

Il est anachronique, car, malheureusement, la crise financière et boursière qui a touché, depuis sa rédaction, l’ensemble des pays a totalement bouleversé les perspectives économiques pour les années à venir. Malgré les réponses volontaristes apportées par les différents gouvernements, notamment européens, les perspectives initialement tracées ne peuvent être perçues comme totalement réalistes.

Naturellement, madame, monsieur les ministres, nous ne vous tenons pas pour responsables de ce décalage, d’autant, madame la ministre, que, à l’ouverture de cette discussion, vous avez apporté les correctifs nécessaires.

L’on ne peut que saluer le réalisme qui a conduit le Gouvernement à retenir des hypothèses de croissance plus adaptées à la situation. Du fait des difficultés auxquelles nous allons être confrontés lors de l’examen du projet de budget pour 2009, on peut néanmoins se demander comment il peut être envisagé d’encadrer les volumes des dépenses de toutes les missions budgétaires pour l’année 2012 en se basant sur des taux d’inflation qui ne peuvent être tenus !

Ce projet de loi montre à quel point il est difficile, en particulier en matière de finances publiques, d’effectuer des prévisions et d’en tirer des lois de programmation dont la date de péremption peut être très rapidement atteinte.

Cependant, je le disais, ce texte a le mérite d’exister, de fixer des cadres budgétaires et surtout – soyons un peu optimistes – de créer un climat budgétaire marqué par la vertu financière, vertu dont, madame, monsieur les ministres, nous vous savons d’ailleurs dotés.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 représente une avancée dans la maîtrise des comptes publics en permettant au Parlement de fixer la trajectoire des finances publiques vers l’équilibre des comptes des administrations. C’est une démarche nouvelle, qu’il convient de saluer.

L’inscription constitutionnelle de l’équilibre des comptes publics constitue une double avancée.

Tout d’abord, il est désormais fait référence au principe d’équilibre des comptes de l’ensemble des administrations publiques, ce qui englobe l’État, les organismes de sécurité sociale, mais aussi les collectivités territoriales.

Ensuite, pour la première fois, est affirmée dans la Constitution la nécessité de concilier deux exigences : celle de la pluriannualité budgétaire, déjà introduite conformément à la philosophie de la LOLF, et celle de l’objectif d’équilibre des comptes publics.

Cette loi de programmation est ainsi le support de la stratégie budgétaire à l’horizon 2012 : le redressement de nos finances publiques doit être atteint sans augmentation du poids des impôts et des charges, et donc entièrement grâce à la maîtrise des dépenses.

Enfin, certaines propositions, telle celle qui permet d’affecter les éventuels surplus budgétaires – on peut rêver ! – au désendettement, sont les bienvenues et recueillent naturellement le soutien du groupe Union centriste.

Je reviendrai maintenant sur la question des prélèvements obligatoires et de leur évolution, point sur lequel porte aussi notre débat du jour.

Le taux des prélèvements obligatoires est toujours un instrument de mesure imparfait. En effet, d’une part, on compare souvent l’évolution dans le temps, mais les paramètres sont si complexes qu’il est évidemment difficile de parvenir à les lire correctement et, d’autre part, la comparaison avec les autres pays se fait rarement avec le même périmètre d’action et rend donc bien évidemment assez obsolètes les chiffres que l’on peut donner pour la France.

Chacun l’a déjà rappelé, le taux des prélèvements obligatoires pour 2007 s’élève à 43, 3% du PIB, en baisse par rapport à 2006.

Les prévisions pour les années à venir laissent à penser, selon l’excellent rapport de M. le rapporteur général, que ce taux se stabilisera, voire sera en légère diminution suivant les scénarios économiques envisagés.

Cette stabilisation me semble tout à fait opportune et, pour le coup, elle entre dans le cadre des normes fixées par le projet de loi de programmation qui nous intéresse aujourd’hui.

On peut regretter que ce taux soit trop élevé, du point de vue de l’histoire de nos finances publiques mais aussi en comparaison avec nos partenaires, notamment l’Allemagne ou le Royaume-Uni. Pour autant, il semble difficile, compte tenu de mes propos précédents, de prétendre diminuer les prélèvements obligatoires tant les contraintes financières sont importantes sur les administrations publiques. Par ailleurs, il paraît inopportun – et nous avons toujours défendu cette position – de chercher à les augmenter, car ce serait une mesure totalement contreproductive à l’encontre non seulement de nos concitoyens, mais aussi de nos entreprises.

Les prélèvements obligatoires, au-delà de leur niveau, appellent un second constat, s’agissant de leur structure.

Une fois encore, nous devons souligner, dans l’évolution de ce taux, un phénomène, dont on a d’ailleurs souvent parlé ici, à savoir la combinaison de moins en moins lisible des financements sociaux et fiscaux.

Je citerai un exemple chiffré : sur près de 7 % de hausse des taux de prélèvements obligatoires depuis la fin des années soixante-dix, 6, 2 % proviennent des administrations de la sécurité sociale. Nous assistons donc à une forte socialisation des besoins de nos concitoyens.

Dans ce contexte, nous ne pouvons que nous féliciter du tassement des taux de prélèvements obligatoires, car les charges croissantes qui résulteront du vieillissement de la population nous obligeront bientôt à dégager encore de nouvelles marges de manœuvre.

En conclusion, on l’aura compris, seule la maîtrise de la dépense publique permettra, d’abord, le retour à l’équilibre de nos finances publiques et, par la suite, l’abaissement des prélèvements obligatoires afin de restaurer la compétitivité de notre économie. La crise financière actuelle ne doit d’ailleurs pas nous détourner de cet objectif d’équilibre. Mais c’est la structure de ces prélèvements obligatoires, plus que le niveau de ces derniers, qui pose problème aujourd’hui.

Je disais précédemment que l’on ne pouvait pas augmenter les prélèvements obligatoires, notamment pour la bonne santé de nos entreprises ; je souhaite pour terminer, madame, monsieur les ministres, aborder le problème du développement économique de nos PME, notamment dans cette période de crise qui les touche bien sûr directement tant sur le plan de leurs besoins de trésorerie que sur celui de leurs investissements.

Le Président de la République rappelait récemment que les prélèvements publics sur les entreprises représentaient près de 15 % du PIB en France, contre 11, 5 % dans les autres pays de la zone euro.

Cet écart de 3, 5 points représente plus de 70 milliards d’euros et constitue un véritable handicap pour nos entreprises dans la compétition internationale. Le poids de la fiscalité qui pèse sur nos PME ternit largement l’attractivité de notre pays face à nos voisins européens.

Dans cette période de crise, ne serait-il pas possible, par des mesures à court terme, de renforcer les fonds de roulement de nos PME et de favoriser leurs projets d’investissement en fléchant de manière peut-être plus encadrée encore les crédits accordés aux banquiers à destination des entreprises ?

J’aimerais aussi, madame, monsieur les ministres, que vous esquissiez devant nous d’éventuelles mesures tendant à diminuer les prélèvements publics sur nos entreprises, notamment les plus innovantes.

Vous avez en effet reçu cette semaine un rapport sur le financement des PME, dans lequel est présentée une série de onze mesures sur ce thème dont la plupart me semblent très intéressantes.

L’un des problèmes pointé dans ce rapport est non pas le manque de financement de la recherche dans notre pays, mais bien le faible nombre de bons projets innovants. Nos PME ont besoin de collaborer beaucoup plus étroitement avec les centres de recherches, en particulier avec ceux qui ont une vocation mondiale.

Pourquoi en France, comme cela a été rappelé dans une interview des auteurs de ce rapport parue hier dans Les Échos, la proportion des PME qui deviennent de véritables groupes n’est-elle que de 1 %, contre 7 % en Europe et même 25 % en Amérique du Nord ?

Il est urgent d’accélérer et d’amplifier la politique de financement par projet de notre recherche en renforçant en ce sens le rôle de l’ANR, l’Agence nationale de la recherche, mouvement qui est d’ailleurs déjà engagé, notamment grâce au programme blanc qui vise, par définition, à soutenir des projets innovants et qui représentera 35 % des financements de l’ANR, contre 28 % aujourd’hui.

D’autres mesures proposées dans ce rapport, qui dénonce une certaine insuffisance du soutien de l’État aux PME, concernent les jeunes entreprises innovantes : il faut soutenir ces entreprises, flécher les aides et les investissements dans leur direction, revoir les aides fiscales à l’investissement, développer les garanties financières, réduire les délais de paiement, notamment dans la sphère publique, souvent très mauvaise élève sur cette question…

Nous devons aider nos entreprises, et c’est encore plus nécessaire en cette période d’incertitude. C’est pourquoi j’espère que ces propositions auront votre faveur, madame, monsieur les ministres : l’avenir de notre structure économique et les emplois de demain en France dépendent de l’attention que les pouvoirs publics vont porter à l’innovation menée dans les entreprises et à l’attractivité de notre pays.

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