Intervention de Philippe Richert

Réunion du 26 juin 2008 à 9h30
Droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Philippe RichertPhilippe Richert, rapporteur :

C’est pourquoi, bien avant que ce projet de loi ne soit déposé, de nombreuses communes avaient décidé, de leur propre initiative et en assumant les conséquences à la fois juridiques et financières de cette décision d’offrir un tel service d’accueil aux écoliers scolarisés sur leur territoire et à leurs familles.

Pour cette même raison, entre 2 000 et 2 900 communes ont souhaité participer à l’expérimentation du service d’accueil que leur proposait le ministre de l’éducation nationale.

Loin d’être le fruit d’une décision inattendue ou d’une volonté inexplicable, le texte que nous examinons aujourd’hui prend donc la suite d’une série d’initiatives locales et gouvernementales dont le point commun est de chercher, par-delà toute considération idéologique, à apporter une réponse concrète à un besoin indiscutable des familles.

C’est dans le même esprit de pragmatisme, marqué par le souci de permettre la mise en œuvre de ce nouveau service que la commission a examiné ce projet de loi instituant un nouveau droit pour les élèves et leurs familles.

En cas de grève ou d’absence non remplacée des professeurs, les écoliers se verront systématiquement offrir un service d’accueil. Il ne s’agit pas là d’un service minimum au sens propre du terme, puisque celui-ci supposerait que des enseignements soient délivrés.

Par principe, ce service d’accueil doit être assuré par l’État, sauf dans un cas : lorsque l’ampleur de la grève est telle que les services de l’éducation nationale ne sont plus en mesure de l’organiser dans des conditions satisfaisantes.

Il revient alors à la commune ou à la structure intercommunale de le prendre en charge. Je n’ignore pas les réticences que cette compétence nouvelle fait naître chez certains maires, qui se refusent à assurer en lieu et place de l’État l’organisation du service d’accueil. J’ai eu l’occasion de discuter à de nombreuses reprises avec les représentants des élus locaux afin de trouver les meilleures solutions face aux inquiétudes qui avaient été exprimées.

Mais, en l’espèce, l’État ne se défausse pas sur les communes de l’une de ses compétences, il tire simplement toutes les conséquences de l’impossibilité matérielle de mettre en œuvre le service quand un nombre substantiel d’enseignants est en grève.

Dans ces circonstances, les communes sont à l’évidence les seules à pouvoir offrir dans des conditions satisfaisantes le service d’accueil. Leur légitimité est au demeurant indiscutable, puisque c’est bien elles qui, depuis le xixe siècle, ont accompagné pas à pas le développement de l’école primaire républicaine.

À mes yeux et par souci de pragmatisme, il semble donc naturel de confier à la commune l’organisation du service d’accueil lorsque l’État n’est plus en mesure de l’assurer.

De la même manière, il serait à l’évidence impossible d’organiser le service d’accueil sans connaître en amont d’un mouvement de grève le nombre des professeurs absents et des élèves qui devront en conséquence être accueillis.

C’est pourquoi, en prévoyant que les enseignants du primaire qui souhaitent participer au mouvement devront déclarer leur intention quarante-huit heures à l’avance, le projet de loi ne porte pas une atteinte excessive au droit de grève, mais organise simplement la conciliation nécessaire de ce droit et du principe de continuité du service public, qui sont tous deux protégés et garantis par la Constitution.

Dans ses principes mêmes, le cadre général proposé par le projet de loi apparaît donc bien fondé : il est indispensable que les communes puissent intervenir lorsque l’État n’est plus en mesure de le faire, et cela serait impossible sans une déclaration d’intention préalable de la part des enseignants.

Une fois ces principes posés, il reste toutefois à permettre leur mise en œuvre dans les meilleures conditions possible, ce qui suppose tout à la fois d’alléger la charge pesant sur les communes et de simplifier les modalités de déclaration demandées aux enseignants. La commission s’est donc attachée à ce que l’on puisse aller le plus loin possible dans cette direction.

Dans ce but, la commission vous soumettra donc plusieurs amendements, dont l’adoption permettrait de faciliter l’organisation du service par les communes et de garantir un exercice apaisé du droit de grève par les enseignants.

S’agissant de l’organisation du service, tout d’abord, la commission vous proposera notamment de confier aux communes le soin de déterminer, en accord avec l’inspecteur de l’éducation nationale, la liste des personnes qui pourront assurer le service d’accueil – cela permettra notamment de vérifier qu’aucune d’entre elles n’a d’antécédents judiciaires problématiques – ; de transférer à l’État la responsabilité administrative à laquelle s’exposent les communes en organisant le service d’accueil ; de refondre le mode de calcul du seuil d’intervention de la commune, afin de garantir que cette dernière n’organise le service d’accueil que lorsque cela est devenu manifestement impossible pour l’État ; enfin, de faire de la subvention versée par l’État une compensation et non une simple contribution, vous le comprendrez aisément.

Toutes ces propositions semblent à la commission de nature à simplifier très largement l’organisation du service d’accueil par les communes et à leur garantir que la mise en œuvre de cette nouvelle compétence ne fera pas naître de difficultés insurmontables.

S’agissant de l’exercice du droit de grève – je m’adresse aux enseignants –, la commission a, de plus, souhaité que les enseignants puissent déclarer de la manière la plus simple et la plus apaisée possible leur intention de faire grève, et je remercie M. le ministre de sa réponse. Cela suppose de lever leurs craintes d’être définitivement « marqués » aux yeux de leurs supérieurs hiérarchiques dont ils dépendent, notamment les inspecteurs de l’éducation nationale, en se déclarant auprès d’eux.

La commission vous proposera donc d’autoriser les organisations syndicales à tirer le plein parti de la procédure de négociation préalable obligatoire instituée par le projet de loi avant tout dépôt de préavis, en convenant avec le ministère de l’éducation nationale des modalités pratiques que pourrait revêtir cette déclaration.

Rien ne serait au demeurant plus fidèle à l’esprit de ce texte, car celui-ci, loin d’avoir pour conséquence de priver d’effet les mouvements sociaux et d’affaiblir le dialogue social en limitant le droit de grève et en réduisant les perturbations que son exercice induit, s’efforce au contraire d’instaurer une vraie culture de la concertation dans l’éducation nationale.

Une journée de garderie ne remplacera jamais une journée de cours, c’est l’évidence même. Toute journée de grève se traduit donc, pour les élèves, par un préjudice certain. Aussi la grève ne doit-elle être qu’un dernier recours, lorsque les négociations achoppent. Mais encore faut-il qu’il y ait négociation ! Ce n’est pas toujours le cas, les organisations syndicales étant loin d’en être toujours les seules responsables.

C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles ne peut qu’être favorable au principe, consacré dans le projet de loi, d’une négociation obligatoire organisée avant tout recours à la grève.

Certains y voient une formalité inutile compliquant l’exercice du droit de grève. Ce n’est pas mon sentiment, car la reconnaissance de ce principe conduit à accorder aux syndicats d’enseignants un droit d’accès au ministre en cas de conflit.

Comme vous le savez, mes chers collègues, je vis en Alsace. De l’autre côté du Rhin, en Allemagne, aucune grève n’est lancée d’un jour à l’autre lorsque telle catégorie n’est pas satisfaite. En amont, de véritables négociations entre les syndicats et les représentants de l’État sont systématiquement engagées. Nous devons nous orienter vers une telle concertation. Or ce projet de loi oblige l’État à ouvrir le dialogue avec les syndicats. C’est un point positif. Je ne sais pas si les partenaires sociaux mesurent tous pleinement les conséquences de ce nouveau droit. Pour ma part, j’estime qu’il s’agit d’un progrès considérable vers l’écoute et le dialogue social qui contribuera à rapprocher notre pays de ses voisins européens, dans lesquels le souci de la concertation est une règle absolue.

Loin d’être de l’ordre de la régression, monsieur le ministre, le présent projet de loi constitue bien une avancée, non seulement pour les élèves et les familles, mais aussi pour les enseignants et les syndicats. C’est pourquoi, mes chers collègues, sous réserve des amendements qu’elle a déposés afin de garantir les droits des communes et des enseignants, la commission des affaires culturelles vous demande d’adopter le présent projet de loi.

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