La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 28 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, la liste des régimes d’aides relevant du règlement de la Commission européenne n° 1998/2006 du 15 décembre 2006 relatif aux aides de minimis.
M. le président du Sénat a également reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 126 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, le rapport dressant le bilan des modalités de mise en œuvre du recensement des équipements sportifs, de son actualisation ainsi que de l’exploitation de ses résultats.
Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.
Ils seront transmis tous deux à la commission des finances, et, pour le second, à la commission des affaires culturelles, et seront disponibles au bureau de la distribution.
Bravo et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la France aime passionnément son école. Elle a le plus grand respect pour ceux qui, chaque jour, dans les classes, sont les artisans opiniâtres de la liberté des individus et du progrès social. Elle observe, attentive, la façon dont notre système éducatif parvient à relever les nouveaux défis que lui pose la société et veille à ce qu’il continue de porter l’espoir des Condorcet, des Guizot, des Ferry, de tous ceux qui ont pensé un jour que la première des libertés était celle de savoir.
C’est la raison pour laquelle la France place l’intérêt de l’enfant, la liberté de sa famille et les droits de ses professeurs au-dessus des contingences que peuvent entraîner les discussions, les polémiques, voire les conflits liés aux évolutions de l’institution scolaire. L’école est avant tout un lieu où l’on apprend à respecter les libertés, toutes les libertés, et à concilier l’intérêt des uns avec celui des autres.
Il était donc fort illogique que cet enseignement fondamental transmis par l’école fût démenti à chaque mouvement de grève d’ampleur des personnels enseignants, leur légitime liberté à cesser leur travail dans le cadre d’un préavis de grève entrant alors en conflit avec la liberté des familles de poursuivre leur propre activité professionnelle, si elles le désirent. Car c’est bien aux familles que revient le soin de trouver, souvent dans l’urgence, une solution de garde pour leurs enfants, lorsque l’école n’est plus en mesure de le faire, solution qui, bien souvent, n’est autre que l’interruption forcée de l’activité professionnelle, parfois sans solde, avec des conséquences souvent durables sur les relations avec l’employeur.
Cette situation est d’autant moins acceptable qu’elle pèse particulièrement sur les familles les plus modestes et pénalise singulièrement les structures monoparentales.
M. Jean-Claude Carle acquiesce.
Elle révèle une très forte inégalité des Français face aux mouvements de grève, selon le taux de conflictualité habituel dans l’école où leurs enfants sont scolarisés, selon leur capacité à financer un mode de garde ou selon les formes d’aide familiale dont elles disposent.
L’accueil des enfants durant le temps scolaire habituel, condition de la stabilité professionnelle des parents, n’est pas un simple service qui peut être offert aux familles et varier en fonction des circonstances. C’est un droit qui doit pouvoir s’exercer de façon permanente et immédiate dans le temps. Tel est le sens de la volonté exprimée par le Président de la République, qui a voulu que la nature et les modalités d’application de ce droit soient définies par le projet de loi que j’ai l’honneur de présenter devant la Haute Assemblée.
Le projet de loi qu’il vous revient d’examiner pose le principe de ce droit. Il garantit à tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique le droit de pouvoir y être accueilli pendant le temps scolaire obligatoire, pour recevoir les enseignements prévus par les programmes.
En temps ordinaire, ce droit à l’accueil relève de la responsabilité de l’État lui-même, qui doit notamment veiller à ce que les enseignants absents soient rapidement remplacés en dehors des cas où leur absence s’inscrit dans le cadre d’un préavis de grève.
Pour y parvenir, j’ai décidé de moderniser en profondeur l’ensemble de la politique du remplacement conduite par le ministère de l’Éducation nationale et de créer à cet effet une Agence nationale chargée d’organiser le remplacement des professeurs absents. Elle aura, parmi ses objectifs, le souci d’optimiser constamment l’utilisation de tous les moyens de remplacement afin de limiter au maximum les conséquences d’une absence sur le bon déroulement de la scolarité des écoliers.
M. Xavier Darcos, ministre. En cas de mouvement de grève, les enseignements suspendus ne sauraient être remplacés, sauf à prendre des mesures qui seraient contraires au droit de grève des salariés.
M. Serge Lagauche s’exclame.
Les élèves pourront cependant continuer à être accueillis durant le temps scolaire, ce qui permettra ainsi à leurs parents de poursuivre normalement leur activité professionnelle. L’État pourra continuer à organiser l’accueil des élèves en les répartissant dans les classes existantes jusqu’à un certain seuil, dont vous souhaitez, je l’ai noté, que la définition soit revue.
En cas de mouvement de grève plus important, la mise en place d’un véritable dispositif d’accueil s’impose. Le projet de loi en confie la mise en œuvre aux communes, avec la participation financière de l’État.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous préciser d’emblée que, contrairement à ce que j’ai lu ou entendu à ce sujet, ce projet de loi ne porte pas atteinte à la libre administration des communes.
En effet, la création d’une nouvelle compétence pour les communes, accompagnée de moyens financiers pour l’assurer, est parfaitement conforme aux exigences constitutionnelles qui découlent des articles 72 et 72-2 de la Constitution.
Cet accueil pourra être organisé par les communes sans contrainte.
En effet, je ne souhaite imposer aux collectivités ni contraintes superflues ni normes nouvelles. Au contraire, je veux que ces dernières puissent disposer de la plus grande souplesse pour organiser ce service : je sais que les membres du groupe de l’Union centriste, notamment Yves Détraigne, sont particulièrement sensibles à cette question.
Cette souplesse doit d’abord pouvoir trouver sa pleine expression dans le choix du lieu où la commune organise l’accueil. Ce peut être au sein même de l’école, si elle est fermée, mais aussi si elle est partiellement ouverte. Dans ce dernier cas, ce sera bien sûr, dans les locaux inutilisés pour faire la classe. Tel est d’ailleurs le sens de l’article 7 de ce texte, car ce serait bien le comble que la commune, propriétaire des locaux scolaires, ne puisse les utiliser pour assurer le service d’accueil. Mais l’accueil peut également être organisé ailleurs, par exemple dans un centre de loisirs.
Cette souplesse doit ensuite se manifester dans la manière dont plusieurs communes peuvent s’entendre pour organiser le service : le projet de loi permet aux communes de conventionner librement pour confier à l’une d’entre elles l’organisation du service. C’est, je crois, une solution adaptée en milieu rural, dans les regroupements pédagogiques intercommunaux, les RPI, qui d’ailleurs ne sont pas toujours adossés à un établissement public de coopération intercommunale.
Ainsi, trois ou quatre communes membres d’un regroupement pédagogique intercommunal diffus pourront confier à l’une d’entre elles l’organisation du service.
Cette souplesse enfin existe dans le choix des intervenants que la commune décidera de mobiliser pour assurer l’accueil : il pourra s’agir des assistantes maternelles, ou agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, qui travailleraient ce jour-là, d’autres fonctionnaires municipaux, mais aussi des associations gestionnaires de centres de loisirs ou des associations familiales, des mères de famille, voire des enseignants retraités ou des étudiants, etc. Nous laissons là le libre choix aux communes.
Je rappelle à cette occasion que le code de l’action sociale et des familles n’exige pas de qualification spécifique, ni n’impose de normes en termes d’encadrement, tant que l’accueil ne dépasse pas quatorze jours.
C’était d’ailleurs une des demandes de l’Association des maires de France, l’AMF, en 2006, lorsque la réglementation sur l’encadrement des mineurs a vu le jour.
Par ailleurs, la bonne organisation de ce nouveau service d’accueil suppose, d’une part, que l’État et les représentants des personnels aient pris toutes leurs responsabilités pour prévenir le déclenchement de la grève, d’autre part, que l’État puisse transmettre aux communes, dans un délai raisonnable, le nombre d’enseignants ayant déclaré leur intention de se mettre en grève.
C’est pourquoi le projet de loi prévoit d’instaurer un dispositif d’alerte sociale, novateur dans la fonction publique, en créant une obligation de négociation pour l’employeur, c'est-à-dire l’État, et les organisations syndicales représentatives pendant une période ne pouvant excéder huit jours. Par organisations représentatives, il faut entendre celles qui sont reconnues comme telles au regard des critères classiques du droit commun de la fonction publique.
Il s’agit en fait d’anticiper le dépôt d’un préavis et de permettre l’émergence d’un véritable dialogue social conduit dans la sérénité sur des bases claires : la procédure mise en place, qui sera précisée dans le décret d’application, garantit à la fois cette transparence et la parfaite information des personnels. Pour que ce dialogue social soit un véritable instrument de prévention des conflits, il faut également que l’échange soit conduit au bon niveau, c’est-à-dire à l’échelle des autorités déconcentrées lorsque le sujet concerne l’échelon local, et à l’échelle des autorités nationales lorsque la question est d’ampleur nationale. C’est ce que prévoit explicitement le projet de loi.
Par ailleurs, le projet de loi fait obligation aux personnes ayant l’intention de participer à une grève d’en informer leur autorité administrative au plus tard quarante-huit heures avant la date de déclenchement prévue par le préavis.
Je le répète – mais qui en doute ? –, il ne s’agit bien évidemment pas d’une mesure contre les syndicats ou contre le droit de grève : ce délai est réellement nécessaire à la mise en place de l’accueil par les communes. Je rappelle d’ailleurs que d’aucuns pensaient que ce délai était trop bref.
Si le délai est nécessaire, la procédure de déclaration à l’autorité administrative l’est tout autant. On ne peut se contenter d’une information des familles, car l’accueil deviendrait alors difficile à organiser.
Le projet de loi précise les garanties propres à assurer la confidentialité des informations recueillies sur les personnes.
Enfin, il prévoit naturellement le dispositif de financement dont bénéficieront les communes pour l’exercice de cette nouvelle compétence.
Protéger la liberté de travailler sans rien retirer au droit de grève : tel est l’objet et l’esprit de ce texte, qui marque une étape nouvelle dans les relations entre l’école, la famille et les personnels enseignants.
Soucieux de donner son entière extension à ce droit nouveau et sa pleine efficacité au dispositif que je vous ai présenté, j’ai engagé depuis plusieurs semaines un travail de fond avec les élus de toutes les sensibilités.
Ainsi, j’ai rencontré à plusieurs reprises des sénateurs, des députés, des maires et de nombreuses associations d’élus, comme l’Association des maires de France, l’Association des maires de grandes villes de France, l’Association nationale des élus de montagne ou encore l’Association des maires de l’Île-de-France.
Je veux souligner publiquement la qualité des discussions qui ont été engagées, en particulier des débats qui ont eu lieu dans le cadre de la commission des affaires culturelles du Sénat. Je tiens donc à remercier l’ensemble des sénateurs qui y ont contribué, à commencer bien sûr par Philippe Richert, rapporteur au fond de ce texte, et Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, de leur travail, de leurs propositions et de leurs conseils. Je leur témoigne ici toute ma gratitude.
Ce travail de concertation mené avec l’ensemble des élus concernés par la mise en place du droit d’accueil a permis de clarifier un certain nombre de points. Il a ainsi dissipé nombre de malentendus et apporté des réponses concrètes aux interrogations des collectivités locales. Il a surtout contribué à aller au fond des choses et à obtenir des avancées concrètes, ce dont je ne peux que me féliciter.
Je tiens surtout à vous dire combien j’ai été attentif aux observations et aux propositions qui se sont exprimées, aussi bien lors du travail préliminaire qu’au cours de la discussion avec la commission des affaires culturelles. Sans entamer le débat proprement dit, je souhaite vous apporter d’ores et déjà un éclairage sur cinq de ces éléments.
Le premier sujet concerne le délai de quarante-huit heures que les enseignants doivent respecter pour déclarer leur intention de participer à une grève. Certains sénateurs se sont demandé comment faire si ces quarante-huit heures correspondaient à un week-end.
M. Xavier Darcos, ministre. L’expérience a montré qu’au sein de l’éducation nationale les grèves importantes se déroulaient toujours les mardis et les jeudis, quasiment jamais les lundis et les vendredis.
Sourires
Pour autant, et pour rassurer les maires sur ce point, je soutiendrai l’amendement à l’article 5 présenté par Jean-Claude Carle, qui vise à préciser que le délai de quarante-huit heures doit comprendre au moins un jour ouvré. §
M. Xavier Darcos, ministre. Vous voyez, monsieur Carle, cela commence bien, puisque même M. Bodin y est favorable !
M. Jean-Claude Carle rit.
Le deuxième sujet concerne les modalités négociées de déclaration des grévistes auprès de l’autorité administrative.
La commission des affaires culturelles a présenté un amendement à l’article 5 pour permettre à l’État de s’entendre avec une organisation syndicale sur les modalités selon lesquelles les enseignants qui souhaitent faire grève en informent l’autorité administrative.
Je soutiens très fermement cet amendement, qui rencontre d’ailleurs l’assentiment de l’une des grandes centrales syndicales et qui permettra de diffuser la culture de la négociation au sein de la fonction publique.
En prévoyant que les modalités par lesquelles les enseignants qui souhaitent faire grève en informent l’autorité administrative pourront être définies par voie conventionnelle à l’occasion de la négociation préalable, l’amendement de la commission souligne tout l’intérêt d’avoir fait coexister dans ce texte deux volets : l’organisation du service d’accueil et la mise en place d’un mécanisme de négociation préalable.
Le troisième sujet touche à la question de la responsabilité des maires, qui préoccupait beaucoup d’acteurs locaux que j’ai rencontrés.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire devant votre commission, je soutiendrai, sur cette question, l’amendement qu’elle présente. Il a pour objet de substituer la responsabilité administrative de l’État à celle de la commune dans tous les cas de dommages causés aux enfants liés à l’organisation ou au fonctionnement du service d’accueil.
Je soutiens d’autant plus fermement cette proposition que j’en avais très tôt annoncé le principe. Il me semble très important, car il apporte une réponse claire aux inquiétudes des élus et des collectivités locales.
Le quatrième sujet concerne le financement du dispositif. Le projet de loi que je vous présente prévoit que ce dernier sera calculé en fonction du nombre d’élèves accueillis, à l’image de ce qui a été fait durant l’expérimentation. Le montant sera précisé dans un texte réglementaire dont la promulgation conditionne l’entrée en vigueur de ce projet de loi.
Lors de l’expérimentation organisée en janvier et en mai, les communes ont reçu un financement s’élevant à 90 euros par groupe de un à quinze élèves, pour deux fois trois heures d’accueil. Comment a été calculé ce montant de 90 euros ? Il correspond au montant moyen de la rémunération journalière d’un enseignant du premier degré, sachant que la taille moyenne d’une classe est de vingt-cinq élèves.
En outre, dans le cadre du travail que nous avons conduit avec l’Association nationale des élus de montagne, nous avons voulu que le dispositif financier prévu soit encore plus juste financièrement pour les communes, notamment pour les petites communes rurales.
C’est la raison pour laquelle, pour des questions de recevabilité, j’ai repris au nom du Gouvernement l’amendement déposé par M. le sénateur Jean-Claude Carle et qui prévoit que l’État verse à toute commune ayant mis en place le service d’accueil une contribution minimale quel que soit le nombre des enfants accueillis.
Cette contribution minimale par commune s’élèvera à 200 euros, même si le nombre d’élèves accueillis est extrêmement faible.
C’est également dans le même esprit de justice et d’équité que j’ai également repris la proposition tendant à indexer le financement apporté par l’État aux collectivités.
Le cinquième sujet concerne les interrogations qui se sont exprimées sur la nature et la qualification des personnes chargées d’accueillir les enfants. J’adhère donc sans réserve à la proposition de la commission tendant à ce que la commune établisse, en lien avec l’inspecteur de circonscription, la liste des personnes susceptibles d’intervenir.
L’établissement de ce vivier présente manifestement deux intérêts : il permet à l’État de vérifier qu’un intervenant pressenti n’est pas déjà connu par le fichier national des infractions sexuelles ; il est également l’occasion de réfléchir par anticipation à l’organisation du service.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que je viens de vous présenter a fait l’objet d’une véritable concertation avec des élus de toutes les sensibilités politiques. À n’en pas douter, vos propositions et les échanges que nous allons avoir permettront encore d’en renforcer la portée. Je suis convaincu que, au terme du travail parlementaire, nous parviendrons à nous entendre sur un texte équilibré qui répondra pleinement aux attentes des familles comme aux interrogations légitimes des élus et des collectivités locales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à ceux qui voudraient ne voir dans ce texte qu’une provocation à l’égard des syndicats d’enseignants, à ceux qui voudraient minimiser les difficultés réelles que rencontrent les familles les plus modestes pour faire garder leurs enfants les jours de grève, …
… à ceux qui voudraient exagérer les contraintes que représentera pour les communes cette mission nouvelle, …
… je réponds qu’il y a un temps pour la polémique et un temps pour la politique.
Le temps de la polémique est désormais derrière nous : il s’agit non plus de savoir si le fait de vouloir aider les familles est une concession faite à la droite, une trahison faite à la gauche ou un hommage rendu au centre, mais de chercher, de bonne foi, par quel moyen nous pouvons permettre à notre dialogue social de se moderniser dans l’intérêt de l’État, de ses salariés et des usagers des services publics.
Cette ambition politique, au sens le plus noble, c’est une ambition moderne. Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est désormais sur vous qu’elle repose aujourd’hui.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Muguette Dini applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les mémoires de chacun de nous sont profondément gravés les trois attributs de l’école républicaine, qui ne peut être que gratuite, laïque et obligatoire.
À nos yeux, ces caractères sont d’une telle évidence que nous ne parvenons plus à imaginer ce que pouvait être la vie des enfants et des familles de notre pays avant que la loi du 28 mars 1882 ne vienne imposer à chaque jeune de rejoindre les bancs de l’école communale pour y suivre les enseignements qui allaient faire de lui un esprit libre et éclairé et un citoyen réfléchi et responsable.
Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi et jusqu’aux grandes lois de Jules Ferry, les enfants vivaient et grandissaient encore au milieu de leurs familles. Dans une France encore très largement rurale et agricole, il n’y avait là rien que de très naturel.
Depuis lors, notre société a bien changé et rares sont à présent les parents qui ne travaillent pas à l’extérieur du domicile familial. Ce changement, appelé par la naissance d’une France commerciale et industrielle tout autant qu’agricole, a été rendu possible par la scolarisation obligatoire et l’allongement continu de sa durée. Au moment même où les parents travaillent, les enfants sont à l’école et le problème de leur garde ne se pose ainsi plus qu’aux premiers mois de leur existence.
De fait, l’école publique n’est donc pas seulement un lieu d’enseignement ; c’est aussi un lieu d’accueil. Chaque grève ou absence non remplacée d’un professeur le prouve, puisque les enfants se trouvent alors privés d’enseignement et de structure d’accueil pour la journée. Nombreuses sont alors les familles qui éprouvent les plus grandes difficultés à trouver une solution de garde pour leurs enfants. Certaines peuvent s’appuyer sur les solidarités familiales ou de voisinage, M. le ministre l’a dit. Quant aux autres, elles n’auront d’autre solution que de prendre un jour de congé ou de RTT, lorsqu’il y en a encore, en comptant sur la compréhension et la bienveillance de leurs employeurs.
Mais, chacun le sait, mes chers collègues, tel n’est pas toujours le cas et de telles absences répétées, même lorsqu’elles sont le fait d’obligations familiales indiscutables, peuvent indisposer les employeurs et éroder la confiance qu’ils placent dans tel ou tel de leurs salariés.
Cela explique pourquoi les familles sont si nettement favorables à la création d’un service d’accueil dans les écoles primaires publiques lorsqu’elles sont interrogées à ce sujet. D’après un sondage réalisé par PEEP-BVA, 78 % des parents soutiennent ce projet, parce qu’il répond à un vrai besoin, dont elles mesurent l’acuité à chaque interruption du service public de l’enseignement.
C’est pourquoi, bien avant que ce projet de loi ne soit déposé, de nombreuses communes avaient décidé, de leur propre initiative et en assumant les conséquences à la fois juridiques et financières de cette décision d’offrir un tel service d’accueil aux écoliers scolarisés sur leur territoire et à leurs familles.
Pour cette même raison, entre 2 000 et 2 900 communes ont souhaité participer à l’expérimentation du service d’accueil que leur proposait le ministre de l’éducation nationale.
Loin d’être le fruit d’une décision inattendue ou d’une volonté inexplicable, le texte que nous examinons aujourd’hui prend donc la suite d’une série d’initiatives locales et gouvernementales dont le point commun est de chercher, par-delà toute considération idéologique, à apporter une réponse concrète à un besoin indiscutable des familles.
C’est dans le même esprit de pragmatisme, marqué par le souci de permettre la mise en œuvre de ce nouveau service que la commission a examiné ce projet de loi instituant un nouveau droit pour les élèves et leurs familles.
En cas de grève ou d’absence non remplacée des professeurs, les écoliers se verront systématiquement offrir un service d’accueil. Il ne s’agit pas là d’un service minimum au sens propre du terme, puisque celui-ci supposerait que des enseignements soient délivrés.
Par principe, ce service d’accueil doit être assuré par l’État, sauf dans un cas : lorsque l’ampleur de la grève est telle que les services de l’éducation nationale ne sont plus en mesure de l’organiser dans des conditions satisfaisantes.
Il revient alors à la commune ou à la structure intercommunale de le prendre en charge. Je n’ignore pas les réticences que cette compétence nouvelle fait naître chez certains maires, qui se refusent à assurer en lieu et place de l’État l’organisation du service d’accueil. J’ai eu l’occasion de discuter à de nombreuses reprises avec les représentants des élus locaux afin de trouver les meilleures solutions face aux inquiétudes qui avaient été exprimées.
Mais, en l’espèce, l’État ne se défausse pas sur les communes de l’une de ses compétences, il tire simplement toutes les conséquences de l’impossibilité matérielle de mettre en œuvre le service quand un nombre substantiel d’enseignants est en grève.
Dans ces circonstances, les communes sont à l’évidence les seules à pouvoir offrir dans des conditions satisfaisantes le service d’accueil. Leur légitimité est au demeurant indiscutable, puisque c’est bien elles qui, depuis le xixe siècle, ont accompagné pas à pas le développement de l’école primaire républicaine.
À mes yeux et par souci de pragmatisme, il semble donc naturel de confier à la commune l’organisation du service d’accueil lorsque l’État n’est plus en mesure de l’assurer.
De la même manière, il serait à l’évidence impossible d’organiser le service d’accueil sans connaître en amont d’un mouvement de grève le nombre des professeurs absents et des élèves qui devront en conséquence être accueillis.
C’est pourquoi, en prévoyant que les enseignants du primaire qui souhaitent participer au mouvement devront déclarer leur intention quarante-huit heures à l’avance, le projet de loi ne porte pas une atteinte excessive au droit de grève, mais organise simplement la conciliation nécessaire de ce droit et du principe de continuité du service public, qui sont tous deux protégés et garantis par la Constitution.
Dans ses principes mêmes, le cadre général proposé par le projet de loi apparaît donc bien fondé : il est indispensable que les communes puissent intervenir lorsque l’État n’est plus en mesure de le faire, et cela serait impossible sans une déclaration d’intention préalable de la part des enseignants.
Une fois ces principes posés, il reste toutefois à permettre leur mise en œuvre dans les meilleures conditions possible, ce qui suppose tout à la fois d’alléger la charge pesant sur les communes et de simplifier les modalités de déclaration demandées aux enseignants. La commission s’est donc attachée à ce que l’on puisse aller le plus loin possible dans cette direction.
Dans ce but, la commission vous soumettra donc plusieurs amendements, dont l’adoption permettrait de faciliter l’organisation du service par les communes et de garantir un exercice apaisé du droit de grève par les enseignants.
S’agissant de l’organisation du service, tout d’abord, la commission vous proposera notamment de confier aux communes le soin de déterminer, en accord avec l’inspecteur de l’éducation nationale, la liste des personnes qui pourront assurer le service d’accueil – cela permettra notamment de vérifier qu’aucune d’entre elles n’a d’antécédents judiciaires problématiques – ; de transférer à l’État la responsabilité administrative à laquelle s’exposent les communes en organisant le service d’accueil ; de refondre le mode de calcul du seuil d’intervention de la commune, afin de garantir que cette dernière n’organise le service d’accueil que lorsque cela est devenu manifestement impossible pour l’État ; enfin, de faire de la subvention versée par l’État une compensation et non une simple contribution, vous le comprendrez aisément.
Toutes ces propositions semblent à la commission de nature à simplifier très largement l’organisation du service d’accueil par les communes et à leur garantir que la mise en œuvre de cette nouvelle compétence ne fera pas naître de difficultés insurmontables.
S’agissant de l’exercice du droit de grève – je m’adresse aux enseignants –, la commission a, de plus, souhaité que les enseignants puissent déclarer de la manière la plus simple et la plus apaisée possible leur intention de faire grève, et je remercie M. le ministre de sa réponse. Cela suppose de lever leurs craintes d’être définitivement « marqués » aux yeux de leurs supérieurs hiérarchiques dont ils dépendent, notamment les inspecteurs de l’éducation nationale, en se déclarant auprès d’eux.
La commission vous proposera donc d’autoriser les organisations syndicales à tirer le plein parti de la procédure de négociation préalable obligatoire instituée par le projet de loi avant tout dépôt de préavis, en convenant avec le ministère de l’éducation nationale des modalités pratiques que pourrait revêtir cette déclaration.
Rien ne serait au demeurant plus fidèle à l’esprit de ce texte, car celui-ci, loin d’avoir pour conséquence de priver d’effet les mouvements sociaux et d’affaiblir le dialogue social en limitant le droit de grève et en réduisant les perturbations que son exercice induit, s’efforce au contraire d’instaurer une vraie culture de la concertation dans l’éducation nationale.
Une journée de garderie ne remplacera jamais une journée de cours, c’est l’évidence même. Toute journée de grève se traduit donc, pour les élèves, par un préjudice certain. Aussi la grève ne doit-elle être qu’un dernier recours, lorsque les négociations achoppent. Mais encore faut-il qu’il y ait négociation ! Ce n’est pas toujours le cas, les organisations syndicales étant loin d’en être toujours les seules responsables.
C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles ne peut qu’être favorable au principe, consacré dans le projet de loi, d’une négociation obligatoire organisée avant tout recours à la grève.
Certains y voient une formalité inutile compliquant l’exercice du droit de grève. Ce n’est pas mon sentiment, car la reconnaissance de ce principe conduit à accorder aux syndicats d’enseignants un droit d’accès au ministre en cas de conflit.
Comme vous le savez, mes chers collègues, je vis en Alsace. De l’autre côté du Rhin, en Allemagne, aucune grève n’est lancée d’un jour à l’autre lorsque telle catégorie n’est pas satisfaite. En amont, de véritables négociations entre les syndicats et les représentants de l’État sont systématiquement engagées. Nous devons nous orienter vers une telle concertation. Or ce projet de loi oblige l’État à ouvrir le dialogue avec les syndicats. C’est un point positif. Je ne sais pas si les partenaires sociaux mesurent tous pleinement les conséquences de ce nouveau droit. Pour ma part, j’estime qu’il s’agit d’un progrès considérable vers l’écoute et le dialogue social qui contribuera à rapprocher notre pays de ses voisins européens, dans lesquels le souci de la concertation est une règle absolue.
Loin d’être de l’ordre de la régression, monsieur le ministre, le présent projet de loi constitue bien une avancée, non seulement pour les élèves et les familles, mais aussi pour les enseignants et les syndicats. C’est pourquoi, mes chers collègues, sous réserve des amendements qu’elle a déposés afin de garantir les droits des communes et des enseignants, la commission des affaires culturelles vous demande d’adopter le présent projet de loi.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Muguette Dini applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, la commission des finances, dont j’ai l’honneur de vous présenter l’avis sur ce projet de loi, ne s’est pas exprimée sur le fond, souscrivant dans sa majorité à la quasi-totalité des conclusions de notre excellent rapporteur, Philippe Richert. Elle s’est demandé si ce texte avait des conséquences sur les finances publiques de l’État et des collectivités locales. Nous disposons d’une expérimentation, un dispositif d’accueil ayant déjà fonctionné à trois reprises, les 24 janvier, 15 et 22 mai derniers.
Le 22 mai, à peine 3 000 communes ont organisé un système d’accueil ayant bénéficié à une population globale représentant entre 2 millions et 2, 5 millions de nos compatriotes. Statistiquement, cette expérimentation a permis de toucher, en moyenne, un Français sur trente. C’est à la fois significatif du point de vue du fonctionnement du dispositif et très insuffisant par rapport aux besoins de l’ensemble des familles françaises.
En termes de finances publiques, l’équilibre du projet de loi paraît pertinent. Comme Philippe Richert l’a indiqué, les conséquences financières de la mise en œuvre du dispositif envisagé sont réelles, car l’accueil n’est pas assuré par les mêmes personnels que pour l’enseignement.
Il s’agit donc d’assurer un droit d’accueil et non une continuité de l’enseignement. Seules sont visées les écoles maternelles et primaires parce que, vous le savez, mes chers collègues, dans les collèges et dans les lycées, l’enseignement est dispensé par une multiplicité d’enseignants. Le chef d’établissement – principal de collège ou proviseur de lycée – a les moyens d’organiser l’accueil des élèves, les enseignants n’étant pas tous statistiquement en grève au même moment. Il lui appartient de faire en sorte que les élèves soient accueillis dans le cadre, soit de cours en horaires décalés, soit de permanences. Tel n’est pas le cas des écoles maternelles et primaires, où l’enseignant unique place l’élève dans la situation binaire d’avoir ou de ne pas avoir un interlocuteur en face de lui. C’est une raison supplémentaire, d’ordre financier, qui justifie la mise en place du dispositif qui nous est soumis.
De plus, le seuil de déclenchement prévu par le projet de loi, que notre débat conduira peut-être à modifier, est fixé à 10 % de grévistes. C’est intéressant pour les écoles maternelles et primaires, notamment en milieu rural, qui souvent ont moins de dix classes. Se pose la question de la libre organisation communale et de la libre coopération intercommunale pour faire face aux problèmes de la taille des écoles, du nombre d’enseignants concernés et de la prise en compte du seuil de déclenchement.
Je ne reviendrai pas sur les modalités qui ont été évoquées par Philippe Richert. La mise en œuvre du dispositif est prévisible. En effet, le projet de loi prévoit une déclaration d’intention de grève dans les quarante-huit heures précédant le mouvement, un seuil du déclenchement et, point très important, la responsabilité de la commune ou de l’intercommunalité pour ce qui concerne les modalités d’organisation de l’accueil. Il s’agit de l’application du principe constitutionnel de libre administration des communes et, surtout, d’une simple question de bon sens, tant le système des écoles maternelles et primaires est diversifié, pour des raisons démographiques.
Avant d’entrer dans le vif du sujet du financement, je rappelle tout d’abord pour le plaisir de l’érudition juridique que l’enseignement public scolaire est laïc, gratuit et obligatoire et que la présence scolaire, c’est la forme quasi-universelle de l’instruction, mais elle n’est pas la seule forme.
L’État est astreint à une obligation non pas d’accueil, mais d’enseignement. C’est donc une nouvelle compétence que le projet de loi tend à créer. Dans les relations entre l’État et les collectivités locales, l’accueil des enfants en période de grève constitue non pas un transfert de compétence, mais une nouvelle compétence. L’État entend faire assumer l’accueil par les collectivités locales, qui ont la responsabilité de l’organisation pratique de l’enseignement primaire.
Selon l’article 72-2 de la Constitution, modifié en 2003, l’État doit mettre à leur disposition des moyens déterminés par la loi pour assurer cette prestation nouvelle. Encore faut-il que la loi fixe des ressources qui soient suffisantes dans le cadre de la libre administration des communes. Je rappelle que, aux termes de la décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2005, la commune doit garder une maîtrise dans l’organisation et l’adaptation d’une obligation nationale.
En ce qui concerne les relations entre l’État et les communes, monsieur le ministre, il conviendra de trouver le point d’équilibre le plus juste entre la liberté communale et la participation de l’État.
La commission des finances a déposé un amendement, en apparence sémantique, mais qui va au-delà, consistant à remplacer le mot « contribution », certes sympathique, par le mot « compensation », plus rassurant pour les collectivités locales.
Les impôts, qui sont des contributions républicaines volontaires, représentent un effort national. Une longue expérience républicaine de plus de deux siècles a amené la commission des finances à préférer une compensation à une contribution.
Monsieur le ministre, si les communes ont la liberté d’organisation, vous faites des propositions très attractives. Vous suggérez que les locaux scolaires soient mis à disposition pour assurer l’accueil, sans que cela soit obligatoire. De ce fait, les communes pourront tenir compte des réalités locales et rechercher le système le mieux adapté. Ainsi seront respectées à la fois l’obligation d’accueil et la liberté d’organisation des communes, qui ont la responsabilité d’assurer cet accueil.
Quant au respect de l’équilibre financier des dépenses communales, la première expérimentation qui a été menée n’est pas totalement concluante.
Monsieur le ministre, vous avez accueilli favorablement la proposition de M. Carle, ce dont la commission des finances se réjouit. Il y a des effets d’échelle à prendre en compte pour les petites communes, le coût des élèves accueillis n’étant pas strictement proportionnel au nombre total d’élèves pouvant être accueillis.
Un peu de souplesse ne nuit pas. Vous nous la proposez. La commission des finances ne peut que s’en féliciter.
Je souhaite terminer mon intervention par une observation quelque peu malicieuse, relative au coût pour l’État de cette contribution – qui deviendra peut-être une compensation, si le Sénat l’accepte – à la mise en place d’un service d’accueil scolaire.
La grève est un acte courageux, responsable, qui doit succéder à une période de débats, de négociations, d’explications, d’approfondissements. Philippe Richert et vous-même, monsieur le ministre, l’avez évoqué. Rappelons que le gréviste consent un sacrifice important. Depuis quelques années, à chaque jour de grève, une retenue sur salaire équivalente au trentième indivisible du salaire mensuel est pratiquée.
Si l’on prend l’année 2007 comme année type, les retenues pour fait de grève ont représenté, pour l’État, une économie involontaire ou, plus exactement, un report de dépenses de l’ordre de 62 millions d’euros. La mise en place systématique du système qui nous est proposé lui coûterait 34 millions d’euros. En quelque sorte, plus les enseignants font grève, plus l’État gagne de l’argent !
En réalité, ce n’est pas tout à fait exact.
La différence correspond au coût supporté par les familles, qui, jusqu’à présent, devaient prendre en charge et financer par tout moyen approprié, y compris le renoncement à des jours de RTT ou de travail, la garde de leurs enfants en l’absence de service d’accueil.
À juste titre, l’État retient un certain pourcentage du salaire des grévistes. La mise en place d’un système d’accueil, dans son principe, lui coûtera, mais moins que prévu, parce que ce dispositif sera limité aux écoles maternelles et primaires, alors que les retenues pratiquées concernent l’ensemble du système scolaire. Ainsi les retenues faites sur les salaires des enseignants grévistes du secondaire financeront, en quelque sorte, les frais d’accueil.
Je n’irai pas plus loin dans ma démonstration parce que quelques années de pratique seront nécessaires pour savoir si elle est justifiée.
En réalité, monsieur le ministre, l’État ne gagne pas d’argent. En fait, il a l’obligation non pas d’accueillir les enfants, mais de les éduquer. Il faudra bien, d’une façon ou d’une autre, rattraper les heures d’enseignement perdues. Les parents, très attachés à la réussite de leurs enfants, le demanderont expressément.
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. La commission des finances ne procède pas seulement à un examen comptable pour savoir si à un moment déterminé l’État a les moyens de financer cette structure d’accueil. Elle a aussi une mission républicaine, celle de considérer la mission générale d’enseignement dans sa globalité, et se doit à ce titre de demander que l’économie comptable apparente réalisée soit consacrée au rattrapage des heures d’enseignement perdues, pour assurer la réussite scolaire de nos jeunes.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UC-UDF.
« Qu’allons-nous faire de nos enfants ? » Telle est la question que tous les parents d’enfants scolarisés en maternelle ou en primaire se posent les jours de grève.
Dans les conditions actuelles, ils sont systématiquement obligés de trouver des solutions de dernière minute, c’est-à-dire poser une journée de congé, faire appel à la famille ou à des amis. Pour les familles monoparentales, la situation est encore plus pénalisante.
Depuis de trop nombreuses années, les familles subissent une double peine qui n’est pas acceptable. Non seulement les enfants n’ont pas cours, mais, en outre, les parents sont obligés de renoncer à une journée de travail, ou même de salaire, lorsqu’ils ne peuvent plus poser de congé. Or le droit au travail n’est-il pas aussi important que le droit de grève ?
C’est pour mettre un terme à cette injustice que nous examinons aujourd’hui, monsieur le ministre, votre projet de loi visant à instaurer un droit à l’accueil des enfants scolarisés dans les écoles maternelles et primaires publiques.
Ce texte, voulu par le Président de la République, a pour objectif de concilier deux libertés d’égale importance, la liberté de faire grève, inscrite dans la Constitution, qui est évidemment maintenue, et la liberté de travailler. Il s’agit ainsi de rétablir l’égalité entre tous les parents, ceux qui ont les moyens de faire garder leurs enfants en cas de grève, et ceux dont les revenus ou les conditions de vie les en empêchent. Assurer un égal accès de tous au service public, n’est-ce pas l’un des premiers devoirs de notre République ?
Le dispositif que vous nous proposez, monsieur le ministre, a déjà été expérimenté lors du mouvement social de mai dernier. Près de 3 000 communes ont assuré un service minimum d’accueil à l’école. Le déroulement de cette journée s’est avéré satisfaisant, avec une nuance de taille : instauré sur la base du volontariat, le service minimum d’accueil n’a été organisé pratiquement que par des municipalités de la majorité.
Le groupe UMP comprend qu’il faille passer par la loi pour permettre son application équitable. Il ne serait pas supportable que l’accès des familles au service public dépende des positionnements idéologiques de certains élus ou réponde à des consignes politiciennes.
L’école est un service public qui ne doit pas être interrompu de façon systématique et arbitraire. C’est aussi cela le droit à l’école, celle de Jules Ferry !
Le projet que vous nous soumettez, monsieur le ministre, est un instrument de justice sociale parce qu’il s’adresse d’abord à ceux de nos concitoyens qui n’ont pas d’autre choix que d’avoir une activité professionnelle pour assurer l’éducation de leurs enfants. Ce n’est pas un hasard si plus de 60 % des Français souhaitent la mise en place d’un service minimum à l’école. Ce projet de loi apporte une réponse concrète à leurs attentes en permettant un accueil généralisé des élèves sur l’ensemble du territoire.
Que prévoit le projet de loi que nous examinons aujourd’hui ?
Premièrement, le principe du « droit d’accueil » est défini.
Le texte inscrit dans la loi le principe du droit d’accueil dans les écoles publiques maternelles et primaires, et instaure un véritable « service d’accueil » lorsque « les enseignements ne peuvent être dispensés », comme c’est le cas lors des jours de grève.
Il s’agit déjà en soi d’une petite révolution, ne serait-ce que pour les enfants. À défaut d’assister aux cours, ils n’assimileront plus les jours de grève à une vaste pagaille ou à des jours de vacances. La collectivité assurera la contrepartie de l’obligation de présence qu’elle exige des élèves.
Deuxièmement, une « négociation préalable » obligatoire entre l’État et les syndicats est instaurée.
Le projet de loi oblige l’État et les syndicats à mener une « négociation préalable » de huit jours maximum avant tout dépôt d’un préavis de grève. Il s’agit d’une procédure « d’alerte sociale » destinée à favoriser le dialogue entre les parties concernées et à limiter les conflits. Elle s’inspire des dispositions qui ont été mises en place pour le service minimum dans les transports et qui ont, encore récemment, prouvé leur efficacité.
Troisièmement, une déclaration préalable des enseignants grévistes est requise.
Conformément à la volonté du Président de la République et du Gouvernement, le projet de loi prévoit que les enseignants grévistes doivent déposer leur préavis quarante-huit heures à l’avance auprès de l’inspecteur d’académie ou l’inspecteur de circonscription. Ainsi, les communes seront informées du nombre d’enseignants en grève et pourront préparer l’accueil des élèves dans les meilleures conditions. Ces informations resteront évidemment protégées par le secret professionnel et elles le seront encore davantage si les propositions de notre rapporteur sont retenues.
Tout aussi évidemment, et contrairement à ce que prétendent certains syndicats d’enseignants, le droit de grève n’est pas atteint par ce projet de loi. Il est simplement organisé de façon à ne pas pénaliser la vie des parents, qui ont eux aussi un travail et qui ne peuvent pas adapter leur emploi du temps sur celui des grévistes.
Ce projet de loi concilie le droit de grève avec la liberté dont disposent les foyers d’organiser leurs activités professionnelles et familiales. Ainsi, loin de remettre en cause le droit de grève, ce texte peut, en outre, rendre leur popularité aux mouvements de grève en évitant les conséquences désastreuses de ceux-ci sur le quotidien des familles.
Quatrièmement, votre texte organise les modalités de financement.
En contrepartie de la mise en place du dispositif d’accueil, chaque commune concernée recevra de l’État une contribution financière dont le montant et les modalités seront fixés par décret, à la suite de discussions menées avec les collectivités locales.
Certains détracteurs de ce texte affirment que les communes n’ont pas à régler les conflits opposant l’État et ses fonctionnaires et que c’est à l’éducation nationale d’organiser le service minimum dans ses établissements. Or il n’est pas question de substituer les collectivités locales à l’éducation nationale puisqu’il s’agit en l’occurrence, non pas de trouver des remplaçants pour dispenser les cours, mais d’assurer l’accueil physique des enfants, ce qui n’a rien à voir.
J’observe en outre que les collectivités territoriales, notamment les communes, prennent d’ores et déjà en charge les services périscolaires, comme les cantines ou l’accueil des enfants à la garderie avant et après les heures d’enseignement. Cette prise en charge de l’accueil des enfants, distincte des missions d’enseignement, relève bien plus de ces missions que de celles de l’éducation nationale, à laquelle il n’est pas question de substituer les communes.
En ce qui concerne les petites communes situées en zone rurale ou de montagne, je vous remercie, monsieur le ministre, au nom de l’Association nationale des élus de montagne, l’ANEM, et de son président Martial Saddier, que vous avez rencontré, d’avoir repris l’amendement que j’avais déposé avec bon nombre de mes collègues et qui a subi le couperet de l’article 40, comme vient de le rappeler Gérard Longuet. Sans doute avions-nous eu tort d’avoir raison trop tôt !
Cet amendement, très attendu par les maires des petites communes, est destiné à améliorer les conditions de rémunération de ces communes en prévoyant pour elles un forfait minimal. J’y reviendrai lors de la discussion de cet amendement et d’autres visant également à améliorer les conditions d’organisation de l’accueil.
Je tiens à saluer le travail de notre rapporteur, Philippe Richert, dont les propositions améliorent l’équilibre du dispositif. Il était important d’apporter des précisions, notamment en matière de responsabilité, afin de dissiper les craintes des élus locaux, mais aussi en matière de confidentialité pour les personnels enseignants et de qualification des personnes.
Avant de conclure, je tiens à saluer, monsieur le ministre, l’ensemble de votre action au service de l’école, dont l’instauration du service d’accueil n’est qu’une composante.
Les actions que vous avez mises en place, notamment pour lutter contre le fléau de l’échec scolaire, méritent l’estime de tous. Je rappelle que vous avez hérité d’une situation dans laquelle plus de 15 % des enfants accédant chaque année au collège présentent de graves lacunes en lecture, en écriture ou en calcul. Ce sont souvent des enfants issus de milieux modestes ou défavorisés.
Dois-je rappeler, mes chers collègues, qu’un enfant d’ouvrier a dix-sept fois moins de chances de préparer une grande école qu’un enfant d’enseignant ou de cadre supérieur, mais quatre fois plus de risques de connaître l’échec scolaire ?
Contrairement à ce que veulent faire croire certains, cet état de fait n’est pas dû à un manque de moyens. Le budget de l’éducation a doublé en quinze ans et le nombre d’enseignants a augmenté de 40 %, alors que le nombre d’élèves diminuait dans le même temps.
Pour combattre cette situation préoccupante, il était nécessaire d’entreprendre des réformes de fond, que je vous remercie, au nom du groupe UMP, d’avoir engagées.
Je pense notamment à la définition des nouveaux programmes scolaires, qui intègrent les objectifs du socle commun défini par la loi pour l’avenir de l’école, et aux stages de vacances gratuits de remise à niveau dont vous avez eu l’initiative pour les élèves en difficulté de CM1 et de CM2.
Monsieur le ministre, il y a, d’un côté, ceux qui ne cessent d’invoquer dans leur discours l’égalité des chances, l’équité, et qui portent une grande part de responsabilité dans cet échec et, de l’autre, ceux qui, comme vous, agissent sereinement et avec pragmatisme afin d’améliorer la situation.
Mme Jacqueline Gourault sourit
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, le groupe UMP soutiendra évidemment votre projet de loi et s’efforcera de le perfectionner en proposant des amendements constructifs, comme ceux que j’ai mentionnés tout à l’heure.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, correspond à l’intérêt de tous : des parents, qui auront ainsi la garantie de voir accueillis leurs enfants dans des conditions pérennes ; des enfants, qui prendront conscience que l’obligation scolaire doit être respectée tous les jours, y compris les jours de grève, et je n’insisterai jamais assez sur la nécessaire exemplarité des institutions publiques sur la formation de ces jeunes consciences ; des enseignants eux-mêmes, dont les mouvements de grève seront d’autant mieux compris et acceptés qu’ils n’auront pas de conséquences difficiles pour la vie quotidienne des familles ; enfin, de l’éducation nationale dans son ensemble, car les parents seront d’autant moins tentés d’inscrire leurs enfants dans le privé que le secteur public garantira leur accueil permanent dans des conditions dignes d’un vrai service public.
Ainsi, ce projet implique la mobilisation de l’ensemble de la communauté éducative, c’est-à-dire les enseignants, les parents, l’État et les collectivités locales. Dans ce cadre, chacun doit assumer ses responsabilités car, comme le disait Socrate, « le savoir est la seule matière qui augmente lorsqu’on la partage ». Encore faut-il assurer les conditions de ce partage pour en garantir l’accès à tous les enfants !
Votre projet de loi, monsieur le ministre, comme l’ensemble de votre action, y contribuent, et nous vous en remercions.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons une nouvelle fois l’examen d’un texte couvert par l’urgence. Il serait plus juste de parler de précipitation.
Il suffit de voir, pour s’en convaincre, le nombre d’amendements de détail – vingt-sept ! – déposés par votre majorité pour « tenter de limiter la casse » et de rendre ce texte présentable, notamment auprès des maires, et ce après le travail pourtant louable effectué par M. le rapporteur.
De la même façon, ce « droit d’accueil », présenté comme une avancée pour les familles, et mis en place si précipitamment, ne s’appliquerait pas, semble-t-il, dans nos départements et territoires d’outre-mer. Est-ce à dire que ce que vous jugez bon pour les familles et les écoliers de métropole ne le serait pas pour ceux de l’outre-mer ?
Il s’agit bien de précipitation lorsque le Président de la République annonce, le 15 mai, le dépôt avant l’été de ce projet de loi. Au même moment, des milliers d’enseignants, de lycéens et de parents d’élèves manifestaient une nouvelle fois contre votre politique de casse du service public de l’éducation.
Cette décision a été prise alors même que les deux expérimentations du « service minimum d’accueil », réalisées sur la base du volontariat des communes, ont été des échecs : 2 023 communes volontaires, le 24 janvier, et 2 837 communes, le 15 mai, sur les 22 500 communes qui comptent des écoles sur leur territoire.
Par ailleurs, cette décision a été prise sans aucune concertation préalable avec les organisations syndicales, auxquelles vous promettiez pourtant depuis un an une négociation. En guise de négociation, elle se sont vu présenter un projet de loi déjà ficelé depuis le 4 juin lors d’un comité technique paritaire ministériel qui a tourné court.
Alors, autant de précipitation, pour quoi faire ?
Ce texte est dangereux pour trois raisons au moins.
Tout d’abord, il instaure, à côté de l’obligation et de la gratuité scolaires, un prétendu droit d’accueil mettant sur le même plan la continuité de l’enseignement et ce qui sera une garderie.
Ensuite, ce texte restreint le droit de grève des enseignants du premier degré.
Enfin, il porte gravement atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.
Prendre la responsabilité d’introduire dans le code de l’éducation, à côté de l’obligation scolaire et de la gratuité, fondements de notre service public de l’enseignement, ce type de droit d’accueil, constitue une véritable régression. En effet, le droit d’accueil existe déjà de fait, la loi faisant obligation à toute école ouverte d’accueillir les élèves qui s’y présentent. C’est bien pour cette raison que l’usage, en cas de grève, veut depuis toujours que les enseignants avertissent les parents à l’avance, afin de s’assurer qu’aucun élève ne sera laissé sur le trottoir.
Avec ce nouveau « droit d’accueil », vous prétendez garantir aux parents la continuité du service public de l’enseignement. Vous vous appuyez sur l’aspiration bien légitime des parents à vouloir bénéficier de cette continuité et vous prétendez respecter ainsi leur droit au travail : un comble, quand le Gouvernement, dans le même temps, organise la dégradation des droits et des garanties au travail !
Mais peut-être conviendrait-il de s’interroger sur les cas dans lesquels cette continuité n’est plus assurée.
En cas de grève ? Dans le primaire, on ne comptabilise pas plus de trois jours de grève par an, en moyenne, depuis 2000. N’est-ce pas plutôt pour les cas de non-remplacement des maîtres absents que se pose véritablement un problème ? En tout état de cause, c’est sur ce sujet que les parents d’élèves alertent de plus en plus souvent les inspecteurs de l’éducation nationale.
Comment, en effet, ne pas s’inquiéter de la dégradation des conditions de remplacement, liée, notamment, aux suppressions de postes ?
Vous affichez, dans le préambule du projet de loi, la volonté de créer un « droit d’accueil ». Or, dans les dix articles de ce texte, il n’est question que de « service d’accueil ». Il serait d’ailleurs plus juste, vis-à-vis des familles, de parler de « garderie », une garderie qui – et c’est sans doute un des grands dangers que fera courir ce texte, s’il est adopté – sera mise en place dans deux cas de figure : en cas de grève, par les communes, mais aussi, aux termes de l’article 2, par l’État, lorsque les « enseignements ne peuvent pas être dispensés », c’est-à-dire, comme le précise M. le rapporteur, en cas d’impossibilité matérielle de remplacer un enseignant absent.
C’est tout simplement la remise en cause du principe de continuité de la mission de service public de l’école, autrement dit de sa mission d’enseignement.
À l’avenir, dans une même école, des enfants se verront dispenser des enseignements quand leurs camarades dont l’enseignant absent n’a pu être remplacé n’auront plus le droit qu’à être gardés, et évidemment pas par des enseignants.
Vous inscrivez dans la loi la possibilité d’une école à deux vitesses – quelle source d’inégalités ! –, alors que nous devrions être en train de légiférer sur une grande ambition pour l’école et les élèves.
Cette nouvelle mesure est donc contraire à l’intérêt des élèves. Elle vient s’ajouter à la trop longue liste des réformes qui touchent aujourd’hui le premier degré – suppression de la carte scolaire, diminution des horaires d’enseignement, réécriture des programmes, formation des enseignants –, qui, toutes, ont été prises sans réelle concertation et qui participent du démantèlement du service public de l’éducation.
Une telle logique impose bien sûr de briser toutes les résistances ! Nous arrivons donc à l’organisation de la restriction du droit de grève contenue dans ce texte. Sinon, comment comprendre l’introduction, dans le code de l’éducation, via l’article 3, de dispositions qui relèvent du code du travail ? Voilà en tout cas un bel exemple de cavalier législatif !
L’article 3 n’est en fait qu’un « copier-coller » de l’article 2 de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, qui a instauré un service minimum dans les transports. À l’époque, vous aviez déclaré, monsieur le ministre, que cela ne concernerait pas l’éducation nationale.
Bien que vous vous abritiez derrière la décision du Conseil constitutionnel du 16 août 2007 concernant les transports, nous pensons que, avec cet article 3, il y a bien atteinte à l’exercice du droit de grève des enseignants du premier degré.
Ce projet de loi tend à créer une procédure « d’alerte sociale ». Ce pourrait être une bonne nouvelle, tant sont ignorées les revendications des organisations syndicales, notamment sur les suppressions de postes et la réforme des programmes. En réalité, ce processus de négociation préalable, qui n’impose aucune obligation de résultat à l’État en termes de prise en compte des revendications, va conduire à un allongement du temps nécessaire pour le dépôt d’un préavis de grève : onze jours.
L’obligation faite ensuite à toute personne exerçant des fonctions d’enseignements de se déclarer nominativement gréviste au moins quarante-huit heures avant une grève ne constitue pas non plus une avancée démocratique. Elle revient même à ignorer l’usage qui est en vigueur dans le premier degré puisque les enseignants informent toujours les parents au moins trois jours à l’avance de leur intention de faire grève.
Je résume : aux onze jours nécessaires pour le dépôt d’un préavis s’ajoutent les cinq jours francs obligatoires entre le dépôt de ce préavis et la grève.
Les enseignants ne pratiquent pas de grèves sauvages et se mobilisent toujours pour défendre une qualité d’enseignement au service de tous les élèves. Votre objectif, monsieur le ministre, est, en réalité, de décourager les enseignants de faire grève en alourdissant la procédure et en accentuant la pression.
C’est tout le sens de l’article 5 de ce projet de loi, qui tend à inverser la procédure de déclaration de grève. Jusqu’à présent, la loi exige des enseignants qu’ils informent le directeur de leur école et les parents de leur intention de faire grève. C’est ensuite à l’inspecteur de l’éducation nationale de leur circonscription de constater l’état de grève. Désormais, aux termes de l’article 5, « toute personne exerçant des fonctions d’enseignement dans une école maternelle ou élémentaire publique » devra informer « l’autorité administrative, au moins quarante-huit heures avant de participer à la grève, de son intention d’y prendre part ».
Cela posera un problème, car informer son autorité administrative de son intention de prendre part à la grève, cela ne veut pas dire faire effectivement grève. En revanche, c’est être déclaré comme gréviste auprès de l’inspecteur de l’éducation nationale dont on dépend. N’est-ce pas là une façon de mettre dans la loi une pratique de plus en plus usitée consistant à opérer systématiquement, en cas de grève, des retenues sur salaire, à charge pour les non-grévistes de prouver qu’ils étaient bien au travail ?
Les maires connaissent le haut niveau de conscience professionnelle des enseignants de leur commune, ces mêmes maires à qui vous voulez imposer la responsabilité de gérer les conséquences des conflits sociaux avec vos fonctionnaires.
Quid, par ailleurs, du droit de grève des agents territoriaux, qui vont se voir proposer d’endosser la casquette de briseurs de grève ?
Les expérimentations l’ont montré : les maires, de droite comme de gauche, ne veulent pas que ce service leur soit imposé. À Saint-Quentin, dans l’Aisne, commune dont M. Xavier Bertrand, grand militant du service minimum, est maire-adjoint, le maire ne pas l’a pas organisé.
Sourires sur les travées du groupe CRC. – M. le rapporteur pour avis sourit également.
En effet, les maires ont compris que ce texte allait les mettre en danger, financièrement et juridiquement, les deux étant étroitement liés. Le danger financier vient tout simplement du fait que la mise en place de ce « service d’accueil » comporte une inconnue de taille pour les communes : elles seront dans l’incapacité de savoir à l’avance le nombre d’enfants qu’elles auront à accueillir. Elles risquent donc d’engager des dépenses supérieures à la contribution que vous voudrez bien leur accorder.
Retiendrez-vous le forfait de 90 euros par tranche de quinze élèves accueillis, tel qu’il a été appliqué lors de l’expérimentation ? Ce montant est insuffisant, vous le savez : les maires ont rapidement fait le calcul. Nous n’aurons pas le loisir, malheureusement, de débattre réellement de cette « contribution », ainsi nommée dans l’article 8 du projet de loi, puisque son montant, établi en fonction du nombre d’élèves accueillis, et les modalités de son versement seront fixés par décret.
Pourtant, le troisième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, lequel est le garant de la libre administration des collectivités territoriales, prévoit expressément que « toute création… – et c’est bien de cela qu’il s’agit ici – … ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. », c’est-à-dire ici par nous, sénatrices et sénateurs, conjointement avec les députés.
Pour clarifier les choses, nous avions déposé deux amendements à l’article 8 en faveur du versement d’une « compensation intégrale financière », calculée en fonction du « nombre d’enseignants grévistes ». Ces deux amendements ont été rejetés par la commission des finances au motif, bien pratique, qu’ils étaient irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. C’est bien la preuve, monsieur le ministre, que votre « contribution » ne couvrira pas la dépense que ce service occasionnera aux communes.
Après l’article 89 de la loi du 13 août 2004 faisant obligation aux communes de financer les écoles privées, le Gouvernement impose le service d’accueil : c’est une double peine pour les communes, notamment pour les moins bien dotées et les communes rurales.
De plus, au prétexte d’une « grande souplesse offerte aux communes », il n’est fait aucune mention d’un taux d’encadrement minimum dans le projet de loi. Cela a une conséquence directe : cet accueil devra se limiter à une activité de pure garderie.
Que feront donc, toute la journée, les enfants ainsi accueillis ? Le simple fait de lire un livre peut être assimilé à de l’enseignement, celui de jouer avec un ballon, aux loisirs.
À l’article R. 227-16 du code de l’action sociale et des familles est prévue la présence, au minimum, d’« un animateur pour dix mineurs âgés de moins de six ans » et d’« un animateur pour quatorze mineurs âgés de six ans ou plus. » Comptez-vous appliquer ce taux d’encadrement minimum ?
Par ailleurs, qui encadrera les enfants ? Des animateurs ? Pourquoi pas, dans les communes qui en emploient déjà pour leurs centres de loisirs ? Mais qu’en ira-t-il dans les autres, notamment les communes rurales qui ne disposent pas de centre de loisirs et n’auront pas de personnels en nombre suffisant ? Sera-t-il fait appel à des chômeurs ayant refusé plus de deux offres raisonnables d’emploi ?
Selon quels critères seront recrutés les personnels ? De quelle qualification, de quelle expérience disposeront-ils ? Toute personne qui a un jour encadré des enfants sait combien il est difficile de les occuper sans un minimum de préparation et d’expérience. De surcroît, les personnes qui auront la responsabilité de cet accueil devront s’occuper d’enfants qu’elles ne connaissent pas, dont la tranche d’âge peut aller de deux ans à sept ans.
C’est mettre ces personnels dans une situation délicate et c’est prendre le risque d’activités mal maîtrisées.
Et dans quels « locaux » seront accueillis les enfants ? Les classes ? Mais il ne s’agit pas de leur dispenser des enseignements. Dans la salle du réfectoire, dans le préau, dans la cour ? Sur ce point, le texte reste évasif : il n’y est question que des « locaux des écoles maternelles et élémentaires publiques ».
Là encore, les communes rurales se trouveront dans l’impossibilité matérielle d’organiser ce service, a fortiori quand elles ne disposent plus d’école en propre sur leur territoire. Cela faisait dire à juste titre à l’ancien président de l’association des maires ruraux de France, Gérard Pelletier, que ce service est tout simplement « inapplicable » dans les petites communes.
Or, faire basculer la mise en place de ce service avec un taux de gréviste de 10 %, voire de 20 %, c’est l’appliquer dans quasiment toutes les écoles.
Enfin, de quels matériels les maires disposeront-ils pour assurer cet accueil ? Ils devront investir !
Sur aucun de ces points il n’est apporté la moindre précision dans le projet de loi. Ils sont pourtant essentiels et ne peuvent être laissés au hasard quand on prétend « instaurer un droit d’accueil ».
Ce taux d’encadrement, que vous refusez de définir dans la loi, va directement mettre en jeu la responsabilité pénale et civile du maire. En effet, en cas d’accident et de mise en cause devant les tribunaux, cette question de l’encadrement se posera, et c’est le juge qui tranchera en s’appuyant sur la jurisprudence.
Les maires ont donc raison à plus d’un titre de s’opposer à ce texte inutile, dangereux, démagogique et attentatoire à ce qui fonde notre service public de l’enseignement. C’est pourquoi le groupe auquel j’appartiens se prononcera contre.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise à créer un nouveau droit pour les familles et une nouvelle charge pour les communes.
Tout l’enjeu est de faire en sorte que la mise en œuvre de ce droit et de cette charge s’opère en bon équilibre, sans créer de sentiment de frustration ou d’opposition. Je suis convaincue que cela peut se faire, notamment grâce aux propositions de notre rapporteur, M. Philippe Richert.
Ce service d’accueil des élèves en cas de grève des enseignants des écoles maternelles et élémentaires publiques est, en effet, accueilli favorablement par un grand nombre des familles.
Selon le sondage exclusif réalisé les 6 et 7 mai dernier par le CSA pour le Parisien-Aujourd’hui en France et I-Télé, 60 % des Français estiment qu’il s’agit d’une « bonne » initiative. Ce pourcentage atteint 69 % chez les femmes, celles-ci étant souvent les premières à devoir organiser la garde de leurs enfants.
Les Français ont fait état, çà et là, dans la presse, de leur « soulagement » de n’avoir plus enfin à se poser cette sempiternelle question : « Qui va garder les enfants ? »
Je me permets de reprendre les propos d’une de nos concitoyennes, publiés sur le site d’un quotidien du soir. Ils résument parfaitement bien la position de beaucoup de Français et les problèmes rencontrés par les parents : « Discussions familiales pour savoir qui garde, discussions sur son lieu de travail pour poser un jour de congé, perte d’un vrai jour de vacances choisi, perte de rémunération, perte de contrat, de clients, modification du planning de rendez-vous, rattrapage du retard... À chacun sa liste, mais elle peut être longue. Je suis dans une région où les entreprises sont principalement des TPE et PME et, à la différence des très grandes entreprises, où les absences arrivent à être diluées dans la masse, les absences non planifiées portent, dans les entreprises de petite taille, préjudice aux salariés et aux employeurs. Ce service est indispensable ! ». Tout est dit !
J’irai même plus loin : ce dispositif d’accueil est crucial pour toutes les femmes qui élèvent seules leurs enfants, pour toutes les familles, tout particulièrement pour les familles modestes quand elles ne peuvent compter sur la solidarité familiale.
Les premiers à être conscients de ces difficultés sont bien les maires. « Nous sommes des gens pragmatiques et nous n’apprécions pas d’être confrontés à des parents sur les nerfs », déclare l’un d’eux. « C’est un service que j’aurais rendu de toute façon », indique un autre.
En effet, en cas de grève d’enseignants ou de fermeture d’école, nombreux sont les maires qui, depuis plusieurs années, proposent aux parents des solutions de remplacement telles que l’embauche de vacataires ou l’accueil dans les centres de loisirs et les garderies de la commune.
Le présent projet de loi prévoit donc de généraliser ce service d’accueil à l’ensemble du territoire.
Les maires demandent des garanties juridiques et financières pour assumer, de façon optimale, la mise en place et l’organisation de ce dispositif. Ils ont raison !
Les amendements qui seront défendus par notre rapporteur permettent d’apporter une première réponse à leurs justes revendications. Cinq propositions retiennent plus particulièrement mon attention.
Il s’agit, d’abord, pour l’organisation de ce service d’accueil, de l’affirmation d’une compétence de principe de l’État et d’une compétence par exception pour les communes.
J’évoquerai ensuite le relèvement du seuil d’intervention de la commune – apprécié école par école – pour le porter de 10 % à 20 % de grévistes. Peut-être conviendra-t-il de l’augmenter encore.
Je mentionnerai également la constitution, très en amont, par les communes, d’un fichier de personnels qualifiés pouvant être mobilisés à l’occasion de la mise en place de ce service d’accueil.
Je citerai encore la subrogation de l’État dans les droits des communes en cas de dommage commis ou subi par un élève du fait de l’organisation ou du fonctionnement du dispositif.
Il s’agit, enfin, du versement par l’État aux communes d’une réelle compensation financière.
Les maires réclament surtout plus de souplesse, une plus grande latitude dans la mise en œuvre de ce dispositif. Là encore, ils ont raison. L’organisation d’un tel service doit être décidée librement par chaque commune ou chaque communauté de communes, en fonction des contingences locales et des besoins de familles, comme c’est déjà le cas dans certaines villes. Telle est la position que défend l’Association des maires de France, par la voix de son président, M. Jacques Pélissard, et nous souhaitons y faire écho.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce stade de mon intervention, je tiens à dire combien je regrette que nous nous soyons plutôt focalisés sur la création de ce service public et que nous ayons assez souvent passé sous silence celle de la procédure de négociation obligatoire et préalable à tout mouvement de grève.
Cette disposition est extrêmement importante puisque ce n’est qu’en cas d’échec de ces pourparlers qu’il y aurait mouvement de grève, avec l’obligation pour l’enseignant de déclarer à sa hiérarchie, quarante-huit heures avant, son intention d’y participer, de manière que puisse être connue à temps la nécessité d’organiser l’accueil des enfants.
Concernant cette obligation de déclaration préalable, le projet de loi n’innove pas vraiment. En effet, depuis toujours, lorsqu’un enseignant soucieux de la sécurité de ses élèves décide de suivre un mot d’ordre de grève, il en informe généralement les familles à l’avance, pour leur permettre de s’organiser. Il choisit de le faire par un mot dans le carnet de correspondance et vérifie le lendemain que son message a été lu par les parents. Tout cela prend environ quarante-huit heures, soit le délai prévu dans le projet de loi.
Avec ce texte et les propositions de la commission, une situation de grève au sein des écoles publiques du premier degré pourra être abordée de manière plus sereine, et ce pour les deux parties. Surtout, je suis persuadée que les Français, moins « englués » dans leurs problèmes pratiques, porteront, de ce fait, plus d’attention aux revendications du corps enseignant.
Par conséquent, monsieur le ministre, le groupe de l’UC-UDF, dans sa grande majorité, apportera son soutien à votre projet de loi.
Applaudissements sur les travées de l ’ UC-UDF et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi démagogique parce qu’inapplicable sur le terrain pour la majorité des communes disposant d’au moins une école publique, sans même parler des regroupements pédagogiques intercommunaux.
Dès le mois de janvier dernier, monsieur le ministre, l’Association des maires ruraux de France vous alertait sur le point suivant : aucune commune rurale ne dispose de personnel communal en réserve pour assurer un service minimum en cas de grève. De même, l’Association des maires de France estime que les 20 000 communes de moins de 2 000 habitants, sur les 22 500 communes abritant une école publique du premier degré, ne seront pas en mesure de mettre en œuvre ce texte.
En réalité, vous prenez les communes en otages, d’autant qu’il s’agit, pour elles, non pas d’une faculté, mais bien d’une obligation. Mais peu vous importe ! Vous avez réussi votre opération de communication : laisser croire aux parents que vous aviez réglé la question. De toute façon, si cela ne fonctionne pas, c’est aux communes, et non au Gouvernement, que les parents demanderont des comptes. C’est tout bénéfice pour vous !
Ce projet de loi est également démagogique parce qu’il vise un objectif tout autre que celui de l’accueil des élèves de maternelles et de primaires les jours de grève. Le Gouvernement a fait preuve d’un enfermement idéologique certain et de visées cachées, pour faire d’un tel accueil le terrain d’un affrontement. Vous avez ainsi opposé parents et enseignants, enseignants et fonctionnaires territoriaux, en laissant entendre que ceux de ces derniers qui assureront le service d’accueil seraient payés par les retenues de salaires des grévistes. Ce faisant, vous avez pris les communes en otages.
Or, bien souvent, en cas de grève, les enseignants s’organisaient entre eux pour accueillir, dans leur propre classe, les enfants pour lesquels les parents n’avaient aucune autre solution. Il s’agit pour moi non pas de nier la gêne subie par les parents, mais de redonner à ce problème sa juste proportion. En effet, lorsqu’on interroge les parents sur les absences les plus gênantes à leurs yeux, ce ne sont pas celles qui sont dues aux grèves qu’ils mentionnent en premier, ce sont bien les jours d’enseignement perdus en raison des non-remplacements d’absences, y compris celles qui étaient pourtant prévues.
Plus que les jours de grève, ce sont ces remplacements non assurés qui mettent en cause la qualité du service public de l’éducation au quotidien, et les parents y sont particulièrement sensibles.
Si l’article 2, en instituant un service d’accueil généralisé en cas d’absence, ne portait pas une atteinte grave à notre service public d’enseignement scolaire, je saluerais la prévoyance du Gouvernement, car ce dernier sait pertinemment qu’il aura de moins en moins de moyens pour assurer les remplacements. Nous avons tous en tête les suppressions massives de postes : 11 200 en 2008, 17 000 annoncées en 2009.
Parallèlement, souvenons-nous de la série de jugements rendus en 2003 sur ce sujet par le tribunal administratif de Versailles, jugements qui l’ont conduit à affirmer qu’il est du devoir de l’État d’assurer le remplacement des professeurs absents. Dans les onze affaires jugées, le tribunal a condamné l’État à verser aux parents d’élèves plaignants des sommes comprises entre 150 et 450 euros, selon le nombre d’heures de cours non dispensées.
Voici ce que, chaque fois, le tribunal a jugé : « La mission d’intérêt général d’enseignement impose [à l’État] l’obligation légale d’assurer l’enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites aux programmes. Le manquement à cette obligation légale [...] est constitutif d’une faute de nature à engager [sa] responsabilité [s’il se poursuit] pendant une période appréciable ». Quant au « manque de crédits budgétaires allégué par le recteur de l’académie de Versailles ou les démarches qu’il aurait mises en œuvre », ils « ne sauraient exonérer l’administration de la responsabilité qui lui incombe », ont estimé les juges.
Voilà bien ce que le Gouvernement entend éviter à l’avenir, en substituant un droit d’accueil, un service de garderie en somme, à la continuité du service public d’enseignement. L’État ne sera plus contraint de remplacer un enseignant par un autre. Ajoutons qu’il n’est nullement précisé dans cet article à qui incombe ce service d’accueil. Dès lors, il n’est pas injustifié d’y voir un nouveau moyen pour le Gouvernement de se défausser de ses responsabilités sur les collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, tel est le réel objectif de ce texte.
La ligne de votre politique, c’est l’habillage de la pénurie. Pour s’en rendre compte, il suffit de remettre vos mesures en perspective.
Vous annoncez l’amputation de deux heures de l’horaire hebdomadaire de travail des élèves. Comment peut-on croire que c’est en travaillant moins que l’on fera mieux ? Comment les enseignants parviendront-ils à réaliser en classe ce qu’ils n’arrivaient pas à faire avec deux heures en moins ?
Vous prônez le recentrage sur les fondamentaux en primaire, caractéristique de cette école du « retour » que votre majorité met en place depuis la publication du rapport Thélot, de cette école d’« avant-mai 68 », d’avant la massification, de cette école d’antan largement mythifiée, alors qu’elle n’était destinée qu’à une élite.
Vous défendez la suppression de l’année de formation professionnelle des futurs enseignants, celle qui justement leur permet de développer et d’adapter leurs capacités pédagogiques, pour pouvoir faire comprendre aux élèves ce qui ne l’a pas été une première fois. Selon vos propres termes, il s’agit « d’en finir avec trente ans de pédagogisme qui a laissé croire qu’on pouvait apprendre en s’amusant ».
Cela va à l’encontre de la professionnalisation des enseignants, et, malgré ce que vous semblez croire, il ne suffit pas d’avoir des connaissances pour savoir les transmettre.
Vous proposez la création d’une agence de gestion des remplacements des enseignants en faisant appel à des non-fonctionnaires, parce que l’État n’est plus en mesure d’assurer les remplacements avec ses propres personnels du fait des réductions d’effectifs.
Cette gestion de la pénurie est au service d’une idéologie claire, à savoir la mise en œuvre, en totale rupture avec la continuité républicaine française, du libéralisme éducatif : ciblage de l’individu et rejet de la dimension collective ; culte de la performance de l’individu et des établissements avec parution d’un hit-parade dans la presse ; suppression de la carte scolaire et renforcement de la ghettoïsation.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, qui conduit à un affaiblissement des objectifs éducatifs et à un glissement dangereux des missions de l’école, participe de cette orientation. Ce qui est en jeu va bien au-delà de l’idée d’accueil des enfants en cas de grève. On franchit aujourd’hui, subrepticement, une étape supplémentaire avec le dévoiement de la mission d’éducation de l’école. Par là même, vous leurrez les Français sur l’objectif visé.
Lorsqu’un professeur sera absent, et non pas en grève, quel que soit le motif de cette absence, les enfants seront désormais en garderie, et non plus en train d’apprendre en classe avec un enseignant remplaçant parce que, faute de moyens, l’État aura refusé d’assumer sa mission de service public d’éducation.
Monsieur le ministre, si l’on avouait la triste réalité de votre projet aux parents, pas un seul ne le soutiendrait. Vous les avez bien bernés !
Vous concevez l’institution scolaire comme un service dont l’objet est de satisfaire, à court terme, ses usagers, au détriment de sa mission éducatrice, civilisatrice et émancipatrice et de ses valeurs. Ce n’est pas notre conception du service public de l’éducation.
Certes, les travaux menés par la commission l’ont conduite à proposer un certain nombre d’évolutions, mais, pour l’instant, nous nous en tenons aux dispositions du projet de loi et aux perspectives qu’il ouvre. Nous attendons de voir le sort réservé aux amendements par la majorité, car certaines propositions font débat, y compris en son sein, pour nous prononcer définitivement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens en lieu et place de mon collègue Yves Détraigne, qui ne peut être présent parmi nous ce matin. Par conséquent, je m’efforcerai de vous présenter le plus clairement possible à la fois son point de vue et le mien !
Je tiens à aborder ce projet de loi de manière positive, sans opposer les particularismes des uns à ceux des autres, la plaine à la montagne, les frontaliers à ceux du centre, et surtout pas le privé au public ! Je regrette d’ailleurs que M. Carle ne soit plus là, car je souhaitais dire en sa présence qu’il faut vraiment nous garder de rallumer, comme c’est trop souvent le cas, et comme lui-même l’a fait tout à l’heure, cette guerre stérile à partir de détails.
Monsieur le ministre, je formulerai plusieurs remarques.
Tout d’abord, cela a été rappelé à plusieurs reprises, il faut avoir bien conscience que les maires ont été choqués par la manière dont cette réforme a été engagée.
Dans de nombreux endroits, le service d’accueil dans les communes existe.
Voilà longtemps que les maires prennent et assument leurs responsabilités en décidant ou non, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales, d’accueillir les élèves les jours de grève des enseignants.
D’ailleurs, si seulement 2 870 maires ont répondu favorablement à votre demande d’expérimentation du service minimum d’accueil lors de la grève de janvier dernier, les communes qui ont assuré un tel service étaient en réalité beaucoup plus nombreuses. En effet, celles qui ont déjà l’habitude de mettre en place ce système ne se sont pas fait connaître ce jour-là.
Par conséquent, le premier élément à souligner, c’est le respect que l’on doit aux collectivités territoriales et aux maires qui savent assumer leurs responsabilités, en cas d’absence d’enseignants, pour ne pas laisser les enfants tout seuls dans la nature. Quoi qu’on en dise, il existe souvent une bonne coordination entre les maires, les directeurs d’école et les enseignants.
Je tenais à le rappeler pour faire un sort à cette idée selon laquelle on aurait inventé là quelque chose d’extraordinaire, de totalement inédit !
Comment s’étonner que les parents d’élèves interrogés sur le point de savoir s’ils sont intéressés par une solution pour faire garder leurs enfants les jours de grève répondent par l’affirmative à 80 % ? Je vous le dis gentiment et posément, monsieur le ministre : si l’on sondait les parents sur la suppression d’une classe, je suis sûre qu’ils seraient contre à 80 % !
Le 17 juin 2008, très récemment donc, Jean-Pierre Raffarin faisait remarquer que nos concitoyens n’acceptent plus que les projets de loi soient préparés dans les cabinets ministériels. Je vous l’accorde bien volontiers, monsieur le ministre, il n’est pas du tout certain que cette idée ait germé dans votre cabinet ! Mais je crois qu’il aurait mieux valu ne pas légiférer sur ce sujet. En vérité, je ne comprends pas pourquoi on légifère pour mettre en place ce système d’accueil !
En effet, contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, je considère qu’on déplace la frontière entre le domaine régalien et la sphère d’intervention des collectivités locales. Je m’explique : dès lors qu’on légifère sur le droit de grève, en l’espèce celui des personnels enseignants, on entre dans le domaine régalien. Car de quoi s’occupent les maires ? De la cantine, du périscolaire, de ce qui se situe en amont et en aval de la classe, mais en aucun cas de l’enseignement ! Ils se conforment ainsi aux principes de l’école de la République, si souvent vantée tout à l’heure, l’école de Jules Ferry… aujourd’hui celle de Xavier Darcos.
Sourires
Et voici qu’on déplace cette frontière en proposant de faire intervenir les collectivités locales dans le champ de l’enseignant, gréviste ou non-gréviste. C’est un problème de fond, monsieur le ministre !
Cela me rappelle l’époque où Lionel Jospin, ministre de l’éducation nationale, avait décidé qu’une langue étrangère serait enseignée dès le primaire ; cela a d’ailleurs perduré. Le ministère de l’éducation nationale n’ayant pas les moyens de rémunérer tous les enseignants, on avait demandé aux collectivités locales de payer des intervenants.
Bien évidemment, vous vous en souvenez, certaines collectivités pouvaient le faire et d’autres pas. On avait ainsi créé une inégalité entre les écoles.
Il faut toujours veiller à ce que l’État assume ses missions régaliennes et à ce que les collectivités locales assument les leurs.
Voilà pourquoi, moi, je m’interroge sur l’opportunité de légiférer dans ce domaine, et je tenais à le dire.
Si vous aviez engagé une concertation avec les collectivités locales, si vous aviez procédé par voie réglementaire, mon jugement aurait peut-être été différent. Mais, à partir du moment où on légifère, on institue des contraintes, et, en l’occurrence, dans un domaine qui n’est pas celui des collectivités territoriales.
Or, je le redis, à cet égard, les collectivités territoriales savent, le plus souvent, assumer leurs responsabilités. Pourquoi donc changer un système qui a fait ses preuves ? C’est ce qui m’interpelle.
Quant à Yves Détraigne, il souhaitait vous poser, monsieur le ministre, des questions très précises. Comment un maire va-t-il pouvoir s’y prendre ? Avec quels personnels ? Vous avez plus ou moins répondu sur ces aspects. Il voulait cependant évoquer plus particulièrement le cas des petites communes rurales, dans lesquelles le personnel chargé de l’accueil des enfants le matin et le soir occupe souvent un autre métier dans la journée. Où ces communes vont-elles trouver le personnel assurant l’accueil tout au long de la journée ?
Yves Détraigne m’a également chargée de soulever le problème du financement et des compensations par l’État. Êtes-vous sûr, monsieur le ministre, que les 90 euros que vous nous proposez pour quinze enfants accueillis seront suffisants pour faire face à l’ensemble des charges et contraintes que l’État va imposer ?
Quelle est, par ailleurs, la responsabilité des élus en cas de problème dans l’enceinte scolaire aux heures d’école ?
Enfin, le projet de loi fixant le seuil de déclenchement du dispositif à partir de 10 % d’enseignants grévistes, que va-t-il se passer dans les écoles – et ce sont de loin les plus nombreuses ! – qui comptent beaucoup moins de dix enseignants ? Va-t-on demander aux enseignants en grève de mettre en place un service d’accueil, alors que, jusqu’à présent, leurs collègues prenaient en charge leurs élèves ?
Yves Détraigne a en outre déposé un amendement pour rendre ce droit d’accueil facultatif plutôt qu’obligatoire. J’ai noté, monsieur le ministre, que vous n’en aviez pas parlé. Je crois, moi aussi, qu’il faut, dans ce domaine, aborder les choses avec le plus de souplesse possible et laisser plus de liberté aux collectivités territoriales.
En guise de conclusion, puisque nous vous avons, si j’ose dire, « sous la main », je vous pose une question marginale : qu’en est-il de la carte scolaire ?
Applaudissements sur le banc des commissions, ainsi que sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici un texte de loi qui prétend mettre en place un service d’accueil dans les écoles. En fait, voici un texte qui causera, dans le cas où l’on réussirait à l’appliquer dans les communes – et c’est loin d’être gagné, je le montrerai par la suite – un nombre incalculable de contentieux en tous genres.
Voici un texte qui a pour conséquence immédiate d’exploiter le sentiment des parents d’élèves en montrant du doigt les enseignants et en faisant porter sur les communes la responsabilité d’un éventuel échec de la politique d’éducation du Gouvernement. Habile, monsieur le ministre !
Mais gouverner, bien que ce soit la méthode de M. Sarkozy, ce n’est pas dresser les Français les uns contre les autres. Le cynisme du diviser pour régner a quand même ses limites, avouez-le !
La méthode que vous avez choisie est, en effet, démagogique, l’objectif réel est bien éloigné de l’objectif officiel. Je crains que le résultat ne soit largement contre-productif, et d’abord pour les enfants.
Je commencerai par revenir sur la genèse de votre projet.
L’idée de départ, à savoir réutiliser les retenues sur salaires des enseignants grévistes pour les remplacer au pied levé par des personnels non qualifiés et non habilités à enseigner, n’est pas acceptable. Elle est même douteuse et malsaine, tout autant qu’elle est floue et peut-être anticonstitutionnelle, ainsi que nous tenterons de le prouver.
Vous avez commencé, monsieur le ministre, le 8 janvier, par adresser une lettre aux maires leur annonçant qu’ils pourraient à loisir organiser ce service de garderie « sur la base du volontariat ».
Jusqu’à la fin du mois de janvier, vous évoquiez donc le volontariat et la concertation ouverte avec les syndicats d’enseignants. Vous proposiez ainsi aux communes qui le souhaitaient une convention de trois ans moyennant un dédommagement financier, annoncé par décret. Il s’agissait de la phase expérimentale de votre projet de service minimum d’accueil dans les écoles.
Cependant, dès le 24 janvier, cette expérimentation dans les communes volontaires apparaît, il faut bien le dire, comme un échec cuisant. En effet, vous vous félicitez des quelque 2.000 communes qui ont joué le jeu en janvier, mais ce n’est pas sérieux ! Rappelons que, sur les 36 000 que compte la France, cela représente quelque 5 % de communes volontaires. Vous nous dites : ça marche ! Évidemment, puisqu’elles étaient volontaires ! Mais quelle garantie avez-vous concernant les 95 % restants ?
Et, franchement, il n’était pas nécessaire de faire un sondage pour savoir que les parents préfèrent pouvoir faire garder leurs enfants ! Ils sont comme les enseignants, qui préféreraient ne pas être obligés de faire grève !
Devant cet échec, vous décidez d’abandonner, et c’est logique, la méthode du volontariat et de contraindre par la loi. C’est plus sûr, je l’avoue ! En effet, aucune dépense à la charge de l’État ou d’un établissement public à caractère national ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu’en vertu d’une loi, selon le code général des collectivités territoriales.
Cependant, au vu de l’ampleur du projet, de la véritable « usine à gaz » que vous proposez aux communes, aux fonctionnaires de l’éducation nationale et aux parents d’élèves, on aurait imaginé qu’entre-temps vous engageriez de véritables concertations, ainsi que des négociations. Une simple consultation aura suffi. Tout est déjà décidé ! Et puis, comme d’habitude, quand il s’agit de légiférer, c’est toujours l’urgence. Pour quelle raison ? Est-ce bien la continuité du service public qui est votre priorité ? N’est-ce pas plutôt la tentative de faire plier les salariés du service public d’éducation en s’attaquant à leur droit de grève ?
Je vous l’ai déjà dit, monsieur le ministre, si vous voulez satisfaire les fédérations de parents d’élèves, les enseignants et leurs syndicats ainsi que les enfants et éviter les conflits, il faut mettre en œuvre une politique qui évite les grèves plutôt que tenter de les contrer.
Rappelons tout de même que, sur une scolarité normale, un enfant perd une année entière du fait de la mauvaise organisation des remplacements d’enseignants et d’absences, dont les causes sont multiples. Sur ce total, le nombre de jours de grève est marginal, vous le savez.
Remplacement de congé maternité, obligations dues aux responsabilités syndicales, maladie, stages pédagogiques... Les absences sont régulières, normales, mais doivent être gérées par l’éducation nationale dans le cadre de la continuité du service public. La voilà, la continuité du service public d’enseignement ! Nous sommes tout à fait d’accord sur ce principe !
Mais que faites-vous pour assurer ces remplacements ? Les non-remplacements augmentent au fur et à mesure que vous supprimez des postes. En cas de grève – mais est-ce uniquement en cas de grève ? -, vous proposez de remplacer le personnel enseignant par un personnel d’urgence, non enseignant et souvent non qualifié, du niveau d’un encadrant de centre de loisirs sans hébergement ou de centre périscolaire. Je vous en prie, ne parlez pas de continuité du service public !
En l’occurrence, vous le remplacez par de la garderie ou de l’animation éducative. Il n’y a pas continuité du service public d’enseignement. Au contraire, il y a rupture !
Votre objectif, malheureusement, est bel et bien de limiter le droit de grève des enseignants. Cependant, lorsque les grèves sont organisées, elles le sont dans le but de préserver, de défendre et d’améliorer le service public et son école. Comment oser prétendre que les enseignants font grève pour autre chose que l’intérêt commun ?
Certes, les enseignants, comme tous les salariés, font aussi grève pour défendre leurs intérêts catégoriels ; mais ils font aussi grève parce qu’ils se préoccupent du contenu de leur mission de service public. Et cela est tout à leur honneur !
S’il y a un service d’accueil à l’école, il doit être de la responsabilité civile et pénale – je dis bien : et pénale ! – de l’État. Pourquoi une défaillance dans le service public de l’État ferait-elle porter de nouvelles charges sur les communes ?
Votre projet de loi est, de surcroît, inapplicable pour de nombreuses communes qui ne disposent pas de personnels suffisants, même non qualifiés. Avez-vous pris conscience du déploiement d’activités que vous allez imposer aux communes dans des délais d’urgence ? Désorganisation des services, embauche de personnels occasionnels. Et les cantines, ouvertes ou fermées ? Et les transports scolaires ?
Bref, cela risque d’être, permettez-moi de le dire simplement, un « joyeux bazar ».
Votre gouvernement prend régulièrement en exemple les modèles nord-européens pour leur faible taux de chômage, leur fort taux de réussite scolaire. Mais, justement, dans ces pays, la syndicalisation de tous les personnels est maximale ! Et c’est dans la concertation permanente que gouvernements et représentants du public et du privé avancent, ensemble.
Il faut le comprendre : vous n’atteindrez pas les mêmes objectifs sans méthode. En optant pour des méthodes de sape et de division du monde syndical, vous n’obtiendrez pas de meilleurs résultats des élèves de l’école publique. Une seule méthode est la bonne, le dialogue. Mais cette méthode, votre gouvernement ne sait pas la pratiquer, ou ne veut pas l’utiliser.
Pour cette raison, monsieur le ministre, nous ne pourrons que nous opposer à votre projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, faire grève, c’est refuser d’accomplir sa mission, collectivement et de façon organisée, en toute visibilité, quitte à entamer sa rémunération mensuelle et au risque de perturber les usagers ou les bénéficiaires du service que l’on assure.
Cette perturbation porte en elle, de la part de ses initiateurs, non pas la volonté de nuire, mais l’espoir que la gêne suscitée mettra en évidence, d’une part, la nature de leur mission et son côté indispensable et, d’autre part, les raisons du conflit ou les causes de leur mécontentement.
Or ce droit, acquis depuis 1946, inscrit dans la Constitution française et utilisé selon les pays avec plus ou moins de goût pour la négociation préalable, a vacillé avec l’émergence de la notion de service minimum.
C’est dans les transports, où les grèves laissent des milliers d’usagers en panne – et les médias s’attachent plus à détailler leur détresse qu’à expliquer les causes précises du débrayage –, qu’a commencé à être mis en œuvre ce principe. Au moins les trains sont-ils encore conduits par des cheminots et non par des quidams recrutés en ville !
Sourires.
L’habillage social du texte, après la provocante annonce du Président de la République, au lendemain de la grève des enseignants, pourrait faire illusion : nous avons tous été des parents actifs de jeunes enfants, plus ou moins désemparés à la veille de la fermeture d’une classe pour cause de grève. Et nous n’étions pas de ces fortunés dont la nounou était mobilisable !
Toutefois, nous avons aussi été des parents avertis par des maîtres grévistes soucieux de ne pas nous prendre au dépourvu ; des parents observant les maîtres présents se partager les élèves ; des parents organisés se répartissant les enfants ; des parents solidaires, aussi, qui constataient que les enseignants se mettaient rarement en grève et se mobilisaient plus souvent contre l’alourdissement des effectifs ou la suppression de filières que pour leur propre salaire, pourtant peu élevé.
Monsieur le ministre, quand, dans votre présentation de ce projet de loi, vous affirmez vouloir placer « l’intérêt de l’enfant au-dessus des contingences » – y compris les conflits et les grèves –, vous présentez les mouvements enseignants comme étant de nature exclusivement corporatiste et sous-entendez qu’ils seraient, par définition, opposés aux intérêts de l’enfant. Pour notre part, nous affirmons que les grèves menées pour la sauvegarde d’une classe, par exemple, vont dans le sens des intérêts de l’enfant. La preuve en est que les parents les accompagnent.
Nous avons entendu les orateurs de la majorité évoquer « les parents qui ont les moyens de faire garder leurs enfants » ou souligner que « ce sont les familles qui payent jusqu’à présent ». Or, d'une part, tout service rendu n’est pas marchand et les liens entre voisins sont d’un autre ordre ; d'autre part, dans votre dispositif, ce sont toujours les familles qui payent, à travers leurs impôts.
Qu’observons-nous, aujourd'hui, nous parlementaires ? Que, sous couvert de rendre aux parents un service que vous auriez pu judicieusement confier aux affaires sociales, c’est la mission même de l’école que vous modifiez. Ce ne sera désormais plus seulement d’éducation, mais aussi d’accueil que traitera le code de l’éducation.
Vous envoyez aux parents le message selon lequel, du pilier du savoir initial qu’est l’école, endroit où se partage et se transmet la connaissance, on fait désormais un lieu pratique, où l’on dépose les enfants, que des enseignants soient ou non présents. Ce n’est pas rien !
On aurait pu imaginer que vous organisiez pour les parents un service social commode, mais qui n’émane pas de l’instruction et de l’éducation publiques. Or vous avez préféré étendre de façon subsidiaire le rôle de l’école. Le message n’est pas anodin !
Au passage, bien sûr, vous affaiblissez le mécanisme de la grève, dont la gêne qu’elle suscite, c'est-à-dire l’éducation qui n’est pas dispensée, risque, hélas, pour certains parents – sans doute ceux dont les enfants en auraient le plus besoin – de peser bien peu au regard de la facilité créée par l’accueil.
Il s'agit aussi d’un signal symbolique fort pour les enfants : ceux-ci peuvent aller à l’école pour être simplement « gardés ».
Dans certains pays d’Amérique latine, ce rôle d’accueil est pris au sérieux. Il n’est pas un palliatif, mais une mission permanente, à côté de l’éducation, qui comprend le suivi sanitaire, de modestes apports vestimentaires, le matériel et une nourriture suffisante et équilibrée.
Nous avons bien compris que telle n’était pas l’ambition du Gouvernement, qui a même accusé les collectivités de réaliser des dépenses inutiles quand elles achètent des livres, et qui, dans ce texte, n’a même pas évoqué le problème de la cantine !
Le présent projet de loi reflète bien toutes les motivations qui ont animé le Gouvernement : rendre l’accueil obligatoire, mais en se déchargeant sur les collectivités, au risque que le dispositif ne puisse être mis en œuvre, ou alors à des coûts accrus, et que des problèmes de responsabilité se posent ; susciter, à la hâte, une vague dynamique de négociation préalable, dont l’absence a plus souvent été le fait de l’employeur que des syndicats ; contraindre les enseignants à déclarer de façon anticipée leur intention de faire grève, au risque d’une rupture d’anonymat. Ces deux dernières dispositions risquent d'ailleurs de transgresser la convention n° 87 l’Organisation internationale du travail sur le droit de grève.
Le rapporteur, dont on peut saluer la célérité – la déclaration d’’urgence est tellement devenue notre lot habituel que je m’étonne que la révision de la Constitution n’en ait pas fait la procédure de droit commun ! –, ainsi que le talent, …
… tant il s’est attaché à combler par ses propositions toutes les failles du texte, n’est cependant pas parvenu à en faire un projet exempt d’arrière-pensées ultralibérales.
Souriressur les travées de l’UMP.
S’il ne s’agissait que du confort des parents, il y a bien d’autres domaines où le Gouvernement aurait pu s’investir : les crèches, les centres aérés, le budget de la jeunesse et des sports, les animateurs de quartiers ou en milieu ouvert, les lieux de vie culturelle, sportive et sociale.
À la place, c’est un texte à risque qui nous est soumis : dans sa rédaction actuelle, ce projet de loi permettrait à l’État d’ordonner aux maires, sans la garantie d’une juste compensation, de placer les enfants sous la surveillance de personnes choisies au pied levé, pour peu qu’elles soient disponibles, quitte à démobiliser la solidarité parentale ou l’organisation interne de l’école, ou à conduire des étudiants – auxquels on demanderait seulement d’être titulaires du BAFA, le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur – à s’absenter de l’université.
Qui plus est, le texte proposé par l’article 2 de ce projet de loi pour l’article L. 133-1 du code de l’éducation introduit la perspective d’un accueil des élèves en toutes circonstances en cas d’absence du maître, sans même avoir épuisé toutes les voies de la recherche d’un enseignant remplaçant. Faut-il prendre ce texte à la lettre et comprendre que la commune se trouve désormais tenue d’organiser l’accueil lorsque l’enseignant en congé pour maladie n’est pas remplacé ?
Rien n’est dit de l’organisation du travail des bénévoles sous le même toit que les autres enseignants. Quelle animation sera mise en œuvre ? Et sous quelle autorité hiérarchique ?
Une fois de plus, la spontanéité ultralibérale du Président de la République a déclenché une chaîne de décisions hâtives, au risque d’agir dans la précipitation, avec, pour ce qui est de la communication, le traditionnel habillage social – « aider les parents » –, qui dissimule mal la volonté de fragiliser ceux qui se battent pour la qualité de l’éducation.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour des raisons de principe, ce projet de loi n’est pas acceptable pour notre groupe.
Avec ce texte, en effet, on franchit un seuil qualitatif dans le processus bien rodé de défausse de l’État sur les collectivités locales. Il ne s’agit plus seulement de transférer des compétences approximativement compensées ou d’accompagner l’État à la limite de ses missions scolaires, par exemple avec des actions périphériques d’accueil, mais, ni plus ni moins, d’intervenir durant le temps scolaire et dans des locaux scolaires, en même temps qu’y sont délivrés des enseignements, pour remédier à l’incurie d’un ministère incapable de prévenir et de gérer les conflits avec ses fonctionnaires.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : charger les maires, sous leur responsabilité et à prix cassés, de régler les difficultés créées par l’impéritie du ministère, qui est incapable de s’occuper de ses fonctionnaires !
Car comme l’a fait remarquer tout à l'heure Gérard Longuet, l’État y gagne tout de même 28 millions d'euros. Monsieur le ministre, il y a là une piste à creuser pour réaliser des économies ! Peut-être devrait-on envisager de transférer l’enseignement dans son ensemble aux communes ? Voilà un vrai gisement d’économies !
Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Aux questions de principe s’ajoute, pour les petites communes, l’impossibilité pratique d’assurer le service d’accueil que le Gouvernement entend leur imposer. C’est pour cette raison que j’ai déposé avec quelques collègues un amendement visant à exonérer les communes rurales d’une obligation que, de toute manière, elles ne pourront remplir.
Observons tout d’abord que, en raison de la règle qui les oblige à organiser un service d’accueil quand le nombre des grévistes dépasse 10 % d’effectif des enseignants, les petites communes, à la différence des grandes, seront concernées par ce dispositif dès qu’un seul professeur se trouvera en grève. En effet, les communes rurales qui accueillent un groupe scolaire de plus de dix classes sont très rares ! Si le dispositif doit être mis en place dès que 10 % des enseignants sont en grève, il le sera à chaque fois !
Comment financeront-elles ce service ? Certainement pas avec l’aumône de 90 euros par paquet de 15 élèves qui a été annoncée, même si une contribution plancher de quelque 200 euros leur est royalement accordée !
Pour mémoire, le potentiel financier des communes est, par habitant, de 505 euros pour celles qui comptent moins de 500 habitants, de 718 euros pour celles dont la population s’échelonne entre 2 000 et 3 500 habitants, mais de 1 197 euros pour celles qui dépassent les 100 000 habitants. Bien sûr, elles toucheront leurs 200 ou 300 euros !
Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Surtout, où ces petites communes trouveront-elles le personnel nécessaire ? Ce ne peut être parmi les agents communaux, en nombre notoirement insuffisant, même en mobilisant les cantonniers et les secrétaires ! Ce sont surtout des intérimaires qui seront engagés. Mais où les trouver ? Où recruter, au pied levé, pour six ou sept heures, le personnel qui permettrait d’assurer ce service dans des conditions qui ne soient ni acrobatiques ni dangereuses ?
Il faut n’avoir jamais mis les pieds dans une école pour imaginer qu’une ou deux personnes non qualifiées suffiront à « garder », puisque c’est de cela qu’il s’agit, quinze à trente enfants durant six heures dans leur classe ? Ou que sept personnes pourront s’occuper d’une centaine d’élèves sous un préau, les jours de pluie, ou dans une cour – désormais débarrassée de tout ce qui pourrait conduire le maire en correctionnelle pour mise en danger d’autrui ! –, les jours de soleil ? Le tout, bien entendu, dans l’harmonie, la bonne humeur et sans risque d’accident !
Je fais remarquer à ceux qui suggéreraient d’utiliser les CLSH, les centres de loisirs sans hébergement, c'est-à-dire les centres aérés, que ceux-ci n’existent pas partout, et surtout n’accueillent pas les effectifs d’une école entière. Ces structures ne concernent que quelques élèves. Organiser un tel service pour de nombreux enfants et des écoles entières, poserait un tout autre problème !
J’espère au moins, monsieur le ministre, que vous pousserez l’obligeance jusqu’à remplacer les maires à la barre des accusés lorsqu’ils seront appelés à comparaître devant le tribunal correctionnel pour mise en danger d’autrui, car le problème essentiel est bien plus celui de la responsabilité sur le plan pénal que celui de la responsabilité administrative.
Un maire rural de mes amis, dont la commune scolarise quatre-vingt-quatorze enfants âgés de plus de six ans, a calculé que, pour assurer le nouveau service d’accueil en respectant les normes imposées à son CLSH, il lui faudrait recruter huit personnes, dont au moins quatre titulaires du BAFA.
Mais peut-être ne faut-il pas respecter lesdites normes, dont la fonction n’est que décorative.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues qui représentez largement dans cette enceinte les communes rurales, que les maires ruraux n’acceptent pas de se voir imposer unilatéralement des obligations qu’ils ne peuvent honorer.
Réunie en assemblée générale, le 15 juin dernier, à Lyon, l’Association des maires ruraux de France – qui, visiblement, n’existe pas pour vous, monsieur le ministre ! – …
… a adopté une motion introduite par la phrase suivante : « L’Association des maires ruraux de France s’oppose à l’instauration d’un service minimum d’accueil obligatoire dans le primaire. ». Elle se termine en ces termes : « Rendre obligatoire ne permet pas de rendre possible ce qui ne l’est pas. Si tel était le cas, les maires ruraux proposeraient volontiers de rendre le bon sens obligatoire pour éviter des projets de loi de cette nature. »
En votant l’amendement que nous défendrons sur ce point, mes chers collègues, vous pourrez rendre le bon sens obligatoire !
Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque nous allons très bientôt entrer dans le détail des différentes dispositions du texte, je reviendrai simplement sur quelques points qui ont été évoqués par les orateurs, que je remercie de leurs interventions, et rectifier quelques affirmations qui ne correspondent pas complètement à la réalité.
Tout d’abord, plusieurs sénateurs et sénatrices de gauche ont laissé entendre qu’il existait, derrière ce texte instituant un droit d’accueil, une volonté d’imposer aux communes l’obligation de se substituer au service d’enseignement qu’assure l’État. Je leur réponds clairement qu’il n’en est rien. Il s’agit, très précisément, d’accueillir les enfants lorsque, un jour de grève, les enseignements ne sont pas assurés. Ce service pourrait aussi être imaginé dans le cas où un enseignant absent ne peut pas être remplacé et où il est impossible d’accueillir les élèves dans d’autres classes.
Autrement dit, il s’agit d’accueillir, d’encadrer et de surveiller, mais nullement de se substituer, d’une manière ou d’une autre, à des obligations d’enseignement.
Ensuite, en ce qui concerne la question du financement de ce service, M. Collombat a rappelé la faiblesse du potentiel financier des communes. Nous ne souhaitons évidemment pas leur imposer cette dépense nouvelle et nous envisageons le principe du versement d’une contribution par l'État, qui prendra d’ailleurs plutôt la forme d’une compensation, comme l’a suggéré M. Longuet, avec l’instauration d’un minimum.
Madame Gourault, vous avez posé la question de savoir s’il fallait légiférer, en passer par ce texte ? Je crois que c’était nécessaire. Un tel dispositif a déjà été mis en place, en effet, par un certain nombre de communes, mais selon des modalités très diverses. C’est une question d’équité que de faire en sorte que, partout sur le territoire, les familles puissent trouver les mêmes services.
Au demeurant, j’ai entendu votre message, ainsi que celui de Mme Dini, et je partage votre souci d’introduire de la souplesse dans le dispositif et d’éviter d’imposer des normes excessives. Nous avons pris beaucoup de précautions avec ce texte qui, bien que normatif, puisqu’il s’agit d’une loi, vise essentiellement l’équité et nullement la contrainte.
Certains sénateurs du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen ont mis en cause l’intention même de ce projet de loi. Ils l’ont présenté comme un texte démagogique, élaboré par calcul, avec la volonté de monter les parents contre les enseignants. Ils nous ont en fin de compte suspectés d’utiliser cette loi pour servir d’autres buts que celui qu’elle vise vraiment, c'est-à-dire un service rendu aux familles. Il ne s’agit évidemment pas de cela ! Ce texte résulte simplement d’un constat que j’ai eu l’occasion de faire moi-même lors d’un déplacement, en janvier dernier, dans des communes qui avaient mis en place ce service d’accueil : le droit de grève gêne le droit de travailler, en particulier celui des mères de famille ou des familles modestes, qui ont besoin de faire garder leurs enfants.
La combinaison de ces deux droits mérite que le législateur s’en occupe. Tel est le sens du présent texte.
Je veux souligner que cette volonté législative ne dissimule aucune intention maligne d’opposer les familles aux enseignants. Bien au contraire, sachant que les familles reprochent précisément aux enseignants grévistes de leur compliquer la vie, le dispositif proposé constitue le meilleur système pour mettre fin à un tel conflit.
Madame Gonthier-Maurin, le texte ne prévoit pas que les collectivités d’outre-mer soient exclues du bénéfice de ce dispositif. En vertu du principe d’identité législative, l’ensemble de ces collectivités est concerné par le texte.
S’agissant du remplacement d’un enseignant absent, j’ai personnellement souhaité que nous rappelions dans le texte, alors que ce n’était pas son objet principal, que l’État donne l’exemple et s’oblige à trouver des solutions de remplacement plus efficaces afin d’éviter ces successions de journées sans cours que M. Bodin a évoquées. Pour permettre d’assurer la continuité du service public, j’ai donc décidé de proposer une réorganisation du remplacement, en émettant le vœu que le dispositif trouve une application rapide, sachant qu’il faut néanmoins procéder avec prudence, compte tenu de la complexité de sa mise en place.
D’autres sujets ont été effleurés au cours de cette discussion générale, qui ne constituent pas directement le « cœur de cible » du projet de loi, en particulier la question des suppressions d’emploi ou celle de la carte scolaire.
Tout d’abord, je suis extrêmement surpris d’entendre même des orateurs bien informés continuer à dire que le texte cache une quelconque pénurie. Je rappelle que le premier degré ne subit aucune suppression d’emploi. Bien au contraire, dès la rentrée prochaine, 840 emplois supplémentaires seront affectés aux écoles de France, qui ne sont pas touchées par les ajustements budgétaires et les décisions de non-renouvellement de postes.
C’est pourquoi il ne me paraît pas convenable d’invoquer cet argument dans le cadre de la présente la discussion législative.
Ensuite, concernant la carte scolaire, madame Gourault, je persiste à penser que son assouplissement doit permettre à des élèves assignés à résidence dans des quartiers difficiles de tenter leur chance dans d’autres conditions. C’est un service que nous rendons aux familles, en nous fondant sur des critères sociaux, que j’ai moi-même fixés. Il ne s’agit pas d’inciter les bons élèves à fuir. Il s’agit de permettre aux élèves méritants, qui sont titulaires de bourses sociales, qui sont handicapés ou dont les familles connaissent des difficultés particulières, de bénéficier de ce droit nouveau.
Vous avez raison d’évoquer cette question, car elle reflète l’intention constante, chez le législateur comme au sein du Gouvernement, de donner des droits supplémentaires aux familles : le droit de choisir son école, le droit de faire garder son enfant, le droit de bénéficier de la continuité des enseignements.
Telles sont bien les intentions qui inspirent le présent projet de loi, à l’exclusion de toute querelle cachée ou de la création d’une source supplémentaire de conflictualité.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Je suis saisi, par MM. Lagauche, Bodin, Dauge et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire (n° 389, 2007-2008) (urgence déclarée).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Serge Lagauche, auteur de la motion.
les dispositions du projet de loi sont non seulement inopérantes, comme plusieurs d’entre nous l’ont déjà démontré lors de la discussion générale, mais elles sont également disproportionnées au regard de l’objet du présent projet de loi, remettant en cause sa constitutionnalité.
De ce fait, ce texte comporte au moins deux motifs d’irrecevabilité.
D’abord, il s’agit de l’articulation entre le droit de grève et la continuité du service public.
Ensuite, le texte méconnaît le principe de libre administration des collectivités locales, sans compter qu’il ne prévoit aucune solution au problème de la responsabilité, y compris pénale, ce qui constituera inévitablement une source de contentieux.
Le parallèle entre la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs et le présent projet de loi a déjà été mis en évidence par différents intervenants. Il faut dire que c’est à l’occasion de la discussion du premier texte, en juillet 2007, qu’avait été évoqué, sur l’initiative du Premier ministre, le principe de l’extension de l’obligation d’un service minimum lors des jours de grève dans le service public de l’éducation.
Aujourd’hui, nous y sommes et le dispositif semble calqué sur celui qui a été mis en place dans le secteur des transports en commun. Or la simple comparaison sémantique entre les deux textes se révèle riche enseignements.
Si l’intitulé du premier projet de loi et le cœur même du dispositif mentionnaient explicitement « la continuité du service public », dans le présent texte, s’agissant de l’éducation nationale, ce principe est remplacé par l’expression « droit d’accueil ». Pourquoi ? Tout simplement parce que le projet de loi qui nous est soumis ne vise absolument pas la continuité du service public d’enseignement : il se fixe un objectif beaucoup plus minimaliste, celui d’un service d’accueil, sans lien avec les missions de l’enseignement scolaire.
Il ne s’agit nullement d’assurer l’instruction obligatoire, de dispenser un service d’enseignement en cas de grève. Il est question non pas de transmission des connaissances, de dispense d’une formation, mais de garderie, ce qui implique, d’ailleurs, la possibilité d’accueil dans des locaux autres que les établissements scolaires.
Or, la décision 79-105 DC du 25 juillet 1979 du Conseil constitutionnel a reconnu une valeur égale au droit de grève et au principe de continuité du service public :
« ...en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d’apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle ; que ces limitations peuvent aller jusqu’à l’interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ; ».
Dans un considérant de principe de la décision du 11 octobre 1984, le Conseil constitutionnel indique également : « …s’agissant d’une liberté fondamentale, [...] la loi ne peut en réglementer l’exercice qu’en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec d’autres règles ou principes de valeur constitutionnelle ; ».
À l’évidence, le texte gouvernemental ne vise pas à rendre plus effectif le droit de grève. Loin de concilier les deux principes de valeur constitutionnelle que sont le droit de grève, d’un côté, et la continuité du service public, de l’autre, il ne prétend garantir que l’un des deux droits, celui de continuité du service public, par l’instauration d’un service minimum, cassant les effets du premier droit – la grève – et durcissant ses conditions d’exercice.
Nous n’avons donc aucunement affaire à un texte de conciliation entre deux principes de valeur constitutionnelle puisqu’il ne garantit pas la continuité de la mission du service public d’enseignement « de transmettre et de faire acquérir connaissances et méthodes de travail », conformément à l’article L. 121-1 du code de l’éducation.
Le dispositif proposé va même à l’encontre des missions éducatives des écoles maternelles et primaires, en leur substituant une simple garderie non pas limitée aux seuls jours de grève, mais étendue au quotidien, à la gestion habituelle des absences d’enseignant.
Reprenons notre comparaison avec le service minimum dans les transports publics de voyageurs au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Les restrictions pouvant être apportées au droit de grève des fonctionnaires ont été limitées par la décision 86-217 du 18 septembre 1986 : « ...les dispositions [...]qui réglementent les modalités de dépôt du préavis de grève, qui indiquent les conditions dans lesquelles doivent être assurées la création, la transmission et l’émission des signaux de radio et de télévision par des sociétés chargées de l’exécution d’une mission de service public, et qui prévoient qu’un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de ces conditions, n’autorisent nullement à ce que, par l’institution d’un service normal et non d’un service minimum, il puisse être fait obstacle à l’exercice du droit de grève dans des cas où sa limitation ou son interdiction n’apparaissent pas justifiées au regard des principes de valeur constitutionnelle… ».
Or c’est bien sûr le fondement de cette jurisprudence, que la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs a été élaborée.
Le Conseil constitutionnel, saisi de cette dernière loi, a estimé, dans sa décision du 16 août 2007, à propos de la mise en œuvre d’un délai de négociation préalable au dépôt du préavis de grève – similaire à celui qui est prévu par le présent projet de loi – que, « en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d’apporter à ce droit des limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle », en précisant que « ce délai n’apporte pas de restriction injustifiée aux conditions d’exercice du droit de grève ».
C’est donc à l’évidence la base du critère de « continuité du service public » qu’il convient, aujourd’hui, de se demander si l’organisation d’un service minimum d’accueil dans les écoles publiques, les jours de grève, est juridiquement fondée.
Dans le cas du présent projet de loi, les conditions de mise en œuvre de la grève avec obligation de négociation préalable au dépôt du préavis correspondent au système validé par le Conseil constitutionnel, en 2007, pour les transports. Mais la continuité du service public invoquée pour justifier cette obligation de négociation préalable n’est pas effective ici puisque, comme je l’ai démontré précédemment, à un service public d’enseignement sera substitué un service d’accueil durant lequel, aux termes du projet de loi, aucun enseignement ne sera dispensé.
Aucun motif de continuité de service public ne saurait donc, dans le cas présent, être invoqué pour autoriser le Gouvernement à durcir les conditions d’exercice du droit de grève dans les établissements publics d’enseignement maternel et élémentaire.
Ce texte a, en réalité, un double objectif, inavoué et non assumé : il vise à durcir les conditions d’exercice du droit de grève par les personnels enseignants du premier degré et parallèlement, à permettre au Gouvernement de se défausser sur les collectivités territoriales de sa responsabilité en matière de gestion des remplacements, pour instaurer un « service d’accueil ».
Concernant les conditions d’exercice du droit de grève, la loi du 31 juillet 1963 relative à certaines modalités de la grève dans les services publics a encadré le droit de grève des agents de l’État, des collectivités territoriales de plus de 10 000 habitants et des personnels des entreprises, établissements et organismes chargés de la gestion d’un service public en soumettant celle-ci à un préavis de cinq jours, déposé par une organisation syndicale, qui précise les motifs de la grève, ses dates et sa durée.
Les grèves roulantes ou tournantes sont interdites dans la fonction publique et les entreprises soumises à cette législation.
De plus, l’article 4 de la loi du 19 octobre 1982 relative aux retenues pour absence de service fait par les personnels de l’État, des collectivités locales et des services publics a institué une obligation de négociation pendant la durée du préavis, obligation que le Gouvernement se garde bien de mettre en œuvre.
Sur le second point, l’article 2, en raison de son imprécision, volontaire ou non, laisse entendre que, lorsqu’un enseignement n’est pas dispensé, et ce quelle qu’en soit la raison, l’enfant bénéficie d’un service d’accueil. Aussi n’est-il pas illégitime de penser que sont visées l’ensemble des absences des enseignants – congé maladie, congé maternité, formation, décharge pour obligation syndicale, etc. –, et non pas seulement les absences pour fait de grève.
En outre, il n’est pas précisé, peut-être à dessein, à qui il revient d’organiser et de financer le service d’accueil. À l’État ou aux communes ? Cette thèse est parfaitement corroborée par la lecture du dispositif visé à l’article 4, qui traite du cas spécifique de l’accueil organisé, les jours de grève, par la commune.
Dans l’impossibilité d’assurer une mission de service public, il semble bien que l’État s’apprête à se désengager largement sur les collectivités territoriales pour organiser un service d’accueil qui, sur le plan légal, n’existe pas actuellement. Seraient ainsi créées de nouvelles compétences pour les collectivités sans qu’aucun fonds correspondant soit prévu. La libre administration des collectivités territoriales s’en trouve compromise, tout comme l’attribution d’une ressource en compensation de la création de cette nouvelle compétence.
C’est pourquoi nous nous interrogeons également sur la compatibilité du dispositif d’accueil imposé aux communes avec le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales et, en particulier, avec l’une des déclinaisons de ce principe, à savoir l’attribution de ressources nouvelles déterminées par la loi lorsqu’elles se voient confier une nouvelle compétence.
L’article L. 1614–1–1 du code des collectivités territoriales pose, en effet, le principe de la compensation par l’État de toute charge induite par un transfert de compétences à une collectivité territoriale et précise que les ressources rendues nécessaires par un tel transfert de charges sont « déterminées par la loi ».
Je vous rappelle, chers collègues de la majorité, que c’est sur votre initiative que cette compensation a été consacrée constitutionnellement par la révision qui a eu lieu en 2003. Maintenant, vous êtes prêts à l’oublier ! Mais il est vrai que vous commencez à en avoir l’habitude !
Ainsi, l’article 72-2 de la Constitution prévoit, depuis lors, deux types de garanties financières pour les collectivités territoriales, selon qu’il s’agit d’un transfert, d’une création ou d’une extension de compétences. D’une part, « tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice » ; d’autre part, « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».
En l’espèce, l’instauration du service minimum par les communes s’analyse comme une création de compétence plutôt que comme un transfert puisqu’un tel service n’existait pas auparavant.
La différence mérite d’être relevée dès lors que, selon la Constitution, les ressources allouées en compensation de cette création de charge devraient être déterminées par la loi, de façon arbitraire et sans aucune possibilité de comparaison avec des dépenses déjà existantes. Or le présent projet de loi ne prévoit concrètement aucune compensation financière, renvoyant au pouvoir réglementaire, autrement dit au décret, le soin de déterminer librement le montant que l’État attribuera aux communes. Il y a fort à parier que cette compensation ne se fera pas à l’euro près !
Ne faut-il pas y voir un nouveau motif d’inconstitutionnalité de ce projet de loi, puisque la Constitution prévoit bien que la compensation doit être déterminée par la loi ? Je le pense !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Parmi les arguments que M. Lagauche a exposés en faveur de son adoption, j’en retiendrai deux.
Tout d’abord, notre collègue affirme que ce projet de loi porte atteinte au droit de grève. Bien entendu, ce n’est pas l’avis de la commission : il ne s’agit pas de mettre en place un service minimum d’éducation, qui supposerait le maintien, pendant la grève, d’une activité d’enseignement, nécessairement assurée par des enseignants. Tel n’est pas le cas puisqu’il ne s’agit que de mettre en place un service d’accueil.
Ensuite, M. Lagauche prétend que ce projet de loi viole le principe de libre administration des collectivités territoriales. Autant je reconnais bien volontiers qu’il y a bien de l’attribution nouvelle d’une compétence, autant je tiens à souligner que les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale organiseront l’accueil des élèves en toute liberté.
En outre, M. le ministre a accepté que la responsabilité administrative de l’État soit substituée à celle de la commune dans tous les cas où celle-ci se trouve engagée dans le cadre de cet accueil. C’est l’objet de l’amendement n° 12, déposé par la commission.
J’ajoute que ce transfert de compétence sera, bien sûr, intégralement compensé, conformément aux textes en vigueur ; il ne s’agira pas simplement d’une dotation, mais bien d’une compensation.
Pour toutes ces raisons, la commission souhaite que soit repoussée cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
M. le rapporteur a parfaitement indiqué les raisons justifiant le rejet de cette motion.
Je rappelle que l’article 72 de la Constitution n’a pas pour objet de figer pour l’éternité les compétences de collectivités territoriales. Précisément, il appartient au législateur, conformément à la Constitution, de leur attribuer des compétences nouvelles dès lors que la situation ou les circonstances le nécessitent.
En outre, il est inexact de prétendre que l’État transfère aux communes l’une de ses compétences propres et qu’il leur demande de se substituer à lui puisque, à ce jour, de fait, il n’assure pas la continuité de l’enseignement ni l’accueil des élèves en cas de grève.
On ne saurait affirmer non plus que cette responsabilité est totalement étrangère aux communes. Je rappelle en effet que, à ce jour, elles prennent en charge la surveillance des élèves avant et après la classe, à la cantine ou le mercredi après-midi.
Précisément, nous étendons cette compétence ! En tout cas, la compétence propre de la commune n’est pas méconnue.
Enfin, il est faux de prétendre que l’État crée une charge nouvelle qui n’est pas compensée puisque nous nous sommes précisément engagés à apporter une compensation financière.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le rejet de cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Nous voterons en faveur de cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Deux motifs, à nos yeux tout à fait fondés, ont été invoqués à l’appui de cette motion : d’une part, l’« inopérabilité » et la « disproportionnalité » du texte ; d’autre part, les risques de contentieux qui en découlent.
Ce projet de loi vise en effet à substituer un service d’accueil à la continuité du service public de l’enseignement. En outre, il restreint le droit de grève en intégrant dans le code de l’éducation des dispositions qui relèvent du code du travail. Enfin, il met à mal la libre administration des collectivités territoriales.
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
La motion n'est pas adoptée.
Je suis saisi, par Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 18, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi instaurant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire (n° 389, 2007-2008).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Ivan Renar, pour la motion.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en dépit du rejet de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité déposée par nos collègues socialistes, motion que nous soutenions, le groupe communiste républicain et citoyen persiste à considérer que le Sénat doit s’opposer à ce projet de loi parce qu’il est contraire aux principes et à la lettre de notre Constitution.
Il ne respecte ni l’esprit ni la volonté du législateur qui, lors de l’adoption des dernières lois de décentralisation, a tenu à inscrire à l’article 72-2 de notre Constitution que «toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».
Il n’est question ni de contribution ni de compensation !
Or, chacun en conviendra, rien dans ce texte ne répond à cette exigence constitutionnelle. Sur la base de ce seul motif, si clairement défini, notre assemblée devrait décider qu’il n’y a pas lieu de poursuivre nos délibérations.
Il en est de même de la mise en cause du droit de grève, pourtant garanti par la Constitution. Les nouvelles restrictions prévues ne s’appliqueront qu’à une seule catégorie des fonctionnaires, qui sont pourtant tous régis par le même statut, et même qu’à une seule partie du corps enseignant.
Ainsi, en cas de conflit de l’ensemble de fonctionnaires, les enseignants des écoles maternelles et élémentaires, contrairement à leurs collègues du secondaire et à leurs collègues de la fonction publique, seront tenus de respecter des obligations spécifiques.
Sous couvert d’un « droit d’accueil minimum » pour le bénéfice des parents et des enfants, l’État s’exonère de sa responsabilité d’employeur dans la gestion des conflits qui l’opposent à ses salariés en sommant les maires de gérer les crises à sa place, et cela au prétexte de la gêne occasionnée par une grève des enseignants, gêne qu’il faudrait réduire au nom même des valeurs du service public et de sa continuité.
Plutôt que de légiférer, il serait préférable que l’État-patron développe, dans ce pays, une véritable culture de la négociation.
Ainsi, à vous écouter, le Gouvernement et la majorité se soucieraient enfin de ce que font les enfants quand les parents travaillent ! Mais vous vous arrêtez en cours de route, en fait aussitôt après avoir démarré : seuls quelques jours dans l’année vous intéressent.
Vous préoccupation est très sélective : vous rédigez un projet de loi visant à assurer, en moyenne deux à quatre jours par an, l’accueil des enfants ; en revanche, vous ne manifestez pas le moindre intérêt pour l’accueil des jeunes, le soir après l’école, à midi, entre les cours, le mercredi, le samedi matin et durant toutes les vacances scolaires. Pourtant, il s’agit là d’un casse-tête pour les parents, qui ont du mal à supporter le coût des différents modes de garde et prestations qu’ils doivent assumer, sans même parler du temps passé à essayer de trouver des solutions. Vous ne pouvez ignorer ce qu’est la course quotidienne de ces mères de famille qui doivent arriver en temps et en heure à l’école pour récupérer leur enfant !
Mais vous ne vous sentez pas concernés par le quotidien de millions de familles, …
… ni par les problèmes de garde des enfants de moins de trois ans dont les parents travaillent et à qui l’on offre des services chers et insuffisants. En revanche, quelques jours de grèves par an, ça, c’est insupportable !
Est-ce pour faciliter la vie des familles que vous décidez arbitrairement que les enfants n’iront plus à l’école le samedi matin, et que le Gouvernement envisage de déréglementer le droit du travail en favorisant le travail le dimanche ? Que vont faire les enfants pendant ce temps ? Quelles solutions seront proposées aux parents qui travaillent ? Aucune !
Alors, comment croire que l’objectif du présent projet de loi est de répondre aux besoins, aux inquiétudes des parents ?
Non, votre cible est tout autre ! Après la loi sur le service minimum dans les transports, c’est le droit de grève des enseignants qui est ici visé.
Il est clair qu’il s’agit d’un projet de loi à la fois idéologique – tout est idéologique dans cette affaire ! – et d’affichage politique. La stratégie consiste, une fois de plus, de diviser les Français tout en portant atteinte à l’un des droits les plus fondamentaux de la République.
Vous avez d’abord tenté de mobiliser les maires dans cette espèce de croisade antigrève, mais le résultat fut très décevant. Vous avez alors joué la carte du volontariat et de la mobilisation militante des maires de votre parti, avec incitations financières à la clé, mais le succès ne fut pas davantage au rendez-vous, pas même à Saint-Quentin, comme l’a plaisamment rappelé notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin. À gauche comme à droite, des maires n’ont jugé ni utile ni pertinent de vous suivre.
Aussi ne vous restait-il plus que la loi pour contraindre la quasi-totalité des maires de France, qui refusent de mettre en œuvre vos préconisations. En effet, le texte constitutionnel prévoit que les collectivités locales s’administrent librement. Les maires ont donc le droit de ne pas vouloir suivre votre volonté.
Compte tenu du risque de voir se lever un front du refus, il a donc été décidé de légiférer afin de soumettre les 22 000 maires de France, et ce alors même que, en ce qui concerne la concertation, avec les partenaires sociaux, les associations d’élus et les parents d’élève, vous vous êtes contenté, pour le coup, du service minimum.
Devant la crainte d’une contestation légitime, vous avez pris la décision de présenter ce texte à la fin du mois de juin, de le faire adopter en juillet, lorsque les enfants, les parents, de nombreux élus, bref, la France est en vacances.
En outre, ce texte posant plus de problèmes qu’il n’en résout, vous avez choisi d’utiliser la procédure d’urgence pour réduire le travail parlementaire, y compris celui de vos propres amis.
Pourtant, ce projet de loi a une portée considérable. Il concerne plus de cinq millions d’élèves et leurs familles, 22 000 communes ayant au moins une école sur leur territoire, des centaines de milliers de fonctionnaires territoriaux, sans compter les 330 000 enseignants du premier degré !
Devant la complexité de cet important dispositif, vous aviez déclaré en début d’année que l’expérimentation devait se dérouler dans le cadre d’un processus de concertation. Qu’en est-il ? Personne n’a établi le bilan de ces expérimentations. Selon la presse, lors des dernières journées de grèves, là où l’accueil a été organisé, moins de 10 % des parents y ont eu recours. Notre excellent collègue Philippe Richert écrit dans son rapport qu’il n’y aurait eu que 31 000 élèves accueillis dans 2 800 communes, soit une moyenne de onze élèves par commune.
Ces chiffres sont tellement ridicules, équivalant à moins d’une demi classe non par école, mais par commune, qu’ils prouvent que cette loi n’est ni urgente ni nécessaire. D’autant que rien n’est prévu dans l’hypothèse où les personnels chargés du service d’accueil se mettraient eux aussi en grève !
Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Après le paquet constitutionnel sur le droit de grève, l’égalité des fonctionnaires, la libre administration des collectivités locales et leur financement pour toute compétence nouvelle, nous considérons, et c’est la deuxième raison de notre question préalable, qu’il n’y a pas lieu de légiférer en ce domaine, et encore moins de cette façon.
Cette nouvelle restriction du droit de grève, la deuxième en moins d’un an, est inquiétante pour tous les salariés de notre pays, qu’ils relèvent du secteur public ou du secteur privé. La grève venant, par définition, perturber un service, une fabrication, il se trouvera toujours de bonnes raisons, ou de bons esprits, pour tenter d’en réduire le droit. Personne n’est à l’abri de nouvelles restrictions !
Mais, par-delà le droit de grève, ce projet est aussi très dangereux pour notre système éducatif. En effet, sous couvert de création d’un service d’accueil à l’occasion de grèves qualifiées d’« importantes » dans l’exposé des motifs du projet de loi, et sous le prétexte de mouvements de grève, vous signez la fin des remplacements des enseignants absents dans les écoles maternelles et élémentaires.
Le danger est bien là, même si, dans le projet initial, la formulation était suffisamment large et peu explicite pour passer sans encombre l’avis du Haut Conseil de l’éducation et du Conseil supérieur de l’éducation.
La commission a déposé un amendement dans lequel elle formule explicitement cet objectif. Ainsi, sous couvert d’un faux argument sur les difficultés, certes réelles, des parents les rares jours de grève, vous réduisez vos responsabilités éducatives. Après le savoir minimum, avec le socle commun de la réforme Fillon, voici le service minimum de garderie, organisée par l’éducation nationale. Vous mettez donc, dans le code de l’éducation, la garderie scolaire au même niveau que les principes de l’éducation nationale que sont l’obligation scolaire et la gratuité.
M. le rapporteur écrit même, dans son rapport que – je résume –, derrière la notion d’obligation scolaire, l’obligation d’accueil serait concomitante à l’élément éducatif, dans l’attente des parents. Dès lors, la puissance publique organisatrice du service d’enseignement devrait prendre cette évolution en compte. C’est grave !
Si ce texte était adopté en l’état, les enseignants pourraient, aux termes du code de l’éducation, ne plus être remplacés. Ainsi, le Gouvernement n’aura-t-il plus l’obligation de prévoir les effectifs de remplacement nécessaires à la continuité du service public d’éducation.
M. le rapporteur propose de supprimer l’obligation de remplacement des maîtres, considérant que, devant les difficultés d’y parvenir, l’accueil est aujourd’hui devenu essentiel.
Il y a là une dérive difficilement acceptable. Elle laisse penser que l’enseignement serait devenu accessoire. C’est la conception même de l’école et de l’instruction publique qui est en jeu.
Rien dans l’exposé des motifs de ce projet de loi ne laissait présager que l’accueil scolaire serait organisé pour pallier l’absence des enseignants, quelle qu’en soit la cause. Certes, la deuxième phrase de l’article L. 133-1 du code de l’éducation, créé par l’article 2 de ce projet de loi, était suffisamment floue pour permettre une interprétation imprécise de la loi. Je remercie le rapporteur d’en expliciter le contenu. Mais le projet de loi prend dès lors une tout autre direction, une tout autre ampleur, une tout autre signification. Il doit donc être réécrit afin de mettre en cohérence son intitulé, ses objectifs, ses motivations et sa rédaction. C’est la troisième raison de notre question préalable, d’autant que la preuve est maintenant faite que ce projet ne répond pas à l’obligation de clarté et d’intelligibilité de la loi.
Enfin, d’autres points contenus dans ce texte manquent pour le moins de précision et les amendements proposés par la commission viennent souvent en brouiller un peu plus la compréhension.
Ainsi, le texte dispose que les communes sont les autorités organisatrices des services de garderie les jours de grèves, mais il ne prévoit pas les règles d’encadrement de cette activité afin d’assurer l’égalité, la qualité et la légalité de cette prestation.
Devant les critiques, fondées, de l’Association des maires de France, la commission propose que l’État conserve la responsabilité administrative. Ce faisant, les responsabilités seront diluées, avec tous les risques juridiques qui en découlent. Les maires seront toujours pénalement et civilement responsables, sans qu’aucun cadre ait été fixé quant aux moyens qu’ils sont tenus de mettre en œuvre. Quelle insécurité pour les élus, mais plus encore pour les enfants et leurs parents !
Tous les articles du projet manquent de clarté et de précision… sauf celui qui a trait à la limitation du droit de grève ! Ils portent tous la marque de la précipitation. Seul l’affichage politique et idéologique recherché est finalement assuré. Là, il n’y a pas d’ambiguïté !
Néanmoins, cela ne suffira pas à masquer la contestation grandissante que provoque la politique éducative du Gouvernement, qui limite toujours plus les moyens budgétaires et humains consacrés à l’enseignement.
Mes chers collègues, les critiques, observations et interrogations que je viens d’exposer nous conduisent à demander au Sénat d’adopter la question préalable afin de rejeter l’ensemble de ce texte.
Monsieur Renar, votre intervention, que j’ai écoutée toute l’attention qu’elle méritait, appelle quelques observations.
Tout d’abord, je tiens à le rappeler, les représentants des familles d’enfants scolarisés en maternelle et en primaire nous ont dit avec la plus grande clarté que la mise en place du droit d’accueil était une bonne chose. C’est une réalité !
À partir de là, il fallait examiner selon quelles modalités ce droit d’accueil pouvait être mis en œuvre. L’éducation nationale pouvait-elle l’organiser dans chaque commune ? Ce n’était pas possible. Nous avons alors exploré d’autres pistes. Telle fut notre démarche.
Monsieur Renar, dans votre exposé, vous avez fait référence parfois au texte initial, parfois aux amendements de la commission. Vous avez notamment affirmé que le rapporteur proposait que les remplacements ne soient plus effectués, le service d’accueil venant se substituer au remplacement qui est aujourd’hui organisé par le ministère. Mais la commission propose exactement le contraire !
Dans ses amendements, la commission indique de façon explicite qu’il revient à l’éducation nationale, en cas d’absence de professeurs étrangère à l’exercice du droit de grève, de mettre en place un service de remplacement. Nous l’avons précisé dans le texte de nos amendements afin de bien montrer que le service public de l’éducation et donc le remplacement des enseignants absents constituaient pour nous une priorité. Vous ne pouvez donc pas me reprocher de vouloir amoindrir ce service de remplacement !
Vous avez par ailleurs affirmé une nouvelle fois que nous portions atteinte au droit de grève. C’est faux ! Contrairement à ce que certaines associations auraient d’ailleurs souhaité, nous ne substituons pas, lors d’une grève, un service d’éducation au service d’éducation : nous mettons simplement en place un droit d’accueil qui permet de garantir la sécurité des enfants et de répondre aux besoins des familles. Nous ne proposons pas une réquisition des enseignants, comme d’aucuns auraient pu le souhaiter en allant au bout d’une certaine logique. Ce serait difficile, sauf à ce que M. le ministre propose des mesures allant dans ce sens.
J’en viens à la contribution financière de l’État.
Il est vrai que le texte initial n’évoquait pas la compensation ; la commission a donc décidé d’y introduire cette notion. Nous aborderons ce sujet à l’article 8. Je demanderai alors à M. le ministre de consentir un effort supplémentaire assez important pour aller au-delà du montant envisagé en le portant à 120 euros, au lieu 90 euros, par tranche de quinze élèves.
Telles sont les raisons pour lesquelles je demande au Sénat de ne pas donner suite à la demande de M. Renar et de ses collègues du groupe CRC.
Je ferai trois observations afin de compléter l’excellente argumentation de M. le rapporteur.
Tout d’abord, je ne comprends pas l’idée qui a également été avancée lors de la défense de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, idée selon laquelle le Gouvernement contreviendrait au principe constitutionnel qui impose à l’État de prévoir des compensations financières lorsqu’il crée une charge nouvelle pour les communes.
Cette compensation est prévue dans le projet de loi. Il détermine les modalités de calcul et ne renvoie à un décret que la fixation du montant. Cela ne peut se faire autrement que par la voie réglementaire : fixé dans la loi, ce montant se trouverait nécessairement figé dans le temps. Cette démarche relève donc du bon sens et ne contrevient en rien à la Constitution.
Ensuite, le projet de loi ne porte pas atteinte aux droits de grève des enseignants. Il n’est pas question de réquisition, ni de création d’un service d’enseignement qui se substituerait au service régulièrement assuré par les fonctionnaires. Il s’agit simplement de créer un service pour accueillir les enfants les jours de grève, avec deux cas de figure envisageables : en cas de grève peu intense, on répartit les enfants dans les classes, et donc l’État s’en occupe. Lorsque la grève est plus importante, que cette répartition est impossible, on organise un accueil.
Enfin, monsieur Renar, vous recourez à un argument que je suis tenté de qualifier d’argutie ; nous nous connaissons suffisamment pour que je prenne la liberté d’utiliser ce mot !
Vous nous dites que nous allons trop vite. La preuve en est, dites-vous, que, lors des précédentes grèves, cela concernait finalement peu d’élèves, une demi-classe par commune. Mais à qui la faute ? C’est précisément parce que les communes socialistes et communistes, voulant s’opposer à la proposition du Gouvernement, ont refusé de mettre en place ce dispositif que le nombre d’enfants concernés a été limité.
On ne peut pas refuser qu’un service soit rendu et s’étonner ensuite qu’un nombre peu élevé de familles en ait bénéficié.
Je ne savais pas qu’il y avait autant de communes de gauche ! Celles qui sont sans étiquette seraient donc, en réalité, socialistes ou communistes !
Au demeurant, lorsqu’on cite le nombre de communes, il faudrait aussi mentionner leur taille. Au mois de janvier dernier, 30 % de communes plus de 100 000 habitants ont mis ce dispositif en place.
J’ai donc trouvé le raisonnement astucieux, mais « argutieux » !
Sourires
Je mets aux voix la motion n° 18, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
La motion n'est pas adoptée.
I. – L'intitulé du titre III du livre Ier du code de l'éducation est remplacé par l'intitulé suivant :
« TITRE III
« L'OBLIGATION SCOLAIRE, LA GRATUITÉ ET L'ACCUEIL DES ÉLÈVES DES ÉCOLES MATERNELLES ET ÉLÉMENTAIRES ».
II. – Le titre III du livre Ier du code de l'éducation est complété par un chapitre III intitulé :
« CHAPITRE III
« L'accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires ».
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 38, présenté par M. Lagauche, Mme Blandin, M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Serge Lagauche.
L’article 1er crée au titre III du livre Ier du code de l’éducation un chapitre III consacré à « l’accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires ». L’intitulé du titre III est modifié en conséquence et, de « L’obligation et la gratuité scolaires », devient « L’obligation, la gratuité et l’accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires ».
Ainsi, au détour d’un projet de loi ne visant, officiellement, qu’à régler un problème ponctuel, l’accueil des enfants les jours de grève des enseignants, le Gouvernement attribue au service public d’éducation une nouvelle mission, l’« accueil » des élèves du premier degré des écoles publiques, sans en préciser les contours, sauf pour ce qui concerne les jours de grève.
On connaît les difficultés que rencontre le Gouvernement pour remplacer les enseignants et assurer la continuité du service public d’enseignement. Mais lui seul peut en être tenu pour responsable de ces difficultés ! La politique de suppression massive de postes menée depuis 2002 dans l’éducation nationale rend de plus en plus difficile le maintien de ce service public : plus de 30 000 postes ont été supprimés en six ans, et on nous annonce pour 2009 plus de 16 000 nouvelles suppressions de postes dans l’enseignement scolaire !
Dans ces conditions, nous ne saurions accepter de modifier les missions de l’enseignement primaire et nous opposons à l’ajout d’un chapitre consacré, de façon générale, à l’accueil des enfants, sans qu’il soit précisé à qui, dans quel cas et avec quels moyens financiers et humains il incombera d’y pourvoir.
L'amendement n° 19, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé proposé par le I de cet article pour le titre III du livre Ier du code de l'éducation :
L'obligation scolaire et la gratuité
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
En présentant cet amendement, nous marquons notre volonté de refuser de mettre sur le même plan le service d’accueil et les principes qui fondent notre service public, ses objectifs premiers que sont à la fois l’obligation scolaire et la gratuité de l’enseignement public.
Même si vous souhaitez créer le service d’accueil dont il est question dans ce projet de loi, nous vous demandons, mes chers collègues, de ne pas modifier pour autant l’intitulé du titre III du livre Ier du code de l’éducation.
Le livre Ier de ce code définit les principes généraux de l’éducation. Nous considérons que l’on ne peut pas y assimiler l’accueil scolaire, sauf à vouloir transformer les bases même de notre système éducatif. Certes, le rapport de notre collègue Philippe Richert ouvre la porte à cette transformation des missions puisque l’accueil y est considéré comme le premier de ces principes. C’est ce que nous réfutons.
En effet, si l’accueil devenait l’élément premier, a minima, pourrait-on dire, de notre système public d’éducation, les priorités de celui-ci se trouveraient inversées : les pouvoirs publics devraient satisfaire d’abord et avant tout à cette exigence d’accueil, avant même de répondre à la nécessité de dégager les moyens nécessaires à la mise en place des missions d’éducation.
En cette période de révision générale des politiques publiques, de diminution drastique des dépenses publiques et d’affirmation de la volonté de réduire notablement les effectifs de l’éducation nationale, une telle modification ouvrirait la porte à la mise en place d’un nouveau corps d’animateurs de garderie, sans doute de droit privé et totalement précarisé, en lieu et place des services de remplacement des enseignants de nos écoles maternelles et élémentaires. Une telle dérive serait dangereuse pour l’avenir de notre pays.
Nous refusons une telle perspective, qui abaisserait nos ambitions éducatives, et nous espérons, mes chers collègues, que nombre d’entre vous sont, comme nous, trop attachés à notre système d’éducation pour en transformer les principes essentiels, qui font partie de notre pacte social et républicain.
Aussi, nous vous demandons de voter cet amendement. Nous sommes persuadés que, si vous tenez à mettre en place ce type de service d’accueil, il est d’autres endroits du code de l’éducation pour l’inscrire.
L'amendement n° 20, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Il s’agit d’un amendement de cohérence avec le précédent amendement. Il est donc défendu.
Vous ne serez évidemment pas surpris, mes chers collègues, que la commission soit défavorable à ces trois amendements de suppression totale ou partielle.
J’estime en mon âme et conscience qu’il est important, parce qu’absolument nécessaire, de pouvoir accueillir les enfants pendant des grèves. Cela ne signifie évidemment pas que je considère cet accueil comme prioritaire par rapport à la mission d’éducation ! Le rôle premier de l’école, bien entendu, est de transmettre les connaissances, le savoir-faire et le « savoir-être » : c’est l’éducation. Pour autant, nous ne pouvons pas nous voiler la face et faire semblant d’ignorer les difficultés réelles auxquelles peuvent se heurter les familles.
C’est la raison pour laquelle je pense que ce projet de loi est bienvenu : il faut organiser le droit d’accueil pour les élèves en période de grève, seul moment dont nous nous occupons ici.
Ce n’est qu’avec les articles suivants que nous déciderons comment l’organiser. Or vous le refusez dès à présent sous prétexte que vouloir l’instaurer signifierait vouloir lui donner la priorité sur le besoin d’éducation. Mais non !
Nous estimons que ce n’est pas prioritaire, mais nous estimons également qu’il est nécessaire que les élèves soient accueillis en cas de grève, parce que cela correspond à un vrai besoin des familles. Le nier serait, je crois, aller contre la réalité.
Je partage, bien sûr, l’avis du rapporteur. Le Gouvernement ne saurait être favorable à des amendements dont l’objet principal est de supprimer un des éléments essentiels du projet de loi.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l'amendement n° 38.
Je tiens à préciser que nos amendements visent seulement à ce que le vocable « accueil » ne soit pas inscrit dans l’intitulé du titre III, de façon qu’il ne soit pas mis sur le même plan que les principes qui guident notre service public de l’éducation.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
Dans le chapitre III du titre III du livre Ier du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 133 -1. – Tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique est accueilli pendant le temps scolaire obligatoire pour y suivre les enseignements prévus par les programmes. Lorsque ces enseignements ne peuvent pas être dispensés, il bénéficie d'un service d'accueil. »
Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 39 est présenté par M. Lagauche, Mme Blandin, M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 21.
Depuis des mois, les déclarations présidentielles et vos diverses interventions, monsieur le ministre, tendent à faire croire à l’opinion que vous avez la volonté de répondre aux problèmes que les parents rencontrent lors des mouvements de grève des enseignants.
Nous ne reviendrons pas sur l’ensemble de l’argumentation que nous avons développée pour contester cet objectif. Connaissant notre désaccord sur ce projet de loi, vous ne serez pas étonnés, mes chers collègues, que nous vous demandions la suppression de son article 2.
Vous me permettrez toutefois une remarque essentielle, qui renforce encore les raisons de cette demande de suppression.
Monsieur le ministre, l’alibi des grèves est au centre de vos déclarations et de l’exposé des motifs du projet de loi. Or l’article 2 n’y fait nullement allusion. Il s’avère donc que votre argument, déjà contestable en lui-même, est un rideau de fumée destiné à cacher une réforme bien plus grave encore.
En effet, l’article précise que le service d’accueil serait mis en place quand l’enseignement ne pourrait être dispensé, c’est-à-dire : pour quelque raison que ce soit. Si nous refusons qu’un système d’accueil soit mis en place lors des mouvements de grève, nous refusons encore plus qu’un tel service soit instauré en lieu et place du remplacement des enseignants absents.
Pour ces raisons, nous proposons la suppression de cet article et, si nous ne sommes pas suivis par le Sénat, nous demanderons que celui-ci se prononce sur l’article par scrutin public.
L’article 2 prévoit que, lorsqu’un enseignement n’est pas dispensé, et quelle que soit la raison de cette carence, les enfants bénéficient d’un service d’accueil.
Si nous comprenons bien, monsieur le ministre, vous avez commencé par attirer l’attention de l’opinion publique sur l’intérêt et la nécessité de répondre aux parents lorsque des enseignants étaient absents pour fait de grève. Mais qu’en est-il des autres absences ? Votre argument concernant les journées de grève ne serait-il pas le cheval de Troie qui permettra de demander systématiquement aux communes de mettre en place un service d’accueil dès qu’un enseignant est absent ? On peut se poser la question pour les congés de maladie, pour les congés de maternité, pour les stages de formation des maîtres, pour les décharges pour obligations syndicales, etc., et pas seulement pour les absences pour grève !
Nous avons besoin d’un éclaircissement sur cette question, car il faut bien avouer que la lecture de l’article 2 nous laisse penser que sont visés tous les cas d’absence, de quelque nature que ce soit. Or il n’est pas précisé à qui, de l’État ou des communes, il revient alors d’organiser et de financer ce service d’accueil.
Il est donc inopportun de prévoir la mise en place d’un tel service d’accueil tant qu’il reste insuffisamment encadré par la loi.
L'amendement n° 2, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-1 du code de l'éducation, après les mots :
temps scolaire
supprimer le mot :
obligatoire
La parole est à M. le rapporteur.
Dans sa rédaction actuelle, le texte qui nous est présenté par le Gouvernement indique que le service d’accueil est mis en place « pendant le temps scolaire obligatoire ». Certains ont objecté que l’école maternelle n’est pas obligatoire. C’est exact. En revanche, une fois qu’un enfant y est, le temps scolaire devient obligatoire.
Bien que le texte nous paraisse suffisamment clair, il nous paraît utile, pour éviter le risque de mauvaises interprétations, de supprimer le mot « obligatoire » : certains pensaient que nous voulions rendre l’école maternelle obligatoire, ce qui n’est évidemment pas du tout le cas !
L'amendement n° 3, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-1 du code de l'éducation :
Lorsque par suite de l'absence ou de l'empêchement du professeur habituel de l'élève et de l'impossibilité de le remplacer, ces enseignements ne peuvent lui être délivrés, il bénéficie gratuitement d'un service d'accueil.
La parole est à M. le rapporteur.
Nous souhaitons, pour que personne ne s’y trompe, réécrire la seconde phrase du futur article L. 133-1 de façon à bien préciser les conditions dans lesquelles interviennent les communes, à savoir uniquement lorsque, en période de grève – et nous préciserons de nouveau ce point à l’article 4 –, le service d’enseignement n’a pas pu être organisé, et à rappeler clairement que le rôle de l’éducation nationale est d’organiser le service d’éducation.
L'amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Gélard et Alduy, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-1 du code de l'éducation, après le mot :
dispensés
insérer les mots :
pour cause de grève des enseignants
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Arnaud et Zocchetto, Mmes Payet, Dini et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-1 du code de l'éducation, remplacer le mot :
bénéficie
par les mots :
peut bénéficier
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques n° 21 et 39 ?
J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer tout à l’heure pourquoi je ne souhaite pas la suppression de l’article 2, qui pose le principe de la mise en place de ce service d’accueil pour l’école maternelle et l’école élémentaire.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n 2 ainsi que sur l’amendement n° 3, qui conforte, me semble-t-il, la philosophie du dispositif : le droit d’accueil est consacré en cas d’absence de l’enseignant, quelle qu’en soit la cause, mais il rappelle aussi que le devoir de l’État est de remplacer les enseignants dans toute la mesure possible, hormis le cas où l’enseignant est gréviste.
Par conséquent, nous nous situons bien dans le cadre des missions qui sont celles de l’État, c'est-à-dire remplacer les enseignants, et non pas dans le cadre de la mission que nous souhaitons confier aux communes et qui consiste à accueillir les enfants lorsque l’enseignement est interrompu. Je pense d’ailleurs que ces dispositions sont de nature à rassurer M. Bodin.
En revanche, le Gouvernement émet un avis défavorable aux amendements de suppression de l’article.
Les amendements ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 2.
Je ne voudrais pas faire de mauvais esprit, monsieur le rapporteur, mais autant vos explications me paraissent claires, autant, loin de clarifier les choses, me semble-t-il, vos amendements les compliquent.
S’agissant de l’amendement n° 2, en quoi la suppression du mot « obligatoire » signifie-t-elle que la maternelle n’est pas concernée ? À partir du moment où l’on vise « le temps scolaire », puisque les élèves admis à l’école maternelle sont dans le temps scolaire, ils devraient bénéficier de ce service.
Quant à l’amendement n° 3, les explications mises à part, je ne vois pas en quoi il clarifie les choses. Il serait beaucoup plus clair d’écrire que cela ne concerne que les cas de grève. C’est très exactement ce que prévoyait l’amendement n° 26 rectifié, et je regrette que nos collègues Patrice Gélard et Jean-Paul Alduy n’aient pas été là pour le défendre.
L'amendement est adopté.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l’amendement n° 3.
Nous tenons à remercier M. Philippe Richert d’avoir déposé, au nom de la commission, cet amendement n° 3 ! En effet, à la lecture de l’article 2 du projet de loi, nous nous interrogions sur sa signification. Pourquoi aucune référence à la grève ne venait-elle justifier ce service d’accueil, alors que l’exposé des motifs était clair ? Était-ce un oubli des rédacteurs ou une mise en réserve pour un développement ultérieur ?
Grâce à l’amendement de la commission, nous comprenons mieux les objectifs du Gouvernement et de sa majorité. L’accueil les jours de grève n’est qu’un alibi pour, d’une part, restreindre le droit de grève d’une partie des enseignants – pour commencer – et, d’autre part, pour tenter de régler le problème du remplacement des enseignants absents pour cause de maladie ou de formation, et cela sans être obligé de recruter et en faisant même des économies en postes et sur le budget.
Sous prétexte que les parents se plaignent quand un enseignant est absent et qu’ils sont contraints de garder leur enfant, ce texte semble régler une partie du problème. Les enfants seront accueillis en toutes circonstances. Qu’importe que cela mette à mal notre système éducatif et sa qualité.
D’ailleurs, des idéologues bien-pensants…
… ne proposent-ils pas de supprimer l’école maternelle sous sa forme éducative ? Nous sommes, ne l’oublions pas, les seuls en Europe à posséder une telle structure éducative.
Alors, remplacer un enseignant par un animateur quelques jours par an, cela ne devrait pas poser de problème ! C’est le pragmatisme ambiant… Et si, de surcroît, cette dérive permettait de reposer la question de l’utilité de la maternelle, ce serait une très bonne chose.
C’est la même problématique pour les classes élémentaires : réduire les coûts, tel est le seul objectif. Plus la peine de prévoir cette cohorte d’enseignants remplaçants : des animateurs précaires ou à la retraite devraient suffire !
Mais personne ne soulève la question de la qualité de notre enseignement et des risques pour les enfants les plus en difficulté, et pour les plus dissipés.
L’école ne sera plus le lieu de l’instruction et de l’éducation, ce sera aussi un terrain de jeux et d’aventure, y compris, parfois, quand les copains travaillent.
Ce non-remplacement des maîtres risque d’être désastreux pour l’avenir scolaire de nombreux enfants. Les programmes ne seront pas achevés, les retards s’accumuleront.
Nous ne pouvons accepter qu’au nom de la réduction des dépenses on fasse ainsi des économies sur le dos de notre jeunesse. L’école est un investissement d’avenir pour toute notre population, quelle que soit son origine. Restreindre ses moyens, c’est faire peser un grand risque sur l’avenir des populations les plus fragiles. C’est rompre, ainsi, notre pacte social et républicain.
Pour toutes ces raisons, nous refusons l’amendement de la commission et nous confirmons notre demande de scrutin public sur l’article 2.
Il s’agit en fait surtout pour moi, monsieur le président, de demander des explications.
Quand un professeur est absent pour fait de grève, comme nous l’a indiqué M. le ministre tout à l’heure, il y a effectivement rupture du service public d’enseignement. Dès lors, un service d’accueil est mis en place, même si c’est dans des conditions qui ne nous satisfont pas.
Lorsqu’un professeur est absent pour cause de maladie, il s’agit bien d’une rupture du service public d’enseignement et on le remplace par un service d’accueil.
Il est dit dans l’amendement n° 3 : « Lorsque par suite de l’absence ou de l’empêchement du professeur habituel de l’élève et de l’impossibilité de le remplacer, ces enseignements ne peuvent lui être délivrés, il bénéficie gratuitement d’un service d’accueil. »
Il n’est pas dit que, lorsqu’un professeur est absent pour raison de maladie, l’élève bénéficie gratuitement d’un « service d’enseignement » ! Il n’est pas dit qu’il y a « poursuite du service public d’enseignement » lorsque le professeur est absent pour raison de maladie !
Quel que soit le motif, en cas de grève comme en cas de maladie, dans les deux cas, c’est l’accueil !
Les choses sont très claires : lorsqu’un professeur est malade ou absent, il est remplacé.
Supposons que nous ne sachions que très tardivement qu’un enseignant absent ne pourra pas être remplacé et que, pour une raison inexplicable, et peu probable, cette absence dure. Que fait-on ? Laisse-t-on les enfants à la rue ? Non, ils sont accueillis dans les classes.
S’il ne s’agit que d’un seul professeur, c’est la règle générale qui s’applique, c’est-à-dire que les élèves sont répartis entre les différentes classes et il n’y a pas de problème. Mais s’il s’agit d’un nombre important de professeurs, 10 % ou 20 %, selon un seuil que nous fixerons, nous organiserons cet accueil.
Ne parlons pas des cas extrêmes, rarissimes et finalement peu probables que nous avons évoqués par stricte honnêteté intellectuelle, une grippe, par exemple.
M. Xavier Darcos, ministre. Le principe est de ne pas laisser les élèves à la rue au cas où le remplaçant qui viendrait pour enseigner, car il s’agit bien d’un remplaçant pour assurer la continuité du service d’enseignement et du service de garde, n’aurait pas pu rejoindre son poste. C’est plutôt une précision en faveur des usagers que nous avons voulu introduire ici.
M. Dominique Mortemousqueapplaudit.
L'amendement est adopté.
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 117 :
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.