En effet, les maires ont compris que ce texte allait les mettre en danger, financièrement et juridiquement, les deux étant étroitement liés. Le danger financier vient tout simplement du fait que la mise en place de ce « service d’accueil » comporte une inconnue de taille pour les communes : elles seront dans l’incapacité de savoir à l’avance le nombre d’enfants qu’elles auront à accueillir. Elles risquent donc d’engager des dépenses supérieures à la contribution que vous voudrez bien leur accorder.
Retiendrez-vous le forfait de 90 euros par tranche de quinze élèves accueillis, tel qu’il a été appliqué lors de l’expérimentation ? Ce montant est insuffisant, vous le savez : les maires ont rapidement fait le calcul. Nous n’aurons pas le loisir, malheureusement, de débattre réellement de cette « contribution », ainsi nommée dans l’article 8 du projet de loi, puisque son montant, établi en fonction du nombre d’élèves accueillis, et les modalités de son versement seront fixés par décret.
Pourtant, le troisième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, lequel est le garant de la libre administration des collectivités territoriales, prévoit expressément que « toute création… – et c’est bien de cela qu’il s’agit ici – … ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. », c’est-à-dire ici par nous, sénatrices et sénateurs, conjointement avec les députés.
Pour clarifier les choses, nous avions déposé deux amendements à l’article 8 en faveur du versement d’une « compensation intégrale financière », calculée en fonction du « nombre d’enseignants grévistes ». Ces deux amendements ont été rejetés par la commission des finances au motif, bien pratique, qu’ils étaient irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. C’est bien la preuve, monsieur le ministre, que votre « contribution » ne couvrira pas la dépense que ce service occasionnera aux communes.
Après l’article 89 de la loi du 13 août 2004 faisant obligation aux communes de financer les écoles privées, le Gouvernement impose le service d’accueil : c’est une double peine pour les communes, notamment pour les moins bien dotées et les communes rurales.