Si l’article 2, en instituant un service d’accueil généralisé en cas d’absence, ne portait pas une atteinte grave à notre service public d’enseignement scolaire, je saluerais la prévoyance du Gouvernement, car ce dernier sait pertinemment qu’il aura de moins en moins de moyens pour assurer les remplacements. Nous avons tous en tête les suppressions massives de postes : 11 200 en 2008, 17 000 annoncées en 2009.
Parallèlement, souvenons-nous de la série de jugements rendus en 2003 sur ce sujet par le tribunal administratif de Versailles, jugements qui l’ont conduit à affirmer qu’il est du devoir de l’État d’assurer le remplacement des professeurs absents. Dans les onze affaires jugées, le tribunal a condamné l’État à verser aux parents d’élèves plaignants des sommes comprises entre 150 et 450 euros, selon le nombre d’heures de cours non dispensées.
Voici ce que, chaque fois, le tribunal a jugé : « La mission d’intérêt général d’enseignement impose [à l’État] l’obligation légale d’assurer l’enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites aux programmes. Le manquement à cette obligation légale [...] est constitutif d’une faute de nature à engager [sa] responsabilité [s’il se poursuit] pendant une période appréciable ». Quant au « manque de crédits budgétaires allégué par le recteur de l’académie de Versailles ou les démarches qu’il aurait mises en œuvre », ils « ne sauraient exonérer l’administration de la responsabilité qui lui incombe », ont estimé les juges.
Voilà bien ce que le Gouvernement entend éviter à l’avenir, en substituant un droit d’accueil, un service de garderie en somme, à la continuité du service public d’enseignement. L’État ne sera plus contraint de remplacer un enseignant par un autre. Ajoutons qu’il n’est nullement précisé dans cet article à qui incombe ce service d’accueil. Dès lors, il n’est pas injustifié d’y voir un nouveau moyen pour le Gouvernement de se défausser de ses responsabilités sur les collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, tel est le réel objectif de ce texte.
La ligne de votre politique, c’est l’habillage de la pénurie. Pour s’en rendre compte, il suffit de remettre vos mesures en perspective.
Vous annoncez l’amputation de deux heures de l’horaire hebdomadaire de travail des élèves. Comment peut-on croire que c’est en travaillant moins que l’on fera mieux ? Comment les enseignants parviendront-ils à réaliser en classe ce qu’ils n’arrivaient pas à faire avec deux heures en moins ?
Vous prônez le recentrage sur les fondamentaux en primaire, caractéristique de cette école du « retour » que votre majorité met en place depuis la publication du rapport Thélot, de cette école d’« avant-mai 68 », d’avant la massification, de cette école d’antan largement mythifiée, alors qu’elle n’était destinée qu’à une élite.
Vous défendez la suppression de l’année de formation professionnelle des futurs enseignants, celle qui justement leur permet de développer et d’adapter leurs capacités pédagogiques, pour pouvoir faire comprendre aux élèves ce qui ne l’a pas été une première fois. Selon vos propres termes, il s’agit « d’en finir avec trente ans de pédagogisme qui a laissé croire qu’on pouvait apprendre en s’amusant ».
Cela va à l’encontre de la professionnalisation des enseignants, et, malgré ce que vous semblez croire, il ne suffit pas d’avoir des connaissances pour savoir les transmettre.