Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 26 juin 2008 à 9h30
Droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

L’habillage social du texte, après la provocante annonce du Président de la République, au lendemain de la grève des enseignants, pourrait faire illusion : nous avons tous été des parents actifs de jeunes enfants, plus ou moins désemparés à la veille de la fermeture d’une classe pour cause de grève. Et nous n’étions pas de ces fortunés dont la nounou était mobilisable !

Toutefois, nous avons aussi été des parents avertis par des maîtres grévistes soucieux de ne pas nous prendre au dépourvu ; des parents observant les maîtres présents se partager les élèves ; des parents organisés se répartissant les enfants ; des parents solidaires, aussi, qui constataient que les enseignants se mettaient rarement en grève et se mobilisaient plus souvent contre l’alourdissement des effectifs ou la suppression de filières que pour leur propre salaire, pourtant peu élevé.

Monsieur le ministre, quand, dans votre présentation de ce projet de loi, vous affirmez vouloir placer « l’intérêt de l’enfant au-dessus des contingences » – y compris les conflits et les grèves –, vous présentez les mouvements enseignants comme étant de nature exclusivement corporatiste et sous-entendez qu’ils seraient, par définition, opposés aux intérêts de l’enfant. Pour notre part, nous affirmons que les grèves menées pour la sauvegarde d’une classe, par exemple, vont dans le sens des intérêts de l’enfant. La preuve en est que les parents les accompagnent.

Nous avons entendu les orateurs de la majorité évoquer « les parents qui ont les moyens de faire garder leurs enfants » ou souligner que « ce sont les familles qui payent jusqu’à présent ». Or, d'une part, tout service rendu n’est pas marchand et les liens entre voisins sont d’un autre ordre ; d'autre part, dans votre dispositif, ce sont toujours les familles qui payent, à travers leurs impôts.

Qu’observons-nous, aujourd'hui, nous parlementaires ? Que, sous couvert de rendre aux parents un service que vous auriez pu judicieusement confier aux affaires sociales, c’est la mission même de l’école que vous modifiez. Ce ne sera désormais plus seulement d’éducation, mais aussi d’accueil que traitera le code de l’éducation.

Vous envoyez aux parents le message selon lequel, du pilier du savoir initial qu’est l’école, endroit où se partage et se transmet la connaissance, on fait désormais un lieu pratique, où l’on dépose les enfants, que des enseignants soient ou non présents. Ce n’est pas rien !

On aurait pu imaginer que vous organisiez pour les parents un service social commode, mais qui n’émane pas de l’instruction et de l’éducation publiques. Or vous avez préféré étendre de façon subsidiaire le rôle de l’école. Le message n’est pas anodin !

Au passage, bien sûr, vous affaiblissez le mécanisme de la grève, dont la gêne qu’elle suscite, c'est-à-dire l’éducation qui n’est pas dispensée, risque, hélas, pour certains parents – sans doute ceux dont les enfants en auraient le plus besoin – de peser bien peu au regard de la facilité créée par l’accueil.

Il s'agit aussi d’un signal symbolique fort pour les enfants : ceux-ci peuvent aller à l’école pour être simplement « gardés ».

Dans certains pays d’Amérique latine, ce rôle d’accueil est pris au sérieux. Il n’est pas un palliatif, mais une mission permanente, à côté de l’éducation, qui comprend le suivi sanitaire, de modestes apports vestimentaires, le matériel et une nourriture suffisante et équilibrée.

Nous avons bien compris que telle n’était pas l’ambition du Gouvernement, qui a même accusé les collectivités de réaliser des dépenses inutiles quand elles achètent des livres, et qui, dans ce texte, n’a même pas évoqué le problème de la cantine !

Le présent projet de loi reflète bien toutes les motivations qui ont animé le Gouvernement : rendre l’accueil obligatoire, mais en se déchargeant sur les collectivités, au risque que le dispositif ne puisse être mis en œuvre, ou alors à des coûts accrus, et que des problèmes de responsabilité se posent ; susciter, à la hâte, une vague dynamique de négociation préalable, dont l’absence a plus souvent été le fait de l’employeur que des syndicats ; contraindre les enseignants à déclarer de façon anticipée leur intention de faire grève, au risque d’une rupture d’anonymat. Ces deux dernières dispositions risquent d'ailleurs de transgresser la convention n° 87 l’Organisation internationale du travail sur le droit de grève.

Le rapporteur, dont on peut saluer la célérité – la déclaration d’’urgence est tellement devenue notre lot habituel que je m’étonne que la révision de la Constitution n’en ait pas fait la procédure de droit commun ! –, ainsi que le talent, …

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